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Full text of "OEuvres de Henri d'Andeli, trouvère normand du 13e siècle, pub. avec introduction, variantes, notes et glossaire par A. Héron"

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t 


SOCIÉTÉ  ROUENNAISE 

DE 

BIBLIOPHILES 

1  <^ 


77/ 


N»  37 
M.  RENÉ  DESGENÉTAIS 


SïA'v'  'kVl^dSi, 


\) 


ŒUVRES 


DB 


HENRI  D'ANDELI 


TROUVÈRE  NORMAND   DU  XIU®   SIECLE 


PUBLIEES    AVEC 


INTRODUCTION,      VARIANTES,      NOTES     ET     GLOSSAIRE 


A.    HERON 


ROUE.\ 


IMPRIMERIE     DE     ESPERANCE     CAGNIARD 
M.  DCCC.  LXXX 


PQ 


n.6894 


INTRODUCTION 


I 

HENRI  D'ANDELI 

Le  charmant  récit  dans  lequel  Henri  d'Andeli  nous 
montre  le  grave  Aristote  cédant  docilement  à  la  fan- 
taisie de  la  belle  Indienne  dont  il  avait  voulu  détacher 
Alexandre,  resta  longtemps  populaire,  —  nous  en  avons 
pour  preuve  les  représentations  qui  en  ont  été  faites 
sur  divers  monuments  par  les  artistes  du  moyen  âge 
jusqu'au  début  même  de  la  Renaissance,  —  mais  le  nom 
de  l'auteur  paraît  être  tombé  de  bonne  heure  dans 
l'oubli.  Le  président  Fauchet  ne  le  cite  point  parmi  les 
cent  vingt-sept  poètes  français  vivant  avant  l'an  1300, 
dont  il  a  recueilli  les  noms  ;  il  parle  bien  de  Roger 
d'Andeli  (1),  auteur  d'une  ou  de  deux  chansons,  et  qu'il 
appelle,  on  ne  sait  pourquoi,  Rogerin,  mais  il  est  muet 
sur  Henri  d'Andeli.   Au  xvni^   siècle,  le  comte    de 

(1)  Recveil  de  Vorigine  de  la  langve  et  poésie  françoîse, 
ryme  et  romans,  etc.  Paris,  1581,  liv.  II,  p.  156. 


VIII  INTRODUCTION 

Caylus  (1)  analyse  le  Lai  d'Aristote,  sans  en  désigner 
l'auteur;  Legrand  d'Aussy  (2)  cite  son  nom,  mais  ne 
cherche  pas  à  fixer  sa  personnalité.  L'abbé  de  La  Rue 
est,  à  ma  connaissance,  le  premier  qui  ait  tenté  de 
pénétrer  le  mystère  qui  le  recouvre.  Dans  ses  Essais 
historiques  sur  la  ville  de  Caen  (3),  il  décrit  le  chapi- 
teau de  l'église  Saint-Pierre,  où  se  trouve  repré- 
sentée la  scène  principale  du  Lai  d'Aristote  ;  mais  il  se 
borne  à  rappeler  le  fabliau  dont  l'artiste  s'est  inspiré, 
ainsi  que  le  nom  de  l'auteur  ;  c'est  dans  ses  Essais  his- 
toriques sur  les  bardes^  les  jongleurs  et  les  trouvères 
normands  et  anglo-normands,  publiés  en  1834,  qu'il 
l'identifie  pour  la  première  fois  avec  un  chanoine  de 
Rouen,  nommé  Henri  d'Andeli,  dont  il  crut  retrouver 
le  nom  dans  un  Cartulaire  de  Bayeux. 

«  Ce  trouvère,  dit-il,  était  chanoine  de  Rouen.  Le 
pape  le  délégua  en  1216,  avec  Guillaume  de  Marleiz, 
chanoine  de  la  même  église^  pour  juger  le  procès  exis- 
tant entre  Raoul,  archidiacre  de  Bayeux,  et  Pierre, 
curé  de  Percy,  chapelain  de  la  chapelle  castrale  de 

(1)  Mémoire  sur  les  fabliaux,  juillet  1746,  publié  dans  les 
Mémoires  de  Littérature  tirés  des  Registres  de  VAcadém,ie 
des  Inscriptions  et  Belles-Lettres  de  Paris,  1753,  t.  XX, 
p.  362-364. 

(2)  Fabliaux  ou  contes...  du  XII'  et  du  XIII'  siècle,  éd.  Re- 
nouard,  1829,  t.  I,  p.  273  et  suiv.;  t.  III,  p.  35  et  suiv.  — 
Not.  et  Ext. des  mss.  de  la  Bihl.  nat.,  etc.,  t.  V,  p.  496  et  suiv. 

(3)  T.  I,  p.  97. 


INTRODUCTION  IX 

Thury  (Harcourt) ,  qui  réclamait  des  droits  préju- 
diciables à  ceux  de  l'archidiacre  (1).  » 

M.  P.  Meyer  (2)  a  précisé  cette  indication  en  faisant 
connaître  que  l'acte  mentionné  par  l'abbé  de  La  Rue 
se  trouve  dans  le  Livre  noir  de  l'église  de  Bayeux 
(manuscrit  appartenant  actuellement  au  chapitre  de 
Bayeux) ,  au  fol.  56  v^,  sous  le  n"  212,  et  que  les 
juges  délégués  par  le  pape  y  sont  ainsi  désignés  : 
«  H.  de  Andeleio  et  G.  de  Marleiz,  canonici  Rothoma- 
genses.  » 

Outre  que  l'identification,  affirmée  sans  réserve  par 
l'abbé  de  La  Rue,  ne  repose  que  sur  une  similitude  de 
nom,  le  document  cité  par  lui  ne  suffirait  pas  à  établir 
l'existence  d'un  chanoine  du  nom  de  Henri  d'Andeli,  si 
d'autres  documents  ne  la  prouvaient  pas  d'une  manière 
péremptoire.  Il  y  a,  en  effet,  des  chances  pour  que  les 
deux  chanoines  désignés  par  le  Cartulaire  de  Bayeux 
ne  soient  ni  Henri  d'Andeli  ni  Guillaume  de  Marleiz.  H 
y  avait  bien,  à  cette  époque,  dans  le  chapitre  de  Rouen, 
un  chanoine  nommé  Henri  d'Andeli  qui  remplissait, 
comme  on  le  verra  plus  loin,  les  fonctions  de  chantre  ; 
mais  on  trouve  aussi,  au  même  temps  et  dans  le  même 
chapitre,  un  autre  chanoine  du   nom  de    Hébert  ou 

(1)  Essais  historiques  sur  les  bardes,  etc.,  t.  III,  p.  33. 

(2)  Henri  d'Andeli  et  le  chancelier  Philippe,  dans  la  Roma' 
nia,  no  2,  avril  1872,  p.  190. 

2 


X  INTRODUCTION 

Herbert  d'Andeli  (1).  Il  est  donc  possible  que  le  chanoine 
délégué  par  le  pape  ait  été  Hébert  ou  Herbert  et  non 
Henri  d'Andeli,  d'autant  plus  que  le  titre  de  chantre 
que  portait  ce  dernier  n'est  pas  mentionné.  J'ajouterai 
pour  le  cas  où  une  circonstance  inattendue  appellerait 
l'attention  de  quelque  érudit  sur  le  nom  du  second 
chanoine  désigné  dans  le  Livre  noir  de  Bayeux,  que  ce 
nom  pourrait  bien  n'être  pas  Guillaume,  mais  Gilbert 
de  Marleiz  (2). 

(1)  L'existence  de  ce  chanoine  est  attestée  par  les  pièces  sui- 
vantes :  lo   Charte    du    commencement   du    xiiie    siècle,  

magistro  Herberto  de  Andeli,  canonico  Rothom.  (Archives  de 
la  Seine-Inférieure,  fonds  de  Jumièges  ;  pièce  comm.  par  M.  de 
Beaurepaire.)  —  2"  Vidimus  d'une  charte  datée  du  14  des  calendes 

d'octobre    1208 Satum  per   manus   Heherti  de  AndeV. 

canonioi  Rothomagensis  apud  Focardimontem.  (Cart.  du  cha- 
pitre de  Rouen,  n»  214,  f.  120  v,  Biblioth.  de  Rouen.)  — 
3»  Charte  de  1209  (no  43  du  Cart.  du  prieuré  de  Bourg-Achard, 
ms.  de  la  Bibl.  nat.,  no  177)  citée  par  M.  Louis  Passy  {Bibl.  de 

r École  des  chartes,  5e  série,  t,   II,   p.    364) Datum  per 

manum  Héberti  de  Andelico,  canonioi  Rothomagensis...  anno 
gratiœ  1209.  —  4°  Le  chirographe  dont  il  sera  parlé  plus  loin. 
—  Enfin  rObituaire  de  l'église  de  Rouen,  publié  par  M.  L.  Delisle, 

place  au  24  mars  la  mort  de  ce  chanoine  :  «  24  mars Magis- 

ter  Hebertus  de  Andely,  saoerdos  et  canonicus.  {Recueil  des 
historiens  des  Gaules  et  delà  France,  t.  XXllI,  p.  361.) 

(2)  Il  y  eut  en  effet  à  cette  époque,  dans  le  chapitre  de  Rouen, 
deux  chanoines  appelés  Guillaume  de  Marleiz  et  Gilbert  (Gisle- 
bertus  ou  Gillebertus)  de  Marleiz.  Le  nom  de  Guillaume  de 
Marleiz  se  trouve  (p.  370)  dans  le  Chronicum  Rotomag.  publié  par 


INTRODUCTION  M 

L'abbé  de  La  Rue  aurait  pu  trouver  dans  Dom  Pom- 
meraye  des  renseignements  plus  sûrs  et  plus  précis. 
Dans  le  chapitre,  où,  après  avoir  parlé  de  la  dignité  et 
des  prérogatives  du  cbantre  de  l'église  de  Rouen,  il 
donne  la  nomenclature  de  ceux  qui  remplirent  cette 
fonction,  l'historien  de  la  cathédrale  dit  en  effet  (1): 
«  Henry  d'Andely,  au  mesme  endroit  (Cartulaire  du 
chapitre),  p.  118,  environ  1212,  du  temps  de  Robert, 
prieur  du  Mont-aux-Malades,  et  dans  une  charte  de 
Gautier,  archevêque  de  Rouen,  de  l'an  1207.  Il  est 
nommé  avec  Roger  Doyen ,  Guillaume ,  Philippe  et 
Raoul  Archidiacres  (2).  »  L'historien  de  Rouen,  Farin, 

le  P.  Labbé  dans  sa  Nova  Bibîiotheca  manuseriptorum  (t.  I)  et 
reproduit  dans  le  t.  XVIII  des  Historiens  des  Gaules  et  de  la 
France  (p.  359  b),  —  le  nom  est  orthographié  de  Marliz,  —  dans 
la  Normanniœ  nova  Chronica  (p.  16,  l^e  col.),  publiée  par 
M.  Chéruel  d'après  le  ms.  de  la  Bibl.  de  Rouen,  dans  les 
Mémoires  de  la  Société  des  A  ntiquaires  de  Normandie,  t.  XVIII, 
1850.  —  A  cet  endroit,  une  note  de  M.  L,  Delisle  fait  connaître 
quelques  actes  où  l'autre  chanoine,  Gilbert  de  Marleiz,  est  men 
lionne.  A  ces  indications,  je  puis  ajouter  les  suivantes  :  Gilbert  de 
Marleiz  est  cité  dans  le  Cartulaire  du  chapitre,  sous  le  n"  263, 
f.  140  ro,  et  dans  le  Cartulaire  de  Louviers,  publié  par  M.  Bon- 
nin,  t.  I,  p.  183.  Enfin,  cette  simple  désignation,  G.  de  Marleiz,  se 
trouve  dans  le  Cartulaire  du  chapitre,  sous  les  nos  223,  f.  125  v»,  et 
224,  f.  126  ro,  et  dans  le  Cartulaire  de  Louviers,  p.  143  et  164. 

(1)  Histoire  de  l'église  cathédrale  de  Rouen,  etc.,  1686, 
liv.  III,  ch.  VII,  p.  337. 

(2)  Ce  passage  renferme  une  inexactitude.  Le  f.  118  de  l'an- 
cienne pagination,  120  de  la  nouvelle,  du  Cartulaire  du  chapitre, 


Xn  INTRODUCTION 

dans  la  liste  qu'il  donne  des  grands  chantres  de  la 
cathédrale,  mentionne  aussi  «  Henry  d'Andely  »  sous  la 
date  de  1207  (1). 

Avant  d'examiner  s'il  y  a  lieu  d'admettre  ou  de 
rejeter  l'identification  proposée  par  l'abbé  de  La  Rue, 
il  est  indispensable  de  donner  ici  les  quelques  rensei- 
gnements que  j'ai  pu  trouver  sur  le  chanoine  Henri 
d'Andeli  ;  ils  permettront  de  fixer,  d'une  manière  plus 

donne  le  Vidimus  de  l'archevêque  Robert  dont  j'ai  déjà  parlé.  Il 
n'y  est  pas  question  de  Robert,  prieur  du  Mont-aux-Malades,  et 
au  lieu  du  nom  de  Henri  d'Andeli,   on  lit  au  yo  :  «  Datum  per 

manus  Heberti  de  AndeV *  Quant  à  la  charte  de  1207,  copiée 

sous  le  n»  217,  f.  121,  oa  y  lit  seulement  :  « Henrico  ca/n- 

tore »;  mais,  comme  nous  le  verrons,  c'est  bien  de  Henri 

d'Andeli  qu'il  s'agit. 

A  ce  propos,  il  est  curieux  de  voir  comment  les  erreurs  se 
forment  ou  s'aggravent  en  passant  d'un  ouvrage  à  l'autre.  L'histo- 
rien des  stalles  de  la  cathédrale  de  Rouen,  S.-H.  Langlois,  a 
manifestement  emprunté  à  D.  Pommeraye  ce  passage,  où  il  dit 
(p.  174)  :  «  Dans  le  Cartulaire  du  chapitre  de  Notre-Dame  de 
Rouen,  on  trouvait,  sous  la  date  de  1212,  et  dans  une  charte  de 
l'archevêque  Robert  Poulain,  sous  celle  de  1207,  un  Henry 
d'Andely  désigné  comme  chantre  de  la  cathédrale.  »  Ce  qui  était 
chez  D.  Pommeraye  environ  1212,  devient  chez  K.-H.  Langlois, 
sows  Za  date  de  i Pi ^;  de  plus,  Robert  Poulain  est  substitué  à 
Gautier,  bien  qu'il  n'ait  été  nommé  archevêque  de  Rouen  que  le 
23  août  1208,  en  remplacement  de  Gautier  de  Coutances,  mort  le 
16  novembre  1207. 

(1)  Histoire  de  la  ville  de  Rouen,  3e  édition,  1738,  t.  III, 
p.  300. 


INTRODUCTION  XIU 

précise  qu'on  ne  l'a  fait  jusqu'à  présent,  l'époque  à 
laquelle  il  vécut,  et,  si  je  ne  me  trompe,  éclaireront 
d'un  jour  tout  nouveau  cette  question  délicate. 

La  première  mention  que  l'on  trouve  du  chanoine 
Henri  d'Andeli  appartient  aux  dernières  années  du 
xn*  siècle.  «  Dès  1198,  dit  M.  A.  Deville  dans  une  note 
de  l'ouvrage  de  E.-H.  Langlois  sur  les  stalles  de  la 
cathédrale  de  Rouen  (1),  apparaît  le  nom  de  Henry 
d'Andely  sur  une  charte  que  possède  la  Bibliothèque 
publique  de  Neufchâtel  (2)  en  Normandie:  «  Testibus... 
Henrico  de  Andeli,  canonicis  rothomagensibus...  anno 
M°  0°  xc°  vin".  »  Henri  d'Andeli  (Henrico  de  AndeleioJ 
figure  comme  témoin  dans  une  charte  non  datée,  mais 
du  temps  de  Raoul  de  Kaili  (Cailli) ,  maire  de  Rouen  (3) 
(Archives  de  la  Seine-Inf.,  F.  du  Mont-aux-Malades). 
En  1201,  une  charte  de  l'archevêque  Gautier  le  men- 
tionne ainsi  :  Henr.  de  Andel.,  avec  son  titre  de  cha- 
noine de  Rouen  (Archives  de  la  Seine-Inf.,  F.  de 
Jumiéges).  Son  nom  se  trouve  encore  dans  une  charte 
datée  des  calendes  de  mai  1205  (Archives  de  la  Seine- 
Inf.,  Cart.,  de  St-Ouen,  n°  28  b,  p.  295).  Plus  tard,  le 
21  septembre   1207,  dans   une    charte  par    laquelle 

(1)  P.  174,  n.2. 

(2)  Cette  charte  ne  se  trouve  plus  dans  la  bibl.  de  Neufchâtel  ; 
j'ignore  ce  qu'elle  est  devenue. 

(3)  D'après  Farin,  Raoul  de  Cailly  fut  maire  de  Rouen 
€n  1198. 


XIV  INTRODUCTION 

Gautier  de  Coutances,  archevêque  de  Rouen,  donne  à 
son  chapitre  l'église  de  Saxetot  (1),  on  lit  :  «  Testibus, 
Rogero  cantore,  magistro  Simone  cancellario,  Henrico 
de  Andeleio  et  magistro  Columbo  de  Mascone,  cano- 

nicis  Rothomagensibus  (2)  ; ».  La  même  année 

1207,  Gautier  rend  au  chapitre  «  quasdam  procura- 
tiones  et  subsidia  panis  et  vini  temporalia  »  qu'ils 
possédaient  du  temps  de  Rotrou,  son  prédécesseur; 
parmi  les  témoins  de  cette  charte,  Henri  est  nommé 
comme  chantre,  Henrico  cantore  y  à  côté  de  Roger, 
doyen,  et  de  Guillaume,  Raoul  et  Philippe,  archi- 
diacres (3).  Il  est  appelé  ici  simplement  Henri  ;  mais 
un  des  documents  suivants  nous  montrera  que  c'est 
bien  de  Henri  d'Andeli  qu'il  s'agit.  Roger  étant  encore 
chantre  ^e  21  septembre  1207,  et  l'archevêque  Gautier 
étant  mort  le  16  novembre  de  la  même  année,  il  en 
résulte  que  ce  fut  entre  ces  deux  dates  que  Henri 
d'Andeli  fut  investi  de  cette  importante  fonction. 

(1)  Sassetot-le-Malgardé,  Seine-Inf.,  arr.  de  Dieppe,  cant.  de 
Bacqueville. 

(2)  Cette  charte,  publiée  par  M.  Bonnin  (Cartulaire  de  Louviers, 
t.  I,  p.  153),  se  trouve  dans  le  Cartulaire  du  chapitre  de  Rouen, 
BOUS  le  no  269,  f.  141  v»  à  142  r».  Une  copie  existe  aux  Archives 
de  la  Seine-Inf.,  F.  du  chapitre  de  Rouen,  liasse  relative  à 
Sassetot-le-Malgardé . 

(3)  C'est  bien,  comme  on  le  voit,  la  charte  indiquée  par  D.  Pom- 
meraye.  —  Cart.  du  chapitre,  n»  217,  f.  121,  et  Archives  de  la 
Seine-Inf.,  F.  du  chapitre. 


INTRODUCTION  XV 

En  1208,  Henri,  chantre  de  l'église  de  Rouen,  et 
Robert,  prieur  du  Mont-aux-Lépreux  (1),  «JST.,  cantor 
Rothomagensis  et  R. ,  prior  de  Monte  Leprosorum  », 
juges  arbitres  désignés  par  le  saint-siége  ,  rendent 
leur  sentence  sur  la  contestation  existant  entre  l'abbé 
et  les  religieux  de  Saint-Taurin  et  les  frères  Robert  et 
Thomas,  clercs  de  Louviers,  à  l'occasion  du  droit  de 
présentation  à  l'église  de  Louviers  (2). 

Henri  est  encore  mentionné  comme  arbitre  dans  la 
lettre  écrite,  en  1210,  par  l'archevêque  de  Rouen, 
Robert  Poulain,  et  le  châtelain  d'Arqués,  Guillaume 
de  la  Chapelle,  au  roi  Philippe-Auguste,  qui  les  avait 
chargés  de  procéder  à  une  enquête  sur  le  privilège  de 
Saint-Romain  :  <  Noverit  excellentia  vestra  quod, 
juxta  tenorem  litterarum  vestrarum  quas  nobis  trans- 
misistis,  convocavimus,  coram  nobis,  apud  sanctum 
Audoenum,  in  festo  apostolorum  Pétri  et  Pauli 
proxime  praeterito,  Eenricum  cantorem (3)  » 

(1)  Aujourd'hui  le  Mont-axu-Malades,  commune  du  Mont-Saint- 
Aignan,  près  Rouen. 

(2)  Bonnin,  Cartvlaire  de  Louviers,  sous  le  vfi  cxxi.  Cet  acte 
est  extrait  du  grand  Cartulaire  de  Saint-Taurin,  f.  221  r»,  aux 
Archives  de  l'Eure. 

(3)  Cette  lettre  a  été  publiée  par  M.  Floquet  dans  son  Histoire 
du  ^privilège  de  Saint-Romain,  t.  II,  p.  601,  aux  pièces  justifi- 
catives, d'après  un  ms.  de  la  Bibl.  nat.,  qui  la  déclare  contenue 
dans  le  Cartulaire  du  chapitre  de  Rouen;  elle  s'y  trouve  en  effet, 
sous  le  no  225,  f.  126  r«.  Le  Cartulaire  ne  donne   pas    la   date  ; 


XVI  INTRODUCTION 

Henricus  cantor,  est  encore  mentionné  dans  une 
charte  datée  du  3  des  nones  de  septembre  1215  (Ar- 
chives de  la  Seine-Inf.,  F.  de  Saint- Amand). 

En  1218,  le  7  des  calendes  de  juin  (26  mai),  le  doyen 
et  le  chapitre  de  l'église  de  Rouen  donnent,  par  un 
chirographe,  à  Henri  d'Andeli,  chantre  et  chanoine, 
H.  de  Andel.  cantori  et  canonico  nostro^  six  livres 
de  revenu  annuel  sur  l'église  de  Brachy,  «  in  ecclesia 
nostra  de  Braci  »;  ces  six  livres  seront  reçues,  tant 
que  ledit  chanoine  vivra,  par  les  mains  de  deux  cha- 
noines, à  savoir  :  par  maître  Herbert  d'Andeli  et  par 
Guillaume  de  Saint-Paul,  «  per  magistrum  Herbertum 
de  Andel.  et  per  Guilielmum  de  S.  Paulo  (1)  ». 
Herbert  étant,  dans  cette  pièce,  désigné  en  toutes 
lettres,  il  n'est  pas  douteux  que  l'initiale  H.  représente 
Henri  d'Andeli. 

D'après  D.  Pommeraye,  Henri  n'était  plus  chantre 
en  1220.  «  Robert  de  Saint-Nicholas,  dit-il,  se  trouve 
avoir  exercé  cette  charge  en  divers  endroits  depuis 
l'an  1220  jusqu'à  1225,  au  mois  de  juillet  (2).  » 

celle  de  1210  se  lit  dans  le  ms.  cité  par  M.  Floquet.  La  pièce 
conservée  aux  Archives  de  la  Seine-lnf.  (F.  du  chapitre,  pièces 
relatives  au  privilège  de  Saint-Romain),  porte  la  date  de  1209. 

(1)  Archives  de  la  Seine-Inf.  :  communiqué  par  M.  Ch.  de  Beau- 
repaire.  Je  dois  en  outre  à  l'inépuisable  obligeance  du  savant  ar- 
chiviste de  la  Seine-Inférieure  toutes  les  mentions  tirées  des  pièces 
contenues  dans  le  dépôt  dont  il  a  la  jgarde. 

(2)  Hist.  de  la  cath.  de  Rouen,  1.  cit. 


INTRODUCTION  XVII 

Le  Cartulaire  de  Louviers,  déjà  cité,  contient  en 
effet  (t.  I,  p.  182)  une  charte  par  laquelle  nous  voyons 
que  Robert  était  chantre  en  novembre  1223,  et  ce 
même  Robert  est  désigné  comme  chantre  en  1225,  dans 
le  Cartulaire  du  chapitre  de  Rouen,  sous  le  n**  327, 
f.  164  r°. 

n  résulte  donc  des  renseignements  que  j'ai  pu 
recueillir  que  cet  Henri  d'Andeli  fut  chanoine  au  plus 
tard  en  1198,  qu'il  obtint  la  dignité  de  chantre  en  1207 
et  qu'il  ne  remplissait  plus  cette  fonction  en  1220  ou 
tout  au  moins  en  1223. 

Avant  d'en  rien  conclure  sur  l'identification  proposée 
entre  le  chanoine  et  le  trouvère,  examinons  d'abord  les 
raisons  qu'on  a  données  à  l'appui. 

L'abbé  de  La  Rue,  qui  l'a  mise  en  avant,  se  borne  à 
l'affirmer  en  se  fondant  seulement  sur  la  similitude 
de  nom,  et  cette  assimilation  est  admise  par  tous  ceux 
qui  se  sont  occupés,  après  lui,  de  notre  trouvère. 
E.-H.  Langlois  accepte  l'opinion  de  son  devancier, 
sans  le  nommer  et  en  laissant  croire  qu'il  est  arrivé  à 
cette  identification  par  ses  recherches  personnelles  (1). 
Il  la  soutient  par  deux  raisons  :  «  D'abord,  dit-il,  je 
considère  l'identité  de  temps,  de  nom  et  de  surnom,  et 
le  peu  d'importance  de  la  patrie    du   chantre  et  du 

(1)  Un  passage  de  la  notice  de  M.  F.  Vautier  sur  l'abbé  de 
La  Rue,  dans  les  Nouveaux  Essais  historiques  sur  la  ville  de 
Caen,  etc.,  t.  I,  p.  xlvij.,  fait  comprendre  pourquoi  Langlois  a 
jugé  à  propos  de  ne  rien  dire. 

3 


XVIII  INTRODUCTION 

rimeur,  dont  la  faible  population,  surtout  à  une  époque 
encore  demi-barbare,  ne  pouvait  que  par  un  bien  sin- 
gulier hasard  produire  deux  contemporains  homo- 
nymes, l'un  et  l'autre  d'un  mérite  remarquable  (1) .  » 
Il  est  permis  de  dire  que  cet  argument  est  plus  spécieux 
que  concluant.  «  Mais,  continue-t-il,  j'établis  mon 
opinion  sur  une  base  plus  solide  encore  :  c'est  la 
chasteté  d'expression  qui  règne  dans  les  écrits  de  notre 
poète,  réserve  sur  laquelle  il  a  soin  d'appeler  lui- 
même  l'attention  du  lecteur  (2).  »  Cette  chasteté 
d'expression  a  frappé  en  effet  tous  ceux  qui,  jusqu'à 
présent,  se  sont  occupés  de  notre  trouvère.  M.  P. 
Meyer  remarque  que  ses  œuvres,  «  sans  avoir  toute  la 
gravité  des  écrits  d'un  autre  chanoine  normand  plus 
célèbre,  "Wace,  ne  présentent  cependant  rien  qui  n'ait 
pu  être  pensé  et  dit  par  une  personne  engagée  dans  les 
ordres  (3).  »  Et  cependant,  bien  qu'il  constate  que, 
dans  le  Dit  du  chancelier  Philippe,  Henri  d'Andeli 
prend  la  qualification  de  clerc  (v.  251),  ce  qui  semble 
venir  à  l'appui  de  l'identification,  la  sûreté  de  son 
esprit  critique  le  garde  d'une  affirmation  absolue;  il  se 
borne  à  juger  très  probable  que  le  chanoine  et  le  poète 
sont  un  seul  et  même  personnage.  Et,  en  effet,  si  la 

(1)  Stalles  de  la  cathédrale  de  Rouen,  p.  175. 

(2)  Deux  mots,  tout  au  plus,  dans  les  ouvrages  de  notre  trou- 
vère ,  pourraient  choquer  la  délicatesse  moderne  ,  mais  ils 
pouvaient  n'avoir  rien  de  malséant  à  l'époque  où  il  écrivait. 

(3)  Romania,  nog,  avril  1872,  p.  191. 


INTRODUCTION  XEC 

décence  qu'on  remarque  dans  le  style  des  pièces  en 
question,  autorise  à  admettre  qu'un  chanoine  ait  pu 
les  écrire,  elle  ne  donne  pas  le  droit  de  conclure  qu'il 
ait  dû  les  écrire.  Si,  dans  certains  fabliaux,  nous 
voyons  la  licence  portée,  dans  le  choix  du  sujet  et  dans 
l'expression,  jusqu'à  ses  dernières  limites,  quelques 
autres ,  en  revanche ,  composés  par  des  trouvères 
laïques,  gardent  la  plus  stricte  convenance,  et  n'offrent 
jamais  rien  qui  puisse  blesser  la  délicatesse  la  plus 
scrupuleuse. 

On  peut  établir  par  un  argument  décisif  que  le  trou- 
vère et  le  chanoine  ont  été  deux  personnages  différents. 
Le  Dit  du  chancelier  Philippe  a  été  composé  au  plus 
tôt  en  1237,  puisque  ce  personnage  est  mort  le  26  dé- 
cembre 1236  ;  Henri  d'Andeli  prend  soin  de  fixer  lui- 
même  cette  date  : 

Qui  de  sa  mort  veut  savoir  terme 

M.  et  ce.  et  XXXVI 

Joigne  ensemble,  et  tôt  issis 

De  sa  mort  saura  vérité, 

L'andemain  de  Nativité.  (V.  246-250.) 

J*ai  prouvé  plus  haut  que  le  chanoine  de  môme  nom, 
nommé  chantre  en  1207,  ne  l'était  plus,  soit  en  1220, 
comme  l'affirme  D.  Pommeraye,  soit  en  1223,  ainsi 
que  l'atteste  le  Cartulaire  de  Louviers.  Or,  la  dignité 
de  chantre,  qui  était  une  des  plus  considérables  du 
chapitre,  ne  cessait  qu'avec  la  vie,  ou  n'était  quittée 


XX  INTRODUCTION 

que  pour  revêtir  une  dignité  plus  haute.  Puisqu'il 
n'était  plus  chantre  en  1220,  puisque  aucun  acte  posté- 
rieur à  cette  époque  ne  fait  mention  de  lui,  que 
devons-nous  conclure ,  sinon  qu'il  était  mort  (1)  ? 
Chanoine  dès  1198  au  plus  tard,  il  devait  être  en  1220 
assez  avancé  en  âge,  et  c'était  sans  doute  par  considé- 
ration pour  ses  longs  services,  pour  ses  infirmités 
peut-être,  que  le  chapitre  de  la  cathédrale  lui  avait 
constitué  une  rente  annuelle  de  six  livres. 

Si  le  système  soutenu  par  l'abbé  de  La  Rue  et  par 
E.-H.  Langlois  doit  être  désormais  rejeté,  si  le  trou- 
vère et  le  chanoine  ne  sont  évidemment  pas  un  même 
personnage,  il  est  une  autre  identification  que  l'on  peut 
proposer,  au  moins  comme  très  probable.  Dans  le  Reges- 
trum  Visitationum  de  l'archevêque  de  Rouen  Eude 
Rigaud,  ouvrage  d'un  si  haut  intérêt  pour  l'histoire  de 
la  Normandie  et  la  connaissance  des  mœurs  ecclésias- 
tiques à  cette  époque  du  moyen  âge,  on  lit,  p.  334  de 
l'édition  donnée  par  M.  Bonnin,  le  passage  suivant, 
sous  la  date  du  13  des  calendes  d'avril  (20  mars)  ^  : 

«  Ipsadie,  confessus  fuit  magister  Hugo,  quisegere- 

(1)  Si  l'on  ne  connaît  point  l'année  précise  de  sa  mort,  on  peut 
en  fixer  le  jour  et  le  mois,  car  c'est  bien  à  lui  que  paraît  s'ap- 
pliquer ce  passage  d'un  obituaire  de  l'église  de  Rouen,  écrit 
en  1329  (Bibl.   nat.   ms.   1.   5196,  anc.  4229  i,    Baluze   136)  : 

10  Nov Henricus,  cantor  Rothomagensis. —    Publié    par 

M.  L.  Delisle,  dans  le  t.  XXIll  àes  Historiens  des  Gaules  et  de 
la  France,  p.  369. 


INTRODUCTION  XXI 

bat  pro  rectore  ecclesie  de  Barvilla,  se  ratam  habere 
resignationem  quam  fecerat  nobis,  apud  Gisetium,  de 
ecclesia  supradicta,  secundum  quod  in  littera  super 
hoc  confecta,  sigilloque  suo  sigillata,  continetur. 
Presentibus  :  fratre  Adam  Rigaudi,  magistro  Johanne 
Noyntello,  canonico  Rothomagensi,  Evrardo,  canonico 
Noviomensi,  magistro  Gervasio  et  Henrico  de  Ande- 
liaco,  clericis  nostris  ». 

Il  y  avait  donc,  en  1259,  un  clerc  du  nom  de  Henri 
d'Andeli  (1)  attaché  à  la  personne  d'Eude  Rigaud,  et 
la  date,  ainsi  que  la  qualification,  s'accorde  avec  ce  que 
nous  savons  de  notre  trouvère.  Le  Dit  dq  chancelier 
Philippe  a,  en  effet,  été  composé  au  plus  tôt  en  1237, 
et  le  poète  lui-même  nous  fait  connaître  dans  cette 
pièce  (v.  251)  qu'il  était  clerc  : 


Et  icil  clers  qui  ce  trova 


Toutefois,  en  l'absence  d'autres  preuves,  je  ne  don- 
nerai pas   cette  identification   comme  certaine.   Une 

(1)  Un  Henri,  sans  autre  désignation,  qu'Eude  Rigaud  appelle 
notre  clerc,  figure  dans  le  même  ouvrage,  p.  14,  au  7  des  ides 
de  décembre  (7  décembre)  1248,  et  p.  439  au  15  des  calendes  de 
septembre  (18  août)  1262.  Peut-être  est-ce  le  même?  Je  trouve  en- 
core p.  568,  au  5  des  ides  de  février  (9  lévrier)  1267,  un  «  Henricus 
elemosinarius  noster»,  faisant  partie  des  six  chanoines  du  chapitre 
d'Andeli,  mais  sans  résider.  Le  clerc  d'Eude  Rigaud  pourrait 
bien  être  devenu  son  aumônier,  et  avoir  été  pourvu  par  lui  d'un 
canonicat  dans  sa  ville  natale;  mais  ce  ne  sont  là,  bien  entendu, 
que  des  conjectures. 


XXn  INTRODUCTION 

considération  m'arrête  :  l'étude  attentive  des  œuvres  du 
trouvère  me  semble  montrer  qu'il  dut  passer  à  Paris 
une  bonne  partie  de  sa  vie.  M.  P.  Meyer  (1)  a  remar- 
qué le  premier  qu'il  ne  laisse  paraître  aucune  trace  du 
dialecte  de  son  pays  et  que  sa  langue  est  du  pur  fran- 
çais. La  vivacité  et  la  sincérité  des  regrets  que  lui 
inspire  la  mort  du  chancelier  Philippe,  semble  attester 
une  liaison  intime  et  longue,  une  fréquentation 
assidue.  La  précision  de  certains  détails  qu'on  lit  dans 
la  Bataille  des  VII  A  rs,  ne  peut  s'expliquer,  à  mon 
sens,  que  par  un  long  séjour  dans  le  grand  centre  des 
études,  dans  cette  université  de  Paris,  alors  si  floris- 
sante. Peut-être,  en  sa  qualité  de  clerc,  fut-il  attaché 
à  la  personne  du  chancelier  (2)  ;  peut-être  enseigna-t-il 

(1)  Romania,  n»  2,  avril  1872,  p.  204. 

(2)  Ceci  ne  pourrait-il  pas  être  induit  particulièrement  des  vers 
239-242  du  Dit  du  Chancelier.  Après  avoir  rappelé,  détail  bien 
précis,  que  ce  fut  le  chancelier  qui,  les  jours  qui  précédèrent 
Noël,  commença  les  grandes  antiennes, 

Et  bien  et  bel  commença  l'o, 
Loquens  o  o,  clavia  David. 

Henri  d'Andeli  ajoute  : 

&  au  quint  jor  nos  fu  ravid. 

Il  me  semble  qu'il  ne  faut  pas  ici  prendre  ce  nos  au  sens  général 
et  banal,  mais  qu'il  désigne  les  personnes  qui  étaient  de  l'intimité 
du  chancelier.  Je  ne  suis  pas  éloigné  de  croire  que  c'est  à  lui- 
même  que  le  poète  fait  allusion  dans  les  vers  25*26  : 

Un  suen  privé  clerc  apela, 
Son  pensé  pas  ne  li  cela. 


INTRODUCTION  ZJUl 

dans  ces  écoles  du  chapitre,  placées  sous  la  surveillance 
de  Philippe,  et  qui  n'avaient  pas  subi  l'invasion  de  la 
dialectique  autant  que  les  écoles  indépendantes  de 
l'évêque  de  Paris,  l'autorité  ecclésiastique  n'ayant 
accepté  qu'à  la  longue  et  après  bien  des  résistances  des 
méthodes  et  des  doctrines  qui  lui  semblaient  suspectes. 
Ceci  expliquerait  la  préférence  de  Henri  d'Andeli  pour 
les  études  de  grammaire.  S'il  en  était  ainsi,  on  pourrait 
supposer  qu'Eude  Rigaud,  qui,  n'étant  encore  que 
franciscain,  s'était  acquis  à  Paris  une  haute  réputa- 
tion par  ses  leçons  et  ses  prédications,  aurait  connu 
dans  cette  ville  Henri  d'Andeli,  et  que,  lorsqu'il  prit 
possession  de  l'archevêché  de  Rouen,  ill'aurait  attaché 
à  sa  personne  en  raison  de  son  mérite  et  de  sa  qualité 
de  clerc  normand. 

Mais  laissons  de  côté  ces  conjectures  et  cherchons  à 
établir  ce  qui  peut  être  légitimement  affirmé  de  notre 
trouvère.  Il  est  normand;  son  nom  le  prouve  suffisam- 
ment. Mais  le  titre  d'Andeli  design e-t-il  simplement  le 
lieu  où  il  est  né  et  ne  sert-il  qu'à  le  distinguer  de  ses 
contemporains,  qui  comme  lui  s'appelaient  Henri,  ou 
bien  devons-nous  en  conclure  qu'il  appartenait  à  cette 
famille  dont  un  membre  prit  part,  avec  Guillaume  le 
Bâtard,  à  la  conquête  de  l'Angleterre,  et  dont  un  autre, 
possesseur  de  fiefs  dans  le  pays  de  Caux  à  Hermanville 
et  à  Calleville,  fut  nommé  vers  la  fin  du  xu®  siècle  châ- 
telain de  Lavardin  par  le  roi  d'Angleterre  ,  Jean  sans 
Terre,  à  cette  famille  enfin  qui  nous  a  donné  un  autre 


XXIV  INTRODUCTION 

poète  dans  la  personne  de  Roger  d'Andeli  (l)?Lechaudé 
d'Anisy  (2),  qui  adopte  comme  tant  d'autres  le  système 
de  l'abbé  de  La  Rue,  penche  pour  cette  dernière  hypo- 
thèse; il  va  même  jusqu'à  dire  que  Henri  et  Roger 
d'Andeli  étaient  probablement  frères  ou  parents. 
Avouons  tout  simplement  que  nous  n'en  savons  rien. 
Henri  d'Andeli  est  clerc,  nous  l'apprenons  de  lui- 
même  ;  on  eût  pu  le  conjecturer  d'ailleurs  à  la  réserve 
tout  ecclésiastique  avec  laquelle ,  lui ,  le  partisan 
déclaré  des  anciens,  il  apprécie  leurs  ouvrages  : 

Lor  chastiaus  fust  bien  deff ensables. 
S'il  ne  fust  si  garnis  de  fables 
Qu'il  ajoingnent  lor  vanitez 
Par  lor  biaus  mes  en  veritez.  (3) 

Pareille  réserve  ne  serait  guère  venue  à  l'esprit  d'un 
trouvère  laïque.  Il  est  très  instruit;  sa  Bataille  des 
VII  Ars  abonde  en  détails  curieux  et  précis  sur  les 
écoles  du  temps,  sur  les  maîtres  qui  y  professaient,  sur 
les  auteurs  qu'on  y 'étudiait;  il  se  montre  partisan 
convaincu  des   études  littéraires  et  poursuit  de  ses 

(1)  Je  ferai  connaître,  en  publiant  les  chansons  de  Roger  d'An- 
deli, ce  que  j'ai  pu  trouver  sur  cette  famille. 

(2)  Recherches  sur  le  Dovnesday  ou  Liber  censualis  d'Angle- 
terre, etc.,  par  MM.  Lechaudé  d'Anisy  et  de  Sainte-Marie,  1842, 
p.  150-151. 

(3)  Bataille  des  VII  Ars,  v.  254-257. 


INTRODUCTION  XXV 

railleries  les  logiciens  et  leurs  vaines  subtilités.  Il 
n'aime  pas  davantage  les  sciences  et  les  arts  nouveaux, 
la  médecine,  la  chirurgie,  le  droit,  dont  la  vogue  venait 
mettre  en  grand  péril  ses  chères  écoles  de  grammaire 
et  l'étude  de  la  bone  ancienetez.  Les  médecins  et  les 
chirurgiens  sont  pour  lui  des  charlatans  qui  ne 
cherchent  qu'à  tromper  le  public  pour  s'enrichir  et 
bâtir  à  Paris  de  granz  mesons  avec  l'argent  qu'ils 
retirent  de  leurs  poisons.  Peut-être  ce  sévère  juge- 
ment, que  Molière  n'eût  pas  désavoué,  lui  est-il,  après 
tout,  inspiré  par  un  sentiment  de  rancune  personnelle; 
ils  n'ont  pas  su  guérir  une  maladie  d'yeux  dont  il  est 
affecté  : 

Je  les  tenisse  por  moult  preus 
S'il  m'eussent  gari  des  iex. . . .  (1). 

Maladie  qui  pourrait  bien  provenir  d'un  usage  un  peu 
trop  fréquent  du  bon  vin  de  Saint-Jean-d'Angély,  qui 

dist  a  Henri  d'Andeli 
Qu'il  li  avoit  crevé  les  iex 
Par  sa  force,  tant  estoitprez  (2). 

Il  n'épargne  pas  plus  que  les  médecins  et  les  chirur- 
giens, ces  rhéteurs  lombards. 

Que  Rectorique  et  amenez. 
Dars  ont  de  langues  empanez 

(1)  Bataille  des  VII  Ars,  v.  124-125. 

(2)  Bataille  des  Vins,  v.  125-126. 


XXVI  INTRODUCTION 


Por  percier  les  cuers  des  gens  nices 
Qui  vienent  jouster  a  lor  lices  (1). 

et  ces  avocatiaus , 

Qui  de  lor  langues  font  batiaus 
Por  avoir  l'avoir  aus  vilains 
Que  tout  li  païs  en  est  plains  (2). 

Enfin ,  ce  qui  fait  l'éloge  de  son  esprit  et  de  son 
cœur,  il  est  l'ennemi  de  toute  vilonie  (3);  il  a  des 
larmes  sincères  pour  les  amis  qu'il  a  perdus  (4). 

Voilà  à  quoi  se  réduit  ce  que  nous  savons  sur  Henri 
d'Andeli.  C'est  peu  sans  doute;  mais  faut-il  bien 
s'étonner  qu'on  n'ait  sur  lui  d'autres  renseignements 
que  quelques  inductions  tirées  de  ses  ouvrages  ?  N'est- 
ce  pas  le  sort  commun  à  tous  les  trouvères  ?  Que  sau- 
rait-on de  ses  contemporains,  de  Rutebeuf,  d'Adam  de 
la  Halle  et  de  tant  d'autres,  si  le  penchant  heureux 
pour  notre  curiosité,  que  les  poètes  ont  à  parler  d'eux- 
mêmes,  ne  les  eût  amenés  à  donner  quelques  détails  sur 
leur  vie.  Les  chroniqueurs,  tout  occupés  à  raconter  les 
gestes  des  rois  et  des  seigneurs,  les  tournois  et  les  ba- 
tailles, avaient  en  vérité  bien  le  temps  de  songer  à  ces 
trouvères   perdus  dans  la  foule  des  vilains    et  bons 

(1)  Bataille  des  VII  Ars,  v.  69-72. 

(2)  Ibid.,  V.  369-371. 

(3)  Li  Lais  d'Aristote,  v,  1-59. 

(4)  Le  Dit  du  chancelier  Philippe. 


INTRODUCTION  XXVII 

seulement  à  amuser  les  grands.  Leur  nom,  voilà  d'or- 
dinaire ce  que  l'on  connaît  d'eux  ;  heureux  encore, 
quand  ils  ont  songé  à  le  donner  dans  leurs  ouvrages  ; 
car  ces  premiers  âges  de  notre  poésie  fourmillent  de 
poèmes  anonymes,  qu'on  ne  sait  à  qui  attribuer.  Il  en 
est  peut-être  parmi  eux  qui  appartiennent  à  notre  trou- 
vère, qui  aurait  négligé  de  s'y  nommer  ;  mais  qui  le 
saura  jamais?  Quoi  qu'il  en  soit,  le  Lai  d'Aristote,  la 
Bataille  des  Vins,  le  Dit  du  chancelier  Philippe,  la 
Bataille  des  VU  Arts,  suffisent  bien  à  la  gloire  de 
l'humble  clerc,  de  l'aimable  poète  qui  oubliait  sans 
doute  les  ennuis  et  les  fatigues  d'une  vie  consacrée  à 
de  plus  austères  travaux  par  la  composition  de  ces 
pièces  gracieuses  et  légères. 


XXVm  INTRODUCTION 

II 

LE  LAI  D'ARISTOTE 

De  tous  les  fabliaux  que  nous  devons  au  xiii«  siècle, 
il  n'en  est  peut-être  pas  un  qui  soit  plus  connu  et 
mieux  apprécié  que  le  Lai  d'Aristote  ;  il  est  donc  su- 
perflu d'en  présenter  l'analyse,  déjà  faite  bien  des  fois 
et  qui  ne  saurait  rendre  d'ailleurs  la  grâce  délicate  et 
légère  de  ce  petit  poème  si  habilement  composé. 

Il  ne  porte  pas  le  même  titre  dans  les  quatre  manus- 
crits qui  nous  l'ont  conservé  et  qui  tous  appartiennent 
à  la  Bibliothèque  nationale,  où  ils  sont  classés  dans  le 
fonds  français  sous  les  n°'  837,  1593,  19152  et  1104 
(nouv.  acq.  fr.).  Le  manuscrit  837  Tintitule  Li  Lais 
d'Aristote;  ce  titre  est,  il  est  vrai,  écrit,  comme  celui 
de  tous  les  fabliaux  que  ce  manuscrit  renferme,  par 
une  autre  main  que  celle  du  copiste  ;  mais,  à  la  fin  du 
poème,  on  lit,  et  cette  fois  de  la  main  du  copiste  :  Ex- 
pHcit  li  Lais  d'Aristote.  Le  ms.  1593  l'intitule  Aristote 
et  lui  donne  pour  souscription  :  Explicit  d'Aristotes. 
Le  ms.  19152  l'intitule  d'Alixandre  et  d'Aristote, 
et  le  termine  par  cette  souscription  :  Explicit  d'Aristote 
et  d'Alixandre.  Enfin,  le  ms.  1104  des  Nouvelles  ac- 
quisitions du  Fonds  français  porte  en  tête  du  poème  : 


INTRODOCTION  TTTX 

C'est  le  Lay  d'Aristote,  et  en  rappel  au  bas  du  folio  : 
Li  Lays  d'Aristote.  Il  n'y  a  pas  d^explicit. 

Le  poème  dont  il  s'agit  ici  n'est  pas  un  lai  au  sens 
exact  du. mot.  Dans  la  notice  qui  précède  le  iae  c?e 
l'Epervier,  M.  Gaston  Paris  fait  la  remarque  suivante  : 
«  Tous  les  véritables  Lais  (je  parle  ici  des  lais  narratifs 
en  rimes  plates)  étaient  pour  ainsi  dire  le  livret  d'une 
mélodie  bretonne  connue.  Les  jongleurs  bretons  parcou- 
raient la  France  au  xii*  siècle,  exécutant  sur  la  harpe 
ou  la  rote  des  compositions  musicales  qui  avaient  le  plus 
grand  succès,  bien  qu'on  ne  comprît  pas  le  sens  des 
paroles  dont  ils  les  accompagnaient.  Des  poètes  fran- 
çais et  surtout  normands,  qui,  comme  Marie  de 
France,  savaient  le  breton,  eurent  l'idée  de  raconter, 
dans  la  forme  habituelle  des  narrations  rimées,  le 
sujet  des  lais  les  plus  célèbres.  Il  se  forma  ainsi  un 
genre  de  poésie  particulier,  qui  fit  donner  le  nom  de 
lai  à  des  compositions  analogues  oh  les  Bretons  n'é- 
taient pour  rien,  comme  le  lai  d'Aristote  et  le  lai  de 
VOiselet  (1)  ».  Ce  n'est  pas  seulement  dans  les  poèmes 
que  contient  le  ms.  1104  (nouv.  acq.  te.)  sous  le  titre 
général  de  Lays  de  Bretagne,  que  le  terme  de  lai  est 
appliqué  au  récit  d'aventures  dont  les  héros  ne  sont 
pas  Bretons  ;  on  lit  dans  le  joli  fabliau  du  Vair  Palefroi 
dont  la  scène  est  en  Champagne  : 

(1)  Le  lai  de  VEpervier.  —  Romaniaf  n»  25,  janvier  1878, 
p.  1-2. 


-XXX  INTRODUCTION 

En  ce  lay  du  Vair  Palefroi 
Orrez  le  sens  Huon  Leroy 
Auques  regnablement  descendre  (1), 

ce  qui  prouve  que  l'acception  du  mot  lai  était  plus 
étendue  au  xiii^  siècle  qu'au  xii*  et  autorise  suffisamment 
à  conserver  au  fabliau  de  Henri  d'Andeli  le  titre  de  lai, 
que  lui  donnent  d'ailleurs  deux  manuscrits. 

Il  serait  intéressant  de  retrouver  l'origine  et  le 
thème  primitif  de  cette  aventure,  dans  laquelle  le  trou- 
vère nous  montre  Aristote  cédant  à  la  puissance  de 
l'amour  et  se  soumettant,  tout  grave  et  tout  vieux  qu'il 
est,  à  l'épreuve  plaisante  que  lui  impose  la  maîtresse 
d'Alexandre. 

Dans  les  notes  qu'il  a  placées  à  la  suite  de  son  imi- 
tation du  Lai  d' Aristote,  Legrand  d'Aussy  nous  dit  : 
«  Ce  conte  est  vraisemblablement  un  de  ceux  que  les 
fabliers  avoient  pris  des  Arabes.  On  le  trouve  dans  les 
Mélanges  de  littérature  orientale,  t.  I,  p.  16,  sous  le 
titre  du  Visir  sellé  et  bridé.  Toute  la  différence,  c'est 
qu'ici  les  personnages  sont  un  sultan,  son  ministre  et 
une  odalisque  (2).  » 

Voici  le  fond  de  l'anecdote  racontée  dans  ce  recueil 
pardeCardonne,  d'après  l'auteur  arabe  Adjaebel  Measer: 

(1)  M.  A.  de  Montaiglon  :  Recueil  général  et  complet  des 
fabliaux  des  XIII<'  et  XI V^  siècles,  1872,  t.  I,  p.  25. 

(2)  Fabliaux  ou  contes...  du  XI I«  et  du  XIII^  siècle,  éd. 
Renouard,  1829,  t.  I,  p.  279. 


INTRODUCTION  XXXI 

Un  jeune  sultan  oubliait  le  soin  de  ses  Etats  au  milieu 
des  délices  de  son  sérail  où  il  avait  rassemblé  les  plus 
belles  esclaves  dé  l'Asie  ;  mais  cédant  aux  reproches  de 
son  visir,  il  ne  leur  faisait  plus  que  de  rares  visites.  Un 
jour,  touché  de  leurs  larmes,  il  leur  avoue  qu'il  ne  s'est 
éloigné  d'elles  que  par  les  conseils  de  son  ministre. 
Une  esclave,  plus  hardie  que  les  autres,  se  vante  de 
triompher  bientôt  du  visir.  «  Envoyez-moi  à  ce  triste 
censeur,  dit-elle  ;  je  veux  devenir  son  esclave,  et  j'as- 
sure que  cette  esclave  sera  bientôt  sa  maîtresse.  »  Le 
sultan  y  consent,  et  l'odalisque,  déployant  auprès  du 
visir  toutes  les  ruses  de  la  coquetterie,  ne  tarde  pas 
à  le  subjuguer  ;  mais  elle  ne  veut  céder  à  son  amour 
q-u'à  la  condition  que  lui-même  obéira  pour  un  jour  à 
ses  caprices.  EUe  fait  cacher  le  sultan  dans  son  appar- 
tement et  ordonne  d'apporter  une  bride  et  une  selle  : 
«  Il  faut,  dit-elle  au  visir,  que  vous  fassiez  usage  de 
cette  selle  et  que  vous  souffriez  que  je  monte  sur  votre 
dos.  »  Le  vieillard  se  soumet  à  l'épreuve,  et  le  sultan 
sort  tout  à  coup  de  l'endroit  où  il  s'était  caché.«  Ah  !  ah  ! 
grave  censeur,  s'écrie-t-il,  vous  êtes  bien  fol  pour  un 
moraliste  si  austère.  —  Prince,  répond  le  ministre  sans 
se  déconcerter,  c'est  parce  que  je  connaissais  tous  les 
caprices  de  ce  sexe  dangereux  que  j'exhortais  votre  ma- 
jesté à  ne  pas  s'y  livrer  ;  mes  leçons  doivent  faire  plus 
d'impression  sur  votre  esprit  depuis  que  j'ai  joint 
l'exemple  au  précepte;  cette  métamorphose  bizarre  vous 
apprend  combien  l'amour  est  à  fuir.  » 


XXXII  INTRODUCTION 

On  le  voit,  la  ressemblance  entre  les  deux  récits  est 
frappante;  mais  si  tout  autorise  à  croire  que  cette  anec- 
dote est  parvenue  à  Henri  d'Andeli  par  l'intermédiaire 
des  Arabes,  il  ne  faudrait  pas  se  hâter  de  conclure 
que  ceux-ci  en  sont  les  inventeurs. 

M.  Gaston  Paris  (1)  a  établi  qu'on  a  eu  tort  d'attri- 
buer pendant  longtemps  aux  Turcs,  aux  Arabes  et  aux 
Persans,  la  création  de  ce  qu'ils  ont  simplement  trans- 
mis. La  plupart  des  contes  orientaux  qui  se  sont  répan- 
dus dans  les  littératures  occidentales  viennent  de  livres 
bouddhiques;  mais  leurs  auteurs  indiens  les  ont  souvent 
empruntés  à  la  Grèce,  à  l'Assyrie,  à  l'Egypte,  à  l'Asie 
Mineure.  «  Au  delà  même  de  ces  relations  déjà  si  an- 
tiques, nous  ne  pouvons  oublier,  ajoute-t-il,  que  les 
Indiens  et  les  peuples  dominants  de  l'Europe  font  par- 
tie d'une  même  race,  ont  été  originairement  une  seule 
nation  ;  pendant  des  siècles,  ils  ont  parlé  la  même 
langue,  mené  la  même  vie,  adoré  les  mêmes  dieux,  et 
peut-être  déjà  chanté  les  mêmes  chants  et  répété  les 
mêmes  contes.  De  ce  patrimoine  commun,  quelques 
restes  ne  se  sont-ils  pas  conservés  dans  la  littérature 
de  l'Inde,  pour  revenir  de  là,  bien  des  siècles  après, 
dans  celle  de  peuples  qui  les  avaient  complètement 
laissé  perdre  (2)  ?  » 

(1)  Les  contes  orientaux  dans  la  littérature  française  du 
moyen  âge.  —  Revue  littéraire^  4e  année,  n»  43,  24  avril  1875, 
p.  1011,  col.  2. 

(2)  Ibid.,  p.  1013,  col.  1. 


INTRODUCTION  XXXIII 

Il  se  peut  que  le  sujet  qui  nous  occupe  remonte  à 
une  très  ancienne  origine  ;  il  touche  à  des  faiblesses 
aussi  vieilles  que  le  inonde,  et  l'on  a  dû  de  bonne 
heure  consacrer  maint  récit  à  une  passion  qui  triomphe 
sans  peine  des  plus  rebelles.  L'anecdote  transmise 
d'âge  en  âge  aura  conservé  sa  trame,  tout  en  chan- 
geant de  personnages.  Il  est  à  croire  que  Henri  d'Andeli 
aura  choisi  lui-même  pour  héros  de  cette  aventure 
Alexandre  et  Aristote,  en  raison  de  la  haute  estime  où 
l'un  d'eux  était  dans  les  romans  de  chevalerie  et  l'autre 
dans  les  écoles  ;  car,  si  les  anciens  la  leur  avaient  at- 
tribuée, les  auteurs  qui  nous  ont  transmis  tant  de 
fables  sur  Alexandre  n'auraient  certes  pas  oublié  un 
des  meilleurs  récits  auxquels  il  aurait  donné  lieu. 

Mais  laissons  de  côté  cette  question  d'origine  et 
recherchons  les  diverses  imitations  qui  ont  été  faites 
du  Lai  d' Aristote. 

La  plus  ancienne  peut-être  est  celle  que  nous  voyons 
figurée  sur  une  des  faces  d'un  dyptique  en  ivoire  qu'on 
attribue  au  xni^  siècle  et  dont  le  P.  Montfaucon  a 
donné  le  dessin  dans  son  Antiquité  expliquée  (1).  Cette 
face  est  partagée  dans  sa  hauteur  en  deux  comparti- 
ments ;  dans  la  partie  inférieure,  la  jeune  Indienne  en 
pure  sa  chemise,  cueille  des  fleurs  et  tourne  coquette- 
ment la  tête  du  côté  du  philosophe  qui,  coiffé  d'un 
bonnet  de  docteur,  la  regarde  avec  admiration  par  la 

(1)  T.  III,  2e  partie,  p.  356,  pi.  194. 


XXXIV  INTRODUCTION 

fenêtre  ouverte  de  son  cabinet  d'étude.  Dans  la  partie 
supérieure,  la  jeune  fille  est  représentée  dans  le  même 
costume,  chevauchant  Aristote  ;  de  la  main  droite,  elle 
tient  un  fouet,  et,  de  la  gauche,  la  bride  dont  le  mors 
est  passé  dans  la  bouche  de  son  étrange  monture. 
Alexandre,  ayant  derrière  lui  Ephestion  sans  doute, 
contemple  la  scène  du  haut  d'une  tour  carrée ,  Aristote 
tourne  la  tête,  soit  pour  admirer  la  jeune  Indienne, 
soit  parce  qu'il  a  entendu  la  voix  d'Alexandre.  Ses  bras 
se  terminent  par  des  pattes  armées  de  griffes,  et  son 
corps  par  une  large  queue,  simple  fantaisie  de  l'artiste, 
à  moins  qu'on  y  veuille  voir  l'intention  de  montrer 
que  la  passion  hestialise  l'homme  et  l'abaisse  au  niveau 
de  la  brute  (1).  On  ne  rencontre  que  sur  ce  dyptique 
deux  scènes  empruntées  au  Lai  d'Aristote  ;  partout 
ailleurs,  c'est  la  seconde  qui  seule  est  figurée. 

Nous  la  trouvons  reproduite,  dans  l'église  Saint- 
Pierre  de  Caen,  sur  le  chapiteau  d'un  des  derniers  pi- 
liers du  côté  gauche  de  la  nef,  avec  d'autres  sujets  em- 
pruntés également  aux  fabliaux  et  aux  romans  de 
chevalerie.  L'abbé  de  La  Rue  en  a  donné  le  dessin 
dans  ses  Essais  historiques  sur  la  ville  de  Caen  (2). 
La  tête  du  philosophe  est  fruste  ;  la  jeune  fille,  dont  le 
corsage  échancré  laisse  la  gorge  et  les  épaules  large- 

(1)  E.-H.  Langlois  :  Stalles  de  la  cathédrale  de  Rouen,  1838, 
p.  172. 

(2)  T.  I,  p.  97. 


INTRODUCTION  XXXV 

ment  découvertes,  tient  la  bride  de  la  main  gauche  ; 
l'avant-bras  et  la  main  droite  qui  tenait  le  fouet  ont 
disparu,  mais  le  fouet  composé  de  trois  lanières  est 
encore  visible,  Aristote  est  revêtu  d'une  longue  robe 
flottante  (1).  Cette  sculpture  appartient  à  la  fin  du 
xm*  siècle  ou  au  commencement  du  xiv". 

La  façade  de  l'église  Saint-Jean  de  Lyon  nous  offre 
encore  le  même  sujet  que  M.  de  Guilhermy  a  décrit  et 
reproduit  dans  son  article  &nT  les  Fabliaux  représentés 
dans  les  églises  (2).  «  De  tous  les  bas-reliefs,  dit-il, 
qui  reproduisent  le  Lai  d'Aristote,  le  plus  gracieux 
sans  contredit  est  celui  qui  se  trouve  à  Lyon,  au- 
dessous  d'une  riche  console,  sur  cette  admirable  façade 
de  l'église  primatiale  Saint-Jean,  dont  l'ornemen- 
tation présente  un  des  plus  singuliers  assemblages  de 
scènes  sacrées  et  de  sujets  profanes.  Ce  relief  date  du 
XIV*  siècle,  mais  il  appartient  à  une  époque  plus  avan- 

(1)  La  figure  insérée  dans  l'ouvrage  de  l'abbé  de  La  Rue  repré- 
sente la  jeune  fille  nue  jusqu'à  la  ceinture,  ce  qui  est  inexact. 
M.  de  Caumont  a  donné  aussi,  mais  avec  quelques  différences, 
le  dessin  de  ce  chapiteau  dans  son  Abécédaire  ou  Rudiment 
d'archéologie,  2e  édit.,  1851,  t.  II,  Architecture  religieuse, 
p.  307.  La  pose  de  la  jeune  fille  et  du  philosophe  sont  les  mêmes; 
les  parties  qui  manquent  dans  la  figure  donnée  par  l'abbé  de  La 
Rue  sont  ici  visibles.  La  jeune  fille  a  le  pied  droit  passé  dans 
l'étrier;  elle  porte  un  corsage  largement  échancré;  un  collier 
orne  son  cou. 

(2)  Revue  générale  de  Varchitecture  et  des  travaux  publics, 
sous  la  direction  de  César  Dali/,  1840,  col.  383-396. 


XXXVI  INTRODUCTION 

cée  que  le  chapiteau  de  l'église  Saint-Pierre  de  Caen. 
L'artiste  s'est  inspiré  avec  une  spirituelle  finesse  du 
dénoûment  de  notre  fabliau;  il  a  produit  une  petite 
merveille  d'élégance  et  de  naïveté.  Sur  un  fonds  de 
feuillages,  qui  reporte  la  scène  au  milieu  du  verger, 
Aristote,  le  corps  vêtu  d'une  simple  robe  pMlosophale, 
le  menton  garni  de  la  barbe  épaisse,  attribut  obligé 
des  maîtres  de  sapience,  la  tête  coiffée  d'un  bonnet  de 
docteur  garni  de  sa  houppe,  se  traîne  péniblement  sur 
les  pieds  et  les  mains.  Un  mors  lui  comprime  la  bouche, 
une  selle  lui  couvre  le  dos  ;  la  jeune  damoiselle,  sédui- 
sante de  beauté,  vêtue  de  pure  chemise,  est  montée 
sur  son  palefroi  ;  un  simple  bandeau  rattache  ses  longs 
cheveux.  D'une  main  elle  tient  la  bride  et  de  l'autre 
un  fouet  à  plusieurs  cordes  réunies,  dont  elle  se  sert 
avec  malice,  pour  hâter  la  marche  embarrassée  de  sa 
grave  monture.  Dans  les  angles  de  l'encadrement,  de 
petites  figures  semblent  représenter  Alexandre  auprès 
de  sa  maîtresse  (1).  » 

La  même  scène  est  également  représentée  sur  la  mi- 
séricorde d'une  des  staUes  que  la  munificence  du  car- 
dinal Guillaume  d'Estouteville  fit  établir  dans  le  chœur 
de  la  cathédrale  de  Rouen,  de  1457  à  1469.  E.-H.  Lan- 
glois  en  a  donné  le  dessin  (pi.  1,  n°  9)  et  la  description 
dans  son  curieux  ouvrage  sur  les  stalles  de  la  cathé- 
drale de  Rouen.  «  Cette  stalle,  dit-il,  est  la  neuvième 

(1)  Revue  générale  de  V architecture,  etc.,  col.  393-394, 


INTRODUCTION  XXXVII 

des  hautes  formes  du  côté  du  midi.  Elle  offre  un  sujet 
bizarre  et  peu  connu....  Cette  sculpture  représente  un 
homme  vieux  et  barbu  se  traînant  presque  à  plat 
ventre,  et  portant  sur  son  dos  une  jeune  femme  assise. 
Celle-ci,  coiffée  du  hennin,  espèce  de  bonnet  à  deux 
cornes  assez  commun  du  temps  de  Charles  VI,  vêtue  d'une 
robe  longue  et  serrée,  mais  la  gorge  fort  découverte, 
selon  l'usage  des  courtisanes  de  la  même  époque,  paraît, 
dans  cet  équipage,  chevaucher  le  vieillard  et  le  con- 
duire au  moyen  d'une  bride  dont  le  mors  est  fixé  dans 
la  bouche  de  cette  vénérable  monture  (1).  »  L'auteur, 
après  avoir  ajouté  «  qu'on  a  souvent  cru  voir,  dans  ce 
sujet  reproduit  dans  quelques  autres  lieux,  une  allé- 
gorie de  la  patience  ou  plutôt  de  l'excessive  bonhomie 
avec  laquelle  Socrate  endurait  les  mauvais  traitements 
de  sa  femme,  l'acariâtre  Xantippe  »,  y  reconnaît  l'inspi- 
ration du  Lai  d'Aristote  et  donne  de  ce  fabliau  une  des 
meilleures  analyses  qu'on  en  ait  encore  faites  (2). 

La  miséricorde  du  chœur  de  la  cathédrale  de  Rouen 
n'est  pas  le  seul  endroit  de  ce  monument  où  nous 
voyions  le  grave  pédagogue  servant  de  palefroi  à  la 
maîtresse  d'Alexandre.  Un  bas-relief  du  portail  de  la 
Calende,  appartenant  à  peu  près  à  la  même  époque, 
nous  présente  aussi  cette  curieuse  scène.  Notre  confrère 
M.  J.  Adeline  l'a  reproduit  dans  ses  Sculptures  gro- 

(1)  E.-H.  Langlois,  op.  oit.,  p.  161-163. 

(2)  Ibid.,  p.  164-171. 


XXXVm  INTRODUCTION 

tesques  et  symboliques  (1),  avec  le  dessin  de  la  miséri- 
corde déjà  donné  par  Langlois.  «  Ce  bas-relief,  dit-il, 
d'une  très  belle  exécution,....  est  placé  à  la  base  d'une 
statue  ;  sa  composition  est  bien  plus  conforme  au  récit 
du  poète,  car  sur  les  stalles,  la  selle  et  le  mors  ne  sont 
pas  caractérisés  comme  sur  celui  que  nous  reprodui- 
sons. » 

Enfin,  sous  le  règne  de  Louis  XII,  l'artiste  qui 
sculpta  les  pilastres  de  la  chapelle  épiscopale  du  châ- 
teau de  Gaillon,  élevé  par  le  cardinal  Georges  d'Am- 
boise,  représenta  l'aventure  d'Aristote  dans  un  mé- 
daillon d'un  des  pilastres  qui  ornent  aujourd'hui  une 
des  cours  du  palais  des  Beaux-Arts,  à  Paris.  «  Le  tra- 
vail de  ces  sculptures,  dit  M.  de  G-uilhermy,  a  beaucoup 
de  finesse  ;  mais  les  formes  en  sont  un  peu  sèches  et 
incorrectes.  Les  dessins  que  nous  publions  de  cette 
œuvre  et  de  la  console  de  Lyon  permettent  d'établir 
entre  les  deux  reliefs  une  facile  comparaison,  dont  le 
résultat  est  à  l'avantage  de  l'artiste  lyonnais.  Le  mé- 
daillon tiré  du  château  de  Georges  d'Amboise  n'en  est 
pas  moins  précieux  comme  témoignage  de  la  vogue  ac- 
quise encore  après  tant  de  siècles  au  lai  du  poète  nor- 
mand. Le  sculpteur  de  Gaillon  a  fidèlement  suivi  le 
texte  de  son  compatriote.  La  damoiselle,  vêtue  d'une 
simple  chemise,  laisse  flotter  sur  ses  épaules  des  longs 
cheveux  que  nul  lien  ne  comprime.  Elle  vient  d'en- 

(1)  PI.  39,  et  pp.  73-78  et  206-210. 


INTRODUCTION  XXXIX 

fourcher,  en  vrai  cavalier,  le  dos  du  philosophe  ;  d'une 
main  elle  tient  la  bride,  de  l'autre  elle  fait  à  sa  mon- 
ture un  geste  impératif.  Aristote,  dont  les  traits  sont 
dépourvus  d'expression,  porte  pour  vêtement  la  longue 
robe  fourrée  des  docteurs  de  l'Université  (1).  » 

Ce  n'est  pas  seulement  sur  les  monuments  publics 
que  la  fantaisie  des  artistes  du  moyen  âge  se  plut  à 
reproduire  la  scène  piquante  du  Lai  d' Aristote;  des 
objets  destinés  à  la  vie  privée,  de  simples  ustensiles 
viennent  encore  nous  attester  combien  fut  grande  la 
vogue  dont  jouit  autrefois  l'œuvre  de  Henri  d'Andeli. 
A  la  dernière  exposition  (Paris,  1880)  des  beaux-arts 
appliqués  à  l'industrie,  exposition  consacrée  spéciale- 
ment au  métal,  figuraient  deux  aquamaniles  (2)  en 
cuivre  jaune,  fabriqués  au  xiv®  siècle,  et  représentant 
la  jeune  Indienne  chevauchant  Aristote.  L'un  d'eux, 
offrant  dans  sa  facture  une  certaine  raideur,  montre  le 
philosophe  se  traînant  a  quatre  piez,  a  chatonant, 
selon  l'expression  du  poète,  un  mors  dans  la  bouche, 
la  tête  entourée  d'un  cercle  qui  retient  ses  longs  che- 
veux plats,  le  visage  sans  barbe  comme  celui  d'un 
simple  clerc.  La  tête  de  la  jeune  fille  est  surmontée 
d'un  bonnet  assez  semblable  à  un  chapeau  chinois,  qui 
servait  de  couvercle  et  que  l'on  retirait  pour  intro- 

(1)  Revue  générale  de  l'architecture,  etc.,  col.  395-396. 

(2)  Sur  cet  objet,  voir  VioUet-le-Duc,  Dict.  du  mobilier  fran- 
çais,  t.  II  ;  Ustensiles,  au  mot  Aiguière. 


XL  INTRODUCTION 

duire  l'eau.  L'autre  a  plus  de  mouvement  et  d'expres- 
sion :  Aristote,  représenté  dans  la  même  posture,  est 
vêtu  avec  une  certaine  élégance;  ses  pieds  sont 
chaussés  de  longs  souliers  à  la  poulaine,  ses  cheveux 
sont  disposés  en  gros  frisons  séparés,  ainsi  que  sa 
barbe  qui  tombe  en  pointes  ;  pas  de  mors  dans  sa 
bouche.  La  courtisane,  vêtue  d'une  robe  à  longues 
manches  frangées,  et  dont  le  corsage  échancré  laisse 
voir  sa  gorge  et  ses  épaules,  tient  le  vieil  Aristote  par 
une  boucle  de  ses  cheveux  et  le  conduit  ainsi  comme 
avec  une  bride  (1). 

Telles  sont  les  imitations  que  les  imaigiers  du 
moyen  âge  ont  faites  de  l'aimable  fantaisie  de  notre 
vieux  trouvère.  Pas  plus  que  celle  du  rimeur,  leur 
hardiesse,  et  elle  se  permet  en  vérité  de  bien  autres 
licences,  n'a  été  arrêtée  par  le  prestige  du  grave 
Aristote.  Mais  que  le  docte  philosophe  ne  s'en  offense 
pas;  Virgile,  le  doux  poète,  est  aussi  irrévéren- 
cieusement traité  et  ne  subit  pas  une  moins  étrange 
métamorphose.  Il  devient  un  enchanteur  qui,  lui  aussi, 
se  laisse  subjuguer  par  une  femme  ;  sa  science  ne  peut 
le  préserver  des  pièges  qu'elle  lui  tend;  s'il  en  était 
autrement,   nos   naïfs    et    peu  scrupuleux    ancêtres 

(1)  De  ces  deux  aquamaniles  exposés  au  palais  de  l'Industrie 
dans  une  des  salles  du  premier  étage,  le  premier,  numéro  121, 
appartient  à  M.  Spitzer;  le  second,  sous  le  numéro  103,  à  M.  Cha- 
brière  -  Arles.  Ils  m'ont  été  signalés  par  notre  collègue, 
M.  F.  Vallois. 


INTRODUCTION  XLI 

auraient-ils  pu  imaginer  la  singulière  punition  qu'il 
inflige  à  celle  qui  avait  osé  se  jouer  de  lui  (1). 

Il  est  surprenant  de  voir  les  sculpteurs  du  moyen 
âge  et  du  début  de  la  Renaissance  s'inspirer  plus  d'une 
fois  de  la  piquante  aventure  si  finement  racontée  par 
Henri  d'Andeli,  et  de  n'en  trouver  presque  aucune 
mention  chez  les  écrivains  de  la  même  époque.  En 
dehors  du  huitain  que  je  reproduirai  plus  loin,  le  seul 
poète  qui,  à  ma  connaissance^  y  ait  fait  allusion,  est 

(1)  Il  est  à  remarquer  que  l'aventure  attribuée  à  Virgile  et, 
avant  lui,  mise  au  compte  du  grave  Hippocrate,  est  souvent 
figurée  à  côté  de  celle  tirée  du  Lai  d'Aristote.  Elle  se  trouve 
sur  l'autre  face  du  dyptique  reproduit  par  Montfaucon,  et 
sur  le  chapiteau  de  l'église  Saint-Pierre  de  Caen.  Elle  était  repré- 
sentée également,  ditE.-H.  Langlois,  sur  la  miséricorde  d'une  des 
deux  stalles  supprimées  du  temps  du  cardinal  Cambacérès  «  pour 
placer  la  lourde  chaire  archiépiscopale  qui  se  voit  aujourd'hui.  » 

A  propos  de  Virgile  et  d'Aristote,  on  trouve  dans  un  article  de 
M.  A.  Duchalais  :  le  Rat  employé  comme  symbole  dans  la 
sculpture  du  moyen  âge  (Bibl.  de  VEcole  des  chartes,  2e  sé- 
rie, t.  IV,  p.  232),  le  passage  suivant  :  «  Deux  ivoires  conservés  à 
la  Bibliothèque  royale  (  cabinet  des  médailles  et  antiques  ) 
montrent  que  le  Lai  de  Virgile  et  celui  d'Aristote  ne  sont  rien 
autre  chose  qu'un  emprunt  fait  à  l'histoire,  ou  plutôt  à  la  fable 
de  l'antiquité,  pour  prouver  que  de  la  femme  viennent  tous  nos 
maux.  En  effet,  ces  deux  plaques  d'ivoire  proviennent  d'un  même 
coffret,  et  l'une  ornée  d'ime  des  deux  légendes  que  je  viens  d'in- 
diquer, n'est  que  la  paraphrase  de  l'autre,  qui  représente  la  ten- 
tation du  démon  dans  le  paradis  terrestre  et  Adam  mangeant  la 
pomme  qu'Eve  lui  a  présentée.  »  M.  A.  Duchadais  ne  dit  pas  si  la 
légende  représentée  est  celle  de  Virgile  ou  celle  d'Aristote. 

6 


Xïill  INTRODUCTION 

Jean  Le  Fèvre,  de  Ressons-sur-Matz,  qui,  dans  la 
seconde  moitié  du  xiv®  siècle,  traduisit  en  vers  fran- 
çais sous  ce  titre  :  le  Livre  de  Mathéolus,  le  poème 
latin  aujourd'hui  perdu,  dans  lequel,  une  cinquantaine 
d'années  auparavant,  Mathéolus  ou  maistre  Mathieu 
comme  l'appelle  Le  Fèvre,  s'était  peu  galamment 
vengé  sur  tout  le  sexe  féminin  des  ennuis  et  des 
tourments  dont  l'accablait  la  seconde  femme  qu'il 
avait  épousée.  Dans  ce  poème  curieux,  quoique  un  peu 
monotone,  où  le  malheureux  bigame  se  répand  en 
plaintes  intarissables  sur  la  malignité  des  femmes , 
l'aventure  d'Aristote  est  rappelée  en  ces  termes  (1)  : 

Femmes  sçavent  plus  d'une  note. 

Que  prouffita  à  Aristote 

Péri  ermenias,  elenches, 

Devisées  en  plusieurs  branches, 

Priores,  posteres  et  logique 

Ne  science  mathématique  ? 

Car  la  femme  tout  surmonta 

Adonc  que  par  dessus  monta 

Et  vainquit  des  maistres  le  maistre  : 

Au  chief  luy  mist  frain  et  chevestre  ; 

Mené  il  fut  à  silogisme, 

A  barbarisme  et  à  risisme  ; 

Son  cheval  en  fist  la  moynesse 

Et  le  poingnoit  com  une  asnesse. 


(1)  Le  livre  de  Mathéolus,  poème  français  du  xiv»  siècle,  par 
Jean  Lefèvre;  Bruxelles,  1846,  Livre  ]«>•,  v.  1101-1114. 


INTRODUCTION  XLIII 

Un  ms.  du  xv«  siècle,  appartenant  à  la  Bibliothèque 
d'Epinal(l),  contient  (f.  162  ro)le  huitain  suivant,  dont 
l'auteur  inconnu  cite  Aristote  parmi  les  sept  sages  que 
leur  prudence  ne  put  mettre  à  l'abri  des  ruses  de  la 
femme  : 

Per  femme  fut  Adam  dessus, 

Et  Virgille  mosquez  en  fut, 
Ypocrasse  en  fut  enerbez, 
Ssansson  le  fort  deshonorez, 
Davit  an  fit  fault  jugemant. 
Et  Sallemon  fault  testamant. 
Femme  chevalchat  Aristote  : 
Il  n'est  rien  que  femme  n'aisotte  ! 

On  lit  ensuite  ;  «  Et  s'est  la  manierre  commant  lé 
.  vn  .  saige  furent  dessus  per  femme.  » 

Dans  le  xv®  siècle,  vers  l'époque  même  où  les  huchiers 
et  imaigiers  de  la  cathédrale  de  Rouen  sculptaient 
sur  une  miséricorde  du  chœur  et  sur  le  portail  de  la 
Calende  le  sujet  tiré  du  Lai  d'Aristote,  un  grave  per- 
sonnage, qui  depuis  fut  pape  sous  le  nom  de  Pie  II, 
^neas  Silvius  Piccolomini,  alors  secrétaire  de  l'em- 
pereur Frédéric  III,  rappelait  l'aventure  d'Aristote  et 
celle  de  Virgile,  dans  son  roman  d'Euryale  et  de  Lu- 
crèce, qui  fait  l'objet  de  sa  114«  lettre  datée  de  Vienne, 

(1)  M.  F.  Bonnardot,  Notice  du  manuscrit  189  de  la  Bi- 
bliothèque d'Épinal,  etc.,  dans  le  Bulletin  de  la  Société  des 
anciens  textes  français,  1876,  n*»»  2  à  4,  p.  64-132. 


XLIV  INTRODUCTION 

le  5  des  nones  de  juillet  1444  (1).  Euryale,  dévoré  par 
l'amour  qu'il  ressent  pour  Lucrèce,  essaie  d'abord  d'y 
résister  ;  il  succombe  enfin  et  s'écrie  :  «  Incassum,  mi- 
ser, amori  repugno.  Numme  licebit  quod  Julium  licuit, 
quod  Alexandrum,  quod  Annibalem  ?  Sed  quid  viros  ar- 
mâtes refero  ?  Aspice  poetas,  Virgilius  per  funem  trac- 
tus  ad  mediam  turrim  pependit,  dum  se  mulierculae 
sperat  usurum  amplexibus  :  excuset  quis  poetam  ut 
laxioris  vit»  cultorem.  Quid  de  pbilosophis  dicemus, 
disciplinarum  magistris  et  artis  bene  vivendi  praecep- 
toribnal  Aristotelem  tanquam  equum  mulier  ascendit, 
freno  coercuit  et  calcaribus  pupugit....  (2)  »  -^neas 
Silvius  trouva-t-il  à  Vienne  le  souvenir  de  cette  légende 
ou  l'apporta-t-il  d'Italie  ?  Je  ne  saurais  le  dire.  Mais  ce 
qu'il  y  a  de  certain,  c'est  qu'on  ne  l'oublia  pas  à  Vienne, 
comme  le  témoigne  le  passage  suivant  de  Legrand 
d'Aussy  : 

(1)  jEneœ  Sylvii  Piocolomini...  opéra,  Basile»,  1551,  in-f.  — 
Historia  de  Eurialo  et  Lucretia  se  amantibus,  epist.  cxiiii, 
p.  623. 

(2)  Ibid.,  p.  627.  —  Le  roman  d'^neas  Silvius  eut  un  grand 
succès;  il  a  été  imprimé  plusieurs  fois  au  xve  siècle.  Une  traduc- 
tion en  vers  français,  imprimée  par  Vérard  avant  1500  et  dédiée 
à  Charles  VIII,  est  attribuée  à  Octavien  de  Saint-Gelais  ;  une 
seconde  eut  pour  auteur  maistre  Anthitus,  chapellain  de  la 
sainte  chapelle  aux  ducs  de  Bourgogne,  qui  la  fit  à  la  prière 
et  requeste  des  dames;  on  cite  encore  d'autres  versions  fran- 
çaises. Cet  ouvrage  a  été  traduit  également  en  italien,  en  espagnol, 
en  anglais  et  eu  allemand. 


INTRODUCTION  XLV 

«  Spranger,  peintre  de  l'empereur  Rodolphe  II,  en  a 
fait,  au  commencement  du  xvue  siècle,  un  tableau  que 
Sadeler  a  gravé.  Le  vieil  amoureux  est  représenté 
marchant  à  quatre  pattes,  avec  le  mors  en  bouche,  et 
portant  sur  son  dos  la  dame  qui,  d'une  main,  tient  la 
bride,  et  de  l'autre  un  fouet.  Mais  elle  est  entièrement 
nue,  façon  fort  singulière  de  se  promener. 

«  On  a  fait  différentes  copies  de  l'estampe  de  Sadeler. 
Les  marchands  lui  ont  donné  le  nom  du  philosophe. 
Celui  chez  qui  j'ai  été  les  voir  m'a  dit  savamment  que 
c'était  l'histoire  de  Socrate  et  de  Xantippe,  sa  femme. 

«  Un  amateur  m'a  assuré  avoir  vu  à  Paris,  il  y  a 
plusieurs  années,  un  groupe  en  marbre  représentant 
le  même  sujet.  Il  appartenait  alors  à  M.  le  marquis  de 
Vence.  Dans  l'œuvre  de  Fr.  VanBossuit,  mort  en  1692, 
on  trouve  aussi  ce  sujet  imité.  C'est  une  Vénus  toute 
nue,  montée  sur  le  dieu  Pan  que  l'Amour  tire  par  un 
licou  (1).  » 

Si  le  souvenir  de  la  mésaventure  d'Aristote  s'était 
ainsi  perpétué  d'âge  en  âge,  le  fabliau  du  trouvère 
normand  avait  fini  par  être  oublié,  jusqu'au  moment 
où  le  comte  de  Caylus  le  retrouva  dans  le  ms.  S.  G. 
1830  (maint.  19152).  Dans  son  Mémoire  sur  les  Fa~ 


(1)  Legrand  d'Aussy  :  Fabliaux  ou  contes...  du  XII^  et  du 
XIII^  siècle,  éd.  Renouard,  1829,  t.  I,  p.  280-281. 


XLVI  INTRODUCTION 

bliaux  (1),  daté  de  1746,  où  ce  critique  porte  un  juge- 
ment général  sur  ces  productions  légères  de  notre  vieille 
littérature,  en  fait  ressortir  les  caractères  et  en  apprécie 
les  mérites,  il  donne  une  place  distinguée  à  l'œuvre 
de  Henri  d'Andeli  qu'il  ne  nomme  pourtant  pas.  Il 
trouve  que  ce  fabliau,  dont  il  présente  l'analyse,  ren- 
ferme plus  de  critique,  d'images  et  de  philosophie  que 
la  plupart  des  autres,  indépendamment  du  choix  des 
acteurs  qui  sont  plus  intéressants  ;  il  loue  Fauteur  de 
s^étre  gardé  de  l'obscénité  trop  fréquente  à  son  époque; 
il  vante  l'élégante  description  de  la  parure  de  la  jeune 
fille  ;  «  le  maintien  coquet,  dit-il,  et  les  discours  de  la 
belle  sont  aussi  bien  décrits  que  ceux  du  philosophe  »  ; 
il  loue  un  autre  passage  pour  son  «  heureuse  simpli- 
cité (2)  »  ;  il  ajoute  que  ce  fabliau  est  «  un  exemple 

(1)  Mémoire  sur  les  fabliaux,  par  M.  le  comte  de  Caylus, 
juillet  1746,  dans  les  Mémoires  de  littérature  tirés  des 
Registres  de  VAcadémie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres, 
1753,  t.  XX,  p.  362  à  364. 

(2)  Ibid.,  p.  371.  —  C'est  dans  cette  analyse,  exacte  d'ailleurs, 
et  qui  sent  l'homme  de  goût,  que  Caylus  a  commis  la  singulière 
méprise  si  souvent  citée.  A.  propos  de  ces  deux  vers  : 

Or  soiez  demain  en  abé 
Aus  fenestres  de  celé  tor, 

il  s'est  imaginé  que  la  jeune  fille  conseillait  à  Alexandre  de  se  dé- 
guiser en  abbé  et  il  ajoute  :  «  Le  choix  de  ce  déguisement  est 
bizarre,  j'en  vois  peu  la  raison.  »  Legrand  d'Aussy  cite  ce  passage 
du  comte  de  Caylus  et  s'étonne  à  son  tour.  «  Cette  mascarade 


INTRODUCTION  XLVII 

assez  plaisant  par  le  fond  et  par  les  images  dont  les 
détails  ne  déplairoient  point  dans  l'original  ». 

On  fut  bientôt  à  même  déjuger  de  la  valeur  de  cette 
appréciation  ;  trois  ans  après  la  publication  du  mémoire 
du  comte  de  Caylus,  en  1756,  Barbazan  donna  le  texte 
du  Lai  d'Aristote  dans  son  recueil  de  fabliaux  (1). 

En  1779,  Legrand  d'Aussy  (2)  en  fit,  non  une  traduc- 
tion, mais  une  imitation  en  prose,  précédée  d'un 
préambule  dont  j'ai  cité  quelques  passages.  Il  faut  lui 
savoir  gré  d'avoir  popularisé  les  œuvres  de  nos  vieux 
poètes  ;  je  lui  reprocherai  pourtant  d'avoir  parlé  de  ce 

inutile  ne  se  trouve,  dit-il,  ni  dans  l'édition  qu'a  donnée  du  fabliau 
Barbazan,  d'après  le  manuscrit  cité  par  M.  de  Caylus,  ni  dans 
deux  autres  versions  un  peu  différentes  de  celle-ci  que  j'ai  entre 
les  mains.  »  Pourtant  Legrand  d'Aussy  connaissait  le  ms.  dont 
s'était  servi  de  Caylus  ;  cependant  il  semble  douter  que  le  passage, 
cause  de  la  méprise,  s'y  trouve.  Quoi  qu'il  en  soit,  celui  qui  le 
premier  a  retrouvé  au  xviiie  siècle  et  dignement  apprécié  nos 
vieux  fabliaux,  mérite  bien  qu'on  l'excuse  et  qu'on  dise  avec 
M.  V.  Leclerc  :  «  Les  erreurs  de  ce  genre  sont  trop  faciles  à  com- 
mettre pour  qu'il  ne  soit  que  juste  et  prudent  de  les  excuser.  > 
{Histoire  litt.  de  la  France,  t.  XXIII,  p.  76.) 

(1)  Fabliaux  et  contes  français  des  XII«,  XlIJe,  XI  V«  et 
XV^  siècles;  Paris,  1756,  3  v.  in-12.  —  Méon  a  reproduit  cette 
édition  dans  celle  qu'il  a  donnée  en  1808,  4  v.  in-S». 

(2)  Fabliaux  ou  contes  des  XJI^  et  XJII^  siècles;  Paris, 
1779,  3  V.  in-8o.  —  Une  seconde  édition  de  cet  ouvrage  a  été 
donnée  en  5  vol.  petit  in-12;  Paris,  1871,  et  une  troisième  par 
A. -A.  Renouard,  en  5  vol.  in-8°;  Paris,  1829. 


XLVIII  INTRODUCTION 

fabliau  avec  ce  ton  de  légèreté  dédaigneuse  que  le 
xvm®  siècle  appliquait  à  notre  ancienne  littérature.  A 
propos  de  l'innocente  et  aimable  bagatelle,  il  s'écrie 
avec  une  hauteur  un  peu  trop  philosophique  :  «  Au 
reste,  le  fabliau  qui  va  suivre  fera  voir  que  l'histoire 
et  la  critique  qu'elle  exige  étoient  pour  nos  poètes  des 
choses  fort  indifférentes  et  qu'ils  ne  cherchoient  souvent 
qu'un  nom  célèbre  auquel  ils  pussent  coudre  les  extra- 
vagances de  leur  imagination  (1).,»  L'histoire  et  la  cri- 
tique ont  en  vérité  bien  à  faire  ici,  et,  n'en  déplaise  à  ce 
sévère  censeur,  je  me  permettrai  de  trouver  que  l'imi- 
tation, facilement  écrite  d'ailleurs,  qu'il  donne  au  lieu 
du  texte  sans  prendre  la  peine  de  le  bien  lire,  puisqu'il 
dit  que  la  jeune  fille  délaissée  par  Alexandre  alla 
trouver  elle-même  son  amant,  est  loin  de  valoir  l'ori- 
ginal, dont  elle  supprime  plus  d'un  trait  fin  et  gra- 
cieux. 

Je  dirai  de  même  qu'Imbert,  qui  a  mis  en  vers 
modernes  le  petit  poème  de  Henri  d'Andeli,  ne  peut 
soutenir  la  comparaison  avec  le  rimeur  normand  (2). 

Quand  le  Lai  d'Aristote  eut  été  publié,  les  littérateurs 
ne  manquèrent  pas  d'y  puiser  des  inspirations  comme 
l'avaient  fait  les  sculpteurs  du  moyen  âge.  Le  vendredi 
11  août  1780,  Barré  et  Piis  firent  jouer  sur  la  scène  de 

(1)  T.  I,  p.  280  de  l'édition  de  1829. 

(2)  Choix  de  fablicmx  mis  en  vers,  1788,  2  vol.  —  Le  Lai 
d'Aristote  se  trouve  dans  le  t.  I,  p.  157-170. 


INTRODUCTION  XLIX 

la  Comédie-Italienne  un  vaudeville  intitulé  Aristote 
amoureux  ou  le  Philosophe  hridë.  Les  exigences  du 
théâtre  avaient  amené  les  auteurs  à  modifier  la  scène 
principale.  Orphale,  la  maîtresse  d'Alexandre,  ne 
chevauchait  pas  le  philosophe,  mais  se  faisait  traîner 
par  lui  dans  un  char.  Bachaumont,  dans  ses  Mémoires 
secrets  (1),  dit  que  «  cette  bagatelle  a  eu  un  succès  dé- 
cidé. »  Mais  quelque  chose  de  véritablement  amusant, 
c'est  l'indignation  ressentie  par  l'austère  critique  de  la 
Correspondance  de  Grimm  et  de  Diderot.  Il  s'étonne 
que  la  police  ait  souffert  qu'on  mît  au  théâtre  «  ce  sujet 
scandaleux  »  qui  nous  montre  «  Aristote,  le  vénérable 
Aristote,  à  l'Opéra-Comique,  et  dans  quel  avilissement 
profond  !  Il  serait  difficile,  ajoute-t-il,  de  ne  pas  savoir 
mauvais  gré  aux  auteurs  d'avoir  dégradé  à  ce  point  la 
philosophie  et  de  nous  avoir  représenté  en  plein 
théâtre  le  mentor  le  plus  respectable  de  l'antiquité, 
humilié,  avili  par  une  courtisane  aux  yeux  de  son  dis- 
ciple. Craint-on  que  la  sagesse  ait  jamais  trop  de  cré- 
dit ?  (2)  »  Voilà  ce  qu'on  peut  appeler  un  coup  de  massue 
solidement  asséné  et  il  tient  du  prodige  que  le  Lai  d'A- 
ristote  se  soit  relevé  d'un  si  terrible  anathème. 

La  pièce  intitulée  le  Tribunal  domestique,    dont 

(1)  Edit.  de  1781,  t.  XV,  p.  253-254. 

(2)  Correspondance  littéraire,  philosophique  et  critique 

par  le  barou  de  Grimm  et  Diderot,  seconde  édition  (2e  partie), 
t.  V,  p.  173-175. 


L  INTRODUCTION 

parle  Legrand  d'Aussy  (1),  n'est  qu'une  imitation  bien 
éloignée  du  fabliau  de  Henri  d'Andeli.  Il  en  est  de 
même  du  Philosophe  soi-disant  de  Marmontel  (2)  ;  ce 
philosophe  ne  cède  pas  comme  Aristote,  sans  le  vou- 
loir, à  la  toute-puissance  de  l'amour  ;  c'est  un  sophiste 
hypocrite  et  orgueilleux  qui  n'écoute  que  la  vanité  et 
l'intérêt,  quand,  oubliant  l'aimable  Clarice  pour  lui 
préférer  la  laide,  mais  riche  présidente,  il  laisse  cette 
dernière  lui  attacher  au  cou  un  ruban  couleur  de  rose. 

Il  serait  trop  long  de  parier  ici  de  tous  ceux  qui,  en 
notre  siècle,  se  sont  occupés  du  Lai  d'Aristote.  Il  n'est 
pas  une  histoire  littéraire,  à  commencer  par  celle  de  la 
France  (3),  qui  n'ait  consacré  au  moins  quelques  lignes 
à  cette  œuvre  du  trouvère  normand.  E.-H.  Langlois, 
dans  ses  Stalles  de  la  cathédrale  de  Rouen,  M.  de 
Guilhermy,  dans  la  Revue  générale  de  l'architecture, 
1840,  M.  N.  Beaurain,  dans  les  procès-verbaux  de 
notre  Société,  Font  exactement  et  finement  analysée. 
M.  Antony  Méray  ne  l'a  pas  oubliée  dans  la  Vie  au 
temps  des  Trouvères  ;  mais  pourquoi  fait-il  de  la  belle 
Indienne  «  une  blonde  et  railleuse  fille  de  la  Gaule  ?  (4)  » 

A  ma  connaissance,  une  seule  imitation  en  a  été  faite 
en  notre  temps  :  c'est  le  Char,  opéra-comique  en  un 

(1)  Op.  cit.,  t.  I,  p.  281. 

(2)  Œuvres  complètes,  in-S»,  1818,  t.  III,  p.  228-255. 

(3)  Hist.  litt.  de  la  France,  t.  XXIII,  p.  76. 

(4)  P.  203. 


INTRODUCTION  U 

acte  et  en  vers  libres,  par  MM.  Paul  Arène  et  Alphonse 
Daudet,  qui  ont  dédié  leur  œuvre  irrévérencieuse  au 
vieil  auteur  du  Lai  d'Aristote  (1). 
La  belle  esclave  Biiséis, 

.  .  .  .  du  pays  Gaulois, 
Pays  de  brume  et  de  grands  bois 
Que  parfois  un  rayon  essuie, 

a  tourné  les  têtes  du  vieil  Aristote  et  du  jeune  Alexan- 
dre qui  en  oublie  sa  table  de  Pythagore.  Le  disciple 
laissant  son  maître 

Planté  dans  un  clos  d'orangers, 
En  train  d'expliquer  d'une  voix  sonore, 
Les  lois  du  monde  et  les  nombres  de  Pythagore 
A  deux  corneilles  et  trois  geais, 

accourt  auprès  de  la  jeune  esclave  et  l'aide  à  étendre 
sa  lessive  en  lui  dérobant  mille  baisers.  Arrivée  sou- 
daine du  grave  philosophe  qui  s'indigne  à  ce  spec- 
tacle : 

On  voit  ici  des  choses  excessives  : 

Le  grand  Aristote  laissé 
Tout  suant  au  bord  d'un  fossé, 
Et  le  fils  d'un  grand  roi  qui  sèche  des  lessives  ! 

Il  va  écrire  ce  qu'il  a  vu  au  roi  Philippe  et  exiler  Bri- 
séis  en  Scythie.  Laissée  seule  avec  Alexandre,  la  jeune 

(1)  La  musique  est  de   M.  Paul   Pessard.  —  Lç  Char  a  été 
donné  pour  la  première  fois,  à  rOpéra-<k>mique,  le  18  janvier  1878. 


ni  INTRODUCTION 

esclave  promet  de  réduire  Aristote  à  se  taire.  Elle 
connaît  trop  bien  les  philosophes  : 

Amour  sait  dompter  leur  rudesse, 
Et  la  trame  de  leur  sagesse 
S'effiloche  bien  vite  entre  deux  jolis  doigts. 

Et,  en  effet,  la  coquette  a  bientôt  mis  à  ses  pieds  l'aus- 
tère moraliste.  Pour  prix  d'un  seul  baiser,  il  consent 
à  prendre  un  harnais  et  à  traîner  dans  un  char  la 
jeune  espiègle.  Il  sent  bientôt  que  la  charge  est  dou- 
blée et  entend  derrière  lui  deux  voix  rieuses  :  Alexandre 
est  dans  le  char  à  côté  de  la  jeune  fille.  Tout  à  coup,  les 
tambours  et  les  trompettes  annoncent  l'arrivée  de 
Philippe,  à  la  grande  terreur  du  philosophe  qui,  crai- 
gnant d'être  surpris  dans  une  posture  si  ridicule, 
demande  en  grâce  qu'on  le  débarrasse  du  licou  ;  il  ne 
l'obtient  qu'à  la  condition  de  déchirer  la  lettre  et  de 
donner  la  liberté  à  la  belle  Briséis. 

C'est  ainsi  que  du  xiii«  siècle  jusqu'à  nos  jours,  les 
artistes  et  les  littérateurs  ont  perpétué  le  souvenir  de 
ce  conte  charmant.  Le  petit  poème  du  trouvère  nor- 
mand a  joui  d'une  fortune  que  mainte  oeuvre  plus 
sérieuse  pourrait  lui  envier. 

Le  texte  du  Lai  d'Aristote,  publié  d'abord  par  Bar- 
bazan,  a  été  reproduit  en  1808  par  Méon,  t.  III,  p.  96 
et  suiv.  de  la  nouvelle  édition  des  Fabliaux  et  contes 
français  des  XI",  XIB,  XIW,  XIV^  et  XV"  siècles. 


•"'>--**^- 


INTROPUCTION  LUI 


III 


LA  BATAILLE  DES  VINS 


Aujourd'hui  que  l'on  recherche  avec  tant  d'avidité  les 
moindres  détails  relatifs  à  cette  époque  du  moyen  âge 
si  curieuse  à  étudier,  et,  malgré  tant  de  recherches, 
encore  si  peu  connue,  la  Bataille  des  Vins  nous  inté- 
resse moins  par  sa  valeur  littéraire,  qui  toutefois  n'est 
pas  à  dédaigner,  que  par  la  nomenclature  qu'elle  ren- 
ferme des  principaux  crus  du  temps.  A  cet  égard,  elle 
nous  satisfait  plus  amplement  que  quelques  autres 
poèmes  consacrés  également  au  vin  et  composés  vers  la 
même  époque.  La  pièce  des  Vins  d'Ouan,  par  Guiot  de 
Vaucresson  (1),  est  assez  insignifiante;  le  Martyre  de 
Saint  Baccus  (2),  écrit  en  1313  par  Geofi'roy,  tout  en 
ne  citant  qu'un  petit  nomhre  de  crus,  donne  quelques 
détails  curieux  sur  la  culture  de  la  vigne  et  la  fahrica- 

(1)  Recueil  général  et  complet  des  fabliaux  des  XIII^  et 
XI V^  siècles,  publié  par  MM.  Anatole  de  Montaiglon  et  Gaston 
Raynaud,  t.  II,  p.  140-144. 

(2)  Nouveau  recueil  des  contes^  dits,  fabliaux....  des  XIJI'=, 
XI V^  et  ZFe«ec^es...  misau  jour...par  A.  Jubinal,  1. 1,  p.  250-265. 


LIV  INTRODUCTION 

tion  du  vin  ;  mais  la  Besputoison  du  Vin  et  de  l'Iaue  (1) 
est  une  pièce  vraiment  intéressante  par  les  jugements 
que  l'auteur  y  porte  sur  les  vins  les  plus  estimés  de  son 
temps  et  qui  s'accordent  en  général  avec  les  apprécia- 
tions de  Henri  d'Andeli.  Là  Bataille  des  Vins  a  le  mé- 
rite de  nous  faire  connaître  les  noms  de  plus  de  soixante- 
dix  régions,  villes  ou  bourgades,  célèbres  alors  par 
leurs  vignobles.  Quelques-uns  de  ces  noms  sont,  il  est 
vrai,  difficiles  à  identifier,  parce  que  nous  les  trouvons 
aujourd'hui  portés  par  des  localités  différentes  ;  mais 
l'œuvre  dont  il  s'agit  n'en  est  pas  moins  une  source  de 
précieux  renseignements  pour  quiconque  voudrait  étu- 
dier cette  partie  si  intéressante  de  l'agriculture  au 
moyen  âge. 

A  ces  œuvres  de  nos  vieux  poètes,  il  convient  d'ajou- 
ter certains  traités  en  prose  qu'on  ne  consulterait  pas 
sans  profit.  On  a  signalé  depuis  longtemps  le  traité  dans 
lequel  Geoffroy  de  Vinsauf  (2)  enseigne  l'art  de  greffer 

(1)  Nouveau  recueil  des  contes,  etc.,  par  A.  Jubinal,  t.  I, 
p.  293-311.  —  Le  même  sujet  a  été  traité  plus  tard,  mais  d'une 
manière  moins  intéressante,  par  un  autre  poète  (V.  A.  de  Mon- 
taiglon,  Recueil  de  poésies  françaises  des  XV^  et  XVI^  siècles, 
IV,  183).  Du  reste,  la  querelle  de  l'Eau  et  du  Vin  a  servi  de 
thème  à  des  chansons  populaires  que  le  peuple  répète  en  divers 
points  de  la  France.  Voir  à  cet  égard  Un  débat  chanté,  article 
de  M.  W.  Smith,  dans  le  n"  24  de  la  Romania,  octobre  1877, 
p.  596-598. 

(2)  Tractatus  magistri  Galfridi,  continens  in  se  breviter  omnem 
modum  inserendi  arbores  aromaticas,  fructus  conservandi,  vites, 
vina  cognoscendi,  vinaque  universa  deteriorata  formandi,  acetum- 


INTRODUCTION  LV 

les  arbres  aromatiques,  de  conserver  les  fruits,  de 
connaître  les  vignes,  les  vins,  etc.  Jofroi  de  Waterford 
a  traduit  en  français,  au  xm®  siècle,  sous  ce  titre  Le 
Segré  des  Segrez  ou  de  Gouvernement  de  rois  (1),  un 
traité  latin,  \e  Secretum  secretorurriy  que  beaucoup  de 
manuscrits  nous  ont  conservé  et  dans  lequel  on  retrouve 
le  traité  de  physiognomonie  d'Aristote.  Jofroi  y  a  inséré 
plusieurs  chapitres  relatifs  au  vin;  je  transcris  ici, 
pour  qu'on  puisse  comparer  ses  jugements  à  ceux  de 
notre  trouvère,  le  chapitre  intitulé  :  De  la  diversetez 
du  vin  solonc  lesterrages  ou  les  vingnes  croissent  (2)  : 

«  Or  vous  ai  contei  de  la  diversitei  du  vin  solonc  sa 
nature  et  son  effait  ;  des  ore  mais  avient  a  dire  la  diversi- 
tez.de  vin  soIoac  les  terrages  et  la  région  ou  les  vignes 
croissent  ;  dont  fait  a  entendre  que  les  vins  qui  sunt  co- 
munement  en  haus  tertres  sunt  plus  fort  et  plus  cl  ers  que 
les  vins  qui  sunt  de  basse  terre,  et  les  vins  qui  croissent 
ax  sommet  des  montaingnes  sunt  fors  et  clers  et  entes- 
tant,  et  les  vins  qui  croisent  ens  es  valées  ont  les  con- 
dissions  contraires  ;  mais  les  vins  qui  croisent  az  pen- 

que  mutandi,  et  conditiones  cujuscumque  vini  et  cœterorum  pre- 
tiosorum  liquorum  vel  pigmentorum  faciendi,  tam  pro  sanis  quam 
infirmis.  —  V.  Hist.  litt.  de  la  France,  t.  XVIII,  p.  311. 

(1)  Bibl.  nat.,  F.  fr.,  ms.  1822  (anc.  785633). 

(2)  Ib.y  f.  113  v»,  col.  Ire  à  114  r»  col.  l^e.  —  Une  phrase  de  ce 
chapitre  a  été  citée  dans  V Histoire  littéraire  de  la  France, 
t.  XXI,  p.  220, 


LVI  INTRODUCTION 

dans  et  sur  la  crupe  de  la  montaingne  plus  valent,  que 
plus  sunt  atemprez,  por  ce  qu'il  ne  sunt  trop  près  ne  trop 
loing  du  solel  et  por  ce  le  seoul  est  plus  atemprez.  Le  vin 
cum  plus  est  meur,  plus  nourist,  de  quel  terrage  qu'il 
soit,  entant  cum  plus  est  verdet,  tant  plus  estanche 
soif;  et  touz  vins  de  tant  cum  plus  aprochent  al  orient, 
tant  sunt  plus  fors  et  ensi  entendez  vers  plogol,  et  tant 
cum  plus  aprochent  ver  occident  et  ver  bise,  tant  resunt 
plus  fiebles,  et  por  ce  acunes  terres  sont  en  l'occident 
et  en  bise  que  por  defaute  de  chalor  ne  portent  nul  vin, 
car  trop  sont  eslongies  du  solel,  si  cum  est  Sasoingne 
et  Donemarche  et  Noreweghe  et  Yrlande,  et  por  ce  le 
vin  Grek  et  le  vin  de  Cypre  sunt  si  forz  et  si  haut  de 
vin  que  moût  sunt  perrilhous  a  boire  en  grant  quantitei, 
s'ils  ne  soient  bien  atemprez  et  bien  soifrent  la  quarte 
ou  la  tierce  partie  d'eiwe.  Tez  vin,  quant  est  pur,  plus 
vaut  a  médecine  que  a  boire.  Le  vin  vernache  est  de 
milhor  condition,  car  il  est  atempreement  fort  et  flaire 
très  douchement  ains  qu'il  viengne  a  la  bouche,  les 
narines  salue  et  conforte  la  cervelle,  bien  prent  al 
palais  et  point  sans  bleschier,  al  cuer  donne  joie  et 
leesche,  et,  courtement  a  dire,  de  tout  vins  ce  est  le 
peruenke.  Vins  de  Provence  et  de  Gascoingne  est  aques 
fort,  mais  sec  est  et  très  durement  serré.  Vin  d'Achoire 
est  fort  et  aques  moistes  et  aques  serré  et  moût  est  de 
maie  qualitez;  car,  s'il  est  mellei,  poi  vaut,  se  il  est 
dessavorei,  et,  s'il  ne  soit  mellei,  trop  grieve  a  la  teste 
qui  moût  en  prent.  Vin  de  la  Rochelle  bastart  est  fort 


INTRODUCTION  LVII 

et  sec  et  doue  en  savour,  et  très  durement  grieve  qui 
moût  en  boit  a  la  teste  et  al  cors,  mais  bonne  délivrance 
de  ventre  fait,  pop  quoi  dient  li  fisecien  que  om  le  doit 
boire  a  l'aler  dormir.  Vin  françois  est fiebles  etmoistes 
et  nient  ne  grieve  a  la  teste  se  ne  soit  par  trop  grant 
forfait,  bien  fait  oriner  et  bien  estaint  soif  et  maiement 
le  vin  blanc.  Le  vin  rouge  d'Orliens  et  le  vin  blanc  de 
Saint  Milion  moût  sont  gentil,  sucement  font  dormir 
sens  grevanche  de  teste  ou  de  cors.  Le  vin  rinois  est 
fort  et  moiste,  et  bien  et  sens  violence  lasque  le  ventre 
et  les  boiaus  et  flaire  doucement  comme  violette,  et 
celle  odor  apelle  om  bruscant,  joie  donne  et  leesce,  et 
se  uns  hom  en  fuist  toz  ivres,  ja  ne  soi  sentiroit  le  pire  ^ 
après  dormir.  » 

Ces  appréciations  de  Jofroi  de  Waterford  sont  cu- 
rieuses à  rapprocher  de  celles  qui  ont  été  formulées  au 
xvi«  siècle  par  le  normand  Julien  le  Paulmier  dans 
son  précieux  et  rare  Traité  du  Vin  et  du  Sidre  (1). 

Les  vins  ont  été  au  moyen  âge,  comme  ils  le  sont 
encore  aujourd'hui,  une  des  productions  les  plus  impor- 
tantes du  sol  de  la  France  et  une  source  abondante  de 

(1)  P.  21  yo  à  27  r»  de  l'édition  française.  —  Julien  le  Paul- 
mier avait  publié  son  traité  en  latin  sous  ce  titre  :  Julia/ni  Pal- 
marii  de  vino  et  pomaceo  libri  duo,  Parisiis,  G.  Auvray,  1588. 
Jacques  de  Cahaignes  est  l'auteur  de  la  traduction  française  : 
Traité  du  Vin  et  du  Sidre,  Caen,  P.  Le  Chandelier,  1589.  Il  y 
a  inséré  un  chapitre  intitulé  :  Apologie  du  Translateur  contre 
Vusage  du  vin  et  du  sidre  sans  eau. 

8 


LVm  INTRODUCTION 

richesse  pour  le  pays.  Cultivés  dans  les  régions  qui 
leur  sont  encore  affectées  et  même  dans  les  provinces 
qui  n'en  produisent  plus  maintenant,  en  Normandie 
par  exemple,  ils  étaient  l'objet  d'un  trafic  considérable. 
Nous  voyons  dans  la  pièce  de  Henri  d'Andeli  que  les 
vins  d'Alsace  et  de  la  Moselle  s'importaient  en  Alle- 
magne et  ceux  de  la  Rochelle  dans  tous  les  pays  du 
Nord.  Les  belles  recherches  de  M.  E.  de  Fréville(l)et 
de  M.  Ch.  de  Beaurepaire  (2)  sur  le  commerce  de 
Rouen  au  moyen  âge,  nous  font  connaître  qu'ils  furent 
pendant  longtemps  l'objet  principal  du  trafic  de  cette 
ville,  qui  recevait  par  mer  les  vins  de  Guyenne  et  de 
Gascogne,  et  par  la  Seine  ceux  de  France  etd'Auxerre. 
Une  étude  générale  sur  les  vignobles  qui  existaient 
autrefois  en  France  serait  d'un  haut  intérêt.  Legrand 
d'Aussy  l'a  tentée  dans  son  Histoire  de  la  vie  privée  des 
François  (3)  ;  mais  il  s'est  appuyé  trop  exclusivement 
sur  les  ouvrages  des  trouvères,  qui  n'ont  pu  lui  fournir 
que  des  données  insuffisantes.  Tout  en  tenant  grand 

(1)  Mémoire  sur  le  commerce  maritime  de  Rouen  depuis 
les  tem>ps  les  plus  reculés  jusqv^à  la  fin  du  X  VI^  siècle,  in-8, 
1857,  pp.  108,  119-120. 

(2)  De  la  Vicomte  de  l'Eau  et  de  ses  coutumes  aux  XIII^  et 
XlVe  siècles,  in-8,  1858,  p.  18. 

(3)  Histoire  de  la  vie  privée  des  François  depuis  Vorigine 
de  la  nation  jusqu'à  nos  jours,  par  Legrand  d'Aussy,  nouvelle 
édition  avec  des  notes,  corrections  et  additions,  par  J.-B.-B.  de 
Roquefort,  1815,  t.  II,  p.  377-426,  et  t.  III,  p.  1-62. 


INTRODUCTION  UX 

compte  des  jugements  formulés  par  ces  interprètes  du 
goût  populaire  et  des  faits  qu'on  pourrait  puiser  dans 
divers  ouvrages  tels  que  ceux  dont  j'ai  parlé  plus  haut, 
on  trouverait  dans  les  archives  bien  consultées  des 
diverses  provinces  une  source  beaucoup  plus  abondante 
de  détails  nécessaires  à  ce  travail.  MM.  L.  Delisle  et 
Ch.  de  Beaurepaire  (1)  en  ont  donné  la  preuve  dans 
leurs  recherches  sur  les  vignobles  normands  ;  tant  que 
leur  exemple  ne  sera  pas  suivi  par  les  érudits  des  diffé- 
rentes régions  de  notre  pays,  cette  étude  générale 
demeurera  impossible. 

Une  des  choses  qui  nous  surprennent  le  plus  dans 
l'œuvre  de  Henri  d'Andeli,  c'est  la  place  distinguée 
donnée  aux  vins  français,  c'est-à-dire  à  ceux  que  pro- 


(1)  M.  L.  Delisle  :  Etudes  sur  la  condition  de  la  classe  agri- 
cole et  l'état  de  V agriculture  en  Normandie  au  moyen 
âge,  p.  419-470,  in-8;  Evreux,  1851.  —  M.  Ch,  de  Beaurepaire  : 
Notes  et  documents  concernant  l'état  des  ca/mpagnes  de  la 
haute  Normandie  dans  les  derniers  temps  du  moyen  âge, 
p.  105-116,  in-8;  Evreux-Rouen,  1865.  —  Voir  aussi  M.  Ch.  de 
Beaurepaire  :  Revue  de  Rouen,  1852,  p.  57-64.  —  M.  l'abbé  Co- 
chet :  Culture  de  la  vigne  en  Normandie  {Revue  de  Rouen), 
juin  1844,  et  Bull,  de  la  Soc.  d'Emul.  de  Rouen,  1844  ;  Les 
anciens  vignobles  de  la  Normandie  {Revue  de  la  Normandie, 
1866).  —  A.  Canel  :  Blason  populaire  de  la  Normandie,  1859, 
t.  l,  p.  124-132.  —  De  Bonnechose  :  Recherches  historiques  sur 
les  progrès  de  l'horticulture  et  de  Vétude  de  la  botanique  dans 
le  Bessin  {Mém.  de  la  Soc.  d'Agric,  des  Sciences,  A  rts  et  Belles- 
Lettres  de  Bayeux,  1844),  p.  197-249. 


LX  INTRODUCTION 

duisait  alors  l'Ile-de-France  (1).  Les  vignes  de  cette 
province  ne  donnent  plus  aujourd'hui  que  des  produits 
très  médiocres  ;  mais  il  n'en  était  pas  ainsi  autrefois, 
et  tous  les  témoignages  s'accordent  à  le  constater  ;  on 
peut  en  voir  un  grand  nombre  dans  V Histoire  de  la  vie 
privée  des  François  oii  Legrand  d'Aussy  s'est  plu  à 
les  réunir.  On  a  attribué  l'infériorité  actuelle  des  vins 
de  cette  région  à  un  changement  de  climat,  ce  qui  est 
fort  contestable  ;  on  a  dit  encore  que  les  perfectionne- 
ments apportés  à  la  culture  de  la  vigne  et  à  la  fabrica- 
tion des  vins  dans  les  autres  provinces  en  ont  amélioré 
les  produits,  tandis  que  ceux  de  l'Ile-de-France  restaient 
stationnaires  j  cette  raison  pourrait  faire  comprendre 
pourquoi  ils  sont  inférieurs  aux  autres,  mais  non  pas 
pourquoi  ils  sont  mauvais.  M.  Biot,  dans  un  des  ar- 
ticles (2)  qu'il  a  consacrés  à  l'examen  de  l'ouvrage  de 
M.  L.  Delisle,  attribue  à  un  changement  de  cépages  la 
mauvaise  qualité  des  vins  que  l'on  récolte  maintenant 
aux  environs  de  Paris.  D'après  lui^  la  variété  cultivée 
autrefois  appartenait  aux  pineaux  de  Bourgogne  qui 
présentent  deux  inconvénients  :  celui  d'être  peu  pro- 
ductifs et  celui  de  donner  peu  de  raisin  sur  leurs  bour- 
geons adventifs  quand  les  premières  pousses  ont  été 

(1)  Au  moyen  âge,  le  nom  de  France  s'appliquait  souvent  d'une 
façon  spéciale  à  l'Ile-de-France,  domaine  primitif  des  rois.  Julien 
le  Paulmier  (op.  cit.,  p.  22  v.)  emploie  encore  en  1589  les  mots 
«  vins  françois  »  dans  ce  sens  restreint. 

(2)  Journal  des  Savants,  1851,  p.  672. 


INTRODUCTION  LXI 

détruites  par  les  gelées  du  printemps.  Les  vignerons 
des  environs  de  Paris  purent  soutenir  la  concurrence 
avec  ceux  des  autres  provinces  tant  que  les  communi- 
cations furent  difficiles  ;  mais,  «  à  mesure  que  les  arri- 
vages par  terre,  surtout  par  mer,  ont  baissé  de  prix  , 
les  vins  communs  de  la  basse  Bourgogne  leur  faisaient 
une  concurrence  qu'ils  ne  pouvaient  plus  soutenir.  C'est 
pourquoi  ils  ont  arraché  tous  les  anciens  plants  qui 
couvraient  leurs  coteaux,  et  les  ont  remplacés  par 
d'autres  variétés  de  cépages  tels  que  le  gamai,  le  meu- 
nier, qui,  ne  coûtant  pas  plus  à  cultiver,  ont  sur  eux  trois 
avantages  :  d'être  beaucoup  plus  productifs,  moins  dé- 
licats, et  de  donner  encore  des  bourgeons  adventifs  qui 
portent  fruit  quand  les  autres  ont  été  détruits  par  les 
gelées.  Les  vins  fournis  aujourd'hui  par  ces  nouveaux 
plants  sont  toujours  âpres,  grossiers,  voisinsdu  vinaigre; 
toutefois,  leur  abondance  et  leur  bas  prix  satisfont  les 
producteurs  ainsi  que  les  consommateurs  qui  vont  les 
boire  hors  barrière.  Voilà  par  quelle  métamorphose  les 
vignobles  de  Suresnes  et  d'Argenteuil  ont  cessé  d'être 
dignes  de  leur  ancienne  réputation.  » 

Le  texte  de  la  Bataille  des  Vins  a  été  publié  pour  la 
première  fois  par  Barbazan,  en  1756,  dans  ses  Fabliaux 
et  contes  des  poètes  français  des  XP,  XII^,  XIII^, 
XIV^  et  XV^  siècles;  Méon  l'a  reproduit  dans  son  édi- 
tion de  1808,  t.  I,  p.  152.  Legrand  d'Aussy  en  a  donné 
la  traduction  dans  ses  Fabliaux  ou  Contes  des  XIP 
et  XIIP  siècles  édités  par  lui  en  1779  et  réimprimés 


LXII  INTRODUCTION 

en  1829  par  Renouard  (1),  Il  n'a  pas  toujours  bien 
compris  le  texte  qu'il  traduisait,  mais  l'erreur  la  plus 
singulière  qu'il  ait  commise  est  assurément  celle  qui  lui 
a  fait  prendre  le  nom  de  l'auteur  pour  celui  d'un  cru 
qu'il  place  dans  le  Quercy  ou  dans  la  Saintonge  (2). 

(1)  T.  III  de  l'édit.  de  1829,  p.  35-38. 

(2)  Ibid.,  p.  37,  et  note  8,  p.  42. 


INTRODUCTION  T.XTTÏ 

IV 

LE  DIT  DU  CHANCELIER  PHILIPPE 

L'abbé  de  La  Rue  a  révélé  le  premier  l'existence  de 
la  pièce  dans  laquelle  Henri  d'Andeli  a  rendu  un 
pieux  hommage  à  la  mémoire  du  chancelier  de  l'Eglise 
de  Paris,  Philippe  de  Grève  (1),  mort  le  26  dé- 
cembre 1236.  Il  l'avait  trouvée,  pendant  le  séjour  qu'il 
fit  en  Angleterre  de  1792  à  1797,  dans  le  manuscrit 
4333  (f.  98  ro,  col.  2,  à  f.  100  r«,  col.  1)  de  la  Biblio- 
thèque Harleïenne  (British  Muséum).  Après  en  avoir 
fait  connaître  brièvement  le  sujet  dans  la  notice  qu'il 

(1)  L'abbé  de  La  Rue  {Essais  historiques  swr  les  bardes,  etc., 
t.  III ,  p.  34) ,  dit  à  propos  de  cette  pièce  :  «  Le  Dictié  du 
chancelier  Philippe  :  c'est  le  récit  des  derniers  moments  de  Phi- 
lippe d'Antongny,  chancelier  de  France...  »  Il  a  confondu  Philippe 
d'Antongny  qui  fut,  sinon  chancelier  de  France,  du  moins  garde 
du  grand  sceau,  custostnagni  sigilli  (Du Gange,  v.  Cancellarius), 
avec  le  chancelier  de  l'église  de  Paris,  Philippe  de  Grève.  A 
l'égard  de  ce  dernier,  je  crois  utile  de  reproduire  cette  note  de 
M.  P.  Meyer  {Romania,  1872,  p.  192,  n.  7)  :  «  Je  dis  Philippe  de 
Grève  pour  me  conformer  à  l'usage  de  mes  devanciers,  à  com- 
mencer par  Fabricius,  qui  appelle  notre  chancelier  Philippus 
Grevius  ;  mais  j'avoue  que  je  n'ai  trouvé  ce  surnom  dans  aucun 
document  ancien.  » 


LXIV  INTRODUCTION 

a  consacrée  à  Henri  d'Andeli,  il  en  a  cité  38  vers, 
notamment  ceux  qui  contiennent  les  dernières  paroles 
du  chancelier,  qu'il  appelle  si  justement  la  prière 
attendrissante  d'un  chrétien  mourant. 

M.  P.  Meyer  a  publié  dans  la  Romania  (1)  le  texte 
de  cette  pièce,  qui  comprend  266  vers,  en  le  faisant 
précéder  d'une  étude  (2)  sur  Henri  d'Andeli  et  sur  le 
chancelier  Philippe,  où,  après  avoir  examiné  ce  que 
cette  publication  apporte  d'éléments  nouveaux  à  la 
connaissance  qu'on  avait  jusqu'alors  de  l'auteur  et  du 
chancelier ,  il  présente  quelques  considérations  sur  la 
langue  et  la  versification  de  Henri  d'Andeli,  et  termine 
par  la  description  du  manuscrit  Harleïen  4333. 

C'est  dans  cette  pièce,  composée  après  le  26  dé- 
cembre 1236,  que  Henri  d'Andeli  nous  fait  connaître, 
comme  je  l'ai  déjà  dit,  sa  qualité  de  clerc  (v.  251).  Il 
dit  encore  (v.  224-257)  qu'il  n'a  point  appelé  son  œuvre 
un  flahlel, 

Por  ce  qu'il  est  de  vérité, 

c'est-à-dire  parce  qu'il  est,  non  une  fable,  mais  un 
récit  véridique,  et  que  voulant  «  qu'il  soit  bien  recitez,  » 
il  ne  l'a  pas  écrit  en  tahlel,  mais  sur  parchemin,  ce 
qui  prouve  qu'on  avait  encore,  à  cette  époque,  l'usage 
d'écrire  sur  des  tablettes  de  cire  les  ouvrages  auxquels 
on  attachait  sans  doute  peu  d'importance. 

(1)  No  2,  avril  1872,  p.  210-215. 

(2)  Ibid.,  p.  190-209. 


INTRODUCTION  tTV. 

Philippe  de  Grève  n'était  guère  connu,  jusqu'aux 
dernières  recherches  de  M.  P.  Meyer,  que  comme 
théologien  et  comme  sermonnaire.  Les  historiens  (1) 
qui  s'étaient  occupés  de  lui  s'étaient  surtout  attachés 
à  mettre  en  relief  les  luttes  opiniâtres  qu'il  soutint, 
comme  chancelier  de  l'église  de  Paris,  contre  l'Univer- 
sité récemment  fondée,  contre  les  chanoines  réguliers 
de  Sainte-Geneviève,  et  contre  les  Dominicains,  pour 
défendre  les  privilèges  de  l'évêque  de  Paris  en  matière 
d'enseignement.  M.  P.  Meyer^  s'appuyant  sur  le  Dit  de 
Henri  d'Andeli,  sur  la  chronique  de  frère  Salimbene 
de  Parme  et  sur  plusieurs  pièces  trouvées  par  lui  dans 
le  ms.  Egerton,  274  (British  Muséum),  a  fait  ressortir 
un  côté  peu  connu  de  la  vie  de  cet  intéressant  person- 
nage :  il  a  établi  que  Philippe  de  Grève  peut  être  mis 
au  nombre  des  poètes  latins  rhythmiques  et  des 
meilleurs  du  xiii*  siècle. 

Sur  la  foi  de  plusieurs  manuscrits,  on  avait  attribué 
à  Philippe  deux  chansons  françaises.  M.  Meyer  établit 
qu'il  est  douteux  que  l'une  d'elles  lui  appartienne,  et 
que,  s'il  est  probable  qu'il  a  composé  l'autre,  on  ne 
saurait  pourtant  l'affirmer.  Mais  ce  qui  demeure  dé- 

(1)  V.  DuBoullay,  ffist.  Univers.  Paris.,  t.  in,pp.  93-94, 123- 
126,  142-143,  147-149,  154-155,  166,  709.  —  Crevier,  Hist.  de 
r  Université,  t.  I,  pp.  287-291,  293,  345-349.  —  G.  Dubois,  Hist. 
eccl.  Paris.,  t.  II,  p.  345.  —  B.  Hauréau,  Notices  et  extraits  des 
mss.,  t.  XXI,  2e  partie,  p.  185.  —  Hist.  litt.  de  la  France 
(article  de  Daunou),  t.  XVIII,  p.  184-191. 

9 


LTfl  INTRODUCTION 

sormais  bien  acquis,  c'est  qu'il  composa  des  poésies  en 
langue  romane;  Henri  d'Andeli  le  dit  expressément 
dans  ces  vers  : 

De  toi  mie  ne  se  taisoit, 

Mais  sovent  biaus  dis  en  faisoit 

Et  en  romans  et  en  latin.  (V.  143-145.) 

Le  Dit  du  chancelier  Philippe  est  donc  curieux  à 
plus  d'un  titre,  et  M.  P.  Meyer,  en  le  publiant  pour  la 
première  fois,  a  bien  mérité  de  ceux  qui  s'intéressent 
aux  monuments  de  notre  vieille  littérature. 


INTRODUCTION  LXVU 


LA  BATAILLE  DES  VH  ARTS 

La  Bataille  des  VII  Ars  est  la  mise  en  action,  sous 
forme  héroï-comique,  de  la  lutte  qui  s'engagea,  au 
xni^  siècle,  entre  les  écoles  de  Paris  et  celles  d'Orl^ns, 
à  propos  de  l'enseignement  de  la  logique  et  de  la 
grammaire.  Elle  a  été  composée  après  l'année  1236, 
si  toutefois  le  chancelier  dont  parle  Henri  d'Andeli  et 
qui  était,  dit-il,  le  meilleur  clerc  de  France, 

Quar  c'ert  li  mieldres  clers  de  France, 

est  bien,  comme  le  suppose  M.  P.  Meyer  (1)  avec 
beaucoup  de  vraisemblance,  ce  Philippe  de  Grève, 
qui,  nommé  chancelier  de  l'église  de  Paris  en  1218, 
mourut  le  26  décembre  1236,  et  dont  notre  trouvère  a 
déploré  la  mort  en  termes  si  émus.  Ce  petit  poème  est 
rempli  de  détails  curieux  sur  l'état  des  études  au 
xiii^  siècle,  et  particulièrement  sur  les  auteurs  que  les 
maîtres  lisaient  et  commentaient  à  leurs  élèves.  Il 
me  paraît  nécessaire ,  pour  qu'il  soit  bien  compris ,  de 
présenter  quelques  considérations  préliminaires  sur  la 

(1)  Romania,  n»  2,  août  1872,  p.  194,  n.  2. 


LXVm  INTRODUCTION 

marche  et  le  développement  des  études  jusqu'à  l'époque 
où  il  fut  composé. 

Pendant  la  première  partie  du  moyen  âge,  on  paraît 
s'être  attaché  à  suivre  principalement  les  doctrines  de 
Quintilien  dans  l'enseignement  de  la  grammaire.  On 
sait  que  le  célèbre  rhéteur  romain  attachait  une  grande 
importance  à  cette  étude  ;  il  la  considérait  comme  le 
fondement  sur  lequel  devait  reposer  l'éducation  de 
l'orateur,  comme  l'unique  et  indispensable  préparation 
à  la  rhétorique.  Loin  de  regarder  la  grammaire,  ainsi 
qu'il  le  reproche  à  certains  critiques,  comme  une 
science  vide  et  stérile,  il  pensait  que  c'était  peut-être 
la  seule  qui  eût  plus  de  réalité  que  d'apparence. 
Quintilien  ne  renfermait  pas  d'ailleurs  la  grammaire 
dans  les  limites  où  on  la  restreint  aujourd'hui.  Il  la 
divisait  en  deux  parties  :  l'art  de  parler  correctement 
(recte  loquendi  scientia)  et  l'explication  des  poètes 
(poetarum  enarratio)  (1).  La  première  n'était  autre 
chose  que  la  grammaire  proprement  dite  ;  la  seconde 
était  un  véritable  cours  de  belles-lettres.  Elle  consistait 
en  des  prélections,  ou  lecture  préalable  et  interpré- 
tation des  auteurs  ;  le  maître,  en  commentant  les 
poètes,  enseignait  à  ses  disciples  la  propriété  des 
termes,  l'harmonie  du  style,  l'art  de  la  disposition,  la 
*  convenance  des  idées,  les  diverses  figures  de  mots  et 
de  pensée,  les  qualités  diverses  de  l'élocution.  Quelques 

(1)  l)e  Instit.  orat.,  1.  I,  c.  IV  et  suivants. 


INTRODUCTION  LXIX 

exercices  de  composition  simples  et  faciles,  l'étude  de 
l'histoire  dans  ce  qu'elle  a  d'essentiel  et  non  dans  ses 
particularités,  de  la  musique  qui  enseigne  le  nombre 
oratoire,  de  la  géométrie  qui  apprend  à  raisonner, 
complétaient  la  première  instruction  de  l'enfant  ; 
le  rhéteur  enseignait  bientôt,  par  l'étude  des  grands 
maîtres  de  l'éloquence  et  d'une  manière  plus  appro- 
fondie, ce  que  le  grammairien  avait  pu  seulement 
ébaucher. 

La  méthode  de  Quintilien  fut  appliquée  dans  les 
siècles  qui  suivirent,  et  l'étude  de  la  grammaire,  telle 
qu'il  l'entendait,  continua  d'être  la  base  de  tout  ensei- 
gnement, tant  dans  les  écoles  de  l'Italie  que  dans  celles 
de  la  Gaule,  qui  se  constituèrent  sur  leur  modèle. 

Au  V*  siècle,  la  grande  invasion  survient  ;  des  flots 
de  barbares  inondent  les  provinces  ;  les  écoles  tombent 
dans  une  rapide  décadence  ;  le  clergé,  auquel  les  lettres 
païennes  étaient  d'ailleurs  suspectes,  est  gagné  lui- 
même  par  la  barbarie  ;  une  nuit  épaisse  s'appesantit 
sur  les  intelligences,  qui  semblent  frappées  de  stérilité. 

Les  lettres  renaissent  avec  Charlemagne.  En  787  ou 
788,  ce  prince  adresse  aux  évéques  et  aux  abbés  de  son 
vaste  empire  la  circulaire,  tant  de  fois  rappelée,  par 
laquelle  il  les  invitait  à  fonder  des  écoles.  Lui-même 
lutte  de  toutes  ses  forces  contre  la  barbarie  :  il  appelle 
auprès  de  lui  des  savants  étrangers,  il  réprimande  et 
punit  les  clercs  illettrés,  il  encourage  et  récompense 
ceux  qui  s'appliquent  à  l'étude,  il  fonde  une  école  dans 


LXX  INTRODUCTION 

son  propre  palais,  il  assiste  avec  ses  fils  et  ses  filles 
aux  leçons  données  par  les  maîtres  qu'il  y  a  réunis. 
Le  succès  répond  à  ses  efforts  ;  quelques  grandes  écoles 
sont  établies  :  en  Germanie,  celles  de  Corbie  et  de 
Fulda  ;  en  Gaule,  celles  de  Fontenelle  (Saint-Wan- 
drille),  de  Saint-Martin  de  Tours,  de  Lyon,  d'Orléans. 
L'évêque  Théodulfe,  à  qui  l'on  doit  cette  dernière, 
ordonne  même,  dans  un  capitulaire  justement  célèbre, 
de  fonder  jusque  dans  les  moindres  villages  de  son 
diocèse  des  écoles  où  les  prêtres  enseigneront  les 
lettres  aux  jeunes  enfants  que  les  fidèles  voudront  leur 
confier. 

Mais  une  pareille  réforme  ne  s'accomplit  pas  en  un 
jour.  L'insouciance  des  successeurs  de  Charlemagne, 
les  désordres  qui  troublèrent  leur  règne  et  qui  eurent 
pour  résultat  le  démembrement  de  l'empire  et  l'éta- 
blissement de  la  féodalité,  les  invasions  des  Sarrasins 
et  surtout  des  Normands,  l'indifférence  des  laïques 
pour  les  choses  de  l'esprit,  ralentirent  l'impulsion  que 
Charlemagne  avait  donnée.  Toutefois,  l'Église  ne  cessa 
de  faire  les  plus  louables  efforts  pour  répandre  l'ins- 
truction ;  de  nouvelles  écoles  s'ajoutèrent  à  celles  qui 
avaient  déjà  été  fondées,  et  nous  voyons,  au  x®  et  au 
xi«  siècle,  celles  de  Reims,  de  Liège,  d'Angers,  de 
Chartres  et  de  Laon,  rivaliser  avec  leurs  devancières. 

Et  maintenant  qu'enseignait-on  dans  ces  écoles? 

Un  grammairien  latin,  né  en  Afrique  dans  le  v**  siècle, 
Martianus  Mineus  Félix  Capella,  avait  eu  l'idée  de 


INTRODUCTION  T.TTT 

réunir  dans  le  cercle  des  sept  Arts  libéraux  :  gram- 
maire, dialectique,  rhétorique,  géométrie,  arithmé- 
tique, astronomie  et  musique,  ce  qui  lui  paraissait  l'en- 
semble des  connaissances  humaines.  Tel  est  l'objet  de 
l'ouvrage  intitulé  De  Nujatiis  Philologias  et  Mercurii 
seu  de  septem  liberalibus  Artihus,  livre  mal  écrit  et 
mal  composé,  ce  qui  ne  l'empêcha  pas  d'être  lu  et 
commenté  avec  ardeur  pendant  tout  le  moyen  âge. 
Cette  classification  encyclopédique,  adoptée  par  Cas- 
siodore  et  par  Isidore  de  Séville,  servit  de  base  à  l'en- 
seignement d'Alcuin,  Les  sept  Arts  furent  distribués 
en  deux  groupes,  qu'on  appela  le  Trivium  et  le  Qua- 
drivium  ;  ils  constituèrent  deux  cours  d'études  dont 
l'un  représentait  particulièrement  les  lettres  et  l'autre 
les  sciences.  Dans  les  écoles  élémentaires  qui  furent 
plus  répandues  à  cette  époque  du  moyen  âge  qu'on  ne 
le  croit  généralement  (1),  on  se  bornait  à  peu  près  «  à 
enseigner  le  Donest  et  à  jecter  (compter  avec  des 
jetons),  »  c'est-à-dire  à  apprendre  aux  enfants  la 
grammaire  et  le  calcul.  L'enseignement  des  sept  Arts 
était  réservé  aux  grandes  écoles.  On  y  commençait  par 
le  Trivium,  c'est-à-dire  par  la  grammaire,  la  dialec- 
tique et  la  rhétorique  ;  on  passait  ensuite  aux  quatre 

(1)  Voir,  à  cet  égard,  M.  Ch.  de  Beaurepaire,  Recherches  sur 
V instruction  publique  dans  le  diocèse  de  Rouen  avant  1789, 
ia-8»,  1872,  t.  l,passim,  etM.  Siméon  huce.  Histoire  de  Bertrand 
du  Guesclin  et  de  son  époque.  —  La  jeunesse  de  Bertrand, 
in-8o,  1876,  t.  I,  p.  15-17. 


LXXII  INTRODUCTION 

arts  qui  composaient  le  Quadrivium  ;  on  étudiait  ainsi 
les  choses  après  avoir  étudié  les  mots.  Il  ne  faut  ce- 
pendant pas  se  faire  d'illusion  sur  la  valeur  et  la  portée 
de  ce  dernier  enseignement  ;  il  était  généralement  sans 
étendue  et  sans  profondeur  ;  il  ne  paraît  même  pas  y 
avoir  eu  de  maîtres  spéciaux  pour  enseigner  chacun 
des  arts  du  Quadrivium.  Ils  perdent  même  en  partie 
leur  caractère  ;  l'arithmétique  se  réduit  au  comput 
ecclésiastique,  l'astronomie  dégénère  en  astrologie,  la 
géométrie  est  presque  oubliée,  la  musique  seule  est  plus 
complètement  étudiée,  parce  qu'elle  est  liée  aux  céré- 
monies du  culte.  On  enseignait  ces  arts  en  lisant  et  en 
commentant  soit  les  livres  que  Martianus  Capella  leur 
a  consacrés,  soit  quelque  ouvrage  spécial  sauvé  du 
grand  naufrage  des  lettres  antiques. 

La  méthode  herméneutique  ou  interprétative  était 
en  effet  la  seule  qu'on  appliquât  à  l'enseignement.  «  Aux 
écoliers  de  la  classe  de  grammaire,  on  lisait  Donat  et 
Priscien,  et  l'on  accompagnait  cette  lecture  d'un  com- 
mentaire :  commentaire  littéral  ou  digressif  suivant 
l'étendue  des  connaissances  acquises  par  le  maître  ou 
par  ses  élèves.  Pour  la  rhétorique,  on  interprétait 
quelques  traités  de  Cicéron  ou  de  Boëce.  Ptolémée 
servait  aux  leçons  d'astronomie,  et  la  philosophie 
proprement  dite    était    enseignée  d'après  les  livres 

d'Aristote Enseigner  la  grammaire,  l'arithmétique, 

la   philosophie,    se   disait   alors   lire   en  philosophie, 
légère  in  philosophia,  lire    en   arithmétique  et  en 


INTRODUCTION  LXXUI 

grammaire;  on  faisait  même  usage  de  cette  locution 
plus  singulière  encore,  lire  en  musique,  légère  in 
musica  (1).  » 

La  grammaire  était  le  premier  des  sept  Arts  dans  la 
classification  adoptée  à  cette  époque  ;  on  la  considérait 
comme  le  début  nécessaire  de  l'enseignement,  comme 
le  fondement  de  toute  doctrine.  Jusqu'au  xm®  siècle, 
elle  consista  dans  l'étude  des  notions  élémentaires  les 
plus  communes  et  des  règles  les  plus  nécessaires  (2)  ; 
on  suivait  principalement  Donat  et  Priscien,  grammai- 
riens du  V®  et  du  VF  siècle,  que  l'on  commentait  en 
s'attachant  minutieusement  et  servilement  à  la  lettre  ; 
comme  le  voulait  Quintilien,  on  y  joignait  l'explication 
des  poètes.  C'est  ce  que  nous  apprend  un  auteur  du 
X"  siècle,  Raban  Maur  ;  il  ne  s'oppose  pas  à  ce  qu'on 
lise  les  auteurs  profanes,  pourvu  qu'on  laisse  de  côté 
tout  ce  qui  ne  peut  servir  aux  dogmes  chrétiens  et 
qu'on  se  garde  bien  surtout  de  scandaliser  les  faibles  (3). 

Cet  enseignement,  simple  d'abord,  se  perfectionna 
successivement  et  porta  d'excellents  fruits,  comme  il 
est  facile  de  le  constater  au  xii®  et  auxiii^  siècle.  Quand 
môme  un  juge  aussi  compétent  que  Jean  de  Salisbury 

(1)  M.  B.  Hauréau,  Philosophie  scolastique  dans  le  Diet. 
des  sciences  philosophiques  de  Franck,  2^  éd.,  p.  1575. 

(2)  M.  Ch.  Thurot  :  Notices  et  extraits  de  divers  ynss.  latins 
pour  servir  à  l'histoire  des  doctrines  gra/mmaticales  au  moyen 
âge.  —  Not.  etextr.  des  mss.,  t.  XXII,  2«  partie. 

(3)  De  Inst.  cler.,111,  18.  Cité  par  M.  Thurot,  op.  cit.,  p.  69. 

10 


LXXIV  INTRODUCTION 

ne  nous  vanterait  pas  l'habileté  des  maîtres  célèbres 
de  l'époque,  et  principalement  de  Raoul  et  d'Anselme 
de  Laon,  de  Thierry,  de  Richard  l'Evêque,  qui  devint 
archidiacre  de  Coutances,  de  Guillaume  de  Couches  et 
de  Bernard  de  Chartres  (1),  dont  il  fait  un  magnifique 
éloge,  les  œuvres  des  humanistes  qui  sortirent  de  leurs 
écoles  suffiraient  à  nous  Tattester.  Jamais,  pendant 
tout  le  cours  du  moyen  âge,  les  lettres  latines  ne  bril- 
lèrent d'un  plus  vif  éclat.  Les  prosateurs  et  les  poètes 
de  ce  temps  ont  une  connaissance  étendue  de  l'anti- 
quité ;  les  chefs-d'œuvre  de  la  littérature  latine  leur 
sont  familiers;  ils  s'en  inspirent  habilement,  ils  les 
citent  à  propos,  ils  pensent  avec  justesse,  ils  écrivent 
avec  goût.  Pour  les  lettres  latines,  comme  pour  la  litté- 
rature romane,  le  xiii«  siècle  est  le  point  culminant 
du  moyen  âge.  Cette  supériorité,  il  la  doit  au  solide 
fondement  sur  lequel  reposait  jusqu'alors  renseigne- 
ment donné  dans  les  écoles  ;  et  Jean  de  Salisbury  l'a 
compris  à  merveille,  quand,  dans  son  Metalogicus  qu'il 
terminait  en  1159,  il  prit  la  défense  des  études  litté- 
raires contre  un  novateur  qu'il  ne  veut  point  nommer, 
dit-il,  par  charité  chrétienne  et  qu'il  se  contente  de 
désigner  par  le  surnom  de  Cornificius  (2).  Il  défend 
contre  lui  la  grammaire  et  la  rhétorique  injustement 


(1)  Metalogicus  (éd.  Migne),  lib.  I,  c.  V  et  XXIV,  col.  832  et 
833-836. 


(2)  Ihid.,  lib.  I,  c.  II,  col.  827. 


INTRODUCTION  LXXV 

attaquées  ;  il  lui  reproche  de  jeter,  sans  préparation 
suffisante,  les  esprits  non  encore  formés  au  milieu  de 
ces  controverses  où  il  suffit  de  crier  plus  fort  que  les 
autres  pour  arriver  au  premier  rang,  et  de  se  préoccuper 
d'obtenir  plutôt  des  succès  rapides  que  de  solides  résul- 
tats, en  bouleversant  l'ordre  suivi  jusqu^alors  dans  les 
études.  Il  ne  méconnaît  point  la  puissance  de  la  dialec- 
tique, mais  il  établit  qu'elle  ne  peut  servir  que  selon 
la  mesure  des  connaissances  que  l'on  possède.  Elle  est 
très  utile,  dit-il,  à  celui  qui  sait  beaucoup  ;  elle  ne  sert 
à  rien  à  celui  qui  ignore  :  c'est  le  glaive  d'Hercule 
impuissant  dans  la  main  d'un  Pjgmée  ou  d'un  nain,  et 
qui  renverse  tout  comme  la  foudre  quand  il  est  brandi 
par  le  bras  d'un  Hector  ou  d'un  Achille  (1).  Il  faut  à 
l'esprit  une  nourriture  plus  substantielle,  et  c'est  inter- 
vertir l'ordre  naturel  des  choses  que  de  commencer 
les  études  par  ce  qui  doit  les  terminer.  San  s  la  connais- 
sance préalable  de  la  grammaire,  comme  le  voulait 
Quintilien,  point  d'études  libérales  possibles.  On  ne 
peut  pas  plus,  dit  Jean  de  Salisbury,  se  livrer  sans  elle 
à  l'étude  de  la  philosophie,  que  briller  parmi  les  philo- 
sophes, si  l'on  est  sourd  et  muet  (2) . 

Jean  de  Salisbury  constatait  avec  bonheur  l'impuis- 
sance des  efforts  tentés  par  les  Cornificiens;  il  se  fé.U- 
citait  de  voir  les  meilleurs  maîtres,  contraints  d'abord 

(1)  Metalogicus  (éd.  Migne),  lib.  II,  c.  IX,  col.  866. 

(2)  Ihid.,  lib.  I,  c.  XIII,  col.  840. 


LXXVI  INTRODUCTION 

de  céder  au  courant  qui  les  entraînait,  revenir  aux 
saines  traditions  et  aux  bonnes  méthodes.  Qu'aurait-il 
dit  s'il  avait  pu  prévoir  que,  à  quelques  années  de  là, 
la  dialectique  régnerait  sans  partage,  que  sa  forme 
s'imposerait  à  tous  les  arts  et  en  dénaturerait  le  carac- 
tère ? 

Pendant  les  premiers  temps  qui  suivirent  le  réveil 
des  études,  la  dialectique,  confondue  toujours  à  cette 
époque  avec  la  logique,  fut  considérée  seulement  comme 
une  science  accessoire,  que  Martianus  Capella  plaçait 
après  la  grammaire  etCassiodoreapreslarhetorique.il 
n'en  fut  plus  de  même  quand,  d'un  passage  de  VIsagoge 
de  Porphyre,  naquit  le  problème  des  universaux.  Les 
querelles  des  nominalistes  et  des  réalistes  passionnèrent 
tous  les  esprits;  on  se  mit  à  étudier  avec  une  ardeur 
sans  pareille  les  seuls  écrits  d'Aristote  que  l'on  connût 
alors  par  les  traductions  et  les  commentaires  de  Boëce, 
les  Prédicaments  (Rarriyoptat),  et  le  livre  de  Y  Inter- 
prétation (Trepi  'EpjMvjvetaç)  ;  on  prétendit  s'élever  par 
la  dialectique  seule  à  la  connaissance  de  la  métaphy- 
sique, et  l'intérêt  qu'inspiraient  ces  importants  pro- 
blèmes fit  négliger  les  autres  études  :  on  les  abandonna 
pour  s'empresser  autour  des  chaires  des  dialecticiens. 
Vainement  la  théologie  se  défendit  contre  Tinvasion 
d'une  doctrine  dont  les  hérésies  de  Bérenger  de  Tours 
et  de  Roscelin  de  Compiègne  lui  montraient  le  danger  ; 
elle  fut  impuissante,  et  bientôt  la  dialectique  lui  imposa 
sa  forme  comme  à  tout  le  reste. 


INTRODUCTION  LXXVII 

Dès  lors  l'étude  de  la  grammaire  et  des  auteurs  fut 
négligée  comme  indifférente.  La  dialectique  absorba 
toute  l'activité  des  intelligences  :  n'était-ce  pas  par  elle 
qu'on  abordait  l'étude  de  la  théologie  aussi  bien  que 
celle  du  droit  civil  et  du  droit  canon  récemment  im- 
portée d'Italie  ?  Les  clercs,  pauvres  pour  la  plupart, 
qui  accouraient  de  tous  les  pays  de  l'Europe  dans  cette 
grande  Université  de  Paris  que  venait  de  fonder 
Philippe-Auguste,  pouvaient-ils,  pressés  de  parvenir, 
consacrer  de  longues  années  à  des  études  qu'ils  consi- 
déraient comme  stériles,  tandis  que  s'offrait  à  eux  un 
moyen  plus  rapide  d'arriver  aux  honneurs  et  aux 
dignités,  récompense  ordinaire  de  ceux  qui  se  faisaient 
un  renom  de  dialecticien  dans  les  controverses  théolo- 
giques ?  L'élan  fut  plus  grand  encore  quand,  au  com- 
mencement du  XIII®  siècle,  on  connut  des  ouvrages 
d'Aristote  jusqu'alors  ignorés:  la  Physique,  la  Méta- 
physique, le  traité  de  l'Ame,  les  Analytiques,  l'Ethique, 
la  Politique,  que  des  Juifs  espagnols  venaient  de  tra- 
duire d'arabe  en  latin.  Proscrit  d'abord  par  l'Eglise,  le 
philosophe  grec  finit  par  triompher  de  sa  résistance,  et 
l'on  se  jeta  avec  plus  d'ardeur  que  jamais  dans  l'étude 
des  problèmes  nouveaux  qui  venaient  s'ajouter  aux 
anciens. 

Au  milieu  de  cet  engouement  pour  la  dialectique  qui 
s'empara  de  tous  les  esprits,  il  est  curieux  de  voir  ce 
que  devint  la  grammaire  ;  car,  si  elle  ne  conserve  plus 
le  rang  qu'on  lui  assignait  jadis,  elle  ne  cesse  cepen- 


LXXVIII  INTRODUCTION 

dant  pas  d'être  étudiée,  et  c'est  même  à  cette  époque 
qu'Evrard  de  Béthune  et  Alexandre  de  Villedieu  com- 
posent le  Grecismus  et  le  Doctrinale puerorum,  sortes 
de  manuels  métriques  qui  remplacèrent  dans  les  écoles 
les  ouvrages  de  Donat  et  de  Priscien  (1) . 

L'enseignement  de  la  grammaire  change  entière- 
ment de  caractère  :  l'explication  des  auteurs  est  aban- 
donnée (2)  ;  si  l'on  trouve  leurs  noms  cités  dans  les 
ouvrages  didactiques,  c'est  seulement  à  l'occasion  des 
exemples  qu'on  leur  emprunte  pour  appuyer  les  règles. 
Les  grammairiens  antérieurs  au  xii^  siècle,  Smaragdus, 
Rémi  d'Auxerre,  Baudry  de  Bourgueil,  Pierre  Hélie, 
Paul  le  Camaldule,  s'étaient  surtout  attachés  à  l'étude 
des  faits  "grammaticaux  et  ne  s'étaient  livrés  que  bien 
rarement  à  des  considérations  métaphysiques  (3).  Le 
contraire  arrive  désormais.  La  métaphysique  et  la 
dialectique  envahissent  la  grammaire. 

Sans  doute,  la  grammaire  tient  par  des  liens  étroits 
à  la  logique  ;  le  langage  est  l'expression  de  la  pensée, 
et  ses  lois  générales  ne  sont  pas  autre  chose  que  celles 
de  l'esprit  humain.  Les  grammairiens  de  l'époque  le 
comprirent,  et  c'est  un  honneur  pour  eux  de  s'être 

(1)  M.  Thurot,  op.  cit..  p.  101. 

(2)  Du  moins  dans  les  écoles  plus  élevées  ;  dans  les  écoles  infé- 
rieures, on  épargnait  en  général  aux  enfants,  jusqu'à  l'âge  de 
12  à  13  ans,  l'attirail  de  la  discussion  scolastique. 

(3)  M.  Thurot,  op.  cit.,  p.  69. 


INTRODUCTION  LXXIX 

élevés  à  la  conception  de  la  grammaire  générale.  Mais 
ils  eurent  le  tort  de  ne  pas  distinguer  ce  qui  est  néces- 
saire de  ce  qui  n'est  qu'accidentel,  et  de  traiter  la 
grammaire  tout  entière  comme  une  science  spéculative. 
Les  faits  les  plus  simples  et  qui  résultent  d'un  usage 
conventionnel  et  arbitraire,  ils  prétendirent  les  expli- 
quer par  une  cause  nécessaire.  Si,  par  exemple,  tel 
verbe  régit  l'accusatif,  ce  n'est  pas  un  simple  fait  qu'il 
ne  s'agit  que  de  constater,  il  y  a  à  cela  une  raison  qu'ils 
appellent  vis  transitionis  (1)  et  qu'il  faut  justifier  ;  il  en 
est  de  même  si  une  préposition  régit  tel  cas  plutôt  que 
tel  autre.  De  là  ces  modi  significandi  dont  ils  ont  tant 
abusé  au  grand  préjudice  de  la  science  véritable,  et  par 
lesquels  ils  prétendaient  expliquer  métaphjsiquement 
tous  les  faits  même  les  plus  élémentaires. 

Il  est  difScile  de  se  faire  une  idée  du  degré  d'absur- 
dité auquel  aboutirent  les  subtilités  des  grammairiens. 
Je  puis  en  citer  quelques  exemples  curieux  tirés  de 
gloses  sur  le  Doctrinal,  qui  appartiennent  au  xiii®  et 
au  xiv"  siècle  (2). 

Veut-on  savoir  pourquoi  les  verbes  latins,  à  la  pre- 
mière personne  du  présent  de  l'indicatif,  se  terminent 
en  0  plutôt  qu'en  toute  autre  lettre,  en  a  par  exemple, 

(1)  M.  Thurot,  op  cit.,  p.  244. 

(2)  J'emprunte  ces  exemples  aux  belles  recherches  de  M.  Ch. 
Thurot  sur  Y  Histoire  des  théories  grammaticales  au  moyen  âge  y 
ouvrage  qu'on  ne  saurait  trop  recommander  à  ceux  qui  s'inté- 
ressent à  ces  questions. 


LXXX  INTRODUCTION 

qui  est  la  plus  digne  de  toutes  les  voyelles,  puisqu''elle 
est  la  première  ?  En  voici  la  raison  :  tout  ce  qui  est 
rond  est  mobile,  d'après  Boêce,  et  toute  action  consiste 
dans  le  mouvement,  d'après  l'auteur  des  Six  Prin- 
cipes; 0,  dont  la  forme  est  ronde,  a  plus  de  rapport 
avec  le  mouvement  et  par  conséquent  avec  l'action,  et 
voilà  pourquoi  il  marque  au  lieu  de  a  la  forme  de  l'ac- 
tif. Et  le  passif,  pourquoi  se  termine-t-il  en  r,  car  il 
devrait  se  terminer  en  p,  puisque  cette  lettre  suit 
immédiatement  l'o,  comme  la  passion  suit  immédiate- 
ment l'action  ?  Ce  qui  est  passif  éprouve  quelque  chose 
de  rude;  or,  r  est  la  lettre  qui,  de  toutes,  a  le  son  le 
plus  rude,  donc  le  passif  devait  se  terminer  par  la 
lettre  r  (1). 

Une  autre  glose  se  demande  pourquoi  le  genre  de 
dies  est  douteux,  car  ce  mot  est  employé  indifférem- 
ment au  masculin  et  au  féminin.  Le  glossateur  part  de 
ce  principe  que  le  masculin  est  le  genre  actif  et  le 
féminin  le  genre  passif,  et  il  raisonne  ainsi  :  Lies  est 
actif  puisqu'il  chasse  la  nuit;  il  est  également  passif 
puisqu'il  est  ensuite  chassé  par  elle.  Jusque-là,  tout 
marche  à  souhait  et  l'on  serait  bien  difficile  si  l'on 
n'était  pas  convaincu  par  ce  beau  raisonnement.  Mais 
voici  une  difficulté  :  comment  se  fait-il  que  nox  ne  soit 
que  du  féminin,  car  la  nuit^  elle  aussi,  est  active  en 
chassant  le  jour  et  passive  en  étant  chassée  par  lui  ?  La 

(1)  M.  Ch.  Thurot,  oj^.  cit.,  p.  201-202. 


INTRODUCTION  LXZXI 

question  est  grave,  mais  le  glossateur  ne  s'embarrasse 
pas  pour  si  peu  ;  si  ce  n'est  pas  la  dialectique,  ce  sera 
la  Bible  qui  viendra  à  son  aide.  La  nuit,  répond-il, 
n'est  pas  le  contraire,  mais  le  quasi-contraire  du  jour  ; 
elle  est  du  féminin,  c'est-à-dire  du  genre  passif,  parce 
que  d'abord  tout  était  ténèbres,  comme  le  dit  Moïse 
dans  la  Genèse.  Ces  ténèbres  étaient  passives  par  rap- 
port au  mouvement  du  firmament  et  des  étoiles  ;  or,  la 
nuit  n'est  pas  autre  chose  que  les  ténèbres  ;  flonc  la  nuit 
devait  être  du  genre  féminin  (1). 

Les  noms  des  arbres  et  des  plantes  sont  du  féminin 
en  latin,  et  pourtant  dumus  et  rubus  sont  du  masculin. 
Pourquoi?  Parce  qu'ils  font  une  action  en  déchirant  les 
vêtements  (2).  Pourquoi  a-t-on  fa.it  fluvius  du  mascu- 
lin? Parce  qu'il  accomplit  une  action  en  battant  ses 
rives  d'un  mouvement  continu. 

Faut-il  maintenant  s'étonner  des  attaques  dirigées 
parles  savants  delà  Renaissance  contre  les  grammai- 
riens du  moyen  âge.  Laurent  Valla,  Sintheim,  Badius, 
Erasme,  Despautère  (3),  n'ont-ils  pas  rendu  à  la  raison 
ses  droits  méconnus,  quand  ils  ont  proscrit  ces  vaines 
recherches,  ces  modi  signiflcandi,  par  lesquels  on  pré- 
tendait rendre  raison  de  toutes  choses,  sans  réussir  à 

(1)  M.  Ch.  Thurot,  op.  cit.,  p.  202-203. 

(2)  Ibid.,  p.  203. 

(3)  Voir  les  passages  de  ces  auteurs  cités  par  M.  Ch.  Thurot, 
op.  cit.,  pp.  491-492  et  496-499. 

11 


LXXXn  INTRODUCTION 

rien  qu'à  jeter  l'obscurité  dans  les  questions  les  plus 
simples  ?  Que  ne  cherchait-on  à  constater  les  faits  au 
lieu  de  vouloir  les  expliquer  et  les  justifier  ?  L'intru- 
sion de  la  dialectique  et  de  la  métaphysique  dans  un 
domaine  qui  leur  est  étranger  ne  pouvait  aboutir,  et 
n'aboutit,  en  effet,  qu'à  d'inutiles  résultats  sans  aucun 
profit  pour  la  science. 

Pendant  que  la  révolution  qui  vient  d'être  exposée 
s'opérait  à  Paris  au  profit  de  la  dialectique,  les  écoles 
d'Orléans  étaient  restées  fidèles  à  la  méthode  d'ensei- 
gnement appliquée  jusqu'alors  à  la  grammaire,  et  sur- 
tout à  l'étude  et  à  l'explication  des  auteurs.  L'opposi- 
tion entre  les  deux  villes  est  clairement  marquée  dans 
ce  passage  d'Hélinand,  moine  de  Froidmont,  cité  par 
D.  Brial(l)  :  «  On  va  à  Paris  pour  s'instruire  dans  les 
arts  libéraux,  à  Orléans  pour  étudier  les  auteurs 
classiques,  à  Bologne  pour  apprendre  la  jurisprudence, 
à  Salerne  la  médecine,  à  Tolède  la  magie,  et  nulle  part 
on  n'a  ouvert  des  écoles  pour  former  les  mœurs.  — 
Ecce  quaerunt  clerici  Parisiis  artes  libérales,  Aurelia- 
nis  auctores,  Bononiae  codices,  Salerni  pyxides,  Toleti 
daemones,  et  nusquam  mores.  »  —  Un  poète  latin  de 
la  fin  du  xu«  siècle,  l'Anglais  Geoffroy  de  Vinsauf,  s'ex- 
prime à  peu  près  dans  les  mêmes  termes  (Poetria 
nova)  : 

(1)  Hist.  litt.   de  la  France,  t.  XVIII,  p.  95.  —  Hélinand 
mourut  après  1229. 

\ 


INTRODUCTION  T-TTyin 

In  morbis  sanat  medici  virtute  Salernum 
^gros.  In  causis  Bononia  legibus  armât 
Nudos.  Parisius  dispensât  in  artibus  illos 
Panes  unde  cibat  robustes.  Aurelianis 
Educat  in  cunis  auctoriun  lacté  tenellos. 

Alexandre  Neckam  (mort  en  1217)  vante  en  ces 
termes  (1)  les  écoles  d'Orléans  et  les  poètes  qu'elles  pro- 
duisaient :  «  Le  Parnasse  ne  saurait  se  comparer  à  toi, 
noble  ville  d'Orléans  ;  devant  toi  s'humilie  le  double 
sommet  du  Parnasse.  Je  ne  pense  pas  que  nulle  part 
ailleurs  les  vers  des  Piérides  soient  mieux  expli- 
qués (2).  * 

Jean  de  Garlande  n'est  pas  moins  explicite;  voici 
comment  il  s'exprime  dans  l'invocation  qui  précède 
son  poème  intitulé  Ars  lectoria  Ecclesiœ,  qu'il  composa 
à  Paris,  en  1234  :  «  Aidez-moi,  illustres  poètes  que  la 
renommée  compare  à  l'or,  vous  que  la  ville  d'Orléans 
attire  à  elle  de  tous  les  points  de  l'univers,  vous  dont 
se  glorifie  la  fontaine  d'Hippocrène.  Dieu  vous  a  choisis 
pour  soutenir  l'édifice  de  l'éloquence  qui  est  ébranlé 
dans  ses  fondements,  car  la  langue  latine  se  vieillit; 
le  verdoyant  jardin  des  auteurs  s'est  desséché  et  le 

(1)  De  laudibus  divinœ  sapientiœ,  v.  607. 

(2)  J'emprunte  les  traductions  de  ce  passage  et  du  suivant  à 
M.  Léopold  Delisle,  Les  écoles  d'Orléans  au  XI1«  et  au  XIII^ 
siècle.  —  Annuaire~Bulletin  de  la  Société  de  l'histoire  de 
France,  1869,  p.  146. 


LXXXIV  INTRODUCTION 

souffle  jaloux  de  Borée  a  brûlé  la  prairie  émaillée  de 
fleurs.  > 

L'éclat  que  jetait  l'école  d'Orléans  depuis  plusieurs 
siècles  justifie  ces  éloges.  Fondée  par  l'évêque  Théo- 
dulfe,  elle  avait  déjà  produit  avant  1200  un  grand 
nombre  d'hommes  distingués  (1).  Les  écoles  des  monas- 
tères de  Saint-Benoît  à  Fleury- sur-Loire  et  de  Mici 
n'étaient  pas  moins  célèbres.  A  Orléans  l'étude  de  la 
grammaire  et  des  auteurs  avait  toujours  été  florissante  ; 
elle  s'y  maintint,  quand,  à  Paris,  la  passion  pour  la 
dialectique  vint  porter  un  coup  si  funeste  aux  études 
littéraires.  M.  Thurot  semble  en  avoir  trouvé  la  véri- 
table cause.  Il  remarque  que  les  écoles  d'Orléans 
«  paraissent  avoir  ressemblé  beaucoup  plus  à  celles  de 
l'Italie  qu'à  celles  du  nord  de  la  France  »  et  qu'  «  elles 
tenaient  plus  de  Bologne  que  de  Paris  (2).  »  Or,  à  cette 
époque,  existaient  déjà  à  Orléans  des  écoles  de  droit 
où  l'enseignement  était  donné  par  des  maîtres  qui, 
souvent,  allaient  puiser  en  Italie  les  éléments  de  leur 
science.  Ces  écoles  étaient  organisées  sur  le  type  de 
l'Université  de  Bologne  ;  le  même  esprit  devait  y  régner 
et  répandre  autour  de  lui  son  influence.  «  A  Bologne, 

(1)  Du  BouUay,  Hist.  Univers.  Paris.,  t.  I,  p.  521.  —  Voir 
aussi  :  M.  L.  Delisle,  Les  écoles  d^ Orléans,  etc.,  p.  139-148, 
et  M"e  A.  de  Foulques  de  Villaret,  V Enseignement  des  lettres 
et  des  sciences  dans  V Orléanais,  etc.,  lS15,passiin. 

(2)  M.  Ch.  Thurot,  op.  cit.,  p.  114,  Q-  2. 


INTRODUCTION  LXXXV 

dit  M.  Gh.  Thurot,  tout  était  subordonné  au  droit.  Or 
l'étude  du  droit  était  particulièrement  liée  avec  la  rhé- 
torique, avec  l'art  de  rédiger  des  actes  et  des  lettres, 
qu'on  appelait  Ars  dictandij  Ars  dictaminis,  et  qui 
était  enseigné  parles  grammairiens.  Déjà,  au  xn*  siècle, 
le  camaldule  Paul  joignait  à  un  traité  de  grammaire 
et  de  versification  des  préceptes  sur  la  manière  d'écrire 
des  lettres  fintroductiones  dictandij . ...  On  n'étudiait 
la  grammaire  qu'au  point  de  vue  de  parler  et  d'écrire 
correctement  le  latin,  on  s'inquiétait  peu  des  théories 
grammaticales  et  de  l'explication  des  faits  (1).  » 

C'est  aussi  le  caractère  de  l'enseignement  donné  à 
Orléans.  Là  aussi,  la  grammaire  est  la  préparation  à 
l'étude  de  la  rhétorique;  là  aussi,  on  s'exerce  à  la  pra- 
tique du  style  épistolaire,  comme  l'attestent  plusieurs 
Ars  dictandi,  Ars  dictaminis,  qui  furent  composés 
spécialement  ou  remaniés  par  leurs  auteurs  pour  les 
écoles  de  cette  ville  (2).  Un  Florentin,  qu'on  croit  avoir 
appartenu  à  l'école  de  Bologne,  attribue  même  aux 
maîtres  d'Orléans  l'invention  d'un  nouveau  nombre 
oratoire  fondé  sur  la  théorie  des  spondées  et  *des  dac- 
tyles accentués,  et  il  l'appelle  stylus  gaîlicus,  faisant 
ainsi  des  expressions  style  de  France  et  style  d'Orléans 
des  termes  à  peu  près  synonymes  (3). 

(1)  M.  Thurot,  op.  cit.,  p.  91-92. 

(2)  M.  L.  Delisle,  op.  cit.,  p.  140-143. 

(3)  M.L.DelisIe,  op.oit.,  p.l43,etM.  Thurot,  op.cit.,  p.483-485. 


LXXXVI  INTRODUCTION 

L'étude  de  la  poésie  latine  n'était  pas  moins  cultivée 
que  l'art  d'écrire  en  prose.  Dans  les  écoles,  on  lisait  et 
on  expliquait  les  poètes  les  meilleurs  de  l'antiquité 
classique  :  Virgile,  Ovide,  Lucain,  etc.;  un  des  profes- 
seurs d'Orléans,  Arnoul  le  Roux,  composait  des  gloses 
sur  la  Pharsale,  sur  l'Art  d'aimer,  les  Remèdes  d'a- 
mour, les  Pontiques  et  les  Fastes  (1).  Les  humanistes 
s'inspiraient  de  ces  grands  maîtres  dans  leurs  essais 
de  versification  latine.  Mais  si  l'éclat  de  cet  enseigne- 
ment attirait  un  grand  nombre  d'étudiants  et  valait 
aux  maîtres  d'Orléans  une  réputation  méritée,  il  exci- 
tait, en  revanche,  la  jalousie  des  écoles  rivales,  qui  ne 
ménageaient  pas  leurs  attaques.  Ce  n'étaient  pas 
seulement  les  dialecticiens  qui  déclaraient  la  guerre 
aux  Orléanais  pour  une  diversité  de  méthode;  les  théo- 
logiens et  les  esprits  chagrins  leur  reprochaient  d'alté- 
rer la  pureté  de  la  foi  chrétienne  en  infectant  l'esprit  de 
leurs  disciples  par  les  mensonges  de  l'antiquité  païenne. 

On  n'était  plus  au  temps  où  le  pape  Grégoire  le 
Grand  proscrivait  entièrement  l'étude  de  cette  anti- 
quité, où  un  archevêque  de  Rouen,  saint  Ouen,  ne 
voyait  dans  les  plus  aimables  fictions  de  la  poésie  que 
des  sottises  de  poètes  criminels,  sceleratorum  neniœ 
poetarum  (2)  ;  mais  les  poètes  anciens  inspiraient  en- 

(1)  M.  L.  Delisle,  ojp.  cit.,  p.  144-145. 

(2)  Vita  S.  Eligii,  lib.  I,  p.  77,  dans  le  t.  II  du  Spicilegium 
de  Dachery. 


INTRODUCTION  LXXXVU 

core  une  certaine  méfiance  parfois  justifiée,  parce  que 
les  maîtres  ne  choisissaient  pas  toujours  avec  assez  de 
réserve  les  passages  qu'ils  faisaient  étudier  à  leurs 
disciples.  C'est  ce  qui  explique  les  violentes  accusations 
que  nous  voyons  dirigées  contre  l'orthodoxie  des 
Orléanais. 

Dans  le  prologue  de  son  Ecclesiale,  Alexandre  de 
Villedieu,  commentant  ces  paroles  d'Ezéchiel  :  Nos 
pères  ont  mangé  des  raisins  verts  et  les  dents  de  leurs 
enfants  se  sont  agacées,  comparait  à  ces  raisins  verts 
l'éducation  païenne  qui  apprenait  à  la  jeunesse  à  con- 
naître Phébus,  Vénus,  Jupiter  et  Bacchus,  et  s'appli- 
quait à  les  glorifier  en  composant  des  livres  en  l'hon- 
neur des  faux  dieux.  «  La  grâce  céleste,  jyoutait-il,  a 
écrasé  ces  raisins  verts,  et  la  foi  chrétienne  a  chassé  bien 
loin  ces  vaines  idoles...,  mais  il  reste  encore  beaucoup 
trop  de  disciples  de  cette  secte,  et  les  maîtres  n'ont  pas 
renonce  à  de  telles  erreurs.  Orléans  nous  enseigne  à 
sacrifier  aux  dieux,  en  nous  faisant  connaître  les  fêtes 
de  Faune,  de  Jupiter  et  de  Bacchus  ;  c'est,  au  témoi- 
gnage de  David,  la  chaire  de  pestilence,  oii  jamais  ne 
s'est  assis  l'homme  saint,  fuyant  la  doctrine  perni- 
cieuse qui  se  répand  parmi  nous  comme  une  maladie 
contagieuse.  »  Puis,  jouant  sur  le  nom  de  Pierre  Riga, 
auteur  de  l'Aurora  ou  Bible  versifiée,  il  continuait 
ainsi  :  «  Il  a  voulu  purifier  notre  cœur  et  notre  bouche 
ce  Pierre  Riga  qui  a  arrosé  (rigavit)  le  clergé  d'une 
eau  vivifiante,  et  nous  a  nourris  d'un  doux  miel  tiré 


LXXXVIII  INTRODUCTION 

de  la  T^ierrefpetraJ,  en  dégageant  des  simples  récits  de 
la  Bible  le  sens  symbolique...  A  l'Orléaniste  la  route 
du  paradis  ne  sera  pas  ouverte,  s'il  ne  change  pas  de 
langage.  Que  ce  changement  vienne  donc,  pour  que 
nous  puissions  nous  désaltérer  au  triple  fleuve  et 
garder  la  foi  du  Dieu  triple  et  un  (1).  » 

Un  professeur  de  l'école  de  Bologne,  Boncompagnus, 
n'est  pas  moins  sévère.  Au  début  de  son  livre  des 
Douze  Tables,  il  dit  que  son  but  est  de  ramener  aux 
usages  des  saints  pères,  de  la  cour  romaine  et  de  la 
cour  impériale,  les  écrivains  qui  se  laissent  séduire 
par  les  fausses  et  superstitieuses  doctrines  des 
Orléanais  (2). 

Telle  était  la  situation  des  écoles  de  Paris  et  de 
celles  d'Orléans  à  l'époque  oii  Henri  d'Andeli  composa 
sa  Bataille  des  VII  Ars,  qui  vient,  d'une  manière  si 
vive  et  si  pittoresque,  confirmer  et  compléter  les  ren- 
seignements qui  nous  sont  donnés  par  d'autres  sources. 

Je  ne  ferai  pas  l'analyse  de  cette  pièce  que  Legrand 
d'Aussy  a  mise  en  prose  moderne  avec  assez  d'exacti- 
tude; le  lecteur  me  saura  gré  de  laisser  à  cette  œuvre 
la  saveur  piquante  du  vieux  langage.  Je  me  bornerai 
ici  à  quelques  réflexions  et  je  réserverai  pour  les  notes 
placées  à  la  suite  les  explications  les  plus  nécessaires. 

L'empire  que  la  Logique  ou  Dialectique  (car  on  ne 

(1)  M.  Ch.  Thurot,  op.  cit.,  p.  114-115. 

(2)  M.  L.  Delisle,  op.  cit.,  p.  143. 


INTRODUCTION  LXXXIX 

les  distinguait  pas  à  cette  époque)  exerçait  dans  les 
écoles  de  Paris  sur  tous  les  arts  et  toutes  les  sciences 
est  fortement  accusé  dans  le  poème  de  notre  trouvère, 
ainsi  que  l'abandon  dans  lequel  on  laissait  la  gram- 
maire. Logique  a  les  clercs  pour  elle,  et  Grammaire  est 
dédaignée  fest  mise  au  mains);  elle  n'a  plus  d'autres 
partisans  que  les  grammairiens  et  les  auteurs.  Tous 
les  arts  sont  enrôlés  dans  l'armée  de  Logique  ;  les 
sciences  dont  l'étude  était  nouvelle  alors,  droit  civil, 
droit  canon,  médecine,  chirurgie,  bien  qu'elles  ne 
prennent  pas  une  part  directe  au  combat,  suivent 
pourtant  son  étendard.  La  Théologie  elle-même  était 
sortie  de  Paris  pour  venir  à  la  rencontre  du  parti  de 
Grammaire  ;  elle  y  retourne  bientôt  pour  ne  point  as- 
sister à  ces  luttes  profanes,  mais  l'auteur  lui  reproche 
néanmoins  d'avoir  abandonné  la  droite  clergie  et 
tourné  à  la  philosophie  ;  il  blâme  les  areiens  d'avoir 
délaissé  les  auteurs  pour  ne  plus  lire  que  les  livres  de 
nature  et  de  s'être  faits  les  adversaires  de  la  bone  an- 
cienetez.  Quant  à  lui,  il  prend  parti  pour  la  grammaire 
telle  qu'on  l'enseignait  au  temps  de  sa  naissance  ;  il 
regrette,  il  est  vrai,  que  les  auteurs  aient  mêlé  tant  de 
fables  à  leurs  vérités,  mais  il  pense  que  leur  étude  peut 
seule  préparer  les  esprits  à  recevoir  une  instruction 
solide  ;  en  toute  science,  dit-il,  le  maître  qui  n'entend 
pas  bien  ses  pars  (parties  du  discours)  n'est  qu'un  ap- 
prenti. La  Logique  fait  plutôt  illusion  par  son  appareil 
d'argumentation  qu'elle  ne  possède  de   force  réelle. 

12 


XO  INTRODUCTION 

Lorsqu'il  nous  la  montre,  dans  l'ardeur  de  la  lutte, 
mettant  en  lambeaux  sa  robe  dont  les  manches  seules 
recouvrent  alors  ses  bras,  il  la  compare  plaisamment  à 
un  couteau  sans  lame  et  ajoute  : 

De  ses  bras  nous  fet  aparence, 
Sor  le  cors  n'a  point  de  substance. 

Et  pourtant  c'est  de  la  Logique  qu'on  prétend  nourrir 
les  jeunes  intelligences  non  encore  formées;  eUe  est 
maintenant  en  vogue  :  on  l'enseigne  aux  garçons  qui 
n'ont  pas  encore  quinze  ans  ;  Logique  veut  les  faire  voler 
avant  même  qu'ils  puissent  marcher,  dit-il  finement,  en 
nous  montrant  la  déconvenue  de  ce  jeune  messager  qui, 
envoyé  par  elle  à  sa  rivale  pour  traiter  de  la  paix,  s'en 
revint,  a  grant  meschief^  sans  avoir  pu  entendre  la 
reson  des  presenz  ne  des  preteriz,  conjugacions  anor- 
males, etc.,  pour  avoir  trop  peu  demeuré  en  la  maison  de 
dame  Grammaire.  En  lisant  ce  joli  passage,  on  songe 
aux  critiques  que  Jean  de  Salisbury,  près  d'un  siècle 
auparavant,  adressait  aux  novateurs  de  son  temps  ;  il 
les  montrait  ne  gardant  pas  leurs  disciples  dans  les 
écoles  plus  longtemps  qu'il  ne  faut  aux  petits  oiseaux 
pour  se  couvrir  de  plumes  ;  il  raillait  ces  nouveaux 
maîtres  s'envolant  de  leurs  bancs  aussi  promptement 
que  les  oiseaux  quittent  leurs  nids(l).  Henri  d'Andeli 

(1)  Jean  de  Salisbury.  Metalogicus,  1.  I,  c.  III,  édit.  Migne, 
col.  849. 


INTRODUCTION  XCI 

pensait  que  cet  engouement  pour  la  Logique  n'était  que 
passager  :  li  siècles  vait  par  vaines^  dit-il  en  termi- 
nant, et  dans  trente  ans  de  nouvelles  gens  viendront 
qui  recourront  comme  autrefois  à  la  grammaire. 

Ce  qui  nous  rend  encore  la  Bataille  des  VII  Ars  par- 
ticulièrement intéressante,  ce  sont  les  renseignements 
que  nous  y  trouvons  sur  les  auteurs  que  l'on  étudiait 
dans  les  écoles  de  Logique  et  surtout  dans  celles  de 
Grammaire.  Les  philosophes  et  les  auteurs  anciens 
enrôlés  dans  l'armée  de  la  Dialectique  sont  Aristote, 
dont  les  principaux  ouvrages  personnifiés  figurent  par- 
mi les  combattants,  Platon,  Socrate,  Porphyre,  Boëce 
et  Macrobe  ;  ils  sont  tous  Grecs,  à  l'exception  des  deux 
derniers  ;  mais  il  est  bon  de  rappeler  qu'on  ne  les  étu- 
diait pas  alors  dans  leur  langue;  on  ne  les  connaissait 
que  par  des  traductions  latines  faites  sur  les  originaux 
comme  celles  de  Boëce,  ou  sur  des  versions  arabes. 
Socrate,  on  le  sait,  n'a  laissé  aucun  ouvrage  ;  il  n'est 
cité  là  que  sur  sa  haute  réputation,  ou  plutôt  parce  que 
son  nom  revenait  sans  cesse  dans  les  exemples  dont  se 
servait  l'argumentation  scolastique(l).Un  seul  ouvrage 
appartenant  au  moyen  âge  figure  à  côté  des  œuvres  des 
philosophes  anciens,  le  Sex  Principia  de  Gilbert  delà 
Porrée,  que  l'on  regardait  comme  le  complément  indis- 
pensable des  Prédicaments  (Catégories)  d' Aristote.  Le 

(1)  Voir  plus  loin  la  note  sur  le  vers  264  de  la  Bataille  des 
VII  Ars. 


XCn  INTRODUCTION 

V.  99  nous  apprend  encore  que  les  œuvres  des  méde- 
cins grecs  Hippocrate  et  Galien,  connues  aussi  par 
l'intermédiaire  des  Arabes,  servaient  de  base  à  l'ensei- 
gnement de  la  médecine. 

Dans  l'armée  de  Grammaire,  nous  voyons  d'abord 
les  grammairiens  anciens  Priscien  et  Donat,  dont  le 
livre  du  Barbarisme  a  passé  par  trahison  dans  l'ar- 
mée de  Logique,  allusion  plaisante  au  stjle  peu  correct 
des  logiciens,  puis  le  Grécisme  {Agrecime)  d'Evrard  de 
Béthune  et  le  Doctrinal  d'Alexandre  de  Villedieu,  que 
l'auteur  appelle  les  deux  neveux  de  Priscien,  parce 
que  le  fond  de  ces  deux  grammaires  en  vers  latins 
techniques  était  emprunté  à  son  traité  ;  enfln^  Martia- 
nus  Capella,  qui,  dans  son  ouvrage  De  Nuptiis  Philo- 
logiœ  et  Mercurii,  avait  établi  la  fameuse  classification 
des  sept  Arts  reproduite  dans  le  Trivium  et  le  Ouadri- 
vium. 

Quant  aux  auteurs  proprement  dits,  ce  sont  :  1°  des 
poètes  appartenant  à  l'antiquité  païenne  :  Homère,  Clau- 
dien,  Perse,  Juvénal,  Horace,  Virgile,  Lucain,  Stace, 
Térence,  Ovide,  Sénèque,  Caton,  Avienus;  2°  des 
poètes  chrétiens  du  v«  et  du  vi'  siècle  :  Sedulius,  saint 
Prosper,  Prudence,  Arator  ;  3°  des  poètes  contempo- 
rains :  Jean  de  Hautville  {Archithrenius),  Mathieu  de 
Vendôme  (Tobiade),  Gautier  de  Châtillon  (Alexan- 
dréide),  Pierre  Riga  [Aurora),  Alain  de  Lille  {Anti- 
Claudien),  Primat  d'Orléans  et  Bernardin  le  Sauvage. 
L'auteur  mentionne  aussi  un  Pamphile,  qui  composa 


INTRODUCTION  XCTtl 

l'élégie  amoureuse  souvent  citée  au  moyen  âge  et 
connue  sous  la  titre  de  Pamphilus  de  amore  ou  de 
Pamphiîi  liber  de  amore  inter  Pamphilum  et  Gala- 
team. 

Legrand  d'Aussy  a  donc  eu  tort  de  dire  que  «  parmi 
les  héros  de  l'armée  orléanaise,  Henri  ne  compte  que 
deux  versificateurs  latins  de  son  temps,  l'auteur  du 
Grecismus  et  aelui  an  Doctrinale  puer  or  um,  ce  qui  fait 
présumer  qu'il  n'y  avait  que  ces  deux  ouvrages  moder- 
nes employés  dans  les  écoles  d'Orléans.  »  Homère  n'est 
pas  non  plus,  comme  il  le  croit,  le  poète  grec,  «  mis- 
là...  sur  sa  renommée.  »  On  désignait  sous  ce  nom,  au 
moyen  âge,  l'auteur  inconnu  de  l'abrégé  en  vers  latins 
de  la  Guerre  de  Troie.  Il  dit  encore,  et  cette  interpré- 
tation a  été  adoptée  par  Jubinal  :  «  Parmi  les  poètes 
françois,  il  (l'auteur)  n'en  cite  qu'un  seul  :  c'est  Sau- 
vages, l'auteur  du  Doctrinal.  »  Je  crois,  pour  ma  part, 
que  Bernardins  li  Sauvages  ne  représente  point  ici  l'au- 
teur du  petit  poème  en  vers  français  qui  nous  a  été 
conservé  sous  le  titre  de  Doctrinal  le  Sauvage,  mais 
que  son  nom  est  la  traduction  de  celui  de  Bernardus 
Silvester  qu'on  identifie  d'ordinaire  avec  Bernard  de 
Chartres  (1).  Je  renvoie,  d'ailleurs,  aux  notes  pour  les 
renseignements  que  je  donne  sur  ces  auteurs,  ainsi  que 
sur  les  personnages  contemporains  cités  par  Henri  d'An- 
deli,  sur  ceux  du  moins  que  j'ai  pu  arriver  à  connaître. 

(1)  Voir  la  note  but  le  vers  328. 


XCIV  INTRODUCTION 

Legrand  d'Aussy  a  donné,  en  négligeant  plus  d'un 
détail,  la  traduction  en  prose  de  la  Bataille  des  VII  Ars 
précédée  d'une  introduction  et  accompagnée  de  notes 
qui  renferment,  avec  quelques  erreurs ,  des  explica- 
tions intéressantes  (1). 

Jubinal  a  publié  le  texte  de  cette  pièce  dans  les 
deux  éditions  qu'il  a  données  des  œuvres  de  Rutebeuf, 
la  première  en  1839,  t.  II,  additions,  p.  415;  la 
seconde,  en  1874-1875,  t.  III,  additions,  p.  325-347.  Le 
texte  de  cette  seconde  édition  présente  quelques  amé- 
liorations, mais  toutes  les  fautes  de  lecture  n'y  ont  pas 
été  corrigées.  De  plus,  Jubinal  n'a  pas,  comme  il  le 
prétend  dans  sa  dernière  note ,  donné  toutes  les 
variantes,  et  même,  quand  il  s'est  écarté,  quelquefois  à 
tort,  du  texte  du  ms.  837,  qu'il  a  pris  pour  base,  et 
emprunté  des  leçons  au  ms.  19152,  il  a  négligé  de 
faire  connaître  celles  de  l'autre  manuscrit  qu'il  croyait 
devoir  rejeter. 

(1)  Not.  et  extraits  des  mss.,  etc.,  An  vu,  t.  V,  p.  496  et  suiv. 


INTRODUCTION  XCV 

VI 

LES  MANUSCRITS.  —  LE  TEXTE 

Les  œuvres  de  Henri  d'Andeli  nous  ont  été  conser- 
vées : 

1<'  Par  les  quatre  mss.  français  de  la  Bibliothèque 
nationale  :  837  (anc.  7218),  1593  (anc.  7165),  19152 
(ancien  S.  G.,  1830  et  1239)  et  1104,  nouv.  acq.  du 
fonds  fr.  ; 

2°  Par  le  ms.  4333  de  la  Bibliothèque  Harléïenne 
(British  Muséum); 

3"»  Par  le  ms.  113  de  la  Bibliothèque  publique  de 
Berne,  dont  une  copie  existe  à  la  Bibliothèque  natio- 
nale, ms.  Moreau,  1727  (anc.  52  de  la  collection  Mou- 
chet). 

Ces  mss.  ayant  été  décrits,  je  bornerai  mon  examen 
aux  textes  qu'ils  donnent  des  œuvres  de  Henri  d'Andeli. 

Le  Lai  d'Aristote  est  contenu  dans  les  quatre  mss. 
de  la  Bibliothèque  nationale  désignés  plus  haut  ;  il  y 
occupe  les  folios  et  les  colonnes  suivantes  :  837,  f.  80  c 
à  83  a;  1593,  f.  154  a  à  156  c?;  19152,  f.  171  fk  173 f; 
1104,  nouv.  acq.  fr.,  f .  69  c  à  72  b.  Dans  la  discussion 
qui  va  suivre,  je  désignerai,  pour  abréger,  les  mss. 


XCVl  INTRODUCTION 

dans  l'ordre  où  je  viens  de  les  indiquer,  par  les  sigles 
A,  B,  G,  D. 

Ces  quatre  mss.,  dont  aucun  ne  donne  un  texte 
complet,  présentent  à  l'égard  des  leçons  de  notables 
différences.  On  sait  que  les  copistes  ne  se  faisaient 
aucun  scrupule  de  modifier  les  idées  et  le  style  des 
auteurs  dont  ils  transcrivaient  les  œuvres,  et  que,  à 
moins  de  posséder  le  ms.  original,  ce  qui  n'arrive,  on 
peut  le  dire,  jamais,  on  ne  saurait  se  flatter  de  re- 
trouver le  texte  exact  de  l'auteur;  on  ne  peut  le 
reconstituer  dans  une  certaine  mesure  que  par  des 
inductions  tirées  de  la  comparaison  des  divers  mss. 
C'est  ce  que  je  vais  tenter  de  faire  pour  le  Lai  d'Aristote. 

Dans  la  Vie  de  saint  Alexis,  M.  Gaston  Paris, 
établissant  les  règles  qui  doivent  présider  à  la  critique 
des  textes,  a  posé  ce  principe  incontestable  «  que  des 
scribes  différents,  copiant  un  même  texte,  ne  font  pas 
les  mêmes  fautes  »,  et  que  «  pour  les  œuvres  du  moyen 
âge  qui  ont  subi  des  renouvellements,  des  renouveleurs 
différents,  travaillant  sur  un  même  poème,  ne  font  pas 
les  mêmes  modifications  »  (1).  Il  résulte  de  là  que,  si 
deux  ou  plusieurs  mss.  indépendants  offrent  des  leçons 
identiques,  ces  leçons  ne  sont  pas  autre  chose  que  celles 
d'un  ms.  antérieur  dont  ils  procèdent  directement  ou 
par  intermédiaires  ;  de  même,  si  comparés  à  un  autre 
ms.    dont   ils  sont    indépendants,   ils  manquent   de 

(1)  Vie  de  saint  Alexis,  p.  10. 


INTRODUCTION  XCVII 

certains  passages  et  comblent  certaines  lacunes  que 
l'on  trouve  dans  ce  ms.,  la  ressemblance  qu'ils  pré- 
sentent à  cet  égard  leur  vient  d'un  ms.  plus  ancien  sur 
lequel  ils  ont  été  copiés.  C'est  sur  ces  considérations 
que  je  m'appuierai  dans  le  cours  de  cette  discussion. 

Les  quatre  mss.  dont  il  s'agit  ici  appartiennent  à  la 
dernière  moitié  du  xui^  siècle  ;  ils  ont  été  copiés  peu 
de  temps  après  l'époque  à  laquelle  Henri  d'Andeli 
composait  son  œuvre.  La  question  de  savoir  quel  est 
le  plus  ancien  a  donc  ici  peu  d'importance  ;  il  peut 
d'ailleurs  se  faire  qu'une  copie  très  voisine  du  temps 
où  écrivait  l'auteur  présente  plus  d'altérations  qu'une 
autre  qui  procéderait  de  plusieurs  intermédiaires.  Je 
m'appuierai  seulement  pour  classer  les  mss.  sur  l'éten- 
due de  leur  texte  et  la  diversité  de  leurs  leçons. 

Un  examen,  même  superficiel,  permet  de  reconnaître 
que  nos  quatre  mss.  doivent  se  diviser  ainsi  :  d'un  côté 
ABC  qui  forment,  comme  nous  allons  le  voir,  un  groupe 
bien  caractérisé  ;  de  l'autre  D.  Relativement  à  l'étendue 
du  texte,  ABC,  abstraction  faite  de  leurs  différences 
que  j'indiquerai  plus  loin,  ont  cela  de  commun  qu'ils 
manquent  tous  deux  de  certains  passages  que  renferme 
D,  et  qu'ils  comblent  de  la  même  manière  les  lacunes 
de  D.  On  trouve  seulement  en  D  les  vers  29-32  (1),  71-84, 

(1)  Ces  chiffres,  ainsi  que  tous  ceux  qui  vont  suivre,  se  rapportent  au 
texte  que  je  publie,  et  non  aux  divers  mss.,  qui  sont  tous  incomplets. 
Il  faut  donc  chercher  dans  chaque  ms.  les  vers  qui  correspondent 
à  ceux  que  désignent  mes  chiffres. 


XCVm  INTRODUCTION 

121-136,  175-180,  191-214,  235-236,  251-252,  255-264, 
269-270,  285-286,  299-300,  349-352,  422-423,  444-447, 
458-461,  486-487;  D  n'a  point  les  vers  145-146,  335- 
336,  394-397,  470-471,  497-511, 520,  524-525,  534-535, 
546  à  fin. 

Ce  ms.  offre  encore  quelques  diflFérences  dans  le  texte 
des  chansons  que  l'auteur  met  dans  la  bouche  de  la 
jeune  Indienne.  Il  donne  six  vers  à  la  chanson  Or  la 
voi  et  la  fait  débuter  par  celui-ci  que  seul  il  renferme  : 
C'est  la  jus  desoz  l'olive.  Plus  loin,  entre  les  deux 
vers  :  Ci  me  tienent  amoretes.  Bêle  trop  vos  aim,  il 
intercale  ce  vers  qui  n'est  pas  dans  les  autres  mss.  : 
Dras  igaoit  meschinete,  et  entre  les  deux  vers  :  Ainsi 
va  quiamors  mainent,  Maistre  musart  me  soutient,  le 
vers,  Bêle  doe  ighee  laine,  qu'on  ne  trouve  ni  dans  B 
ni  dans  C  et  qui  est  remplacé  dans  A  par  celui-ci  : 
Pucele  blanche  que  laine. 

Semblables  entre  eux  par  les  passages  qui  leur 
manquent  ou  qu'ils  renferment  seuls,  comparativement 
à  D,  les  mss.  du  groupe  ABC  diffèrent  par  les  points 
suivants  : 

A  renferme  seul  les  vers  472-473  :  Qui  H  donast 
trestout  l'empire,  Ne  se  tenist  il  pas  de  rire  ;  il  n'a  pas 
le  vers  385  :  Dont  elere  est  l'onde  et  blanche  est  la 
gravele,  non  plus  que  les  deux  vers  462-463  que  l'on 
trouve  dans  les  trois  autres  mss.,  mais  que  D  donne 
dans  un  autre  ordre  que  B  C.  La  chanson  Or  la  voi  a 
six  vers  dans  le  ms.  A;  les  deux  derniers  sont  ainsi 


INTRODUCTION  XCIX 

présentés  :  Or  la  voî,  la  voi  la  bêle  Blonde,  or  la  voi; 
il  est  évident  qu'il  faut  les  lire  :  Or  la  voi,  la  voi  [la 
voi]  La  bêle  blonde,  or  la  voi. 

B  présente  seul,  après  le  v.  308,  ces  deux  vers  : 
Alixandres  estoit  levez,  A  la  fenestre  iert  escoutez  ; 
seul  il  transpose  les  deux  vers  239-240  et  les  donne 
dans  cet  ordre  :  Mes  s'engins  et  sens  ne  me  faut,  Dit 
la  dame,  se  Dex  me  saut;  il  omet  les  vers  114,  374  et 
383  ;  il  ne  donne  que  cinq  vers  à  la  chanson  Or  la  voi; 
il  réduit  la  chanson  Ainsi  va...  à  ces  trois  vers  :  Ainsi 
va  qui  amours  main/ne,  Et  ainsint  qui  la  maintient, 
Meistres  musars  me  sostient. 

G  diffère  des  autres  mss.  du  groupe  principalement 
par  la  suppression  d'une  bonne  partie  de  la  fin  du 
poème.  Après  ces  deux  vers  :  Et  la  dame  est  venue  a 
chief,  De  trestot  quanques  empris  a,  il  coupe  brusque- 
ment le  récit  et  ajoute  six  vers  qu'on  lira  aux  variantes 
et  dont  le  premier  ne  rime  même  pas  avec  le  dernier 
du  texte  conservé. 

Le  vers  50  a  été  omis  par  le  copiste.  De  plus,  le  texte 
de  G  paraît  avoir  subi  quelques  modifications  caracté- 
ristiques. Pas  plus  que  AB,  G  ne  présente  les  vers  269- 
270  qu'on  lit  seulement  en  D  ;  mais  il  les  remplace  par 
ces  deux  vers  :  Si  en  commença  a  noter  Et  ceste 
chançon  a  chanter;  à  la  suite,  les  paroles  qu'Alexandre 
adresse  à  sa  maîtresse,  et  qui  sont  à  peu  de  chose  près 
les  mêmes  dans  les  trois  mss.  A  B  D,  sont  converties 
dans  G  en  une  chanson  de  six  vers  dont  le  premier  est. 


jC  INTRODUCTION 

Main  se  levoit  bêle  Erembours  et  dont  les  quatre 
derniers  sont  en  rimes  croisées  (1). 

La  chanson  Or  la  voi...  a  huit  vers  dans  le  ms.  C  ; 
si  dans  le  septième,  Or  la  voi,  la  voi,  la  voi,  on  rem- 
plaçait le  dernier  la  voi  par  m'amie,  on  retrouverait  la 
forme  bien  connue  du  rondel  en  huit  vers  à  rimes 
ainsi  disposées  ab  aaabab,  dans  lequel  le  quatrième 
et  le  septième  vers  sont  les  mêmes  que  le  premier,  et 
le  huitième  le  même  que  le  second.  Le  ms.  C  est  le  seul 
qui  présente  cette  disposition  qui  me  semble  due  plutôt 
au  copiste  qu'à  l'auteur;  je  ne  connais  pas  en  effet 
d'exemple  aussi  ancien  de  rondel,  et  je  rejette  la  leçon 
de  C  aux  variantes. 

Une  différence  très  importante  du  ms.  C,  c'est  que, 
seul  de  son  groupe,  il  donne  les  vers  17-18,  qu'on 
trouve  aussi  en  D.  J'en  tirerai  plus  loin  la  conséquence. 

Enfin,  C  a  les  vers  462-463  qui  lui  sont  communs 
avec  B  et  qui  se  lisent  aussi  en  D,  mais  intervertis.  Il 
manque  ainsi  que  B  des  vers  472-473,  qu'on  ne  trouve 
d'ailleurs  que  dans  A. 

Une  première  question  se  pose  :  Faut-il  voir  des 
interpolations  dans  les  passages  que  l'on  trouve  seule- 
ment soit  dans  ABC,  soit  dans  D?  Sans  doute,  quel- 

(1)  Dans  le  ms.  C,  le  texte  des  diverses  chansons  est  toujours  écrit 
à  lignes  pleines  ;  au-dessus  de  chacune  de  ces  lignes  est  un  espace 
resté  blanc  et  qui  était  destiné  à  recevoir  les  portées  musicales  et 
les  notes. 


INTRODUCTION  CI 

ques-uns  ne  sont  pas  tellement  indispensables  au  sens 
que  le  texte  ne  puisse  s'en  passer,  mais  ce  n'est  pas  une 
raison  suffisante  pour  ne  pas  les  admettre.  Il  en  est 
d'autres  dont  la  suppression  ne  peut  être  acceptée. 

Les  mss.  ABC  omettent  les  vers  29-32,  et  donnent 
ce  même  texte,  sauf  quelques  variantes  : 

Certes  c'est  crueus  vilonie 
De  blasmer  les  crueus  félons 
C'on  puet  apeler  guenelons...! 

N'est-il  pas  évident  que  cette  leçon  est  mauvaise, 
puisqu'elle  est  à  la  fois  contraire  au  bon  sens  et  à  la 
suite  bien  claire  des  idées  de  l'auteur. 

Les  vers  71-84,  donnés  seulement  par  D,  me  parais- 
sent compléter  par  une  suite  bien  naturelle  l'éloge,  si 
cher  aux  trouvères,  de  la  générosité  et  du  désintéres- 
sement d'Alexandre. 

Après  le  passage  dans  lequel  Aristote  reproche  à  son 
royal  disciple  sa  faiblesse  et  l'oubli  de  ses  devoirs,  les 
mss.  ABC  suppriment,  v.  175-180,  la  réponse  d'A- 
lexandre s'engageant  à  ne  plus  voir  la  jeune  Indienne 
et  disent  tout  de  suite  : 

Alexandres  ainsi  demeure. 

Or  les  vers  qu'ils  omettent  sont  une  transition  néces- 
saire pour  expliquer  le  changement  de  conduite  du  roi. 
A  B  C  ne  donnent  pas  les  vers  191-214  ;  mais  ce  pas- 
sage qui  nous  montre  Alexandre  se  rappelant  les  charmes 


cil  INTRODUCTION 

de  sa  maîtresse  et  délibérant  en  lui-même  s'il  doit  obéir 
àson  maître  ou  céder  à  sapassion,  est  incontestablement 
un  des  meilleurs  endroits  du  petit  poème.  Qui  donc, 
après  l'avoir  lu,  voudrait  en  proposer  la  suppression  ? 
Après  ce  vers  : 

Sire  rois,  or  vous  levez  main, 

ABC  suppriment  les  vers  255-264  et  disent  immé- 
diatement : 

Aus  fenestres  de  celé  ter, 

Et  je  porverrai  mon  ator, 

n'y  a-t-il  pas  évidemment  une  lacune? 

Les  vers  269-270,  422-423,  omis  par  ces  trois  mss., 
me  paraissent  aussi  appartenir  bien  réellement  au  texte 
de  l'auteur. 

Je  tiens  pour  établi  que  ces  passages  conservés  par 
D  ne  sont  pas  des  interpolations. 

La  même  preuve  peut  être  donnée  pour  plusieurs  des 
passages  qui  nous  sont  fournis  seulement  par  ABC. 

D  supprime  les  vers  145-146;  mais  il  est  évident  que 
le  copiste  a  maladroitement  altéré  le  texte  de  tout 
cet  endroit.  La  forme  du  dialogue  entre  Aristote  et 
Alexandre  est  changée  en  un  discours  indirect  du 
maître  à  son  disciple  ;  la  réponse  d^ Alexandre  devient 
une  réflexion  de  l'auteur  qui  ajouterait  plus  loin  : 
Aristotes....  vint  au  roi,  comme  s'il  n'était  pas  déjà 
en  sa  présence.  Le  texte  donné  par  A  B  C  est  évidem- 


INTRODUCTION  CHI 

ment  le  bon,  et,  dès  lors,  les  vers  145-146  en  font 
nécessairement  partie. 

Les  vers  335-336  ne  sont  pas  moins  indispensables. 
Il  en  est  de  même  des  vers  470-471  ;  il  faut  bien  dire 
qu'Alexandre,  dont  il  n'a  pas  été  question  depuis  le 
vers  309,  est  présent,  avant  de  mettre  dans  sa  bouche 
les  paroles  ironiques  qu'il  adresse  à  son  maître. 

D  omet  encore  les  vers  497-511,  et  donne  ce  texte  : 

Ce  que  j'appris  et  leû 

M'a  amors  deffait  en  [une]  eure. 

Li  rois  fu  liez  en  iceste  eure. 

La  lacune  est  prouvée  par  la  façon  maladroite  dont 
ce  raccord  est  fait. 

Les  réflexions  morales  qui  terminent  le  fabliau  dans 
lesmss.  A  B,  du  vers  546  à  la  fin,  pourraient  àla  rigueur 
être  supprimées;  cette  affabulation  est  d'ailleurs  dans  le 
ton  du  poème  et  je  n'hésite  pas  à  croire  que  le  copiste 
de  D,  qui  a  mutilé  en  plusieurs  endroits  la  dernière 
moitié  du  fabliau,  pressé  d'en  finir,  a  coupé  là  brusque- 
ment le  récit. 

Les  considérations  que  je  viens  de  présenter  m'au- 
torisent suflBsamment,  je  crois,  à  attribuer  à  l'auteur 
même  les  passages  dont  les  divers  mss.  n'ont  pas  tenu 
compte.  C'est  d'ailleurs  ce  que  Méon  a  cru  devoir  faire 
dans  l'édition  qu'il  a  donnée  de  ce  fabliau,  sans  en 
indiquer  toutefois  les  raisons,  et  je  n'hésite  pas  à  faire 


CIV  INTRODUCTION 

comme  lui.  Je  rétablis  même  dans  le  texte  quelques 
vers  du  ms.  D,  qu'il  a  omis. 

Il  résulte  de  cette  discussion  que,  puisque  les  pas- 
sages conservés  par  D  ne  sont  pas  des  interpolations, 
ce  ms.  ne  procède  pas  du  groupe  ABC  qui  ne  les 
contient  pas,  et  que,  par  une  raison  toute  semblable, 
ce  groupe  ne  peut  avoir  pour  origine  le  ms.  D. 

L'examen  des  trois  mss.  qui  composent  le  groupe 
AB  C  (1)  permettra  d'établir  de  même  qu'ils  ne  procèdent 
pas  les  uns  des  autres.  Je  pourrais,  en  m'appuyant  sur 
la  diversité  des  leçons,  multiplier  les  preuves  ;  je  me 
bornerai,  pour  être  bref,  aux  remarques  les  plus  essen- 
tielles. 

A  ne  vient  pas  de  B,  parce  qu'il  donne  les  vers  114, 
374,  383  que  le  copiste  de  B  a  oubliés,  et  qu'il  a  des  vers 
justes  et  de  bonnes  leçons  là  où  B  présente  des  vers 
faux  et  des  leçons  inintelligibles.  B  ne  vient  pas  de  A, 
parce  qu'il  a  de  plus  que  ce  dernier  le  vers  385  appar- 
tenant à  la  chanson  de  toile  ou  d'aventure,  vers  éga- 
lement donné  par  C  et  D,  ainsi  que  par  le  chansonnier 
français  ms.  20050  (anc.  S.  G.  1989,  Bibl.  nat.)qui 
contient  la  chanson  entière,  et  parce  qu'il  a  les  vers 
463-464  absents  de  A  et  qui  se  lisent  dans  le  ms.  C,  et 
aussi,  mais  intervertis,  dans  le  ms.  I). 

A  B  ne  proviennent  pas  de  C,  parce  qu'ils  ont  le  vers 

(1)  Je  rappelle  qu'en  comparant  ces  mss.  je  n'ai  égard  qu'au  Lai 
d'Aristote. 


INTRODUCTION  CV 

50  oublié  par  le  copiste  de  C,  ainsi  que  la  conclusion 
du  poème  à  partir  du  v.  507  que  C  a  supprimée.  C  ne 
vient  ni  de  A  ni  de  B,  parce  qu'il  donne  les  vers  17-18 
absents  de  ces  deux  mss.  et  qui  appartiennent  bien  au 
texte  primitif,  puisqu'ils  se  rencontrent  dans  le  ms. 
indépendante 

A  et  B,  ne  renfermant  pas  les  vers  17-18,  proviennent 
d'un  ms.  que  j'appellerai  z,  qui  comme  eux  ne  les  conte- 
nait pas;  z  etC  ont  pour  origine  un  ms.  que  je  désigne- 
rai par  y;  c'est  de  lui  que  ABC  tiennent  les  passages 
et  les  lacunes  qu'on  ne  trouve  pas  en  D  ;  il  avait  de  plus 
les  vers  17-18  qui  sont  communs  à  C  et  D.  Le  ms.  y  est 
donc  le  point  de  départ  du  groupe  A  B  C  ;  les  raisons 
que  j'ai  données  plus  haut  en  comparant  ce  groupe  au 
ms.  D  s'appliquent  de  tout  point  à  D  et  à  y;  ces  deux 
mss.  viennent  donc  d'un  ms.  antérieur  x  qui  contenait 
les  passages  qu'on  trouve  seulement  ou  dans  le  groupe 
A  B  C  ou  dans  le  ms.  D.  Il  a  donc  existé  au  moins  sept 
mss.  du  Lai  d'Aristote  dont  le  tableau  suivant  indique 
la  ûliation  : 


œ 


B 

14 


CVI  INTRODUCTION 

J'ai  dit  au  moins  sept  mss.  ;  il  n'est  pas  sûr,  en  eflFet, 
que  X  soit  le  ms.  même  de  l'auteur,  et  il  peut  y  avoir  eu 
entre  eux  plusieurs  intermédiaires  que  l'on  ne  connaît 
pas. 

Des  considérations  qui  précèdent,  il  me  semble  ré- 
sulter que  le  texte  définitif,  c'est-à-dire  le  texte  du 
ms.  a?,  au  delà  duquel  nous  ne  saurions  remonter,  devra 
se  composer  :  1°  des  leçons  communes  aux  quatre  mss. 
A  B  C  D;  2°  des  leçons  communes  à  D  et  à  l'un  des 
trois  mss.  ABC,  cette  ressemblance  ne  pouvant  pro- 
venir que  du  ms.  x. 

En  cas  de  divergence  entre  le  groupe  A  B  C  et  le  ms. 
D,  ce  groupe  n'aura  pas  plus  d'autorité  que  D,  puisqu'il 
représente,  en  dernière  analyse,  le  ms.  y  qui  vient 
comme  D  du  ms.  x,  et  qui,  a  priori^  n'a  ni  plus  ni 
moins  de  valeur  que  D.  Pour  reconstituer  y  (dans  le 
cas  seulement  où  il  diffère  de  D),  il  faut  prendre  :  1°  les 
leçons  communes  à  A  B  C  ;  2°  les  leçons  communes  à  0  et 
à  l'un  des  mss.  A  B,  cette  ressemblance  ne  pouvant  leur 
venir  que  du  ms.  y.  S'il  y  a  divergence  entre  les  mss. 
A  B  et  le  ms.  G  (toujours  pour  les  leçons  qui  ne 
sont  pas  en  D),  A  et  B  représentant  z  n'auront  ni  plus 
ni  moins  de  valeur  que  C  qui,  comme  z,  vient  d'y.  Dans 
ce  cas  comme  dans  le  précédent,  le  choix  entre  les 
leçons  ne  pourra  être  déterminé  que  par  des  raisons, 
toujours  un  peu  arbitraires,  de  langue  et  de  goût.  Je 
donnerai  d'ailleurs  toutes  les  variantes  de  leçons. 

Un  exemple  fera  mieux  comprendre  la  méthode  que 


INTRODUCTION  cyn 

j'ai  suivie  ;  je  le  prends  dans  les  vers  10-14  que  les 
quatre  mss.  donnent  ainsi  : 


Ausi  com  li  .j.  le  bien  loent 
Et  vont  la  bone  gent  loant 
Le  despisent  li  mesdisant 
Quant  il  pis  ne  lor  pueent  fere. 

B 

Ainsi  com  li  bon  le  bien  loent 
Et  vont  les  bonnes  gens  dissant 
Les  despisent  li  meldisant 
Quant  il  pis  ne  lor  puent  faire. 

c 

Qu'ausi  com  li  bon  le  bien  loent 
Et  vont  adès  le  bien  disant 
Le  despisent  li  mesdisant 
Quant  il  pis  ne  lor  puent  fere. 

D 

Qu'ausi  con  li  bon  le  desloent 
Et  vont  la  bone  gent  prisant 
La  despisent  li  mesdisant 
Quant  il  pis  ne  lor  pueent  faire. 

Dans  le  premier  vers,  j'adopte  qu'ausi  donné  par 
C  D,  j'écarte  li.  j.  qui  ne  se  trouve  que  dans  A,  et  la 
leçon  évidemment  mauvaise  de  D,  desloent. 


CVIII  INTRODUCTION 

La  leçon  de  0  pour  le  second  vers  est  excellente, 
mais  elle  a  le  malheur  d'avoir  contre  elle  l'accord  des 
trois  autres  mss.  qui  ne  diffèrent  que  pour  le  dernier 
mot.  Je  fais  remarquer  que  B  est  plus  souvent  qu'A 
conforme  à  C,  et  que,  pour  cette  raison,  on  peut,  à  tra- 
vers ses  nombreuses  incorrections,  entrevoir  qu'il  re- 
produit plus  fidèlement  les  leçons  de  z.  Le  vers  de  B, 
Et  vont  les  bonnes  gens  dissant,  était  sans  doute  dans  z 
et  dans  y  ;  le  copiste  de  G,  ne  le  comprenant  pas,  en  a 
changé  la  première  partie  en  conservant  le  mot  disant; 
le  copiste  d'A  l'a  corrigé  moins  heureusement  en  rem- 
plaçant disant  par  loant,  difficile  à  admettre  après  le 
mot  loent  qui  termine  le  vers  précédent.  La  leçon  de 
D  est  évidemment  la  vraie.  J'adopte  la  bone  gent  et 
non  les  bonnes  g ens^  parce  que  les  trouvères  emploient 
presque  toujours  ce  collectif  au  singulier,  tout  en  met- 
tant au  pluriel  les  pronoms  qui  s'y  rapportent.  Les 
exemples  abondent  et  Henri  d'Andeli  en  fournit  lui- 
même  plusieurs. 

C'est  pour  cela  que,  au  troisième  vers,  entre  les 
trois  leçons  A  G  ?e,  D  la,  B  Zes,  je  préfère  la  leçon  les 
conforme  à  l'usage  et  en  rapport  avec  le  pluriel  lor  du 
quatrième  vers. 

L'écueil  de  la  classification  que  j'ai  établie  plus  haut, 
ce  serait  qu'un  des  deux  mss.  A  B  coïncidât  avec  D, 
tandis  que  l'autre  présenterait  une  leçon  commune  avec 
G.  Dans  ce  cas,  en  effet,  la  ressemblance  soit  d'A,  soit  de 
B  avec  D,  ne  pourrait  venir  que  de  x  par  l'intermé- 


INTRODUCTION  XHX 

diaire  d'y  et  de  ;?,  et  celle  soit  d'A,  soit  de  B  avec  C,  ne 
saurait  résulter  que  d'y  par  l'intermédiaire  de  ^'  ;  il  y 
aurait  là  une  contradiction.  Je  dois  reconnaître  que 
ces  circonstances  se  présentent  plusieurs  fois,  mais  il 
me  semble  qu'elles  peuvent  être  expliquées  sans  que 
la  classification  soit  ébranlée. 

Le  premier  vers  est  dans  A  D  i)e  biaus  mos  conter 
et  retrere  et  dans  B  C  De  conter  biaus  moz  et  retraire. 
Ici,  pas  la  moindre  difficulté,  la  transposition  a  pu  fa- 
cilement être  faite  par  deux  copistes  indépendants. 

Vers  149  :  A  Qui  por  fol  m'en  voudrent  clamer, 
D  Qui  por  fol  l'en  vorroient  clamer,  B  Qui  fol  me  vo- 
roient  clamer,  C  Qui  fol  m'en  vodrotent  clamer.  L'ad- 
dition de  por  (fréquemment  employé  avec  le  verbe 
clamer),  machinale  en  D,  où  elle  rend  d'ailleurs  le  vers 
faux,  a  été  nécessitée  en  A  par  le  changement  de  vo- 
roient  en  voudrent  ;  il  n^y  a  là  qu'une  ressemblance 
fortuite. 

V.  326  :  A  Hë,  Biex  !  fet  il. ..T>  Ha  Diex !  fait  il. . .  B 
Et  dist  :  Hé Dex  !..  Q  Et  dit  :  Ha  Dex.  J'admets  que 
la  leçon  de  B  C  se  trouvait  en  ^  et  en  y  ;  mais  A  a  bien 
pu  revenir  à  la  leçon  de  D;  le  changement  de  dit  en  fet 
que  les  trouvères  emploient  constamment  l'un  pour 
l'autre,  n'a  rien  que  de  très  naturel,  aussi  bien  que  la 
transposition  rétablie  par  A. 

V.  342,  A  D  font  estuide  du  masculin  :  mon  estuide, 
B  C  le  font  du  féminin  :  m'estuide.  On  trouve  en  effet 
à  cette  époque  ce  mot  employé  dans  les  deux  genres. 


ex  INTRODUCTION 

La  leçon  B  C  était  en  z  et  en  y  Molt  ai  mol  emploie 
m'estuide.  Le  copiste  d'A  aura  supprimé  molt  pour 
faire  estuide  du  masculin,  comme  il  en  avait  sans  doute 
l'habitude.  De  là  la  coïncidence  avec  D  ;  elle  s'arrête 
d'ailleurs  là,  car  A  commence  le  vers  par  Bien  ai  em- 
ploie... et  D  par  Mal  ai  emploie... 

V.  401,  A  D  Dame,  bien  soiez  vos  venue,  B  C  Dame, 
vos  soiez  bien  venue.  La  forme  bien  soiez  vos  est 
très  fréquente  à  cette  époque  ;  les  sources  de  B  C  l'ont 
changée,  A  l'a  rétablie. 

V.  440,  A  Bien  l'a  mis  amors  a  desroi,  D  Bien  l'a 
amors  mis  en  effroi,  B  C  Bien  l'a  m-is  nature  en  ef- 
froi.  La  substitution  par  A  à' amors  à  nature  s'explique 
à  mon  sens  facilement  ;  le  mot  est  amené  par  le  sujet 
et  aura  paru  au  copiste  plus  précis  et  plus  vif  que 
nature. 

V.  465-466,  A  Ainsi  va  qui  amors  maine,  Pucele 
blanche  que  laine,  D  Ainsi  va  qui  amors  mainent. 
Bêle  Doe  ighee  laine.  B  C  suppriment  le  second  vers. 
Il  semble  que  le  vers  de  D  cache  la  bonne  leçon;  les 
autres  mss.  ont  dû  avoir  dans  leur  source  un  vers  ana- 
logue qu'ils  n'ont  pas  compris.  B  et  C  l'ont  supprimé, 
A  l'a  refait. 

Ce  sont  là  les  seuls  passages  qui  présentent  quelque 
difficulté;  on  a  vu  que  B  C  y  coïncidaient;  ces  deux 
mss.  sont  en  effet  plus  souveiit  d'accord  entre  eux  que 
l'un  ou  l'autre  avec  A.  J'ai  déjà  dit  plus  haut  que  ni 
l'un  ni  l'autre  ne  donne  les  vers  472-473  d'A  et  que 


INTRODUCTION  CXI 

tous  deux  ont  les  vers  462-463  qui  manquent  à  A  ;  d'où 
je  conclus  qu'A  a  souvent  modifié  les  leçons  du  ms. 
dont  il  provient. 

Pour  l'établissement  du  texte,  suivre  principalement 
le  ms.  D,  en  empruntant  au  groupe  A  B  C  les  leçons 
qui  pouvaient  paraître  préférables,  facilitait  singuliè- 
rement la  tâche.  Je  n'ai  pas  cru,  toutefois,  devoir  le 
faire.  Si  D,  pour  la  première  partie  du  poème,  est  plus 
complet  que  A  B  C,  il  l'est  beaucoup  moins  pour  la 
dernière  partie;  il  n'oflfre  donc  pas,  à  cet  égard,  d'a- 
vantage ;  d'aiUeurs  je  ne  le  crois  pas  plus  rapproché  de 
l'original  que  les  autres  mss.;  nous  ne  connaissons  pas 
ses  intermédiaires,  mais  le  texte  en  beaucoup  d'endroits 
y  a  été  visiblement  altéré,  et  il  me  semble  résulter  de 
la  comparaison  des  mss.  du  groupe  A  B  C  un  texte 
meilleur.  De  ces  trois  mss.,  Bme  semble  le  plus  fidèle, 
à  l'égard  des  leçons  ;  il  est  en  effet  d'accord  soit  avec  C, 
soit  avec  A,  plus  souvent  que  C  et  A  ne  s'accordent,  et 
l'on  peut,  à  mon  avis,  retrouver  maintes  traces  des 
leçons  primitives  sous  ses  nombreuses  incorrections. 

B  est  en  effet  l'œuvre  d'un  copiste  inattentif  et  inin- 
telligent ;  il  laisse  tomber  des  vers  entiers,  il  omet  fré- 
quemment des  mots  et  fausse  ainsi  la  mesure  ;  il  écrit 
des  mots  dénués  de  sens  ;  il  répète  parfois  à  la  rime  le 
mot  qui  termine  le  vers  qui  précède,  v.  3-4  entendre, 
27-28  villenie,  67-68  gent,  16^170  estrange,  367-368 
ment  y  ce  qui  prouve  qu'il  ne  s'est  pas  relu.  Mais,  à  côté 
de  cela,  il  observe  la  distinction  du  cas-sujet  et  du  cas- 


CXII  INTRODUCTION 

régime  plus  généralement  que  les  autres  mss.;  c'est 
ainsi  qu'il  emploie  constamment  mes,  ses  au  sujet  mas- 
culin singulier,  tandis  qu'A  G  D  ne  le  font  que  rarement. 

Cette  copie  a  été  exécutée  dans  l'est  de  la  France, 
comme  le  prouvent  les  particularités  dialectales  qui 
vont  suivre  : 

Le  français  a,  à  la  3®  p.  s.  des  verbes,  est  fréquem- 
ment changé  en  ai  :  ai  (habet),  23, 108,  233,  345,  480, 
525,  539,  565;  faudrai,  247,  varrai,  248,  ou  en  ei  : 
saurei,  252,  jporrei,  314,  irei,  318.  On  trouve  aussi  rê- 
vait, 216,  vet  (va),  301.  —  Va  est  changé  en  e  dans  la 
négation  pas  qui  devient  pes,  186,  280,  296,  541, 
dans  hes,  302,  besse,  391,  pesse  (passe),  390,  et  dans  le 
verbe  blasmer  qui  partout  est  écrit  Mesmer.  —  a  de- 
vient quelquefois  es  au  commencement  des  mots  : 
esprandre,  346,  esprandant,  347,  esprinsure,  541, 
estande,  560.  —  La  diphtongue  ai  est  changée  en  ei  : 
malveis,  8,  direi,  57,  92,  raisons,  140,  meistres,  165 
et  passim,  seillie,  217,  teist,  224,  feit,  325,  meire,  402, 
metrei,  407,  doutei,  488,  feire,  516,  afeire,  517.  —  a 
est  employé  pour  et,  53,  62,  101,  278,  336,  398,  525,  et 
réciproquement  et  pour  a,  53, 63,  308.  —  au  est  réduit 
ka: chevachier,  432,  chevachant,  462,  chevache, 475, 
va#  (vaut),  474.  —  ai  est  réduit  à  a  ;  revenra,  38, 
/fera,  54,  magres,  339. 

L'é  français  venant  de  Ve  et  de  l'è  latin  en  position 
devient  a  devant  l  ei  t  :  hallement,  141,  baie,  295, 
ensaler,  450,  entrematre,  25,  cAawfowa^e,  309,  maif. 


INTRODUCTION  CXIII 

324,  flùrates,  359,  amorates,  363,  seate  (sagitta),  370. 
On  trouve  aussi  vargier,  433,  élargie,  156.  —  ei  est 
changé  en  oi  :  mervoil,  19,  mervoilUez,  226,  esvoil- 
lier,  279,  oroille,  310,  mervoille,  394.  —  ew  devient 
presque  toujours  an  :  entandre,  3,  saw^,  5,  errau- 
mant,  9,  eseussemant,  23,  mortelmant,  24,  prant,  93, 
<iî*rewaw*,  170,  co/nani,  222,  ^awi,  310,  emjpannée, 
371,  coviant,  428,  dessant,  ASÀjJovanf,  489,  etc.,  etc. 
La  préposition  ew  est  le  plus  souvent  écrite  aw,  8,  51, 
70,  147,  etc. 

0  s'affaiblit  en  e  dans  les  mots  suivants  :  henorer, 
64,  henours,  335,  henor,  568.  ^  oi  se  réduit  à  o  ; 
poroent,  35,  moroent,  36,  blesmoent,  229,  metroe,  328, 
329,  feroe,  330,  ^oe,  561.  —  ow,  très  souvent  au  lieu 
d'o  ;  majour,  87,  séjour,  88,  flours,  357,  fowr,  265, 
282,  etc.,  a^owr,  266,  ^owi,  68,  94,  etc.;  sow-s-,  282, 
amot«r,  passim,  etc.,  mais  aussi,  tôt,  15,  112,  etc., 
dotai,  237,  tome,  493,  mostre,  544,  rover,  172,  sos- 
izmi,  467,  sospirant,  387,  vos,  toujours,  etc. 

Les  consonnes  sont  fréquemment  doublées  :  cortois- 
sie,  5,  î^^me,  25, 150, 151,  381,  dissant,  11,  despissent, 
12,  meldissant,  12,  poisse,  19,  ossent,  137,  chossent, 
IS8 ^rancttnne,  152,  mainne,  159,  465,  sewatwwe,  160, 
mechinne,  169,  chemisse,  281 ,  mwse,  282,  ros«e  (rose), 
289,  taissiez,  418,  sainne,  464,  finne,  543,  etc. 

D  est  supprimé  dans  les  mots  :  repanre,  243, 
apanre,  343. 

ZT  est  employée  quelquefois  sans  raison  étymolo- 

15 


CXIV  INTRODUCTION 

gique  :  huevre,  45,  51,  vehu,  471,  475,  494.  Elle  est 
supprimée  dans  aut,  302. 

M  est  quelquefois  substituée  à  n  dans  le  corps  et  à  la 
fin  des  mots  :  vilaim,  50,  omques,  148,  189,  330,  343, 
am,  226,  domques,  329,  volumtiers,  438,  volumtë, 
514,  567. 

S  se  trouve  à  la  V^  p.  du  s.  dans  les  mots  suivants  : 
suis,  221,  491,  pois  (puis),  492. 

!r  final  se  rencontre  aux  3^  p.  s.  des  verbes  :  respon- 
dit,  145,  ott,  146,  268,  abelit,  216,  esjoî't,  267,  et  dans 
le  substantif  ennuit,  22  {annuit,  319). 

Je  citerai  encore  les  formes  doispuis  pour  despuis, 
411,  569,  s'ahenoie  pour  s'esbanoie,  365,  mesage  pour 
musage,  174,  ^z  pour  leu,  59,  /"rwi  pour  /V-weY,  59,  es- 
pice,  59,  et  Grice,  60,  pour  espèce  et  Grèce,  tet  pour 
fawij  61,  zVe'  pour  zme,  436,  ^w^^?,  109,  275,  mmle, 
(peut-être  numle,  540)  (1).  Certaines  de  ces  formes 
pourraient  être  des  fautes  du  copiste  plutôt  que  des 
difi'érences  dialectales.  D'ailleurs  l'orthographe  du  ms. 
B  est  loin  d'être  uniforme  ;  on  sent,  ce  que  nous  savons 
de  reste,  que  le  copiste  avait  afiaire  à  un  texte  prove- 
nant d'une  autre  province  que  la  sienne  et  dont  il  a 
souvent  respecté  les  formes. 

(1)  M.  Paul  Meyer  a  déjà  signalé  cette  orthographe  {Notice  sur 
un  ms.  bourguignon,  Romania,  n"  21,  janvier  1877,  p.  45), 
l'attribuant  à  une  erreur  de  copiste.  Les  exemples  cités  ici  per- 
mettraient peut-être  de  conclure  que  c'était  une  habitude. 


INTRODUCTION  CXV 

J'ai  cru  devoir  mentionner  ici  quelques-unes  des  dif- 
férences orthographiques  de  ce  ms.  trop  nombreuses 
pour  figurer  aux  variantes.  Je  ne  dirai  rien  des  formes 
des  autres  mss.;  elles  ne  s'éloignent  que  rarement  de 
celles  qui  caractérisent  le  dialecte  de  l'Ile-de-France. 
Les  variantes  les  feront  d'ailleurs  suffisamment  con- 
naître. 

La  Bataille  des  Vins  a  été  conservée  par  deux  mss.  : 
le  ms.  837  de  la  Bibl.  nat.,  de  f.  231  c  à  f.  232  c,  et  le 
ms.  113  de  la  Bibl.  de  la  ville  de  Berne,  de  f.  200  a  à 
f.  201  a.  J'ai  suivi  de  préférence  le  texte  du  ms.  837, 
en  empruntant  toutefois  plusieurs  leçons  qui  m'ont  paru 
meilleures  au  ms.  de  Berne,  dont  la  Bibl.  nat.  possède 
une  copie  dans  le  ms.  Moreau  1727  (anc.  Mouchet  52). 
M.  le  D'  E.  Bloesch,  bibliothécaire  en  chef  de  la  ville 
de  Berne,  a  bien  voulu,  à  ma  prière,  collationner  ce 
texte  sur  l'original  ;  qu'il  en  reçoive  ici  mes  vifs  re- 
mercîments.  Les  leçons  de  ce  ms.  que  je  n'ai  pas  fait 
entrer  dans  mon  texte  se  trouveront  aux  variantes. 

Les  formes  suivantes  indiquent  que  le  texte  du  ms. 
de  Berne  a  été  copié  en  Picardie  :  le  pour  l'article  fé- 
minin Za,  8,  71,  154,  168,  do  pour  dw,  5,  69,  71, 
85,  169,  caseuns,  46,  152,  164,  170,  173,  186,  cascun, 
153,  cacha,  60,  65,  ocheist,  76.  J'ajouterai,  comme 
particularités  orthographiques,  qu'on  trouve  rarement 
la  diphtongue  ow,  o  est  préféré  :  Anjo,  32,  gotes,  56 
(goûtes f  100),  trestofe,  116,  etc.  ;  vos,  presque  toujours; 
ml't  doit  s'interpréter  molt;  ai  est  préféré  à  e  ;  fai- 


CXVI  INTRODUCTION 

sons,  110,  147,  repaissons,  112,  mais,  149,  jamais, 
199,  etc.-,  on  rencontre  encore  n  et  non  m  devant  les 
labiales,  con  et  non  com,  car,  75,  et  non  quar,  j  pour 
g,  jentil,  5,  jesir,  150.  Les  variantes  reproduiront  les 
formes  de  ce  ms. 

Le  ms.  4333  de  la  Bibl.  Harleïenne  (British  Mu- 
séum) est  le  seul  ms.  connu  qui  contienne  le  texte  du 
Lit  du  chancelier  Philippe.  M.  P.  Meyer  l'a  publié 
dans  la  Romania.  Il  serait  téméraire  d'oser  y  toucher 
après  un  critique  aussi  sûr  ;  aussi,  je  le  réimprime  sans 
y  rien  changer  (1)  avec  les  corrections  qu'il  y  a  faites, 
et  je  le  remercie  d'avoir  bien  voulu  donner  à  la  Société 
rouennaise  de  Bibliophiles  l'autorisation  de  le  repro- 
duire. 

Le  Dit  du  chancelier  Philippe  s'étend  dans  le  ms. 
Harleïen  de  f .  98  ô  à  f.  100  a.  M.  P.  Meyer  pense  que 
ce  ms.  a  été  écrit  dans  la  seconde  moitié  du  xiii®  siècle 
et,  à  en  juger  par  certaines  formes,  dans  l'est  de  la 
France  (2). 

La  Bataille  des  VII  Ars  nous  a  été  conservée  par 
les  deux  mss.  de  la  Bibl.  nat.  837,  de  f.  135  ô  à  f .  137  c, 
et  19152,  de  f.  112  c^  à  f .  114  h.  Je  reproduis  le  texte 
du  ms.  837,  sauf  quelques  leçons  que  j'emprunte  au 
ms.  19152. 

La  critique  des  leçons  est  oeuvre  toujours  délicate, 

(1)  Sauf  une  correction  faite  au  v.  220.  V.  Variantes  et  Notes. 

(2)  Romania,  1872,  no  2,  p.  206. 


INTRODUCTION  CXVII 

mais  celle  des  formes  présente  des  difficultés  bien  plus 
grandes,  et  parfois  même  insurmontables.  Si  les  co- 
pistes n'hésitaient  pas  à  modifier  le  style  et  les  idées 
de  l'auteur,  ils  prenaient  des  licences  plus  grandes 
encore  à  l'égard  de  l'orthographe  ;  le  plus  souvent 
d'ailleurs,  ils  cédaient  sans  le  vouloir  aux  habitudes 
qu'ils  avaient  contractées.  La  multiplicité  des  mss.  ne 
fait  qu'augmenter  le  chaos,  chaque  scribe  ajoutant  aux 
inexactitudes  du  manuscrit  qu'il  copie  ses  propres 
inexactitudes.  Ce  qui  me  paraît  ressortir  de  l'étude  des 
rimes,  c'est  que  Henri  d'Andeli,  tout  normand  qu'il 
était,  n'a  pas  écrit  ses  œuvres  dans  le  dialecte  de  son 
pays.  On  sait  qu'en  normand  les  imparfaits  de  la 
l'^  conjugaison  ne  rimaient  pas  avec  ceux  des  autres 
conjugaisons  ;  or  nous  trouvons  dans  la  Bataille  des 
VII  Ars  les  rimes  suivantes  :  amoient,  connoissoient 
226-227,  atendoient,  amenaient  318-319,  volaient, 
prenaient  348-349.  Nous  sommes  donc  en  présence 
d'un  texte  écrit  dans  le  dialecte  de  l'Ile-de-France,  et 
ce  fait  n'a  rien  qui  doive  nous  étonner,  puisque  comme 
je  l'ai  déjà  dit,  il  est  très  probable,  que  notre  trouvère 
passa  à  Paris  une  partie  de  sa  vie. 

N'ayant  pas  à  ramener  les  formes  à  celles  du  pays 
qui  vit  naître  Henri  d'Andeli,  ne  trouvant  aucun 
indice  de  formes  qui  lui  soient  particulières,  et  dési- 
reux de  ne  jamais  substituer  à  la  réalité  mes  conjec- 
tures ou  mes  fantaisies,  je  me  suis  simplement  con- 
formé à  l'orthographe  des  mss.  J'ai  suivi  de  préférence 


CXVIII  INTRODUCTION 

le  ms.  837 ,  le  seul  qui  nous  donne  à  la  fois  le  Lai 
d'Aristote,  la  Bataille  des  Vins  et  la  Bataille  des 
VII  Ars,  et  dont  l'orthographe  présente  un  caractère 
satisfaisant  d'unité  et  de  régularité.  Quant  aux  pas- 
sages qui  se  trouvent  dans  le  ms.  19152,  je  leur  ai 
conservé  leurs  formes,  attachant  peu  d'importance  aux 
différences  qu'on  peut  y  trouver.  Qu'importe,  en  effet, 
qu'on  écrive  nos,  vos,  molt,  tôt,  etc.,  ou  nous,  vous, 
mouUy  tout,  etc.,  puisqu'il  est  admis  qu'on  ne  peut  pas 
conclure  des  premières  formes  à  la  prononciation  réelle 
de  ces  mots,  et  que  l'o  n'était  dans  l'ancienne  ortho- 
graphe qu'une  notation  paléographique  représentant 
tantôt  notre  voyelle  o,  tantôt  nos  diphtongues  ou  et 
eu? 

Je  ne  me  suis  permis  qu'un  petit  nombre  de  cor- 
rections. La  principale  modification  apportée  au  texte 
du  ms.  837  est  l'application  plus  constante  de  la  règle  de 
l's;  la  comparaison  des  mss.  me  portait  d'ailleurs  à  le 
faire,  puisque  là  même  où  l'un  d'eux  viole  cette  règle, 
l'autre  l'observe;  le  ms.  1593,  si  défectueux,  comme 
je  l'ai  dit,  à  d'autres  égards,  a  maintenu  générale- 
ment ces  formes  que  les  autres  tendent  à  oublier. 
C'est  ainsi,  par  exemple,  que  j'ai  donné  au  sujet 
Aristotes  Ys  étymologique  que  le  ms.  837  supprime 
et  que  les  autres  mss.  conservent  presque  toujours. 

L'usage  primitif  n'était  pas  de  donner  Ys  au  sujet 
singulier  des  noms  provenant  des  noms  en  er  de  la 
seconde  déclinaison  latine,  Alixandre,  mestre,  ou  des 


INTRODUCTION  CXIX 

noms  dérivés  de  la  troisième  déclinaison.  Plus  tard,  on 
les  assimila  à  ceux  qui  venaient  des  noms  en  us  de 
la  seconde  déclinaison  et  on  ajouta  1'^.  Henri  d'An- 
deli  ne  paraît  pas  avoir  à  cet  égard  de  système  bien 
arrêté  ;  il  conserve  ou  supprime  Vs  selon  que  la  mesure 
l'exige  :  Lai  d'Aristote,  Que  ses  mestre  Aristotes  rot 
139,  Ainsi  chastoie  son  seignor  Maistre  Aristotes por 
s^amor  175-176,  Alixandres  ainsi  demeure  181,  Mes 
maistres  et  mi  home  ensanble  208,  Ses  mestre  Aris- 
totes d'Ataines  315,  Qu>ifu  mestre  en  toute  science  570  ; 
Bataille  des  Vins,  Uns prestre  Englois  siprist  s'estole, 
49,  ChascuMs  lechierre  i  vousist  estre  104,  Li  prestres 
Englois  les  jugeait,  171  ;  Dit  du  chancelier  Philippe, 
Bex,  tes  jugleres  ai  esté  45.  J'ai  maintenu  Vs  ou  je 
l'ai  supprimée  dans  ces  mots,  comme  le  font  les  mss. 
eux-mêmes. 

Des  notes  et  éclaircissements ,  que  l'on  accusera 
peut-être  de  longueur ,  mais  qui  n'expliquent  pas 
cependant,  comme  je  l'aurais  voulu,  toutes  les  obscu- 
rités du  texte,  un  glossaire  oii  j'ai  fait  entrer  les  mots 
offrant  quelque  difficulté,  ou  méritant  d'être  signalés, 
enfin  une  table  des  rimes,  terminent  cette  publication. 

Je  ne  finirai  pas  sans  adresser  l'expression  de  ma 
vive  reconnaissance  aux  personnes  dont  les  conseils  ou 
les  encouragements  m'ont  soutenu  dans  la  préparation 
de  ce  travail  que  j'aurais  désiré  rendre  meilleur.  M.  G. 
Paris  a  bien  voulu  sur  quelques  points  m'indiquer  la 
voie  et  m'éclairer  de  ses  avis.  Je  crains  que  les  défauts 


CXX  INTRODUCTION 

nombreux  de  cet  ouvrage  ne  viennent  attester  que  je 
n'ai  pas  su  les  mettre  à  profit. 

Je  remercie  le  savant  archiviste  de  la  Seine-Infé- 
rieure, M.  Ch.  de  Beaurepaire,  de  la  complaisance  avec 
laquelle  il  m'a  communiqué  plusieurs  documents  dont 
j'ai  fait  usage  dans  la  première  partie  de  cette  intro- 
duction. Je  remercie  également  les  membres  de  notre 
Société  qui  m'ont  témoigné  pour  ce  travail  un  intérêt 
que  rien  ne  justifiera  peut-être,  et  surtout  M.  le  pré- 
sident Félix  dont  les  encouragements  ne  m'ont  jamais 
fait  défaut. 

Mon  collègue  et  ami,  M.  F.  Vallois,  a  bien  voulu 
accepter  la  mission  de  me  seconder  dans  les  détails  de 
l'impression.  Je  le  remercie  moins  encore  de  la  com- 
plaisance avec  laquelle  il  s'est  soumis  à  cette  tâche 
ingrate  que  de  la  sympathie  que  j'ai  toujours  trouvée 
près  de  lui,  et  des  nombreux  renseignements  qu'il  m'a 
fournis  ou  qu'il  m'a  mis  à  même  de  puiser  dans  la  pré- 
cieuse collection  de  livres  qu'il  a  formée,  et  qu'il 
enrichit  chaque  jour  avec  un  goût  si  sûr  et  si 
délicat. 

Et  maintenant,  il  ne  me  reste  plus  qu'un  vœu  à  for- 
muler :  puisse  le  travail  que  j'ai  entrepris  valoir  au 
vieux  rimeur  normand  un  regain  de  popularité  ! 

Pour  moi,  je  ne  sais  si  les  sympathies  que  tout 
éditeur  éprouve  pour  l'esprit  dans  le  commerce  duquel 
il  a  longtemps  vécu  ne  m'abusent  pas  sur  la  valeur 


INTRODUCTION  CXXI 

de  Henri  d'Andeli  ;  mais,  par  la  finesse,  la  convenance, 
l'habileté  de  composition  et,  enfin,  la  variété  qui  dis- 
tinguent ses  œuvres,  il  me  semble  digne  d'être  placé 
à  un  rang  élevé  parmi  les  auteurs  qui  ont  illustré  le 
xiu®  siècle,  époque  à  laquelle  les  lettres  et  les  arts  ont 
brillé  d'un  si  vif  éclat.  A  mon  sens,  peu  de  fabliaux 
méritent  autant  que  les  siens  qu'on  leur  applique  ces 
vers  du  trouvère  Cortebarbe  : 

Fablel  sont  bon  a  escouter  : 

Maint  duel,  maint  mal  font  mesconter 

Et  maint  anui  et  maint  meffet  (1). 

(1)  Des  trois  Avugles  de  Compiengne,  v.  7-9.  (A.  de  Moq- 
taiglon,  Fabliaux,  t.  I,  p.  70.) 


16 


LI  LAIS  D'ARISTOTE 


De  biaus  mos  conter  &  retrere 
Ne  fe  doit  on  mie  retrere, 
Ainz  doit  on  volentiers  entendre 
Biaus  mos,  quar  on  i  puet  aprendre 
Sens  &  cortoifie  en  Toir , 
Dont  bien  fe  doivent  ef^oïr 
Li  bon,  quar  c'eft  droiz  &  couftume, 
Mais  li  mauves  en  font  l'enfrume 
Efraument  que  il  dire  l'oent  ; 
Qu'aufi  com  li  bon  le  bien  loent 
Et  vont  la  bone  gent  prifant. 
Les  defpifent  li  mefdifant 
Quant  il  pis  ne  lor  pueent  fere  ; 
Quar  envie  eft  de  tel  afere 
Qu'ele  maint  tout  adès  el  cuer 
De  ceus  qui  font  mis  a  tel  fuer 
Qu'il  n'oent  de  nului  bien  dire 
Qu'il  ne  le  vueillent  contredire. 
Si  me  merveil  por  qoi  lor  poife. 


LI   LAIS   d'aRISTOTE 

ao      Gent  feloneffe  &  peu  cortoife, 
Por  qoi  metez  vous  for  autrui 
Voftre  mefdit  «&  voftre  anui  ? 
Ci  a  trop  povre  efcufement  ; 
Vous  péchiez  .  ij  .  fois  mortelment 

2J      L'une  eft  de  mefdire  entremetre. 
Et  Tautre  û  reft  defus  mètre 
Voftre  mefdit,  vo  félonie. 
Certes  c'eft  crueus  vilonie, 
Mais  envie  point  ne  s'eftanche. 

3°      Je  ne  vorrai  faire  arreftance 
Ne  demorer  ici  endroit, 
Ge  croi  que  petit  me  vaudroit 
De  blafmer  les  crueus  félons 
Con  puet  apeler  guenelons, 

?  5      Qui  retenir  ne  fe  porroient 
De  mefdire,  s'il  ne  moroient, 
Tant  i  font  mis  &  afetié. 

Or  revendrai  à  mon  tretié 
D'une  aventure  qu'emprife  ai, 

40      Dont  la  matere  moult  prifai 
Quant  je  oi  la  novele  oïe. 
Qui  bien  doit  eftre  defploïe 
Et  dite  par  rime  &  retraite 
Sanz  vilonie  &.  fanz  retraite, 

45      Quar  oevre  ou  vilonie  cort 
Ne  doit  eftre  noncie  a  cort  ; 


6o 


6$ 


70 


LI   LAIS   d'arISTOTE 

Ne  jor  que  vive  en  mon  ovrer 
Ne  quier  vilonie  conter, 
Ne  ne  l'empris,  ne  n'emprendrai  ; 
Ja  vilain  mot  n'entreprendrai 
En  oevre,  n'en  dit  que  je  face  ; 
Quar  vilonie  û  defface 
Tote  riens  &  toit  fa  favor. 
Ne  ja  ne  me  ferai  trovor 
De  nule  riens  en  mon  vivant 
Ou  vilains  moz  voift  arrivant, 
Ainz  dirai  de  droit  examplere 
Chofe  qui  puift  valoir  &  plere  ; 
G'ert  en  leu  de  fruit  &  d'efpece. 

Nous  trovons  que  li  rois  de  Grèce 
Alixandres,  qui  tant  fii  fire, 
Et  a  tant  prince  mouftra  s'ire 
Por  aus  abeflîer  &  douter 
Et  por  lui  croiftre  &  amonter, 
Soz  lui  fift  larguece  fa  mère 
Qui  a  toz  avers  femble  amere 
Et  douce  a  toute  large  gent  ; 
Quar  tant  comme  avers  aime  argent. 
Le  het  larges  a  fouftenir, 
Por  ce  que  biens  n'en  puet  venir 
Por  tant  qu'il  foit  mis  en  eftui. 
Onques  n'ot  pooir  for  ceftui 
Riens  qui  venift  d'argent  ne  d'or, 


LI   LAIS   d\rISTOTE 

Ainz  fift  de  chevaliers  trefor. 

7j      Ce  ne  font  pas  li  autre  prince, 
Quar  chafcuns  recoppe  &  rechine 
Et  muce  &  repont  fi  le  fien, 
Hennor  n'en  a  ne  autre  bien. 
Cil  que  on  apele  Alixandre 

80      Recuilli  por  par  tôt  efpandre, 
Tôt  ot,  tôt  prift  &  tôt  dona, 
Quar  a  largece  abandona 
Li  frans  por  mielz  fon  pooir  faire. 
Repairer  vueil  a  mon  afaire. 

8j  Li  bons  rois  de  Grèce  &  d'Egite 

Avoit  defouz  fes  piez  fougite 
De  novel  Ynde  la  major  ; 
S^iert  la  demorez  a  fejor  ; 
Et  fe  vous  me  volez  enquerre 

90      Por  qoi  demoroit  en  la  terre 
Si  volentiers,  &  tenoit  qoi, 
Bien  vos  dirai  refon  por  qoi. 
Amors  qui  tout  prent  &  embrace 
Et  tout  aert  &  tout  enlace 

95      L'avoit  ja  fi  es  braies  mis 
Qu'il  ert  devenuz  fins  amis, 
Dont  il  ne  fe  repentoit  mie, 
Quar  il  avoit  trovée  amie 
Si  bêle  comme  a  fouhaidier. 

100      N'avoit  cure  d'aillors  plaidier 


LI   LAIS   D  ARISTOTE 

Fors  qu'avoec  li  manoir  &  eftre. 
Bien  efl  amors  et  fire  &  meftre 
Quant  du  monde  le  plus  poiffant 
Fet  li  humble  &  obeiflant 

'05      Qu'il  ne  prent  nul  conroi  de  lui, 
Ainz  s'oublie  tôt  por  autrui. 
C'eft  droiz  qu'amors  eft  de  tel  pris 
Que  puis  qu'ele  a  .  j .  home  pris 
N'i  doit  il  avoir  nul  defroi, 

110      Qu'autant  a  amors  for  un  roi 
De  droit  pooir,  ce  eft  la  fomme. 
Comme  for  tout  le  plus  povre  homme 
Qui  foit  en  Champaigne  n'en  France, 
Tant  eft  fa  feignorie  franche. 

"5  Li  rois  avoec  s'amie  maint  ; 

S'en  parolent  maintes  &  maint, 
De  ce  qu'il  en  tel  point  s'afole 
Et  qu'il  maine  vie  fi  foie. 
Que  il  d'avoec  li  ne  fe  muet 

'20      Com  cil  qui  amender  nel  puet. 
Ainfi  le  velt  amors  &  celé 
Qui  l'a  point  d'ardant  eftancele  ; 
D'ardant  eftancele  l'a  point 
Celé  qui  fi  l'a  mis  a  point. 

'»s      Por  quant  ele  n'en  eft  pas  quite, 
Ainz  eft  fi  partie  la  luite 
Que  je  n'en  fai  le  meillor  prandre. 


LI    LAIS    D  ARISTOTE 


'3S 


Garde  quanque  cuers  puet  efprandre, 
Qu'eft  la  pucele  enamorée. 
Et  fi  fait  iluec  demorée 
Ce  n'eft  mie  molt  grant  merveille, 
Puis  que  volentez  li  confeille  ; 
Il  li  covient,  ce  n'eft  pas  doute, 
Por  fornir  fa  volenté  tote, 
Ou  il  defferoit  le  commant 
Qu'amors  commande  a  fin  amant. 
Moult  de  fa  gent  parler  n'en  ofent, 
Mes  tant  par  derrière  Ten  chofent 
Que  fes  meftre  Ariftotes  Tôt. 
140      S'eft  bien  refons  qu'il  li  deflot; 
Bêlement  a  confeil  Ta  mis  ; 
Si  dift  :  a  Mar  avez  déguerpis 
a  Toz  les  barons  de  vo  roiame 
a  Por  Tamor  d'une  eftrange  famé.  » 
'4j       Alixandres  li  refpondi 
Tantoft  com  dire  li  oï  : 
tt  Quantes  en  i  covient  il  donques  ? 
«  Je  cuit  que  cil  n'amerent  onques 
tt  Qui  fol  m'en  vorroient  clamer, 
■  5°      «  C'on  n'en  puet  c'une  feule  amer 
tt  Ne  n'en  doit  par  droit  plere  c'une, 
tt  Et  qui  de  ce  home  rancune 
tt  S'il  maint  la  ou  fes  cuers  li  rueve 
tt  Petit  d'amor  dedenz  li  trueve.  » 
'  s  5       Ariftotes  qui  tout  favoit 


léo 


LI   LAIS   d'aRISTOTE 

Quanques  droite  clergie  avoit, 
Refpont  au  roi  &  fi  li  conte 
Con  li  atornoit  a  grant  honte 
De  ce  qu'en  tel  point  fe  demaine 
Que  toute  entière  la  femaine 
Eft  avoec  s'amie  &  ârrefte, 
Qu'il  ne  fet  ne  folaz  ne  fefte 
A  fa  chevalerie  toute, 
a  Je  cuit  que  vous  ne  veez  goûte, 

'^5      a  Rois,  »  dift  Ariftotes  fes  meftre, 
«  Or  vous  puet  on  bien  mener  peftre 
«  Tout  iffî  comme  befte  en  pré. 
«  Trop  avez  le  fens  deftempré, 
«  Quant  por  une  mefchine  eftrange 

'7°      «  Voz  cuers  fi  durement  fe  change 
«  Con  n'i  puet  mefure  trover. 
«  Je  vous  vueil  proier  &  rouver 
«  A  deponer  de  tel  ufage 
«  Quar  trop  i  paiez  le  mufage.  » 
Ainfi  chaftoie  fon  feignor 
Maiftre  Ariftotes  por  s'amor. 
Et  li  rois  debonnairement 
Li  refpondi  honteufement 
Qu'il  s'en  garderoit  volentiers 
Gomme  cil  qui  ert  fiens  entiers. 

Alixandres  ainfi  demeure 
Et  atent  maint  jor  &  mainte  eure 


ns 


i8o 


n 


LI    LAIS   D  ARISTOTE 

Qu'a  s'amie  ne  va,  n'aproche 
Por  le  dit  &  por  le  reproche 

'8j      Qu'il  oï  fon  meftre  reprendre; 
Mes  fa  volentez  n'eft  pas  mendre 
Encor  n'i  voift  il  comme  il  feut. 
Mes  miex  l'aime  ore  &  miex  li  veut 
Que  il  ne  fift  a  nul  jor  mais. 

'9^      Paor  de  mefprendre  et  efmais 
L'en  font  élire  fon  gré  tenir  ; 
Mais  il  n'a  pas  le  fouvenir 
Laiffié  enfanble  avec  la  voie, 
Qu'amors  li  ramenbre  &  ravoie 

"95      Son  cler  vis,  fa  bêle  façon 
Ou  il  n'a  nule  retraçon 
De  vilenie  ne  de  mal, 
Front  poli  plus  cler  de  criftal, 
Beau  cors,  bêle  bouche,  blont  chief. 

200      tt  Ha  !  fait  il,  con  a  grant  meschief 
(t  Vuelent  tote  gent  que  ge  vive  ! 
«  Mes  maiftres  velt  que  ge  eftrive 
«  Vers  ce  qui  enz  el  cuer  me  gift. 
«  Tant  me  deftraint,  tant  me  fogifl 

20 s       «  Autruis  grez  que  m'en  tieg  por  fol, 
«  Quant  por  autrui  voloir  m'afol. 
«  Ce  eft  folie,  ce  me  fanble. 
a  Mes  maiftres  &  mi  home  enfanble 
«  Ne  fentent  pas  ce  que  ge  fent, 

210       «  Et  fe  ge  plus  a  ax  m'afent, 


LI   LAIS   D  ARISTOTE 

«  Tôt  ai  perdu,  ce  m'eft  avis. 
«  Vielt  amors  vivre  par  devis  ? 
a  Nenil,  mais  a  fa  volenté.  » 
Ainfi  s'eft  li  rois  démente, 
2'J      Puis  s''en  torna  veoir  celi 
Qui  molt  li  plot  &  abeli. 

La  pucele  eft  en  piez  faillie 
Qui  moult  eftoit  defconfeillie 
De  la  demorée  le  roi. 

220      Lors  dift  :  «  De  voftre  grant  defroi 
a  Sui  bien  aperceûe,  lire, 
a  Finz  amans  comment  fe  confire 
«  De  veoir  ce  que  tant  li  pleft  ?  » 
A  ceft  mot  pleure,  û  fe  teft. 

225       Et  li  rois  li  refpont  :  «  Amie, 
«  Ne  vous  en  efmerveilliez  mie, 
«  Qu'el  demorer  ot  achoifon. 
tt  Mi  chevalier  &  mi  baron 
«  Me  blafmoient  trop  durement 

230      a  De  ce  que  trop  efcharfement 
tt  Aloie  joer  avoec  aus; 
«  Et  mes  meftres  dift  que  c''ert  maus, 
«  Qui  laidement  m'en  a  repris, 
a  Ne  porquant  bien  fai  qu"'ai  mefpris 

2jî       tt  Qu'onques  por  lui  défis  a  mi 
«  La  volenté  de  fin  ami  ; 
tt  Mes  je  doutai  defpit  &  honte. 


10  LI   LAIS  d'aRISTOTE 

«  —  Sire,  je  fai  bien  que  ce  monte, 
a  Dift  la  dame,  fe  Diex  me  faut  ; 
240      a  Mes  s'engins  &  fens  ne  me  faut, 

a  Par  tens  m'en  voudrai  bien  vengier, 
«  Et  miex  le  porrez  ledengier 
a  Et  reprendre  d'uevre  plus  maie 
«  Voftre  meftre  chanu  &  pale, 
345       a  Se  je  vif  demain  jufqu'à  nonne 
«  Et  amors  fa  force  m'en  donne 
«  Qui  poilTance  ja  ne  faudra; 
«  Ne  ja  vers  moi  ne  li  vaudra 
(c  Dialetique,  ne  gra[m]aire, 
2S0      «  Se  par  moi  nature  nel  maire, 
ti  Puis  que  je  me  fui  aramie 
«  Donc  saura  il  molt  d'efcremie, 
a  Et  fel  perceverez  demain. 
«  Sire  rois,  or  vous  levez  main  ; 
2J5       a  Si  verroiz  nature  apointer 
a  Au  maiftre  por  lui  defpointer 
«  De  fon  fens  &  de  fa  clergie. 
a  Ainz  de  û  tranchant  efcorgie 
a  Ne  fu  feruz,  ne  de  fi  cointe 
260      a  Con  il  aura  demain  acointe, 
a  Se  je  puis  ne  aler  ne  eftre 
<(  Le  matin  devant  fa  feneftre. 
a  Mar  nos  a  laidi  ne  gabé. 
«  Or  foiez  demain  en  abé 
265      «  Aus  feneftres  de  celé  tor. 


LI   LAIS  D  ARISTOTE  1 1 

«  Et  je  porverrai  mon  ator.  » 

Alixandres  moult  s'eijoï 

De  ce  que  dire  li  oi, 

Puis  racola  eftroitement, 
'7°      Si  le  dift  debonnairement  : 

«  Moult  elles  vaillanz,  biaus  cuers  dous, 

«  Et  fe  je  aim  autrui  que  vous 

«  Si  me  doinft  Diex  mauves  acueil. 

a  Amors  ai  teles  com  je  vueil, 
275       «  Si  que  en  autres  ne  claim  part,  » 

A  tant  de  s'amie  fe  part, 

Si  s'en  va  &  celé  demeure. 

Au  matin,  quant  tens  fu  &  eure. 

Sans  efveillier  autrui  fe  lieve, 
280      Quar  li  levers  pas  ne  li  grieve. 

Si  s'eft  en  pure  fa  chemife 

Enz  el  vergier  fouz  la  tor  mife, 

En  . j .  bliaut  ynde  goûté, 

Quar  la  matinée  ert  d'elle 
285      Et  li  vergiers  plains  de  verdure. 

Si  ne  doutoit  pas  la  froidure. 

Qu'il  faifoit  chah  &  dolz  oré. 

Bien  li  ot  nature  enfloré 

Son  cler  vis  de  lis  &  de  rofe, 
29°      N'en  toute  fa  taille  n'ot  chofe 

Qui  par  droit  eftre  n'i  detift; 

Et  û  ne  cuidiez  qu'ele  elift 


12  LI   LAIS    DARISTOTE 

Loiée  ne  guimple  ne  bende. 

Si  Tembellift  moult  &  amende 
295      Sa  bêle  trefce  longue  &  blonde, 

N'a  pas  defervi  qu'on  la  tonde. 

La  dame  qui  û  biau  chief  porte 

Par  mi  le  vergier  fe  déporte. 

Celé  qui  nature  avoit  painte, 
J°o      Nuz  piez,  defloiée,  defchainte, 

Si  va  efcorçant  fon  bliaut, 

Et  va  chantant,  non  mie  haut  : 

«  Or  la  voi,  la  voi,  la  voi. 

«  La  fontaine  i  fort  ferie. 
joj  «  Or  la  voi,  la  voi,  m^amie, 

a  El  glaiolai  defouz  Taunoi. 

a  Or  la  voi,  la  voi,  la  voi, 
a  La  bêle  blonde,  a  li  m'otroi. 

Li  rois  la  chançonefte  entent, 
5  '0      Qui  fon  cuer  &  sbreille  tent 

A  la  feneftre  por  oïr. 

Moult  l'a  fet  s'amie  efjoïr 

De  fon  dit  &  de  fon  chanter. 

Anqui  fe  porra  bien  vanter 
JM       Ses  mettre  Ariftotes  d'Ataines 

Qu^amors  bones  leaus  lontaines 

Se  défirent  a  aprochier. 

Ne  mes  n'en  ira  reprochier 


LI    LAIS    d'aRISTOTE  i3 

Le  roi,  ne  ne  dira  anui, 
5*°      Quar  il  trovera  tant  en  lui 

Et  ert  de  volenté  fi  yvres. 

Levez  eft,  fi  fiet  à  fes  livres, 

Voit  la  dame  aler  &  venir, 

El  cuer  li  met  .j.  fouvenir 
5 'S      Tel  que  fon  livre  li  fet  clore. 

a  Hé,  Diex  !  »  fet  il,  «  quar  venift  ore 

«  Cil  mireoirs  plus  près  de  ci, 

«  Si  me  metroie  en  fa  merci. 

a  Comment  fi  m'i  metroie  donques  ? 
3)0      a  Non  feroie,  ce  n'avint  onques 

a  Que  je,  qui  tant  fai  &  tant  puis, 

«  Tant  de  folie  en  mon  cuer  truis, 

«  C'uns  feuls  veoirs  tout  mon  cuer  ode. 

a  A  mors  veut  que  le  tiengne  a  ofte, 
3? s      «  Mes  honors  le  tient  a  hontage 

a  Tel  fovenir  &  tel  outrage. 

«  Avoi  !  qu'eft  mes  cuers  devenuz  ? 

«  Je  fui  toz  viex  &  toz  chenuz, 

a  Lais  &  pales  &  noirs  &  maigres, 
340      «  En  filosofie  plus  aigres 

a  Que  nus  c'on  fâche,  ne  ne  cuide. 

a  Molt  ai  mal  emploie  m'eftuide, 

a  Qui  onques  ne  final  d^aprendre. 

a  Or  me  defaprent  por  miex  prendre 
H$       «  Amors  qui  maint  preudomme  a  pris. 

«  S'ai  en  aprenant  defapris, 


14  LI   LAIS   d'aRISTOTE 

a  Defapris  ai  en  aprenant, 

tt  Puis  qu'amors  me  va  û  prenant; 

«  Et  dès  que  ne  m'en  puis  refqueurre, 

3S°       a  Au  convenir  foit  &  droiz  queure, 
«  Ne  ja  por  moi  droiz  ne  remaigne. 
a  Viegne  amors  herbergier,  or  viegne 
a  En  moi,  ge  n'en  fai  el  que  dire, 
«  Puis  que  je  nel  puis  contredire.  » 

H  j      Si  com  li  mellre  fe  démente, 

La  dame  en  .j.  rainffel  de  mente 
Fift  .j.  chapel  de  maintes  flors. 
Au  fere  li  fovint  d'amors  ; 
Si  chante  au  cueillir  les  floretes  : 

î^o         a  Ci  me  tienent  amoretes  ; 
«  Dras  igaoit  mefchinete. 

a  Douce,  trop  vous  aim  ! 
«  Ci  me  tienent  amoretes  ; 
«  Ou  je  tieng  ma  main.  » 

?6s  Ainfi  chante,  ainfi  sWbanoie  ; 

Mes  Ariftote  moult  anoie 

De  ce  que  plus  près  ne  li  vient. 

Ele  fet  bien  quanqu^il  covient 

A  lui  efchaufer  &  atrere. 
?7o      De  tel  fa  jeté  le  veut  trere 

Qui  cointement  foit  empenée. 

Tant  s'eft  traveillie  &  penée 


LI   LAIS  d'arISTOTE  i5 

Qu'a  fa  volenté  Ta  atret. 

Tout  bêlement  &  tout  a  tret 
575        Son  chapel  en  fon  biau  chief  pofe; 

Ne  fet  famblant  de  nule  chofe 

Que  le  voie  ne  aperçoive  ; 

Et  por  ce  que  miex  le  déçoive 

Et  plus  bel  le  voift  enchantant, 
380        Vers  la  feneftre  va  chantant 

.j.  vers  d'une  chançon  de  toile, 

Quar  ne  veut  que  cil  plus  fe  çoile 

Qui  tout  a  mis  en  la  querela: 


385 


En  .j.  vergier,  lez  une  fontenele. 
Dont  clere  eft  Tonde  &  blanche  est  lagravele, 
Siet  fille  a  roi,  fa  main  a  fa  maiflele  ; 
En  foufpirant  fon  douz  ami  apele  : 

a  Hé  !  biaus  quens  Guis, 
La  voftre  amors  me  tôt  folas  &  ris.  » 


390  Quant  ele  ot  ce  dit,  fi  près  paffe 

De  la  large  feneftre  baffe. 
Que  cil  par  le  bliaut  Taert 
Qui  trop  cuidoit  avoir  fouffert. 
Tant  Va  defirrée  a  merveille. 

Î95        A  ce  coup  cheï  Teftincele 

Toute  jufqu'a  terre  au  viel  chat 
Qui  pris  eft  fanz  point  de  rachat. 
Et  la  damoifele  s'efcrie  : 

18 


l6  LI  LAIS   d'aRISTOTE 

«  Qu'eft  ce  ?  »  fet  elle,  «  Diex  aïe  ! 
400      a  Avoi  !  qui  m'a  ci  détenue  ? 

«  —  Dame,  bien  foiez  vous  venue,  » 

Fet  cil  qui  provos  eft  &  maire 

De  la  folie  qui  le  maire. 

a  Mettre,  »  ce  dift  la  dame,  «  avoi  ! 
40  s       a  Elles  vous  ce  que  je  ci  voi  ? 

—  a  Oïl,  »  dift  il,  a  ma  douce  dame, 
a  Por  vous  métrai  &  cors  &  ame, 

«  Vie  &  honor  en  aventure, 
a  Tant  m'a  fet  amors  &  nature 
410       «  Que  de  vous  partir  ne  me  puis. 

—  a  Ha  !  meftre,  »  fet  ele  ;  «  defpuis 
«  Qu'ainfi  eft  que  vous  tant  m'amez 
a  Ja  par  moi  n'en  ferez  blafmez; 

«  Mes  la  chofe  eft  moult  mal  alée. 
415      a  Ne  fai  qui  m'a  au  roi  mellée, 
«  Et  li  blafmé  de  ce  que  tant 
a  S'aloit  avec  moi  déportant. 

—  «  Dame,  »  dift  il,  «  or  vous  tefiez, 
«  Que  par  moi  fera  rapefiez 

420      «  Et  li  mautalenz  &  li  cris 

«  Et  li  blafmes  &  li  eftris, 

a  Quar  li  rois  m'aime  &  crient  &  doute 

«  Plus  que  s'autre  mai  f nie  tote. 

«  Mes,  por  Dieu  !  ceenz  vous  traiez, 
425      ce  Et  mon  defir  me  rapaiez 

a  De  voftre  cors  gent  &  poli. 


LI   LAIS    DARISTOTE  IJ 

—  a  Meftres,  ainçois  qu'a  vous  foli,  » 
Dift  la  dame,  «  vous  covient  fere 
oc  Por  moi  .j .  moult  divers  afere, 
4îo      «  Se  tant  eftes  d'amor  foufpris  ; 

«  Quar  moult  très  granz  talenz  m'eft  pris 
«  De  vous  .).  petit  chevauchier 
«  Defus  cefte  herbe  en  ceft  vergier. 
«  Et  (i  vueil,  »  dift  la  damoifele, 

43  j       «  Que  defor  vos  ait  une  fêle  ; 

tt  S'irai  plus  honorablement.  » 
Li  meftres  refpont  liement 
Que  ce  fera  il  volentiers 
Comme  cil  qui  eft  fiens  entiers. 
44°      Bien  l'a  mis  amors  en  effroi 
Quant  la  fêle  d'un  palefroi 
Li  fet  aporter  a  Ion  col. 
Or  croi  qu'il  fanblera  bien  fol 
Quant  defor  le  col  li  eft  mife, 

44  s       Et  celé  s'en  eft  entremife 

Tant  qu'ele  li  met  for  le  dos. 
Bien  fait  amors  d'un  viel  rados 
Puis  que  nature  le  femont. 
Quant  tout  le  meillor  clerc  du  mont 
4i°      Fet  comme  roncin  enfeler, 
Et  puis  a  .iiij.  piez  aler 
A  chatonant  par  defus  Terbe. 
Ci  vous  di  example  &  proverbe, 
Sel  faurai  bien  a  point  conter.  "■ 


ig  LI   LAIS   d'aRISTOTE 

4j}      La  damoifele  fet  monter 

Sor  fon  dos  &  puis  û  la  porte; 

Et  Alixandre  fe  déporte 

En  veoir  &  en  efgarder 

Celui  qui  fens  ne  pot  garder 
460      Qu'amors  ne  l'ait  mis  a  folie. 

Et  la  damoifele  trop  lie 

Aval  le  vergier  le  conduit  ; 

En  lui  chevauchier  fe  déduit, 

Si  chante  cler  &  a  vois  plaine  : 

465  «  Ainfi  va  qui  amors  maine  .   \_ 

«  Pucele  blanche  que  laine  ; 
«  Meftre  mufars  me  fouftient. 
«  Ainfi  va  qui  amors  maine 
«  Et  ainfi  qui  les  maintient.  » 

470  Alixandres  ert  en  la  tor, 

Bien  ot  veti  treftout  l'ator  ; 

(Qui  li  donaft  treftout  Tempire 

Ne  fe  tenift  il  pas  de  rire.) 

c(  Meftre,  »  dift  il,  «  por  Dieu  !  que  vaut  ce  ? 
475       «  Je  voi  moult  bien  c'on  vous  chevauche. 

«  Comment,  eftes  vous  forfenez 

«  Qui  en  tel  point  eftes  menez  ? 

a  Vous  me  feïftes  Tautre  fois 

«  De  li  veoir  fi  grant  defoiz, 
480      «  Et  or  vous  a  mis  en  tel  point 


LI  LAIS   d'arISTOTE 

«  Qu'il  n'a  en  vous  de  refon  point, 
«  Ainz  vous  tenez  a  loi  de  befte.  » 
Ariftotes  drece  la  tefte, 
Et  la  damoifele  defcent. 

485      Lors  refpondi  honteufement  : 
«  Sire,  »  fait  il,  «  vos  dites  voir  ; 
«  Mais  or  poez  apercevoir, 
«  J'oi  droit  fe  je  doutai  de  vous 
«  Qui  en  fin  jovent  ardez  touz 

490      «  Et  en  feu  de  droite  jonece, 

a  Quant  je,  qui  fui  plains  de  viellece, 
«  Ne  poi  contre  amor  rendre  eftal 
«  Qu'ele  ne  m'ait  torné  a  mal 
«  Si  grant  com  vous  avez  veti. 

495       a  Quanque  j'ai  apris  &  leii 

«  M'a  deffet  nature  en  une  eure 
«  Qui  toute  rien  taut  &  deveure. 
«  Et  bien  fâchiez  certainement 
«  Puis  qu'il  m'eftuet  apertement 

500      «  Fere  folie  û  aperte, 

«  Vous  n'en  poez  panir  fans  perte 
«  Ne  fanz  blafme  de  voftre  gent.  » 
Moult  s'eft  refcous  &  bel  &  gent 
Ariftotes  de  fon  mefchief  : 

J°5      Et  la  dame  eft  venue  a  chief 
De  treftout  quanques  empris  a  ; 
Et  li  rois  forment  l'en  prifa 
Quant  de  fon  meftre  l'a  vengié 


^9 


20  LI   LAIS    D  ARISTOTE 

Qui  Pot  blafmé  &  laidengié. 
S'o      Mes  tant  s'en  fu  bien  efcufez 

De  ce  qu'ainfi  fu  amufez 

Qu'en  riant  li  rois  li  pardone, 

Et  fes  meftres  li  abandone 

Sa  volenté  a  parfurnir, 
5'5       Quar  n'a  refon  au  retenir. 

Or  vueil  une  demande  fere 

En  ceft  dit  &  en  ceft  afere, 

Dont  je  trai  Chaton  a  garant 

Qui  fet  Tauélorité  parant, 
5^0      Qui  bons  clers  fu  &  fages  hom  : 
Turpe  ejî  doâori,  cum  culpa  redarguit  ipj'um. 

Chatons  dift  en  ceft  vers  la  glofe 

Que  quant  on  eft  repris  de  chofe 

C'on  a  blafmé  a  fere  autrui 
s  2)       Puis  c'on  en  a  blafmé  &  anui. 

Ceft  grant  folie  qui  ce  fet, 

Son  fens  amenuife  &  deffet. 

Voirs  fu  qu'Ariftotes  blafma 

Alixandre  &  mafaefma 
H"      Qui  tant  s'eftoit  mis  en  amer, 

Et  puis  fe  leffa  entamer 

Si  en  amor  a  une  foiz 

Qu'il  n'ot  en  lui  point  de  defoiz  ; 

Et  s'il  l'ot  par  force  entrepris 
)"'5       En  doit  il  eftre  en  mal  repris  ? 


LI    LAIS   DARISTOTE  21 

Nenil,  quar  amors  l'efforça 
Et  volontez  qui  la  force  a 
Sor  toz  &  for  toutes  enfamble, 
Dont  n'a  li  meftres,  ce  me  famble, 
540      Nule  coupe  en  fa  mefprefure, 
Ne  l'a  pas  fait  par  aprefure 
Mes  par  nature  droite  &  fine. 

Henris  celle  aventure  fine 

Qui  dift  &  fi  mouftre  en  la  fin 
J4$      C'on  ne  puet  décevoir  cuer  fin 

Ne  oiler  de  fa  volenté, 

Puis  qu  amors  l'a  en  volenté 

Por  emprifoner  &  deftraindre  ; 

Et  cil  qui  de  ce  fe  veut  faindre 
5  5°      N'eft  mie  trop  loiaus  amere 

Puis  que  s'amors  li  famble  amere, 

Quar  miex  ne  puet  on  endurer 

Amor  que  par  defifavorer. 

Por  celui  mal  bien  plere  doivent 
555       Qu'après  les  maux  les  biens  reçoivent 

Par  maintes  foiz  le  mal  traiant 

Qu'auffi  amors  vont  effaiant. 

Si  fet  ele  raffeûrer 

Qui  puet  en  leauté  durer 
560      S'atende  &  fueffre  en  fon  martire, 

Quar  a  joie  li  revient  s'ire. 

Si  puet  on  par  ceft  dit  aprendre 


22  LI    LAIS   DARISTOTE 

C'on  ne  doit  blafmer  ne  reprendre 

Les  amies  ne  les  amanz, 
565      Qu'amors  a  pooir  &  commanz 

Par  defeur  toz  &  defeur  toutes, 

Et  d'euls  fet  fes  volentez  toutes, 

E  tret  a  honor  toz  fes  fez. 

Defpuis  que  cil  en  fouftient  fez 
570      Qui  fu  meftre  en  toute  fcience, 

Bien  devons  prendre  fapience 

Selonc  ce  que  nous  mains  favons 
»  Les  maus  que  por  amor  avons, 

Quar  qui  por  amor  fueflfre  maus 
575      Bien  li  fet  merir  fes  travaus 

Que  loiaumant  fueffre  por  li. 

Veritez  eft  &  je  le  di, 

Qu'amors  vaint  tout  &  tout  vaincra 

Tant  com  cis  liecles  durera. 

Explicit  li  lais  d'A  rîstote. 


LA  BATAILLE  DES  VINS 


Volez  oïr  une  grant  fable 
Qu'il  avint  Tautrier  fus  la  table 
Au  bon  roi  qui  ot  non  Phelippe, 
Qui  volentiers  moilloit  fa  pipe 
Du  bon  vin  qui  eftoit  du  blanc. 
Il  le  fenti  gentil  &  franc. 
Si  le  clamoit  fon  ameor. 
Por  le  bien  &  por  la  douçor 
Que  11  vins  avoit  dedenz  foi, 
Li  rois  en  but  fanz  avoir  foi. 
Li  rois  qui  eft  cortois  &  fages 
Manda  a  treftoz  fes  meffages 
Qu'il  alaiffent  le  meillor  querre 
Qu'il  trovaiffent  en  nule  terre. 


Premiers  manda  le  vin  de  Cypre, 
Ce  n'eftoit  pas  cervoife  d' Ypre, 
Vin  d'Auffai  Si.  de  la  Mouffele, 
Vin  d'Auni  &  de  la  Rocele, 


19 


^  .  LA   BAÏAILLÈ  DES  VINS 

De  Saintes  &  de  Tailleborc, 
20      De  Melans  &  de  Treneborc, 
Vin  de  Palme,  vin  de  Plefence, 
Vin  d^Efpaingne,  vin  de  Provence, 
De  Montpellier  &  de  Nerbone, 
De  Bediers  &  de  Quarquaffonne, 
aj      De  Moflac,  de  S.  Melyon, 
Vin  d'Orchife  &  de  S.  Yon, 
Vin  d'Orliens  &  vin  de  Jargueil, 
Vin  de  Meulent,  vin  d^Argentueil, 
Vin  de  Soiffons,  vin  d'Auviler, 
}o      Vin  d'Efpernai  le  Bacheler, 
Vin  de  Sezane  &  de  Samois, 
Vin  d'Anjou  &  de  Gaftinois, 
D'Yfoudun,  de  Chaftel  Raoul 
Et  vin  de  Trie  la  bardoul, 
î  5      Vin  de  Nevers,  vin  de  Sancerre, 
Vin  de  Verdelai,  vin  d'Auçuerre, 
De  Tornierre  &  de  Flavingni, 
De  S.  Porchain,  de  Savingni, 
Vin  de  Chablies  &  de  Biaune, 
40      .j.  vin  qui  n'eft  mie  trop  jaune  ; 
Plus  eft  vers  que  corne  de  buef. 
Toz  les  autres  ne  prife  .j.  oef. 
Treftuit  vindrent  en  .j.  conroi 
Seur  la  table  devant  le  roi. 
45      Si  comme  Diex  parla  au  cigne, 

Chafcuns  des  vins  fe  fift  plus  digne 


LA  BATAILLE   DES  VINS  25 

Par  fa  bonté,  par  fa  poifTance 
D'abevrer  bien  le  roi  de  France. 

Uns  preftre  Englois  fi  prift  s'eftole, 
jo      Qui  moult  avoit  la  tefte  foie, 

S'efcommenia  dant  Mauvais 

Qui  eftoit  du  clos  de  Biauvais, 

Et  dant  Petart  de  Chaalons 

Qui  le  ventre  enfle  &  les  talons, 
5J      Et  mefire  Rogel  d'Eftampes 

Qui  amaine  les  goûtes  crampes  ; 

Cil  troi  vin  amainent  la  roingne. 

A  grant  honte  &  a  grant  vergoingne, 

Bâtant,  ferant  d'un  ballon  cort, 
^      Les  cacha  li  preftres  de  cort 

Et  lor  dift  que  jamès  n'entraiffent 

La  ou  nul  preudomme  hantaiffent. 

Les  .  ij  .  vins  &  de  Biauvoifins 

Et  dans  Clermons  li  tiers  voifins, 
65      Ces  .  iij  .  vins  n'en  chaça  il  pas 

Qu'il  les  fenti  de  bon  compas. 

Li  vin  commun,  li  vin  moien 

N'erent  prifié  un  pois  baien. 

Vin  du  Mans,  de  Tors  retornerent 
70      Por  ce  qu'a  efté  s'atornerent 

Por  la  paor  du  preftre  Englois 

Qui  n'ot  cure  de  lor  jenglois. 

Vin  d'Argenches,  Chambeli,  Renés 


8o 


a6  LA   BATAILLE   DES   VINS 

S'en  fuirent  tornant  lor  refnes, 
7J      Quar  fe  li  preftres  les  veïft, 
Je  croi  bien  qu'il  les  oceift. 


Primes  parla  vins  d'Argentueil 
Qui  fu  clers  comme  lerme  d'ueil, 
Et  dift  qu'il  valoit  miex  d'au  s  toz. 
a  Or  te  tais,  filz  a  putain  glouz,  » 
Ce  dift  li  vins  de  Pierre  frite, 
«  Tu  jeues  a  la  defconfite  ; 
«  Ices  trives  feront  enfretes  ; 
a  Je  vail  moult  miex  que  vous  ne  fêtes, 

^5      a  A  tefmoing  le  vin  de  Marli, 
«  De  Duoeil,  de  Monmorenci. 

Lors  dift  bée  fane  Dé  Meulent, 
«  Argentueil,  Je  fui  moult  dolent 
«  Que  tu  defpis  tes  compaignons  ; 

9°      a  Saches  de  voir  nous  en  plaignons, 
«  Qui  fez  dant  Croe  de  Soiffons 
oc  Le  vin  de  Laon,  de  Tausons, 
a  Icil  dui  pafl"ent  Vermendois, 
«  Cil  doivent  bien  seoir  au  dois.  » 

95  Efpernais  dift  a  Auviler  : 

«  Argenteuil,  trop  veus  aviler 
a  Treftoz  les  vins  de  cefte  table  ; 
a  Par  Dieu  trop  t'es  fez  conneftable. 
«  Nous  paffons  Chaalons  &  Rains, 

'00      «  Nous 'oftons  la  goûte  des  rains, 


lOJ 


"J 


•2J 


LA   BATAILLE   DES   VINS 

«  Nous  eftaignons  toutes  les  fois.  » 

Dont  saut  en  piez  li  vins  d'Aufois, 

Li  bons  gentiz  vins  &  roiaus  : 

a  Efpernai,  trop  es  defloiaus  ! 

«  Tu  n'as  droit  de  parler  en  cort. 

«  Je  fui  cil  qui  la  gent  fecort  ; 

«  Entre  moi  à  ma  damoifele 

«  Longue  tonne  de  la  Mofele, 

a  Nous  fecorons  les  Alemanz, 

«  Nous  fefons  treftoz  noz  commanz  ; 

«  Aux  Coloingnois  prenons  l'argent 

«  Dont  nous  repeffons  notre  gent.  » 

Lors  dift  li  vins  de  la  Rocele  : 

«  Vous,  Auflai,  &  vous,  la  Moufele, 

«  Se  vous  paiffiez  celé  gent  herre, 

«  Je  repais  treftoute  Engleterre, 

«  Bretons,  Normans,  Flamens,  Galois, 

«  Et  les  Efcos  &  les  Irois 

a  Norois  &  cels  de  Danemarche  ; 

«  Jufques  la  dure  bien  ma  marche; 

a  Je  fui  des  vins  li  febelins, 

«  J'en  aport  toz  les  efterlins.  » 

Li  vins  S.  Jehan  d'Angeli 

Si  dift  a  Henri  d'Andeli 

Qu'il  li  avoit  crevé  les  ex 

Par  fa  force,  tant  eftoit  prex. 

Engolefme,  Bordiaus  «&  Saintes, 

Cil  i  firent  bien  lor  empaintes  ; 


2^7 


àS  LA    BATAILLE   DES   VINS 

Et  li  bons  vins  blans  de  Poitiers 
no      Qui  n'a  cure  de  charretiers  ; 

Ceft  cil  qui  toute  gent  acroche 

Par  la  froidure  de  fa  roche  ; 

Tant  eft  fors  que  par  fon  orgueil 

Se  fet  coftoier  au  foleil. 
' 55      Ne  fai  qui  en  but  plus  qu'affez, 

Par  qoi  il  ot  les  iex  quaffez. 

Chauveni,  Montrichart,  Laçoy, 

Chaftel  Raoul  &  Befançoi, 

Monmorillon  &  Yfoudun 
140      Furent  devant  le  roi  tôt  un 

Por  abatre  le  bobançois 

De  treftos  nos  bons  vins  françois. 

Vin  françois  bien  fe  deffendoient 

Et  cortoifement  refpondoient  : 
'4S       «  Se  vous  eftes  plus  fort  de  nous, 

«  Nous  fommes  fade,  favorous  ; 

tt  Si  ne  fefons  nule  tempefte 

a  A  cuer,  n'a  corz,  n'a  oeil,  n'a  tefte. 

«  Mes  Vermentun,  S.  Brice,  Auçuerre 
•  50      «  Si  font  les  genz  gefir  au  fuerre.  » 

Qui  la  veïft  vins  eftriver, 

Et  chafcun  fa  force  aviver. 

Et  chafcun  mener  fon  defroi 

Sor  la  table  devant  le  roi, 
'55      Ce  n'est  ore  ne  plus  ne  mains 

Se  vin  etiffent  piez  ne  mains 


LA    BATAILLE   DES   VINS  29 

Je  fai  bien  qu'il  s'entretuaiflent, 

Ja  por  le  bon  roi  nel  leflaiffent. 

Qui  veïft  comment  eftrivoient, 
'^°      Et  com  li  vin  eftinceloient, 

Si  que  la  grans  fale  &  la  chambre 

Sambloit  plaine  de  bafme  &  d'ambre. 

Ce  fambloit  paradis  terreftre  ; 

Chafcuns  lechierre  i  vousift  eftre, 
'6j      Chevalier,  clerc,  borgois,  chanoine, 
<   Contraint,  muel,  mefel  &  moine, 

^1  hurtaiflent  a  tel  quintaine, 

James  n'eiiflent  la  quartaine. 

Lî  rois  du  blanc  bien  fe  paia, 
•70      Et  chafcun  des  vins  eifaia. 

Li  preftres  Englois  les  jugoit 

Qui  volentiers  les  engorgoit. 

Et  a  chafcun  donoit  .j.  bout. 

Et  puis  fi  disoit:  «  Ife  goût  ; 
'75      a  Bi  S.  Thomas  qui  fu  martin, 

«  Goditouet,  ci  a  bon  vin.  » 

Treftoz  feuls  lut  celé  leçon  ; 

Guerfoi  drinçoi  fu  fon  clerçon. 

S'efcommenia  la  cervoife 
180      Qui  eftoit  fête  delà  Oife, 

En  Flandres  &  en  Engleterre, 

Puis  geta  la  chandeille  a  terre. 


30  LA   BATAILLE   DES   VINS 

Et  puis  fi  ala  fommeillier 

.  iij  .  nuis,  .  iij .  jorz  fanz  efveillier. 

'85  Li  rois  les  bons  vins  corona 

Et  a  chafcun  fon  non  dona. 
Vin  de  Cypre  fift  apoftoile 
Qui  refplendift  comme  une  eftoile  ; 
Dont  fiftchardonal  &  légat 

'90       Du  bon  gentil  vin  d^Aquilat  ; 

Puis  fift  .  iij.  rois  &  puis  .  iij  .  contes. 
Et  puis  en  dura  tant  li  contes 
Qu'il  en  fift  .  xij  .  pers  en  France 
Ou  li  rois  out  moult  grant  fiance. 

'9S      Qui  .  j  .  des  pers  porroit  avoir, 
Ne  por  argent  ne  por  avoir, 
Defor  fa  table  a  fon  mengier. 
Moult  s'i  feroit  bon  arengier  ; 
James  maladie  n'auroit 

^0°      Jusques  au  jor  que  il  morroit. 
Qui  miex  ne  puet,  fi  n'a  pas  tort, 
Adès  o  fa  vielle  fe  dort. 
Soit  vin  moien,  per  ou  perfone. 
Prenons  tel  vin  que  Diex  nous  donc. 

Explicit  la  Bataille  des  Vins. 


LE  DIT  DU  CHANCELIER  PHILIPPE 


Il  n'eft  nus  qui  la  mort  ne  fente  ; 

Tuit  s'en  iront  par  celé  fente  : 

Et  fort  &  feble  &  fol  «&  fage 

Pafferont  tuit  par  cel  paffage. 

Nus  ne  feit  Toure  de  fa  mort. 

Por  ce  mefprent  cil  qui  s'amort 

A  faire  chofe  qu'il  ne  doie  ; 

De  vie  a  mort  n'a  que  .  ij  .  doie. 

Le  jor  de  la  Nativité 

Ot  il  a  Paris  la  cité 

Grant  joie  &  grant  duel,  ce  fu  voirs. 

Bien  dut  eftre  joious  ci  foirs 

Por  ce  que  Jhefu  Criz  fu  nez; 

Bien  redut  eftre  duez  menez 

Quant  li  Chanceliers  trefpaffa. 

Dolors  fu  quant  fi  tôt  quaffa 

La  mors  lou  chancelier  Phelippe 

Qui  eftoit  flors  &  rofe  &  pipe, 

Duis  &  fontainne  de  fcience. 

Bien  puis  dire  par  m'efcience 

20 


32  LE  DIT  DU   CHANCELIER   PHILIPPE 

Que  nul  clerc  ne  voit  on  or  tel. 
Oiez  qu^il  dit  ou  lit  mortel  : 
Li  Chanceliers,  en  icel  point 
Que  la  mort  temporel  le  point, 

25      Un  fuen  privé  clerc  apela, 
Son  penfé  pas  ne  li  cela  : 
a  Di  moi,  »  fit  il,  «  quele  ore  il  eft  ; 
«  Je  fui  cil  qui  ceft  fiecle  lès  ; 
a  G'i  ai  affez  elle  entant.  » 

50      Quant  li  clers  la  parole  entent, 
De  pitié  li  cuers  li  fondi  ; 
En  fopirant  li  refpondi  : 
a  Sire,  il  eft  entor  mienuit.  » 
Dift  li  prodon  :  «  Gui  qu'il  anuit, 

5  5       a  De  ceft  fiecle  me  vuel  partir  ; 
«  Je  m'en  vois  après  lou  martir 
a  Que  félon  Juif  lapidèrent, 
a  Por  ce  qu'il  forent  &  cuiderent 
«  Que  par  lui  fuffent  formonté 

40      (i  Et  de  fcience  &  de  bonté.  » 
Ce  fâche  bien  chacuns  qui  m'ot 
Qu'il  dit  encore  .  j  .  autre  mot 
Ou  clerc  fe  doivent  affentir, 
Quar  ceft  mot  dit  il  fanz  mentir  : 

4J      a  Dex,  tes  jugleres  ai  efté 
«  Toz  tens,  &  yTer{s)  &  efté. 
«  De  ma  viele  feront  rotes 
a  En  cefte  nuit  les  cordes  totes. 


LE  DIT   DU   CHANCELIER   PHILIPPE  33 

a  Et  ma  chançons  dou  tout  faudra  ; 
5°      «  Mais,  se  toi  plait,  or  me  vaudra. 

«  Dieus,  or  me  rent  lou  guerredon  ; 

«  De  mes  péchiez  me  fai  pardon  : 

«  Toz  jors  fai  en  chantant  fervi  ; 

«  Rent  m'en  ce  que  j'ai  defervi. 
H-     «  Ne  te  demant  or  ne  argent, 

«  Mais  acuel  moi  avuec  ta  gent 

«  Qui  font  en  pardurable  joie. 

a  Doz  Dieus,  otroie  moi  que  j'oie 

«  Tel  vérité  de  ma  chançon 
6°       <i  Que  je  ne  chiece  en  contençon  ; 

«  Enfeigne  moi  la  droite  voie 

«  Biau  fire  Diex,  que  je  te  voie.  » 

Lors  li  Chanceliers  s'areftut. 
Plus  ne  parla,  tranûr  Teftut. 
6  s      Je  ne  di  mie  qu'il  morift; 
Je  diroie  ançois  q'il  florift 
La  fus  es  ciez  par  fa  deferte. 
A  toz  clers  fit  fa  mors  grant  perte. 
Li  Chanceliers  parti  dou  fiecle 
En  tel  point  &  en  tel  meniere 
Com  vos  m'oez  ci  devifer. 
Hom  mortez  ne  porroit  conter 
Ses  bones  mors  ne  fa  meniere  : 
De  tos  clers  eftoit  la  baniere, 
11  ert  fonteinne  de  clergie, 


70 


$4  LE  DIT  DU   CHANCELIER  PHILIPPE 

Il  eftoit  flors  de  compaignie, 
Il  iert  plus  larges  qu^Alixandres. 
Toz  jors  voloit  eftre  li  mandres 
En  compaignie,  par  S.  Gile, 

8°      QuMl  ovroit  felonc  l'ewangile 
Qui  dit,  û  com  il  bien  favoit  : 
Li  graindres  com  li  mendres  foit. 
Si  faifoit  debonairetez 
Dont  fes  cuers  ert  enheritez. 

85      II  ne  feït  mal  a  nul  fuer. 
Tant  par  avoit  liberau  cuer, 
Que  toz  biens  s''i  ert  herbergiez. 
Ce  puet  bien  dire  li  clergiez 
Et  jurer  Dieu  le  fil  Marie 

9°      Qu'or  eft  la  fonteinne  tarie 
Ou  fcience  puifier  foloient 
Tuit  cil  qui  aprendre  voloient  ; 
Et  de  rechief  dire  vos  puis 
De  voir  qu'or  eft  fechiez  li  puis 

9S       Ou  on  pooit  puifier  toz  biens. 
An  Chancelier  ne  failloit  riens  : 
C'ert  des  clers  li  plus  liberaus. 
En  .  vij  .  ars  eftoit  generaus. 
Dieus  !  quel  dolor  &  quel  damage 

100      i3ou  plus  vaillant  &  dou  plus  fage 
Qui  fut  en  la  creftienté  ! 
CheU  font  en  grant  enferté 
Tuit  cil  qui  li  apartenoient. 


LE    DIT   DU    CHANCELIER   PHILIPPE  35 

Dou  Chancelier  tuit  bien  venoient  ; 
'01      Au  fiecle  ne  remaint  fom  per; 
Sa  mort  trop  durement  comper. 
Mes  duez  fovent  en  renovele  ; 
Por  ee  faiz  proiere  novele  : 

Biaus  fire  Deus,  rois  glorieus 
1 10      Qui  par  ton  faint  fane  precieus 

Et  par  ta  fainte  paflîon 

Nos  meïs  a  rédemption. 

Qui  au  tiers  jor  refufcitaz 

Et  tes  amis  d'enfer  getas, 
'  '  5      Qui  de  niant  toz  nos  feïs, 

L'ame  qu'el  Chancelier  meïs 

Reemz  la  devant  toi  en  glore 

Quar  il  t'ot  toz  jors  en  mémoire. 

Ta  chançon  chanta  bien  &  lut  ; 
'20      Tant  com  il  pot,  tant  com  li  lut, 

A  ta  viele  viela. 

Deu,  remet  le  en  vie  la 

Ou  vit  S.  Pieres  &  S.  Pois  : 

C'eft  li  perdurables  repols. 
'*!      Bien  eft  refons  que  ta  pès  ait  : 

De  fa  viande  repeffait 

Les  armes  plus  fovent  &  meax 

Que  nus  clers  que  l'en  voie  aus  eax. 

Viande  as  âmes,  c'eft  efcrit , 
'3°      Et  la  parolle  Jhefu  Crit. 


36  LE   DIT   DU   CHANCELIER   PHILIPPE 

Hé  Deus  !  que  porai  devenir  ? 
Qu'avoit  cil  prodom  a  morir  ? 
Molt  devroie  la  mort  reprendre 
Quant  ele  ofai  celui  forprendre 
'  ?  s      Qui  de  tote  fcience  eftoit 

Li  muedres  clers  que  jamais  foit. 

Marie,  mère  de  pitié, 
Cil  que  fon  cuer  &  s'amiftié 
Del  tôt  en  tôt  t'avoit  donée, 

140      Virge  roïne  coronée, 

Se  met  del  tôt  en  ton  conduit, 
Car  il  fift  de  toi  maint  conduit. 
De  toi  mie  ne  fe  taifoit. 
Mais  fovent  biaus  dis  en  faifoit 

'4S       Et  en  romans  &  en  latin. 
Totes  hores,  foir  &  matin. 
Plus  biau  qu'autres  te  ialua 

De  toi  fon  cuer 

Verge  Marie,  deine.     .     . 

MO      Se  li  boins  Chanceliers.     . 
Que  il  vet  droit  en  paradis, 
Por  ce  que  il  t'ama  toz  dis 
Ce  me  vendra  a  grant  mervelle. 
Douce  dame,  a  lui  falver  velle. 

'55  Sains  Efteines,  que  premerains 

Martirs  fuz,  for  toz  foverains, 


LE   DIT   DU   CHANCELIER   PHILIPPE  3  7 

Del  Chancelier  aiez  pitié 

Que  mors  a  del  fiecle  chacié 

Gel  jor  que  paiïïon  foffriz 
'60      Et  ton  cors  a  martire  offris 

Et  de  pieres  fus  lapidez. 

Gel  jor  nos  chainja  molt  11  dez, 

Que  li  boins  Chanceliers  morut. 

Sor  clers  grant  tempefle  corrut  : 
'^J      Emblez  lor  fu  11  grans  trefors. 

Sain[s]  Nicholais,  boens  confeflbrs, 
Boens  clers,  ton  clerc  n'oblie  pas  ; 
Proie  pour  lui  ifnel  [l]ou  pas 

Ha  !  dame  fainte  Katerine, 
170      Virge  pure,  martire  fine, 

Lou  Chancelier  n'oblie  mie 

Car  molt  te  tenoit  a  s'amie. 

Si  bien,  fi  bial,  de  toi  parla 

Nus  n'en  feuft  dire  par  la 
'75      Ou  il  en  dift,  ne  fi  très  bien. 

Un  condut  ou  il  ne  faut  rien 

Fift  :  Agmina  milicie 

Que  li  cler  n'ont  mie  oblié. 

Twit  li  faim  &  totes  les  faintes, 
180      Dq  vos  dift  il  paroles  maintes  ; 
Cuer  &  cors  vos  abandona 


38  LE  DIT   DU   CHANCELIER   PHILIPPE 

Et  de  VOS  oevres  fermona. 
Et  de  vos  parla  mex  que  nuz. 
Li  Chanceliers  avoit  en  uz 

'8j S  avoit 

biens  favoit. 

Clers  i  a  qui  philofophie 
Sevent  et  Tetimologie 
De  nonz,  &  uns  m'en  dift  jadis  : 

'9°      «  Philippus  c'eft  os  lampadis.  » 
Je  li  pria  molt  de  defcrire 
Que  bouche  de  lampe  vuet  dire. 
Il  me  refpondi  une  chofe: 
Qu'em  lampe  fi  a  molt  grant  chofe 

'95      Lampe  c'eft  .  j  .  vairrins  veffiaz, 
Flebes  eft  mais  clers  eft  &  biaz. 
En  lampe  eftuet  uile  &  plonjon, 
Et  s'i  convient  &  feu  &  jon  ; 
Ce  font  cinc  ;  drois  eft  que  je  die 

200      Que  chafcune  d''als  fenefie  ; 
Jel  vos  dirai  del  tôt  en  outre  : 
La  lampe  ceft  fiecle  démontre  ; 
Clers  veffas  eft  conme  de  voire  : 
Et  de  tant  me  poez  bien  croire 

»0  5      Qu'ele  eft  brifie  en  éle  pas, 

Ne  cift  fiecle  n'eft  c'uns  trefpas. 
Sachiez  de  voir  que  je  fu  la 
Ou  j'oï  dire  qu'en  ule  a 


LE  DIT   DU   CHANCELIER   PIULIPPE  39 

Douce  liquor  &  douce  gote. 
î'o      Vuile  eft  haute  chofe,  fans  dote  ; 

Ule  médecine  demande. 

J'ai  dit  de  Tule  &  de  la  lampe  ; 

Par  Deu  qui  eft  mifericors, 

Li  plonjons  dedans,  c'eft  li  cors 
2' s      Qui  eft  plungiés  es  grans  devices 

De  ceft  fiecle  &  es  grans  délices  ; 

En  la  douçor,  en  la  melite 

Tant  fe  defdut  &  fe  délite 

Qu'il  ne  redoute  point  enfer. 
"°      Li  cors  c'eft  li  plonjons  de  fer, 

Et  li  fes  jons  qui  eft  boutez 

El  plonjon,  de  rien  ne  doutez, 

Ceft  li  cuers  qui  el  cors  eft  mis. 

Li  uns  &  l'autre  eft  boins  anmis  : 
"5      Se  li  cors  aval  traï  tans 

Dont  eft  li  cu[e]rs  amont  ardans. 

Li  jons  art  &  fi  gite  flanme  : 

La  flame  fenefie  Tame 

Et  dit  a[u]tant  com  efperis  ; 
*3o      Mas  quant  en  ceft  fiecle  eft  péris. 

En  Tautre  lou  covient  aler  : 

Monter  l'eftuet  ou  avaler. 

Malement  art  cil  qui  avalle. 

Cil  qui  monte  en  la  haute  fale 
^5  )      Art  devant  Deu  conme  chandoile  ; 
Si  eft  plus  clers  que  nule  eftoile. 

21 


4©  LE  DIT   DU   CHANCELIER   PHILIPPE 

Phîlîppus  ai  defcrit  très  bien. 
Ne  vos  en  ai  menti  de  rien. 
Cil  Phelippes  que  je  tant  lo, 

240      Et  bien  &  bel  conmença  VO, 
Loquens  O  O,  c  lavis  David, 
Et  au  quint  jor  nos  fu  ràvid. 
Es  ciez  fe  repofe  foef. 
Hautement  apella  la  clef 

*4j      Que  paradis  oevre  &  deferme. 

Qui  de  fa  mort  vuet  favoir  terme, 
.  M  .  &  ce  .  &  xxxvj. 
Joigne  enfemble,  &  tôt  iffîs 
De  fa  mort  faura  vérité, 

250      L'andemain  de  Nativité. 
Et  icil  clers  qui  ce  trova 
De  celu  que  bien  fe  porta 
Par  Deu  qui  maint  en  Trinitei, 
Por  ce  quMl  eft  de  vérité, 

2SS      Ne  l'apele  mie  flablel  ; 

Ne  l'a  pas  efcrit  en  tablel, 
Ainz  Ta  efcrit  en  parchamin. 
Par  bois  per  plains  &  par  chamins 
Par  bors,  par  chateals,  par  citez, 

séo      Vorra  qu'il  foit  bien  recitez. 

Ceft  dit  fift  Hanris  d'Andeli. 
Deus  ait  del  Chancelier  merci  ! 


LE   DIT   DU   CHANCELIER    PHILIPPE 


41 


265 


S'aurai  il,  quMl  Ta  defervi. 

Or  l'ait  Deus  par  fa  merci 

Qui  vit  &  règne  &  régnera 

In  feculorum  fecula.  Amen  dicant  omnia. 


LA  BATAILLE  DES  .VII .  ARS 


Paris  &  Orliens  ce  font  .  i j .  : 
C'eft  granz  domages  &  granz  deuls 
Que  li  uns  a  Tautre  n'acorde. 
Savez  por  qui  eft  la  defcorde  ? 
Qu'il  ne  font  pas  d'une  fcience  ; 
Car  Logique,  qui  toz  jors  tence, 
Claime  les  au6lors  autoriaus 
Et  les  clers  d'Orliens  glomeriaus. 
Si  vaut  bien  chafcuns  .  iiij  .  Oraers, 
Quar  il  boivent  a  granz  gomers 
Et  fevent  bien  verfefier 
Que  d'une  fueille  d'un  figuier 
Vous  feront  il  ,  1  .  vers  ; 
Mes  il  redient  que  por  vers 
Qu'il  claiment  la  dyaletique 
Par  mal  defpit  quiquelique, 
Cil  de  Paris,  li  clerc  Platon, 
Ne  les  prifent  pas  un  bouton. 


44  LA   BATAILXE   DES    .VII.    ARS 

Logique  a  les  clers  en  fes  mains, 
20      Et  Gramaire  s'eft  mife  au  mains. 


Gramaire  s'eft  moult  coroucie  ; 
Si  a  fa  baniere  drecie 
Dehors  Orliens,  en  mi  les  blez; 
La  a  el  fes  os  affamblez. 

»!       Omers  &  li  viex  Claudiens, 
Donaet,  Perfe,  Preciens, 
Cil  bon  chevalier  autoriftre 
Et  cil  bon  efcuier  meniftre, 
S'efmurent  tuit  avoec  Gramaire 

i°      Quant  ele  ilïî  de  fon  aumaire. 
Li  chevalier  d'Orliens  s'efmurent 
Qui  des  armes  aus  autors  furent  : 
Meftre  Jehans  de  S^  Morilfe, 
Qui  fet  fes  autors  a  devife, 

5  5      Oede,  Garniers  &  Balfamon 
Qui  avoit  efcrit  .j.  faumon 
Sor  fon  efcu  entre  .  ij  .  dars 
D'un  poivre  chaut  o  le  pain  ars 
Plus  noir  que  coille  de  provoire, 

4°      Por  les  poifons  roiaus  de  Loire 
Et  por  boivre  les  vins  d'Orliens 
Qui  neffent  fanz  creffe  de  fiens. 
Lors  n'i  ot  il  ne  geu  ne  ris  ; 
Lor  chemin  tindrent  vers  Paris. 


LA   BATAILLE   DES    .VII.    ARS  ^5 

45       Dame  Logique  l'oï  dire  ; 

Si  cria  toute  plaine  d'ire  : 

a  Laffe  !  j'ai  perdu  mes  confors 

«  Quant  Raoul  de  Builli  eft  mors.  » 

Ses  genz  manda  devers  Tornai 
5°      Par  dan  Pierron  de  Cortenai. 

Uns  logiciens  moult  très  fages 

La  fu  meftre  Jehans  li  pages. 

Et  Point  Tafne,  cil  de  Gamaches, 

Meftre  Nichole  aus  hautes  naches, 
5  5      Cil  troufferent  trive,  cadruve 

Sor  .),  grant  char  en  une  cuve; 

Li  bedel  traioient  le  char. 

Robert  le  Nain  par  grant  efchar 

Les  poingnoit  toz  d'un  aguillon  ; 
6o      Cheron  le  viel  point  el  coillon. 

Lors  fe  miftrent  tuit  a  la  voie. 

La  ot  maint  paveillon  de  foie 

Soz  Mont  Leheri  lez  Linoies  ; 

La  fe  firent  de  cruels  plaies. 
^5       La  Loi  chevaucha  richement 

Et  Décret  orguilleufement 

Sor  treftoutes  les  autres  ars. 

Moult  i  ot  chevaliers  lombars 

Que  Redorique  ot  amenez. 
70       Dars  ont  de  langues  empanez 

Por  percier  les  cuers  des  genz  nices 

Qui  vienent  joufter  a  lor  lices  ; 


46  LA   BATAILLE    DES    .VII.    ARS 

Quar  il  tolent  mains  héritages 
Par  les  lances  de  lor  langages. 

75       Auguftin,  Ambroife,  Grigoire, 
Giroime,  Bede  &  Yfidoire, 
Diftrent  a  la  Divinité 
Qu'ele  efchivaft  lor  vanité. 
Ma  dame  la  Haute  Science, 

80      Qui  n'avoit  cure  de  lor  tence, 
Lefla  les  ars  tençant  enfamble. 
A  Paris  s'en  vint,  ce  me  famble, 
Boivre  les  vins  de  fon  celier, 
Par  le  confeil  au  chancelier, 

^i      Ou  ele  avoit  moult  grant  fiance 

Quar  c''ert  li  mieldres  clers  de  France  ; 
Mes  d'un  petit  la  tient  a  foie, 
Que  quant  el  defpute  en  s'efcole 
El  leffe  la  droite  clergie 

90      Et  torne  a  la  philofophie, 
Et  li  arcien  n'ont  mes  cure 
Lire  fors  livre  de  nature  ; 
Et  la  gent  Gramaire  perverfe 
R'ont  leffié  Claudien  &  Perfe, 

9 s       .  ij  .  moult  bons  livres  anciens. 
Les  meillors  aus  gramairiens  ; 
Tuit  font  la  contralietez 
De  la  bone  ancienetez, 

Fifique,  Ypocras,  Galien, 


LA   BATAILLE   DES    .VII.    ARS  /^"J 

'00      Et  cil  hardi  cirurgien. 

Cil  de  rue  nueve,  Robert, 

Et  cil  de  Glatini,  Hubert, 

Et  mettre  Pierre  li  Lombars 

Qui  Paris  triche  par  fes  ars, 
'05      Et  Giraut,  .j.  autres  deables, 

Et  meftre  Henri  de  Venables, 

Et  Raoul  de  la  Charité, 

Petit  Pont  &  lor  vanité, 

Treftuit  tornaiffent  au  gaaing 
'  'o      S'il  i  veiffent  nul  mehaing. 

Cirurgie,  la  vilenaftre. 

Se  feoit  lez  .j.  fanglent  aftre. 

Qui  moult  amoit  miex  les  defcordes 

Qu'el  ne  fift  les  gentiz  concordes. 
'  '  5       Boiftes  portoit  &  oingnemenz. 

Et  granz  plentez  de  ferremenz 

Por  fachier  les  quarpaus  des  pances. 

Moult  avoit  toft  retaconnez 

Les  ventres  qu'el  vit  baconnez. 
'20      S'eft  celé  fcience  del  mains  ; 

Mes  ele  a  fi  hardies  mains 

Qu'ele  n'efpargne  nule  gent 

Dont  ele  puift  avoir  argent. 

Je  les  tenilTe  por  moult  preus 
•'5      S'il  m'eûffent  gari  des  iex  ; 

Mes  il  cunchient  mainte  gent, 

22 


^8  LA   BATAILLE   DES    .VU.    ARS 

Que  des  deniers  &  de  l'argent 
Qu'il  reçoivent  de  lor  poifons 
Font  il  a  Paris  granz  mefons. 


150 


De  Toulete  vint  &  de  Naples,     . 
Qui  des  batailles  fot  les  chaples, 
A  mienuit  la  Nigremance, 
Qui  lor  dift  bien  lor  mefeftance, 
Que  chafcuns  ait  la  telle  armée, 
13  j      Qu'ele  avoit  garde  en  refpée. 
En  .  j  .  quarrefor  fift  .  j  .  feu. 
Lez  .  j  .  cerne,  entre  chien  &  leu. 
La  ot .  ij  .  chas  facrefiez 
Et .  ij  .  coulombiaus  forviez 
'40      Par  la  malifne  deité 

Por  encerchier  la  vérité. 
La  fille  dame  Aftrenomie, 
Qui  de  lor  maus  lor  fu  amie, 
Lor  dift  moult  bien  que  la  bataille 
Ert  Tendemain  fanz  nule  faille. 
Arismetique  fift  en  l'ombre. 
Ou  ele  dit,  ou  ele  nombre, 
Que  .X.  &.  ij  .  &  .  j  .font  .xiij., 
Et  puis  .  iij  .  après  ce  font  .  xvi  .  ; 
.  iiij  .  &  .  iij  .  «Se  puis  .  ix  .  arrière 
Refont  .  xvj  .  en  la  lor  manière  ; 
.  xiij  .  &  .  xxvij  .  font  .  xl  ., 
Et .  iij'^  .  par  eus  font  .  lx  .  ; 


'45 


LA   BATAILLE   DES    .VU.    ARS  49 

.  v'='' .  font  .  c  .  &  .  x":  .  mil. 
'  i  5      Monte  plus  li  contes  ?  Nenil. 

L'en  puet  bien  conter  .  m  .  milliers 

Par  le  conte  qui  eft  premiers 

Du  nombre  qui  monte  &  defcent, 

Qui  en  contant  vient  d'un  a  .  c  .. 
léo      De  la  fift  la  dame  fon  conte, 

Que  uferier  &  prince  &  conte 

Aiment  miex  hui  la  conterreffe 

Que  la  chançon  de  la  grant  mefle. 

Arismetique  fi  monta 
"^î      Sor  fon  cheval  &  fi  conta 

Treftoz  les  chevaliers  de  Toft  ; 

Et  ele  avoit  a  fon  acoft 

Sa  compaigne  Giometrie 

Qui  la  refefoit  fa  meftrie, 
170      Qu'entre  .  ij  .  os  en  une  place 

Fift  .  j  .  compas  de  brieve  efpace, 

Et  û  dift  qu'en  .  m  .  piez  de  terre 

Seroit  finée  celé  guerre. 

Ma  dame  Mufiqueaus  clochetes 
'75       Etfi  clerc  plain  de  chançonnetes 

Portoient  gigues  &  vieles, 

Salterions  &  fletiteles  ; 

De  la  note  du  premier  fa 

Montoient  dufqu'en  ce  fol  fa. 
'80      Li  douz  ton  diatefalon, 

Diapante,  diapafon. 


50  LA  BATAILLE  DES    .VII.    ARS 

Sont  hurlées  de  divers  gerbes 

Par  quarreûres&  partrebles. 

Par  mi  Toft  aloient  chantant, 

'85      Par  lor  chant  les  vont  enchantant. 

Celés  ne  fe  combatent  pas  ; 
Mes  Donaet  ifnel  le  pas 
Ala  tel  cop  ferir  Platon 
D'un  vers  berfé  rez  el  menton 

'93      Qu'il  le  fift  treftout  efbahir  ; 
Et  dans  Platon  par  grant  aïr 
Le  referi  fi  d'un  fofifme, 
Sor  Pefcu,  par  mi  une  rime 
Qu'il  le  fift  trebuchier  el  fane 

'95      Et  le  couvri  treftout  de  fane. 
Ariftotes  fiert  Precien 
Noftre  haut  preudomme  ancien 
Qu'il  le  fift  a  terre  voler  ; 
Du  cheval  le  volt  défouler. 

200       Mes  Preciens  ot  .  ij.  neveus 

Qui  moult  eftoient  biaus  &  preus , 
Dant  Agrecime  &  Dodrinal  ; 
Li  efcloperent  fon  cheval , 
De  fon  cheval  firent  trepié. 

20J       Ariftotes,  qui  fu  a  pié, 

Si  fift  cheoir  Gramaire  enverfe. 
Lors  i  a  point  mefire  Perfe, 
Dant  Juvenal  &  dant  Orace, 


LA   BATAILLE   DES    .VII.    ARS  5l 

Virgile,  Lucan  &  Eftace, 
*">      Et  Sedule,  Propre,  Prudence, 

Arator,  Orner  &  Terence  : 

Tuit  chaplerent  for  Ariftote, 

Qui  fu  fers  com  chaftel  for  mote. 

Preciens  o  fes  .  ij  .  neveus 
*'5       Li  voloient  crever  les  iex. 

Quant  Elenche  &  les  .  ij  .  Logiques, 

Perealmaines  &  Topiques, 

Et  livre  de  nature,  Etique , 

Dame  Nigromance,  Fifique, 
"o      Et  dans  Boices  &  dans  Macrobe 

Veftu  d'une  chetive  robe. 

Et  Porfire  vindrent  le  cors 

Por  fere  Ariftote  fecors. 

Li  Lombart  dame  Redorique 
"S       Poinftrent  après  Dialetique  ; 

Ja  foit  ce  que  pas  ne  l'amoient, 

Quar  de  petit  la  connoiflbient. 

Mes  maint  preudomme  i  mehaignierent 

Por  ravoir  qu'il  i  gaaingnierent. 
^'0      Predicamenz  &  Sex  Principes, 

Dui  bon  achateor  de  tripes, 

Poinftrent  après  dant  Barbarime 

Qui  chevauchoit  foi  cinquantime. 

S'ert  il  homme  lige  Gramaire 
»5  5      Des  meillors  genz  de  fon  aumaire, 

Mes  il  maintenoit  celé  guerre, 


5a  LA    BATAILLE   DES    .VII.    ARS 

Qu'el  païs  Logique  avoit  terre. 
Par  trahifon  eftoit  tornez 
Por  ce  qu'il  ert  de  Poitou  nez. 

240      Icele  pefme  gent  amere 

Poinftrent  for  Gramaire  lor  mère. 
Qui  la  veïft  lances  lancier 
Por  ces  bons  au6tors  efpancier, 
Hochier  teftes  &  batre  mains, 

24s       Et  aus  langues  lafchier  les  frains. 
.  M.  quarriaus  voloient  enfamble 
Peorsquede  fauz  ne  de  tramble. 
Qu'il  a  plus  venin  en  paroles 
Qu'en  .  c  .  M  .  maçues  foies. 

*so       Et  li  au6lor  fe  deflfendoient 

Qui  de  granz  plaies  lor  fefoient, 
De  caniveçons  &  de  greffes, 
De  longues  fables  &  de  beffes. 
Lor  chaftiaus  fuft  bien  deffenfables, 

2SS       S'il  ne  fuft  fi  garnis  de  fables 
Qu'il  ajoingnent  lor  vanitez 
Par  lor  biaus  mos  en  veritez. 
Gramaire  lor  fiert  .  j  .  defciple 
Parmi  le  cors  d'un  participle 

260      Qui  le  fift  a  la  terre  eftendre, 

Puis  li  dift  :  «  Or  alez  aprendre.  » 
Puis  en  fift  ,  V  .  cheoir  for  l'erbe 
Par  la  pointe  de  fon  a  verbe  ; 
Mes  dans  Sortes  la  fift  repondre, 


LA    BATAILLE   DES    .VII.    ARS  53. 

2^5      Qu'el  ne  pot  pas  a  toz  refpondre. 

Vers  ceux  d'Orliens  s'eft  adrecie, 

Qui  Tont  longuement  effaucie. 

En  la  parfondece  d'un  val 

Li  alafchierent  fon  cheval 
*7o      Qui  fouftenoit  Ortografie, 

Le  fondement  de  la  clergie  ; 

Puis  fift  arrière  fes  retors 

Dame  Gramaire  a  fes  auélors. 

Qui  veïft  logicieniaus 
*75      Comme  ils  tuoient  auéloriaus 

Et  fere  ces  deftrucions 

Sor  ces  gentilz  construcions. 

Li  fofiflre  les  defpifoient 

Por  ce  que  pas  nés  entendoient, 
280      Que  tant  i  ot  de  contredit 

Que  pou  fet  Tun  que  l'autre  dit. 

.  j  .  chevalier  Parealmaine 

Tua  mon  feignor  Architraine, 

.  j  .  des  barons  de  Normendie  ; 
*85      Emprès  ce  fi  tua  Tobie. 

.  iiij  .  en  tua  en  .  j  .  randon. 

Et  Gejla  ducis  Macedum 

Et  la  Bible  verfefiée 

R'a  il  d'un  grant  mail  efmiée. 
^90      Mes  quant  vint  aus  Patrenomiques, 

Onques  la  mefnie  Topiques 

Nés  porent  percier  par  efifors. 


54  LA    BATAILLE   DES    .VII.    ARS 

Tant  font  Patrenomiques  fors. 
Dant  Jujiè  &  Preterea 
295      Si  tuèrent  Pr opter  ea. 
Le  bon  Ego  mei  vel  mis, 
Qui  eftoit  trop  lor  anemis, 
Qu'il  ne  forent  dont  il  venoit 
Ne  comment  il  fe  declinoit. 

}oo         Quant  Logique  ot  fet  fa  proefce, 
Si  s'en  revint  a  grant  leefce 
A  l'eftendart,  a  fa  baniere  ; 
Lor  fe  treftrent  li  oft  arrière. 
Aftrenomie  &  Redorique 

505      Diftrent  a  la  Dyaletique, 
Ainçois  que  il  fuft  aferi 
Entraiffent  en  Mont  Leheri. 
Les  dames,  qui  moult  fages  erent, 
Dedenz  Mont  Leheri  entrèrent, 

J'o      Et  nel  firent  pas  por  cremor, 
Ainz  le  firent  tout  por  Tamor 
Qu'els  voudrent  le  chaftel  avoir  ; 
Et  de  ce  firent  els  fa  voir, 
Qu'els  aiment  les  chofes  hautaines, 

3  '  i       Et  Gramaire  aime  les  fontaines. 
Li  audor  furent  moult  troublé 
Qu'enfamble  fe  font  aflamblé, 
Que  l'arriére  ban  atendoient. 
Que  dui  chevalier  amenoient. 


LA   BATAILLE  DES    .VII,    ARS  55 

320      Le  Primat  d'Orliens  &  Ovide 

Ramenoient  en  lor  aide 

.  X  .  M  .  vers  de  grant  randon 

Embrievez  en  lor  gonfanon, 

Qu'Ovide  teffi  de  fes  mains 
î*s       En  l'eflil  ou  il  fu  du  mains  : 

Marciacop  &  Martien, 

Seneque  &  Anticlaudien 

Et  dans  Bernardins  li  fauvages. 

Qui  connoilToit  toz  les  langages 
350      Des  efciences  &  des  ars. 

Cil  ne  venoit  pas  comme  gars, 

Ainz  amenoit  iffi  grant  route 

Que  la  terre  en  couvri  treftoute. 

Eftacez,  Achileidos, 
5;  $       Qui  avoit  fort  pis  &  fort  dos 

Menoit  par  devant  foi  les  hez. 

La  fu  li  fages  Chatonez, 

Avionès  &  Panfîlès  ; 

La  portoit  dans  Theaudelès 
540      Une  baniere  mi  partie  ; 

Toiflu  i  fu  par  grant  meftrie 

Dans  Sextis  percié  fon  efcu 

Que  Alicia  ot  vamcu, 

Qui  painte  eftoit  de  l'autre  part. 
545       La  baniere  comme  liepart 

Sivoient  tuit  cil  tupinel  ; 

Si  legier  font  &  fi  ifnel 

23 


^  LA   BATAILLE   DES    .VII.    ARS 

Par  .  j  .  pou  que  il  ne  voloient. 
Par  .  j  .  pou  que  il  ne  prenoient 
jio      Par  mi  les  piez  dame  Logique, 
Aftrenomie  &  Reaorique. 
Mes  els  font  fi  haut  herbergies 
Qu'els  les  fièrent  de  lor  corgies 
Et  des  langues  l'air  &  le  vent. 
?  s  s      Lor  clers  en  encreffent  fovent, 

Qu'eles  en  font  treftoutes  quaffes. 
Les  dames  ont  les  langues  laffes  ; 
Logique  fiert  tant  en  fa  main 
Qu'elea  mis  fa  cotele  au  pain. 
560      Coutel  nous  fet  fanz  alemele, 
Qui  porte  manche  fanz  cotele  ; 
De  fes  bras  nous  fet  aparance, 
Sor  le  cors  n'a  point  de  fubftance. 
Reaorique  li  vait  aidant, 
36s       Qui  a  les  deniers  en  plaidant. 
Autentique,  Qode,  Digefte 
Li  fet  les  chaudiaus  por  fa  tefte  ; 
Quar  ele  a  tant  d'avocatiaus 
Qui  de  lor  langues  font  batiaus 
570      Por  avoir  l'avoir  aus  vilains 
Que  toz  li  pais  en  eft  plains. 

Uns  des  garçons  dame  Logique 
Fu  envolez  a  Gramatique  ; 
Lettres  portiot  por  la  pès  fere. 


LA    BATAILLE   DES    .VII.    ARS 

J7S      Mes  de  ce  ne  me  puis  pas  tere, 

Que  quant  il  vint  a  la  mefon 

Qu'il  n'entendi  pas  la  refon 

Des  prefenz  ne  des  preteriz, 

La  ou  il  ot  efté  norriz , 
j8o      Que  poi  i  avoit  demoré. 

N'avoit  pas  bien  aflavoré 

Conjugacions  anormales 

Qui  a  décliner  font  moult  maies, 

Averbes  &  pars  d'oroifons 
jSj      Articles  &  declinoifons, 

Et  genres  &  nominatis. 

Et  fupins  &  imperatis, 

Cafés,  figures,  formoifons, 

Singulers,  plurers,  .  m  .  refons, 
390      Qu'en  la  cortGramaire  a  plus  d'angles 

Qu'il  n'a  en  Logique  de  jangles. 

Li  gars  n'en  fot  venir  a  chief  ; 

Si  s'en  revint  a  grant  mefchief. 

Mes  Logique  le  conforta, 
Î9J      En  fa  haute  tor  l'en  porta. 

Si  le  voloit  fere  voler 

Ainçois  que  il  peûft  aler. 

Aftrenomie,  qui  haut  vole, 

N'a  mes  ne  recet  ne  efcole, 
400      Ne  en  païs,  ne  en  contrée  ; 

Ele  fuft  ja  toute  efgarée, 

Ne  fuft  mettre  Gantiers  li  preus, 


58  LA   BATAILLE  DES    .VII.    ARS 

Qui  de  petit  en  fet  fes  preus, 
L'Englois  qui  lut  for  Petit  Pont, 

40J      Qui  por  povreté  fe  repdnt. 
Et  Gramaire  û  ert  alée 
En  Egypte,  ou  ele  fu  née. 
Mes  Logiquje  eft  ores  en  cors, 
Chafcuns  garçons  i  cort  le  cors 

4'o      Ainçois  qu'il  ait  paffé  .  xv  .  anz  ; 
La  Logique  eft  ore  aus  enfanz. 

Logique  eft  de  moult  mal  ator 
Sor  Mont  Leheri  en  la  tor  ; 
La  demaine  ele  fa  meftrie  ; 

4' 5      Mes  Gramaire  la  contralie 
De  fes  auélors  &  d'autorez 
Sentencieus  &  legerez. 
Eqo  fi  refpont  en  la  tor 
Des  granz  cops  que  Ten  fiert  entor> 

420      Quar  toute  jor  getent  lor  rimes. 
Ele  fe  deffent  de  fofimes  : 
Sovent  les  fet  cheoir  envers 
Et  il  li  relancent  lor  vers, 
Si  que  toz  li  airs  en  eft  nubles. 

42!       Ele  fe  deffent  d'iflblubles, 
De  foluces  &  de  fallée. 
Li  autorel  font  teus  rabée 
Qui  ilueques  font  alfamblé, 
Quant  il  auront  tant  voleté 


LA    BATAILLE   DES    .VII.    ARS  5g 

4îo      Que  ja  d'iluec  ne  partiront 

Defi  au  jor  que  il  charront  ; 

Et  s'eles  chiéent  en  lor  mains. 

Il  les  menront  du  plus  au  mains. 

Por  noient  i  font  lor  atentes, 
43  5      Quar  Aftrenomie  a  lor  tentes. 

Qui  defor  els  geta  la  foudre  ; 

Toz  les  pa veillons  mift  en  poudre, 
Et  li  autorel  s'en  fuirent, 

Qui  la  Gramaire  déguerpirent. 
440      Verfefieres  li  cortois 

S'enfui  entre  Orliens  &  Blois. 
Il  n'ofe  mes  aler  par  France, 
Qu'il  n'i  a  nule  connoiffance  ; 
Q.uar  arcien  &  difcretiftre 
445      N'ont  mes  que  fere  de  lor  giftre. 
Li  Breton  &  li  Alemant 
Font  encore  .  j  .  poi  fon  commant  ; 
Mes  fe  li  Lombart  le  tenoient, 
Icil  le  par  eflrangleroient. 

45°  Seignor,  li  fiecles  vait  par  vaines  ; 

Emprès  forment  vendront  avaines, 

Dufqu'a  .  xxx  .  anz  û  fe  tendront, 

Tant  que  noveles  genz  vendront. 

Qui  recorront  a  la  Gramaire, 
455      Aufi  comme  l'en  foloit  faire 


6o 


LA    BATAILLE    DES    .VII.    ARS 


460 


Quant  fu  nez  Henris  d'Andeli, 
Qui  nous  tefmoingne  de  par  H 
C'on  doit  le  cointe  clerc  deftruire 
Qui  ne  fet  fa  leçon  conftruire  ; 
Quar  en  toute  fcience  eft  gars 
Meftres  qui  n'entent  bien  fes  pars. 


Explicit  la  Bataille  des  .  VII  .  Ars. 


VARIANTES 


(1) 


LAI  D'ARISTOTE 


A.  Paris.  Bibl.  nat.,  f.  fr.,  ms.  837  (anc.  7218),  f.  80  c  à  83  a. 

B.  »  »  »      ms.  1593  (anc.  7165),  f.  154  a  à  156  d. 

C.  »  »  »      nouv.  acq.  m.  1104,  f.  69  c  à  72  h. 

D.  »  »  »      f.  fr.,  ms.  19152  (anc,  S.  G.  1830  et  1239), 

f.  171  r  à  173  f. 

V.  1,  B  C.  De  conter  biaus  moz.  D  heax,  de  même  v.  4,388.  Le  D 
initial  n'a  pas  été  exécuté  en  B  par  le  rubricateur.  —  2,  C  l'en,  de  même 
V.  3.  4.  —  3,  D  reprandre.  —  4,  B  quant. . .  entandre.  —  6,  A  De  bien, 
B  C  Des  biens.  A  B  se  doit  on  esjoïr.  —  7,  A  Li  bons,  B  Li  bons  cors 
soit.  —  8,  A  B  C  Et.  A  la  frume,  B  l'anfurne.  —  9,  D  Ausi  tost 
con.  —  10,  A  Ausi.  B  Ainsi.  A  li.j. .  D  le  desloent.  —  11 ,  A  loant. 
B  les  bones  gens  dissant.  C  Et  vont  adès  le  bien  disant.  —  12,  A  C 
le.  D  la.  —  14,  A  de  lor.  —  15,  B  en.  —  16,  A  A  ceus. . .  en  tel.  —  17-18. 
Ces  deux  vers  manquent  à  A  B.  —  19,  A  por  qoi  il.  B  omet  por  qoi.  — 
20,  B  po.  C  pou.  D  poi. 

22,  A  meffet.  —  23,  A  fol.  B  Cil  ai.  D  Molt  en  ovrez  vilainement. 
—  24,1)  Si  péchiez.  C  mortement.  —  25,  D  L'un.  —  26,  A  Et  li  autre 
s'est.  C  Et  li  autre  rest.  D  li  autres  c'est.  —  27,  A  vilonie.  B  vos 
vilenie.  C  As  genz  la  vostre  felonnie.  D  voz.  —  28,  A  c'est  cuers 
de  félonie,  B  cruel  villenie.  D  cruez.  —  29-32.  Ces  quatre  vers  manquent 

(1)  On  donne  ici  toutes  les  variantes  de  leçons,  mais  seulement  les 
principales  variantes  de  formes.Voir,  à  l'égard  du  ms.  B.,  Y  Introduction, 

p.  CXII-CXIV. 


62  VARIANTES 

à  A  B  C—  31,  D  demorez,  corr.  demorer.  —  33,  D  A.  —  34,  C  Qu'en, 
de  même,  v.  171,  341.  —  fô,  B  Que.—  36,  B  se  ne.  —   37,  B  issont. 

—  38,  D  Oe.  C  D  revenrai.  B  revenra.  A  ditié.  B  trader.  —  39,  D 
D'un  affaire  que  g'enpris  ai.  B  omet  le  B  initial.  —  40,  B  C 
matire.  D  l'aventure. 

41,  B  j'oi  la  verte.  C  j'en  oi  la  reson.  D  ge  oi  la  matere.  —  42,  B 
Que.  D  desploiée.  —  43-44,  A.  B  C  Et  dire  par  rime  et  retrere,  sanz 
vilonie  (B  C  vilenie)  et  sanz  retrere.  Retraire  écrit  d'abord  en  B  au 
V.  44  a  été  ensuite  remplacé  par  contraire.  —  46,  B  en.  C  contée  en. 
D  escoutée  a.  —  47,  B  lors.  A  rimer.  D  Ne  ja  jor  que  je  vive  en 
m'uevre.  —  48,  A  de  vilonie  ouvrer.  B  Ne  quier  je  vilenie  nommer. 
C  vilennie.  D  Norrois  vilanie  remuevre.  —  49,  A  Ne  le  l'empris. 
B  ne  enpanrei.  C  Nonc  ne  l'empris  n'empenrai.  D  Qu'ainz  ne.  — 
50,  B  ja  a  vilaim  ne  respondrei.  D  Ne  vilain  mot  n'i  reprandrai. 
C  omet  ce  vers.  —  51,  A  En  dit  n'en  oevre.  —  52,  A  B  C  se.  —  53,  A 
Et  toute  riens  a.  B  A  tote  riens  et  sa  seur.  C  Et  toute  chose  a  sa 
saveur.  D  saveur.  —  54,  B  Ne  ne  m,e  fera  troveur.  C  troveur.  D  Ne  ne 
quier  estre  troveur.  —  55,  A  C  De  rien  que  voie.  B  De  riens  que 
vive.  —  56,  A  Quar  vilain  mot  vont  anuiant.  D  vilain  mot.  B  va.  C  voit . 

—  57,  C  D  essamplaire.  —  58,  A  doit.  B  peust.  C  puet.  —  59,  A  S'ert. 
B  Si  ert  en  H  de  frut  et  d'espice.  —  60,  A  dresse.  B  Qrice. 

61,  A  si.  B  tet  fu  sires.  —  62,  A  Qui.  B  mostra  s'ires.  C  mostra. 
D  princes  monstra.  —  63,  D  ax.  De  même  v.  210, 231.  B  etbessier.  C  dan- 
ter  —  64,  B  henorer.  —  65,  A  B  C  Ce  li.  —  66,  A  est.  D  Qui  as  autres 
sanble  estre.  —  68,  A  Que  tant.  B  Et  tout.  B  C  ainme,  de  même  v.  188. 

—  69j  A  larguece.  D  por.  C  maintenir.  —  70,  D  bien.  —  71-84.  Ces 
quatorze  vers  manquent  à  A  B  C.  —  76,  D  chascun,  corr.  chascuns. 

83,  D  Le  franc,  corr.  Li  frans  ;  poir,  cor. pooir. —  85,  D  Li  sires.  A 
Gresse.  B  D  Egipte.  —  86,  C  sozgite.  D  sozgipte.  —  87,  B  De  novel 
vice  le  majour.  D  Inde.  —  88,  A  Om  ert.  B  S'ert  la  demorée  a  séjour.  C 
assejor.  —  89,  A  Se  vous  me  voliiez.  B  voliez.  D  omet  vous.  —  90,  B 
Par  quoi.  —  92,  B  Si  vos  direi.  —  93,  C  tant.  —  96,  A  en  buies.  B  en 
brade.  C  en  braie.  —  96,  B  iert.  —  98,  A  B  trové.  —  99,  A  c'on  pot. 
D  si  bêles. 


VARIANTES  63 

101,  B  C  Fors  avec.  B  a  estre.  —  102,  B  Moult.  A  C  poissanz. 
B  puissant.  —  103,  D  -Que.  B  des  monte  les  plus  puissant.  —  104, 
B  omet  et.  C  obediant.  —  106,  B  oblie.  D  obeist  tôt  a.  —  107,  B  haut 
pris.  —  108,  D  Puis  qu'el.  A  empris.  D  sorpris.  —  110,  B  Qu'atant.  D 
Que  tant.  B  sei*r.  —  111,  B  povoir.  —  112,  D  Quant  sor  trestout  le  plus 
preudome.  —  114,  omis  par  B.  —  116,  B  moult  H  tesmaint.  —  117,  A 
De  ce  que.  —  118,  A  que.  —  119,  A  Oncques  d'avoec.  D  Que  d'avuec  lui 
ne  se  remuet.  —  120,  A  refuser.  B  qu'amander  ne  lo  puet.  C  nu. 

121-136.  Ces  seize  vers  manquent  à  ABC.  —  137,  B  Moût.  D  ses 
genz.  —  138,  A  Mes  par  derrim-e  moult.  B  le.  C  Mes  en  derrière 
tant.  —  139,  A  Quant  son  mestre.  B  ses  meistres.  C  son  mestre.  D 
son  maistre.  —  140,  A  Si  est  bien  droiz.  D  C'est  bien  raison.  B 
que  il  deslot. 

141,  B  consoil.  D  consaill.  —  142,  B  Dit  li  moult.  D  Et  dit  mar 
avoir.  C  avez  ariens  mis  ;  Yn  a  été  pointé  et  l'abréviation  '  écrite 
au-dessus.  —  143,  D  Les  bachelers  de  son  reaume.  B  de  nos  reaumes. 
C  roiaume.  —  144,  C  Por  une  seule.  D  d'une  feme  baude.  —  145-146. 
Ces  deux  vers  manquent  à  D.  —  146,  C  Qui  autrement  ne  s'escondi.  — 
148,  D  Ge  croi.  — 149,  A  Qui  por  fol  m'en  voudrent.  B  me.  C  vodroient, 
D  Qui  por  fol  l'en.  —  150,  B  omet  n'en.  B  soûle.  —  151,  B  Nan  n'an. 
C  Ne  m'en.  D  Par  droit  n'en  doit  paire.  —  152,  C  Et  qui  de  celé  me. 
D  Et  qui  de  ce  le  roi.  —  153,  B  Si  maint.  D  Si  fait  ce  que.  —  154,  A 
d'amors,  B  d'amours  de  treuve.  D  en  son  cuer  trueve.  —  156,  D  Ce 
qu'en... estait.  C  Quanqu'en.  B  tote  élargie  estoit.  —  157,  A  B  se.  C 
sil.  D  Vint  au  roi  et  puis.  —  158,  A  Que  on  li  tomoit.  B  atoment.  — 
159,  B  que  en.  .se  mainne.  D  Que  il  en.  —  160,  B  tôt.  D  Et  que  trestote. 

161,  C  Maint  avec.  —  162,  B  Que  il  ne  fait  solaz.  D  Ne  ne  fait. 
—  164,  D  Or  croi.  —  165,  D  fait.  A  C  D  son.  —  166,  D  Si  vos  porra  on. 
C  en.  —  167,  B  Ainsi  com  une.  .proie.  C  Aussi  comme  une.  D  Ausi  con 
autre.  —  168,  B  le  san  fors  de  voie.  C  destrempé.  —  169,  D  pucele.  — 
170,  C  Vo.  D  Le  vostre  cuer.  B  estrange.  —  171,  D  raison.  —  172,  B 
prier.  C  voit.  B  C  rover.  —  173,  A  A  départir.  C  Que  guerpissiez  si 
fet.  —  174,  B  mesage.  —  175-180.  Ces  six  vers  manquent  à  A  B  C. 

181,  C   einsint.  D   Ainsi  Alixandre.   B  demu^re.  —   182,  B  Et 

24 


64  VARIANTES 

s'estint  mainz  jors  et  mainte  huere.  C  D  et  maint.  D  heure.  —  183,  C 
vait.  B  n'apruche.  C  D  n'aprouche.  —  184,  B  repruche.  D  reprouche.  — 
185,  B  Que  il  ost.  —  186,  B  volunté.  D  volenté.  B  pes.  —  187,  C  Ne  qu'il 
seul.  —  D  selt.  —  188,  A  l'en  aime  et  miex  l'en.  B  C  l'ainme.  D  Que 
mielx. . .  mielx  la  velt.  —  189,  A  Que  il  ne  feist  onques  mes.  B  Qu'il 
ne  fist  omques  mais.  C  Plus  qu'il  ne  fist  onques  mes.  —  190-216  sont 
remplacés  en  A  B  C  par  les  trois  vers  suivants  : 

Hontes  et  m,esdiz  et  esmès  (A  mefÇès) 

L'en  fet  tenir  (A  couvrir)  tant  qu'a  ccli 

Rêvait  (A  revaj  qui  tant  (C  molt)  li  abeli.  "  ' 

217,  A  Et  la  dame.  B  La  dame  estait.  C  Et  la  bêle  est  em,.  —  218, 
B  Que.  C  ère.  —  219,  A  Par.  —  220,  D  Puis  dist.  A  por  vostre. 

221,  D  Me  sui  bien  perceue.  —  222,  B.  se  porsuire.  —  223,  A  D'aler 
veoir  ce  que.  B  De  tant  veoir  ce  que.  D  De  veoir  chose  qui.  —  224,  D 
puis.  —  226,  B  Ne  vos  am  mervoilliez  vos  mie.  D  Or  ne  vos  en  mer- 
veilliez  mie.  —  227,  B  Qu  demorer.  D  El  demorer.  —  229,  D  hlasmerent. 
C  molt.  A  malement.  D  laidement.  —  230,  B  eschaufemant.  —  231,  A 
Aloie  et  venoie.  D  Esloie  sovent  avuec  ax.  —  232,  A  mon  mestre.  B  C 
c'est.  D  max.  —  233,  B  Que.  —  234,  B  sai  que.  D  Et  ge  sai  bien  que 
g'ai.  —  235-236  ne  sont  pas  en  A  B  C.  —  235,  D  amis,  corr.  a  mi.  — 
237,  D  ge  douta.  —  239,  D  fait.  —  240,  D  Mais  s'arz  et  enging.  B 
a  interverti  les  deux  vers  239-240. 

241,  B  verroiz.  C  Je  me  voudré  de  lui.  D  Qe  m'en  saurai  molt 
bien.  —  242,  B  li  porroiz.  C  Si  que  miex  porroiz.  D  Que  mielx  li 
porroiz  reproschier.  —  243,  A  Et  prendre  de  honte.  B  Et  repanre  de 
mute.  —  245,  B  dusqu'a.  —  246,  C  me.  D  force  abandonne.  —  247,  A 
Qui  ja  poissance.  B  Que  puissance  ja  nu  faudrai.  C  ja  ne  ne.  —  248, 
D  Ja  contre  moi.  B  varrei.  —  249-252  sont  remplacés  en  A  B  C  par  ces 
deux  vers  :  .    .  . i . 

Dialetique  (A  Dyaletique)  ne  clergie. 

Dont  (B  Dan,  C  Ou)  saura  il  (B  saurei.  C  il  saura)  trop  d'escremie. 


VARIANTES  65 

—  253,  B  si  l'apercevrez.  C  parcevei-es.  D  si  le  parcevroiz.  —  2Sâ-264, 
Ces  dix  vers  manquent  à  A  B  C. 

2fô,  B  es.  C  D  as.  —  267,  D  s'esbahi.  —  269-270.  Ces  deux  vers 
manquent  à  A  B  ;  C  donne  à  leur  place  : 

Si  en  commença  a  noter 
Et  ceste  chançon  a  chanter. 

—  271,  D  fins  cuers  dolz.  —  273,  D  Dont  me.  —  2Th,  A  B  Si  qu'a  nul 
autre.  B  n'an.  —  Au  lieu  des  cinq  vers  271-275,  C  donne  ; 

Main  se  levait  bêle  Erembours. 

Moût  estes  vaillanz,  biaus  cuers  douz. 

D'autre  ne  quier  avoir  regart. 

Si  me  doinst  Dex  mauves  escueil. 

Amors  ai  te  [/es]  con  je  veil 

Si  qu'a  nule  autre  ne  daim  part. 

—  277,  C  vet. — 278,  A  fu  tens.  B  A  matin.  —  279,  B  esvoillier  dancrin. 
D  La  bêle  la  blonde.  —  280,  C  Et  H.  D  Mais  li.  B  pes. 

281,  D  Lors  s'est.  —  282,  C  Enz  ou.  D  El  vergier  desoz.  —  283,  D 
inde  et  goslë.  —  284-287.  Ces  quatre  vers  sont  remplacés  en  A  B  par 
les  deux,  suivants  : 

En  la  matinée  d'esté 

Si  fesoit  douz  (B  coi)  et  qoi  (B  douce)  oré. 
et  en  C  par  ; 

Car  la  matinée  d'esté 
Estoit  douce  et  de  qoi  oré. 

—  288,  A  B  l'avoit.  D  flore.  —  290,  D  En  tote.  —  291,  B  ne.  —  292,  B 
Et  si  cuidiez  qu'ele  n'eust.  C  Si  ne  cuidiez  pas.  D  Ne  ne  cuidiez  qu'ele 
eust.  —  293,  A  Loié.  B  Lié.  C  Liée.  D  JVe  guinple  loié.  —  294,  B  Ci.  — 
295,  B  La  baie.  A  treche.  C  Sa  tresce  grosse.  D  blonde  et  longue.  — 


66  VARIANTES 

296,  A  le.  B  pes.  —  297,  D  bîax.  —  299-300.  Ces  deux  vers  manquent 
à  A  B  C. 

301,  B  Si  vet.  C  Si  vait.  D  S'en  vait.  —  302,  B  Chante  voiz  bes. 
C  Chantant  vait  bas.  D  Chantant  basset.  —  303-308.  Ce  couplet  diffère 
beaucoup  dans  les  mss.  ;  les  vers  307-308  se  lisent  ainsi  dans  A  : 

Or  la  voi,  la  voi  la  bêle 
Blonde,  or  la  voi. 

Leçon  de  B  : 

Or  la  voi,  la  voi,  la  voi 

La  fontenne  i  cort  série 
A  glaiolai  desoz  l'anoi  : 

Or  la  voi,  la  voi,  la  voi, 
La  baie  blonde,  et  H  m'ostroi. 

Leçon  de  D  : 

C'est  la  jus  desoz  l'olive, 
La  la  voi    venir  m'amie. 
La  fontaine  i  sort  série 
El  jaglolai  soz  l'atinai. 
La  la  voi,  la  voi,  la  voi, 
La  bêle  la  blonde,  a  H  m'otroi. 

Leçon  de  C  : 

Or  la  voi,  la  voi  m'amie, 
La  bêle  blonde,  a  li  m'otroi. 

La  fontainne  i  sort  série. 

Or  la  voi,  la  voi  m'amie. 

Une  dam,e  i  ot  jolie 
Ou  glaiolai  desouz  l'aunoi. 

Or  la  voi,  la  voi,  la  voi, 
La  bêle  blonde,  a  li  m'otroi. 


VARIANTES  67 

Après  le  vers  308,  B  donne  ces  deux  vers  qui  ne  sont  pas  dans 
A  CD  : 

Alixandres  estait  levez 

A  la  fenestre  iert  escautes... 

—  309,  A  Quant  fi  rois  la  chançon.  B  Ou  la  chançonate.  D  sa.  — 
310.  A  l'oreille  et  li  cuer  i.  B  Car  son  cuer  et  s'oroille  i.  —  312,  B  le. 
C  li.  D  S'amor  le  fait  tôt  resjoïr.  —  313,  D  et  son,  —  315,  A  C  D  Son.  — 
316,  A  bone  leaus  lontaine.  B  loigtennes.  C  lointainnes.  D  fines  loiax 
loigtaignes.  —  317,  B  apruchier.  C  aprouchier,  D  Sont  molt  bones 
a  raproschier.  —  318,  D  Ne  mais  ne  Vira.  C  D  reproxtchier.  —  319,  A 
ne  n'en  rendra.  —  320,  Tant  saura  de  folie. 

321,  B  Et  iert  de  voluntë.  C  Qu'il  ert  de  volenté  toz.  D  Et  tant  ert 
de  volentez.  —  322,  C  Levez  s'erl  et  sist.  D  Levez  est  et.  —  323,  C  la 
bêle.  D  Voit  celui.  —  324,  A  Au.  B  mat  el.  —  3:fô,  D  Tex  que  ses  livres. 

—  326,  BC  Et  dist  hé  (C  ha)  Dex  car  venist  ore.  D  Ha.  —  327,  B  mireours. 
G  mireors.  D  miroers.  —  328,  B  metroe.  —  329,  A  B  se.  B  metroe.  —  330,  B 
feroe.  —  331,  B  tôt  sai  et  tôt  puis.  C  QwXntje.  —  332,  A  De  ma  folie. 

—  333,  A  C'un  seul.  B  Qui  sans.  C  C'un  setts.  D  sels.  —  334,  B  vueil 
que  je  teigne.  C  D  velt.  C  je  tiengne  a  hoste.  D  gel  tiegne.  —  335-336. 
Ces  deux  vers  manquent  à  D.  —  385,  A  honor.  —  336,  B  a.  A  hommage. 

—  337,  A  mon  cuer.  D  mes  sens.  —  338,  A  Que  je  sui  toz  viez  et  chenuz. 

—  339,  B  pelez.  D  Tains  et  noirs  et  'pales.  —  340,  A  Et  plus  en  sui 
aspres  et.BEtplusen  filorpres  et.  C  Et  plus  en  filosophie  egres.  D  agrès. 

341,  B  Qu'on  ne  sache  ne  cuide.  C  ne  qu'en.  D  ne  qu'an.  —  342,  A 
Mal  ai  emploie  mon.  D  Bien  ai  emploie  mon.  —  343,  B  Que.  D  cessai. 
B  apanre.  —  344,  B  desprant.  —  345,  B  tant.  —  346,  A  aprendant . 
B  esprandre.  D  En  aprenant  ai.  —  347,  B  \esprandant.  —  448,  C  vait. 

—  Les  vers  348-355  sont  réduits  aux  quatre  suivants  en  A  B  : 

Puis  qu'amors  me  va  si  prenant  (B  prendront) 
Que  je  (B  supp.  jej  ne  le  (B  laj  puis  contredire. 
Ainsi  li  mestres  se  detire 
Et  moult  (B  moût)  durement  se  démente. 


(58  VARIANTES 

en  C  : 

Pus  qu'amors  me  vaît  sî  prenant  ' 

Que  je  ne  H  puis  contredire 

Ne  son  valoir  pas  escondîre.  • 

Ainsi  H  mestres  se  démente. 

—  356,  D  chapel.  —  357,  D  /  assenbla  de  plusors.  —  358,  B  A  faire.  — 
359,  A  en  cueillant.  B  en  coillir  les  florates.  —  360,  B  teignent 
amorestes. 

361  manque  dans  ABC—  362,  B  doucetes.  A  bêle.  —  363,  B  teignent 
amorales.  —  364,  B  m'amiate.  —  365,  B  s'abenoie.  —  366,  A  Meslre. 
B  s'esmoie.  —  367,  A  De  ce  qu'ele  plus  près  né  vient.  C  De  ce  que  près 
de  li  ne  vient.  —  368,  B  quanque  H  vient.  —  369,  D  De  lui.  A  retrere.  — 
370,  B  seate  li  vuet.  C  li.  C  D  velt.  —  371,  B  C  empanée.  —  372,  A  Moult. 
C  D  travaillie.  —  373,  A  Que  sa  volentez.  B  Qu  sa  volunté.  C  Qu'a  sa 
volentez.  —  374  manque  à  B.  —  375,  D  sor  son  Mon.  —  377,  B  Qu'elle 
voie.  D  Que  maistre  Aristote.  —  378,  D  Mais.  —  379,  D  beau.  B  vost. 
C  voit.  D  vait.  —  380,  D  Vint  vers  la  fenestre.  C  vient.  B  sa  fenestre 
en  chantant. 

381,  A  Les  vers.  B  .j.  ver  d'unne  chançon  descuevre.  C  .j.  ver  d'une 
chanson  atoile.  D  chaçon.  —  382,  A  pas  que  cil  se.  B  vuet.  C  velt. 
B  cuevre.  C  caille.  D  Quar  nature  que  cil  se  cueille.  —  383  manque  à  B. 

—  384,  A  Lez  .j.  D  fantele.  —  385,  B  omet  et.  D  Dont  l'aive  est  bêle  et 
clere  la.  Manque  à  A.  —  386,  B  Siest  fille  en  sa  main.  D  ses  dels  li 
renouvelé.  —  388,  A  Ahi  quens  Guis.  D  quans.  —  389,  B  mi.  D  omet 
me  tôt.  —  390,  A  si  s'en.  D  Quant  ot  ce  dit,  si  très  près.  —  391,  A  Lez 
la.  B  longue.  T>  De  la  fenestre  qui  ert.  —  392,  A  Et  cil.  D  Que  maistre 
Aristote.  —  393,  B  Qu'il  cuide  trop.  C  Qui  cuide  trop.  —  394-397.  Ces 
quatre  vers  manquent  à  D.  —  394,  A  o  desirré  la  pucele.  —  395,  A 
A  cest  mot.  B  A  cesl  col.  C  la  chandoile.  —  396,  C  jus  a.  A  vil. 
B  jusqu'à  terre  l'abat.  —  397,  B  Que  prins.  —  398,  D  Bien  fait  senblant 
d'estre  marrie.  —  399,  B  C  Qui  est  ce  Diex  fet  ele  aie.  D  Celé  puis  a 
dit  Diex  aïe,  —  400,  A  A  foi.  D  Qu'est  ce  qui  ci  m'a.  A  retenue. 

401,  B  C  vos  soiez  bien.  —  402,  D  prevoz  ert.  —  404,  A  Sire,  — 


VARIANTES  W 

406,  B  fait  il.  D  amie.  —  407,  D  et  vie.  —  408,  D  HoMur  et  tôt  en.  — 
411,  A  Ha  sire.  C  dit.  D  fist.  B  dois  puis.  —  413,  B  ne.  D  seroiz.  — 
415,  B  que.  —  416,  A  Et  moult.  —  417,  A  o  moi  esbanoiant.  D  avuec 
moi  arestant.  —  418,  B  fait  il.  D  Bist  Aristotes,  or  laissiez.  —  419,  D 
Quar.  B  apaiez.  C  apesiez.  D  abaissiez. 

421,  B  escris.  —  422-^3.  Ces  deux  vers  manquent  à  A  B  C.  —  425,  B 
desier.  D  E  mon  desirrer  m'apaiez.  426,  B  Gent  cors  et.  —  427,  B  Mes- 
tres  avant  que  vos.  D  Ha  maistre  avant.  —  428,  C  la  bêle.  D  Fait.  — 
429,  A  Avant  .j.  —  430,  A  B  d'amors.  C  estes  por  moi.  —  431,  A  Quar 
uns  mentit  granz.  C  molt  talent  très  grant.  —  433,  B  «Sus  ceste  herbe 
en  cest  vargier.  G  Sor  ceste  herbe  en  cest  biau.  D  Desor  cet.  —  434,  D 
fait.  —  435,  A  B  Qu'il  ait  sor  vo  (B  vos)  dos.  —  436,  A  Si  serai  plus 
fionestement.  B  S'iré  plus  honoreemcMi.  D  S'iere  plus.  —  437,  A  H 
respont  briefment.  D  Li  viellarz.  —  439,  A  Com  cil. . .  toz  entiers. 
B  C  Si  com  cil.  —  440,  A  a  desroi.  B  C  nature.  D  l'a  amors  mis. 

441,  C  du.  —  442,  A  comporter.  D  Aporte  el  vergier  en.  —  443,  ABC 
Bien  fet  amors  de  (B  du.  C  d'un)  sage  fol.  —  447-447.  Ces  quatre  vers 
manquent  à  A  B  C.  —  449,  A  Que  tout.  B  Quant  lo  meillour  clerc  de 
cest  mont.  —  452,  D  Tôt  chatonant  par  desor.  —  453,  B  Si.  C  Prenez 
essample  a  cest.  D  Ci  convient.  —  454,  B  S'an.  C  Que  bien  saurei. 
D  Gel  saurai.  —  456,  A  le.  —  457,  A  Parmi  le  vergier.  B  C  La  da/moisele. 

—  458-461.  Ces  quatre  vers  manquent  à  A  B  C. 

468-463.  Ces  deux  vers  manquent  à  A  et  sont  intervertis  en  B  C  : 

En  lui  chevauchier  (B  ctievachantj  et  déduit  (B  deduist). 
Par  mi  le  vergier  le  (B  se)  conduit  (B  eonduist). 

—  464,  D  Et  chante  haut.  B  sainne.  —  4ô5,  CAinsint  vait.  B  qu'amours. 
D  mainent.  —  466  manque  dans  B  C.  D  Bêle  doe  ighee  laine.  —  468,  C 
Ainsint  vait.  D  mainent.  —  469,  C  Et  ainsint.  D  Et  qui  bon  amor.  — 
En  B,  467-469  sont  réduits  à  ces  deux  vers  ; 

Et  ainsit  qui  la  maintient 
Meistret  miusars  me  sostient. 


70  VARIANTES 

—  470-473  manquent  en  D.  —  470,  D  iert.  —  471,  B  le  tour.  —  472-J73 
manquent  en  B  C.  —  474,  B  que  vat  ce.  C  Mestres,  ce  dist  li  rois,  que 
vaut  ce.  D  Maistre,  dist  li  rois,  que  volez.  —  475,  B  Bien  ai  vehu  que 
vos  chevache.  C  Je  voi  bien  que  on.  D  Qe  voi  bien  que  vos  chevachiez. 

—  477,  D  vos  maintenez.  —  479,  A  veir. 

482,  A  B  metez.  C  Einz  estes  mis.  —  483,  B  lieve.  D  dreça.  —  485,  D 
Puis.  A  honestement,  —  48(5-487.  Ces  deux  vers  manquent  à  A  B  C.  — 
488i  C  Droit  oi.  D  Ge  oi  droit  et.  —  489,  A  Que  en  droit.  B  Que.  A  vous. 

—  491,  D  qui  plains  sui.  —  492,  D  ne  puet.  —  493,  D  mené.  —  495,  D  Ce 
que.  —  496,  A  Me.  D  M'a  amors  dejfait  en  eure.  —  497-511.  Ces  quinze 
vers  manquent  à  D  qui  ajoute  ce  vers  de  raccord  ;  Li  rois  fu  liez  en 
iceste  eure.  —  497,  B  trestot  devoure.  C  prent.  —  499,  C  Pus  qu'il. 

501,  B  C  pouez.  —  502,  B  nostre.  —  503^  B  Moût  se  rescuet.  —  506,  B 
quanqu'ele  enprise  a.  —  A  partir  du  vers  507,  C  supprime  la  fin  du  poème 
et  la  remplace  par  ces  six  vers  : 

Miex  velt  estre  sanz  compaingnie 
Qu'avoir  compaingnon  a  amie. 
Par  cest  lai  vos  di  en  la  fin  : 
Tex  cuide  avoir  le  cuer  molt  fin 
Et  molt  sachant  tôt  sanz  essoine 
Qui  l'a  molt  povre  a  la  besoingne. 

—  507,  A  l'em.  B  l'an,  corr.  l'en.  —  510,  B  Mes  bien  s'an  fu  tant.  — 
511,  B  De  ce  que  si.  —  512,  D  son  maistre.  —  514j  D  parfornir.  —  515,  B 
au  tenir.  D  el.  —  516,  B  [0]  r.  —  518,  B  Caton.  —  519,  B  Qu'a  fait. 
D  Qui  fist.  —  520  manque  à  D.  B  hons. 

521,  D  Turpe  est  doctum.  —  522,  A  Gâtons  dit  en  ce  vers.  D  et  cist 
vers  le  glose.  —  523,  D  Fox  est  qui  blasme  a  autri  chose.  —  524-525.  Ces 
deux  vers  manquent  à  D.  —  524,  B  a  force.  —  525,  B  a  tmnui.  —  526,  B 
que.  D  Dont  est  repris  et  qui.  —  528,  B  Alixandre.  D  est.  —  529,  B 
Aristotes  et  mesama.  D  Son  seignor  et  mesaama.  —  532,  D  En  amor 
si.  —  533,  B  Qu'i.  D  Qu'il  n'i  misl  onques  nul  deffaiz.  —  534-535.  Ces 
deux  vers  manquent  à  D.  —  534,  A  B  cil,  corr.  s'il.  —  535,  B  a.  —  536,  B 


VARIANTES  71 

la  força.  D  Ce  fist  amors  qui  l'efforça.  —  537,  A  B  Qui  sa  volenté  H 
dona.  D  volenté,  corr.  volentes.  —  538,  D  De  toz  et  de  tûtes.  —  539,  B 
moi.  —  540,  B  Nuule  (ou  nunlej  corpe. 

541,  D  Quant  ne  mesprit  par.  B  esprinsure.  —  542,  A  B  droiture. 

—  543,  D  cest.  —  544,  D  Si  dist  et  demonstre.  —  545,  D  dessevrer.  Le 
poème  finit  en  D  à  ce  vers,  au-dessous  duquel  on  lit  ;  Explicit  d'Aristote 
et  d'Alixandre.  —  KO,  B  laiaus  arriéres.  —  563,  A  B  Amors,  corr. 
Amor.  —  556,  A  H  mal.  B  traient.  —  K7,  B  Qu'ainsi  amoiirs  vont  et 
essaient.  —  559,  B  loiauté.  —  560^  B  S'estande  et  suffre. 

561,  B  joe.  —  562,  B  par  déduit.  —  567,  B  Et  deffait  ses  volwmtez. 

—  569,  B  Bois  puis.  —  573  et  574,  A  amors.  B  amotirs,  corr.  amor.  — 
574,  B  soffre. —  575,  B  siet  merir  cest. — 576,  A  Que  H  amant  sueffrent. 
B  soffre.  —  577,  B  lo.  —  579,  A  duerra.  B  cis.  —  B  Explicit  d'Aris- 
totes. 


25 


72  VARIANTES 


BATAILLE  DES  VINS 


A.  Paris,  Bibl.  nat.,  ms.  fr.  837  (anc.  7218),  f.  231  c  à232  c. 

B.  Bibl.  de  Berne,  ms.  113,  f.  200  a  à  201  a  (1). 

V.  1,  B  Segnor  oies.  —  2,  B  Qui  avint  jadis  sor.  —  3,  B  Felipe.  — 
7,  B  aumaçor.  —  10,  B  qu'il  avait  soi.  —  11,  B  qui  fu.  —  12,  B  me- 
sages.  —  13,  B  C'alaissent  le  mellor  vin.  —  15,  B  Primes...  Cipre.  — 
16,  B  Ipre.  —  17,  B  Ausais...  Mosele.  —  18,  A  Anni.  B  Rochele.  — 
20,  B  Melen. . .  Treveborc. 

21,  B  Plaisence.  —  22,  B  Espagne.  —  23,  B  Monpellier.  —  24,  B 
Carcasone.  —  25,  B  Mosac. . .  Saint  Melion.  —  26,  B  Saint  Tion.  — 
27,  B  Jarguel.  —  28,  B  Argentuel  (de  même  v.  77,  88,  96).  —  31,  B 
Sesane.  A  .  vij.  mois.  —  32,  B  Vin  d'Anjo,  vin  de.  —  33,  B  Chastel 
Raol  (de  même  v.  138).  —  34,  A  vins.  B  le  Bardai.  —  35,  B  Sansuere. 
—  36,  B  Verselai...  Auçuere.  —  37,  B  Tonaire...  Flaveni.  —  38,  B 
Saint  Porçain. . .  Soveni.  —  39,  B  Chabliues. 

41,  A  vert.  —  42,  B  uef.  —  43,  B  Trestat  vinrent.  —  44,  B  Sor.  — 
45,  B  cisne.  —  48,  B  abuvrer.  —  49,  A  B  Un,  corr.  Uns.  B  Vestale.  — 
51,  B  S'escumenia  (de  même  v.  179).  A  dans.  B  Mavel.  —  52,  B  Qui 
craist  ens  es  clos  de  Biavès.  —  55,  A  Rogoel.  —  56,  B  gâtes  cranpes.  — 
57,  B  rogne.  —  58,  B  vergogne.  —  60,  A  Les  amainent  feront  a  cart. 
B  prestre.  B  transpose  les  deux  vers  59-60. 

61,  B  jamais  n'entrassent.  —  62,  B  La  u  nul  prodome.  —  63,  B 
Mae  liu/i-e  ii  Biauvoisins.  —  64,  B  lor  cher.  —  65,  B  Ces  .ij.  vins  n'en 
cacha  il  pas.  —  67,  ^  Le  vin  .  —  68,  B  Ne  proisa  il.  —  70,  B  Par  ça  qu'en 
esté  se  tornerent.  —  73,  B  Vin  d'Arjenees,  Chanhwre,  Resnes.  —  76,  B  Je 
sai. . .  acheist.  —  78,  B  larme  d'uel.  —  79,  B  qu'i.  —  80,  B  fix...  glas. 

(1)  V.  quelques  formes  signalées  dans  Vlntraductiqn,  p.  cxv-cxvi. 


VARIANTES  73 

—  82,  B  sues.  —  83,  B  Iceste  trives  sont  enfraites.  —  84,  B  val.  —  85, 
B  Au  tesmoing  do.  —  86,  B  Dueil.  —  87,  B  sac.  —  88,  B  trop.  —  90,  B 
Saces. . .  plenons.  —  91,  B  Que  fait.  A  d'Auçuerre.  —  92,  A  2^  vin  de 
Laucei  de  Tauçons.  —  93,  B  Icil  .  ij.  pèsent.  —  94,  B  dotent. . ,  seir.  — 
95,  A  Espemai.  B  et.  —  96,  B  /«  aces  aviller.  —  98,  B  Par  Deu  trop 
te  fais  conestable.  —  99,  B  Nos  paissons.  —  100.  B  les  goûtes. 

101.  B  Nos  estagnons.  —  102,  A  le  vin.  —  103,  B  li  roiax.  —  104,  B 
desloiax.  —  105,  B  a  cort.  —  108,  B  Longe  tone.  —  109,  B  Si  secorons. 

—  111,  B  Les  Colonois  prendons  d'argent.  —  113,  B  Lors  dist  Aunis  de 
la  Rochele.  —  114,  B  Vous  Ausois  et  vos  la  Mosele.  —  115,  A  fiere.  — 
117,  A  Bretons,  Flamens,  Normcms,  Englois. —  119,  B  ciaus. 

122,  B  Estrelins.  —  123,  B  Jehans.  A  supprime  Vs  avec  raison,  le 
sens  étant  :  Li  vins  de  S.  Jehan...  —  125,  B  Qui  li  avoit  crevés  les 
eus.  —  126,  A  piez.  —  127,  B  Agolesmes.  —  128,  B  Si  i.  —  129,  A  Et 
le  bon  vin  blanc.  — 133,  A  fort.  B  orguel.  —  134,  B  Se  fait  il  toster  au 
solel.  —  135,  B  c'aisès.  —  136,  B  coi.  —  137,  A  Channi,  Montrichart, 
Laçoy.  —  138,  A  Betesi.  —  139,  B  Montmorellon  et  Tsodun.  —  140- 
142,  A: 

Et  cil  d'entor  tout  de  commun 
Purent  devant  le  roi  tout  cois 

Por  abatre  le  bobançois. 


141,  B  beubançois.  —  143,  B  Li  vin  françois  se  desfendoient.  — 
144,  B  Qui.  —   145,  B   que  nos.  —  146,  A  sades.  B  Nos  somes  sade. 

—  148,  B  N'a  cuer  n'a  cors,  n'a  uei.  —  149,  A  Vermendois.  B  Auçurre. 

—  150,  B  la  gent  jesir.  —  156,  A  vins.  B   et  mains.  —  157,  B  s'en- 
tretuassent.  —  158,  B  no  laissasent.  —  159,  B  con  il. 

161,  A  grant.  B  cambre.  —  163,  B  C'estoit  un.  —  164,  B  vosist.  — 
165,  A  Chevaliers,  clers.  B  caloine.  —  171,  A  i  estoit.  —  173,  B  A 
cascuns  vin.  A  .j.  baut.  —  174.  A  ysebaut.  —  175,  A  Bien.  —  176,  B 
Giditoet.  —  117,  A  Trestout  seul.  B    Trestos  sols,  corr.   Trestoz  seuls. 

—  178,  B  Hersoi.  A  dunque.  —  180,  B  faite  par  de  l'Oise. 


74  VARIANTES 

182,  B  jeta  la  chandoile.  —  183,  B  si  s'ala  someller.  —  184,  B  Trois 
jors  trois  nuis  sans  esveller.  —  186,  B  son  don.   —   187,  B  Chipre  fut. 

—  188,  B  con  vraie.  —  189,  B  Puis  fist  cardonal.  —  190,  B  D'un  bon.  — 
191,  B  .V.  contes.  —  194,  B  J7. . .  ot.  —  195,  B  poroit.  —  197,  B  mangier. 

—  199,  B  n'aroit.—200,  B  Des  ci  a  l'ore  qu'il  moroit.—  204,  B  Buvons 
tel  vin  con  Dex  nous  done.  —  B  Explicit. 


VARIANTES  75 


LE  DIT  DU  CHANCELIER  PHILIPPE 


Bibl.  Harlèienne  (British  Muséum),  no  4333,  f.  9S  b  à  100  a. 

(Le  texte  de  cette  pièce  est  celui  qae  M.  P.  Meyer  a  donné  dans  la 
Romania,  no  2,  avril  1872,  p.  210-215  ;  les  corrections  faites  ou  proposée  s 
par  lui  sont  ici  reproduites.) 

V.  10,  Ot,  ms.  ou.  —  11,  ce,  ms.  se;  de  même  v.  14,  88,  153,  etc.  — 
12,  ms.  joioivs ,-  il  a  de  même  au  v.  22,  on  pour  ou.  —  17,  lou,  ms.  Aou. 

—  51,  me,  corr.  m'en  ?  cf.  54.  —  59,  corr.  mérite  ?  ms.  v'ite.  —  73,  Ses 
ms.  Sez.  —  84,  Ses,  ras.  ces.  —  96,  An  pour  Au,  mais  il  faudrait  plutôt 
ou,  et  de  même  au  v.  l(fâ.  —  98,  En,  corr.  Es  ?  —  110,  Qui  par,  ms.  Que 
por.  —  114,  tes,  ms.  tas,  faute  occasionnée  par  la  finale  de  getas  qui  suit. 

—  115,  Qui,  ms.  que.  —  125,  pês,  ms.  pas.  —  126,  sa,  corr.  ta.  —  127, 
sovent,  ms.  sevent.  —  132,  138,  234,  Cil,  ms.  SU.  —  134,  ele,  ms.  il.  — 
141,  met,  corr.  mit  ?  —  146.  Les  deux  dernières  lettres  de  ce  vers  et  des 
parties  plus  ou  moins  grandes  des  suivants  ont  été  enlevées  par  une 
coupure.  —  179.  Le  commencement  des  vers  manque  par  suite  de  la 
coupure  mentionnée  dans  la  note  sur  le  v.  146.  —  193,  chose,  corr.  glose  ? 

—  208,  Ou,  ms.  si.  —  213,  gui,  ms.  que.  —  224,  corr.  a  l'autre  ?  — 
224,  anmis,  ms.  amis  ;  de  même  v.  227,  flanme  est  écrit  flâme  ;  v.  235 
conme,  ms.  9me,'etc.  —  225.  La  fin  de  ce  vers  est  peu  intelligible  ;  p.  ê. 
corr.  trait  toz  tans  ?  —  233,  cil,  ms.  st.  —  25S.  Il  y  a  per  en  toutes 
lettres  ;  partout  ailleurs  par  ou  le  plus  souvent  p  barré.  —  263,  S',  ms. 
Si,  mais  Vi  a  été  ajouté  postérieurement. 

Note  de  l'éditeur.  —  V.  230,  ms.  d'enfer,  corr.  de  fer.  Voir  la  raison 
de  cette  correction  dans  la  note  sur  les  vers  190  et  suivants. 


76  VARIANTES 


BATAILLE  DES  VII  ARTS 


A.  Paris,  Bibl.  nat.,  ma,  fr.  837  (anc.  7218),  f.  135  b  à  f .  137  c. 

B.  »      »    ms.fr.  19152  (anc.  S.  G.  1830  et  1239),  f.  112  d 

à  114  b. 

V.  2,  B  Et  grant  domaiges  et  granz  dels.  —  7,  B  autoreax.  —  8,  B 
gomereax.  —  9-16.  Ces  huit  vers  manquent  à  B. 

23,  B  De  fors.  —  25,  B  vielz.  —  26,  A  Denaoît.  B  Doneet,  corr. 
Donaet,  écrit  ainsi  v.  188.  —  29,  B  ovuec.  A  Qraumaire.  —  30,  B  eZ  ;  de 
même  v.  78,  88,  89,  167,  186,  260,  265,  368.-32,  B  as;  de  même  v.  54,  96, 
174,  245,  290.  —  33,  B  Maistre  Johan  de  S.  Morise.  —  35,  B  Que  de 
Oarnîer.  —  38,  B  o  les  pennars.  —  40,  B  poissons  reax.  A  Laire. 

42,  B  gresse.  —  43,  B  geus.  —  44,  B  tinrent.  —  47,  B  perduz.  — 
48,  B  Quar  Raoul  de  Bulli.  —  50,  B  dont  Perron.  —  52,  B  Johans. 

—  53,  A  Poilasne.  —  54,  B  Nicole.  —  55,  B  Cil  troi  sevent  trive  et 
quad/rwoe.  —  57,  B  trahiuent.  —  58,  B  Naim.  —  59,  B  poignoit. 

63,  B  Lunoies.  —  64,  B  cruex.  —  65,  A  Le  lai.  —  66,  B  Et  Degrez 
orgueilleusement.  —  69,  B  out.  —  70,  B  enpennez.  —  76,  B  supprime  et. 

81,  B  Laissa  tençant  les  arz  ensanble.  —  83,  B  Qui  H  livra  tôt  son 
celier.  —  86,  A  le  meillor  clerc.  B  Que.  —  87,  B  tint.  —  88,  B  despuste. 

—  90,  A  supprime  a.  B  filosophie.  —  92,  B  Booir  fors  livres.  —  96,  B 
livre  encians. 

101-102.  Ces  deux,  vers  manquent  à  B.  —  105,  B  Girar.  —  106,  B 
Et  maistre  Henricus  de  Naples.  —  109,  B  tornassent  au  gaaig.  — 
110,  B  venissent  nul  mahaig.  —  113-123.  Ces  treize  vers  manquent  à  B. 
Après  le  vers  117,  un  vers  manque  à  A  ;  la  ligne  qu'il  devait  occuper  a 
été  laissée  en  blanc  dans  le  ms.  —  114  et  119,  A  B  il,  corr.  el. 

124,  B  Ge.  —  125,  B  elz  ;  de  même  v.  215.  —  126,  B  Mais  i  con- 
chient.  —  130,  B  Tolete. . ,  Naple.  —  131,  B  Qui  de  bataille  sol  la 


VARIANTES  77 

chaple.  —  132,  B  A  une  nuit  vint  Nigramance.  —  135,  B  Ele  s'estait  ja 
tote  armée.  —  136,  A  Qu'en.  —  139,  B  coulonbeax  forniez. 

142,  B  Astronomie;  de  même  v.  304,  351,  435.  —  144,  B  Lors.  — 
146,  A  Armietique.  B  l'omdre.  —  151,  B  a  la.  —  152,  B  .xcciij.  et  .ocvij. 

—  153,  B  ax  ;  de  même  v.  436.  —  155,  B  le  conte. 

161,  B  usurier.-  —  462,  B  mielz...  conereese.  —  164,  A  Arimetique. 

—  168,  B  Géométrie.  — 170,  B  Entre.  —  171,  B  de  bone.  —  176,  B  vieeles. 

—  177,  C  flaùteles.  —    179,  B  jusqu'en.   —  180,  B   diatesaron.  A  dont 
dans  le  texte,  douz  en  marge. 

182,  B  hurtez  de  diverses  janbes.  —  183,  B  trangles.  —  186,  B  Qu'el 
ne  se  conbatissent  pas.  —  187,  B  Mais  Doneet  en  es  le  pas.  —  189,  B 
ver.  A  borseo'ez.  —  191,  B  dont.  —  192,  B  sofismes. — 194,  B  tresbuchier. 

—  195,  B  Et  qu'il  covri  trestot.  —  197,  B  baron  ancien.  —  200,  B  Pre- 
cians  ot  .ij.  nevoz. 

201,  B  beax  et  proz.  —  202,  B  Agrioine.  —  207,  B  mi  sire.  —  208,  A 
Orasce.  —  209,  A  Etasce.  —  210,  B  Sedile.  —  213,  B  fier.  —  214,  B  Pri- 
ciens.  —  216,  B  ses.  —  217,  B  Periarmenes.  —  218,  B  supprime  et.  — 
219,  B  Nigramance  et. —  220,  A  dan...  dan.  B  dant...  dant,  corr. 
dans...  dans. 

222,   B   vinrent.   —  224,    B  Retorique  ;  de  même  v.  351.  —  2^,  B 

Poindrent  ;  de  même  v.  232,  241.   —  227,  B   Que.  —  228,  B  preudon  i 

mMaignerent.  —  229,  B  Por  lor  avoir  qu'il  gaaignerent.  —  230,  B  Pre- 

dicament  et  ses.  —  231,  B  acheteor.  —  232,  A  dau.  B  Barbarisme.  — 

.233,  B  .L.  ime.  —  235,  B  armaire.  —  238,  B  tratson.  —  239,  A  Poitau. 

—  240,  B  arrière. 

242,  B  lever.  —  243,  B  autors  ;  de  même  v.  250,  273,  316,  416.  — 
244,  B  Hoschier.  —  246,  B  quarreax.  —  247,  B  poiors.  —  248,  B  venim. 

—  249,  B  Que  il  n'a  en  .c.  menues  folles. —  262,  B  Et  de  caniviax  et  de 
grefes.  —  2ô4,  B  chastel  fu.  —  256,   B  Qu'il  maniuent.  —  25tT,  B  beax. 

—  258,  B  fiert  et  deciple.  —  260,  B  Qu'el  les  fist. 

261,  B  Puis  lor  dist  n'i.  —  262,  B .  j  .  —  265,  B  El.  —  266,  B  Olliens.  — 
267,  B  longuement  Font.  —  270,  A  Otographie.  —  273,  B  Dama.  —  274, 
B  logicienneaz.  —  275,  B  Con  il  tenaient  autoriax.  —  276,  B  ses.  A  des- 


78  VARIANTES 

tructions.  —  277,  A   contrictions.  B   Et  ces  gentiz  construcions.  — 
278,  A  Li  Suffit el. 

282,  B  Perearmeine.  —  283,  A  omet  seignor.  —  285,  B  Thobie.  — 
287,  A  Et  geta  ducis  Macidum.  B  Et  gita  envers  Marcidon,  corr.  Et 
Qesta  diicis  Macedum.  —  289,  B  asomée.  —  297,  B  Cil  estait  moult  lor 
bons  amis.  —  298,  B  donc.  —  299,  B  desclinoit. 

303,  B  A  donc  se  retrais t  l'ost.  —  dOb,  B  Dialetique.  —  311,  B  Ençois 
le  firent  por.  —  312,  B  vorrent.  A  B  il,  corr.  els  ;  de  même  v.  313, 314, 
352,  353.  —  317,  B  Ensanble.—  318,  B  Qui  lor  riere  ban.  —  320,  B  01- 
liens. 

322,  B  Bien  .x.  milliers  en  .j.  randon.  —  323,  B  Enbrevez  en  lor 
gonfenon.  —  324,  B  choisi.  —  325,  B  En  eissil.  —  326,  B  Maraacop  et 
Marcien.  —  322,  B  si  très  grant.  —  333,  B  en  couvri  toute.  —  334,  A 
Etacet.  —  336,  B  Le  menoit  par  devant  les  ez.  —  338,  A  Faufilés.  — 
339,  A  dan.  B  dant  Tyodolez,  corr.  dans  ;  de  même  v.  342. 

343,  A  B  Que  Malicia  ot,  corr.  Alicia.  —  342,  B  Sonoient  tuit 
acupinel.  —  348,  B  poi.  —  349,  B  Et  par  .j.  poi  qu'il.  —  352,  A  her- 
bregies.  —  353,  B  corgiees.  —  355,  B  Lor  eles  encroissent  sovent.  — 
356,  B  totes  quasses.  —  359,  B  Qu'il.  —  360,  B  alumele. 

361,  B  portes  manches.  —  363,  B  sustance.  —  367,  B  chaudeax  ;  de 
même  v.  369.  —  368,  Yi  el  a  tant  d'avocadiax.  —  369,  B  au  vileins.  — 
372,  B  Ver  de  garains.  —  374,  B  Letre§  porta.  —  376,  B  en  la.  —  377,  B 
Qu'il  n'entendait. 

382,  B  ennarmales.  —  383,  B  desclinier.  —  385,  B  desclinaisons.  — 
389,  B  pluriers.  —  390,  B  En  la.  —  396,  A  Se  li.  —  398-411.  Ces  quatorze 
vers  manquent  à  B. 

414,  B  La  meine  ele.  —  417,  B  lierez.  —  419,  B  cax.  —  420,  B  toutes 
i  gietent. 

421,  B  deffent  de  sa fismcs.  — 426,  A  D'issalubles.B  fallaces.— 427, B 
Li  autores  font  tex  rabaces.  —  431,  B  De  si  alors  que  il  cherront.  — 
433,  B  métrant.  —  436,  B  gita.  —  437,  B  Toz  lar  paveillon.  —  438,  B 
s'enfoirent.  —  440,  B  Versefierres.  —  441,  B  S'enfoi.  —  443,  B  II  n'i  a,  — 


VARIANTES  79 

444,  B  discretire.  —  445,  B  giste.  —  447,  B  encore  poi.  —  451,  B  Après 
formenz  vinrent  aveines. —  éb2,B  Jttsqu'a...  cil  se  tenant.  —  453, 
B  venront,  —  455,  B  Ansi.  —  456,  A  B  Henri,  corr.  Henris.  —  458,  B 
despire.  —  459,  A  contruire.  —  B  Explicit. 


NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS 


LAI  D'ARISTOTE 


Page  1,  vers  1.  —  Il  n'est  pas  rare  de  trouver  cette 
idée  développée  au  début  des  fabliaux  ;  les  trouvères  se 
plaisent  souvent  à  annoncer  qu'ils  se  proposent  un  but 
moral.  Le  fabliau  du  Présure  et  des  .  ij .  Rihaus  (A.  de 
Montaiglon  et  G.  Raynaud,  Fabliaux,  t.  III,  p.  58) 
comfnence  par  ces  vers,  qui  présentent  beaucoup 
d'analogie  avec  le  début  du  Lai  d'Aristote  : 

Qui  biaus  mos  set  conter  et  dire, 
Il  ne  les  doit  pas  escondire 
Entre  bone  gent  ne  repondre, 
Ainz  les  doit  volentiers  despondre 
Des  meillors  et  des  plus  massis 
Quant  il  voit  qu'il  sont  bien  assis 
Et  que  chascuns  volentiers  l'ot, 
Si  qu'en  la  fin  du  tout  se  lot. 

P.  3,  V.  59.  —  Notre  trouvère  veut  dire  ici  que  son 
fabliau  pourra  tenir  lieu  de  ces  friandises,  fruits  et 


82  NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS 

épiceSf  qui  composaient  le  dessert  ou  qu'on  offrait  aux 
visiteurs.  Et  nous  croyons  que  la  pensée  de  taxer  de 
présomption  l'aimable  poète  ne  viendra  pas  à  l'esprit 
du  lecteur  aussi  charmé  que  pouvaient  l'être  les  con- 
vives de  Scarron,  quand  celle  qui  devait  être  plus  tard 
M""®  de  Maintenon  remplaçait  le  rôt  absent  par  un  de 
ces  contes  qu'elle  savait  si  bien  dire. 

Nos  pères  n'appelaient  pas  seulement  épices  les  con- 
diments nombreux  dont  ils  faisaient  usage  beaucoup 
plus  que  nous  pour  relever  la  saveur  des  mets  et  en 
faciliter  la  digestion  ;  ils  donnaient  encore  ce  nom  aux 
confltures  et  conserves  de  toute  espèce,  dragées,  etc., 
qu'on  ne  manquait  jamais  d'offrir  avec  le  vin  dans  les 
visites  et  les  réceptions.  Il  en  est  question  très  fré- 
quemment dans  les  chroniques. 

P.  3,  V.  61. —  Voir,  sur  les  rapports  d'Alexandre  et 
d'Aristote  et  sur  les  fables  dont  on  s'est  plu  à  entourer 
ces  deux  grands  noms  dès  l'antiquité  et  pendant  le 
moyen  âge,  la  Légende  d'Aristote  au  moyen  âge, 
publiée  par  M.  Ch.  Gidel  dans  \ Annviaire  de  l'Asso- 
ciation pour  l'encouragement  des  études  grecques  en 
France,  1874.  L'auteur  de  cette  intéressante  notice  y 
parle  (p.  43-44  du  tirage  à  part)  de  Henri  d'Andeli  et 
du  Lai  d'Aristote. 

P.  3,  V.  65.  —  Rapprocher  de  ce  vers  le  passage 
suivant  du  poème  de  Lambert  li  Cors  et  d'Alexandre 
de  Bernay  : 


NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS  83 

E!  bons  rois  conquerrans,  seur  tous  houmes  hardis, 
Largece  estoit  ta  mère,  tu  estoies  ses  fils. 

{Alexartdréide,  etc.  1861,  in-8,  p.  475). 

P.  3,  V.  72  et  suiv.  —  Les  trouvères  laissent  rare- 
ment échapper  l'occasion  de  célébrer  la  générosité 
d'Alexandre  ;  elle  était  passée  en  proverbe  au  moyen 
âge ,  et  nous  voyons  Henri  d'Andeli ,  dans  le  Dit  du 
chancelier  Philippe,  s'en  servir  comme  de  terme  de 
comparaison,  v.  77  : 

Il  iert  plus  larges  qu'Alixandres. 

P.  5,  V.  102.  —  On  trouve  dans  la  deuxième  version 
de  Floire  et  Blanche flor,  publiée  par  M.  Ed.  du  Méril 
(Bibl.  elzév.,  1856,  p.  172),  un  développement  analogue 
sur  la  puissance  de  l'amour  : 

Trop  est  amers  de  grant  pooir. 
Qui  si  tost  a  home  plaissié, 
Et  si  rniié,  et  si  changié. 
Et  si  l'a  tost  en  ses  laz  mis. 
En  poi  d'ore  l'a  si  conquis  : 
Ja  n'ert  de  si  grant  poesté 
Qu'il  ne  face  sa  volenté. 

P.  14,  V.  357.  —  Sur  les  chapels  (couronnes)  de 
fleurs,  dont  parlent  très  souvent  les  trouvères  et  qui 
figurent  fréquemment  sur  les  monuments  du  moyen 


84  NOTES   ET   ÉCLAIRCISSEMENTS 

âge,  voir  Viollet-le-Duc,  Dict.  du  Mobilier,  t.  II, 
p.  473-474,  et  t.  III,  p.  119-122.  Il  y  avait  à  Paris  une 
confrérie  de  fabricants  de  chapels  de  fleurs.  —  Un 
détail  curieux  témoignera  de  la  passion  de  nos  ancêtres 
pour  les  chapels  de  fleurs  et  particulièrement  de  roses. 
M.  A.  de  Bonnechose,  dans  ses  Recherches  historiques 
sur  les  jirogrès  de  l'horticulture  et  de  l'étude  de  la 
botanique  dans  le  Bessin,  p.  15-16,  nous  apprend 
que  au  xii^  et  au  xiii^  siècle,  des  maisons  étaient  fieffées 
pour  la  simple  redevance  d^un  chapel  de  roses. 

P.  15,  V,  384.  —  M.  P.  Paris  a  publié  dans  son 
Romancero  français,  p.  37-38,  cette  chanson  de  toile 
ou  d'aventure,  sous  le  titre  de  Cuens  Guis  (comte  Gui) 
et  sans  nom  d'auteur,  d'après  le  ms.  fr.  20050  (anc. 
S.  G.  1989)  de  la  Bibliothèque  nationale.  Elle  est  com- 
posée de  six  couplets,  dont  le  premier  est  celui  que 
chante  la  maîtresse  d'Alexandre.  M.  P.  Paris  a  cité 
encore  ce  couplet  dans  l'Histoire  littéraire  de  la 
France,  t.  XXIII,  p.  811.  J'en  donne  ici  le  texte, 
qui  diffère  un  peu  de  celui  du  Lai  d'Aristote  : 

En  un  vergier,  lez  une  fontenelle 

Dont  clere  est  l'onde  et  blanche  la  gravelle 

Siet  fille  a  roi,  la  main  a  sa  maxele, 

En  souspirant,  son  dous  ami  rapele  : 

«  Aé  !  cuens  Guis,  amis, 
«  La  vostre  amer  me  toit  solas  et  ris.  » 

P.  17,  V.  447.  —  Ce  passage  est  peu  clair.  Rados 


NOTES  ET   ÉCLAIRCISSEMENTS  85 

paraît  vouloir  dire  cheval  ;  il  fait  penser  à  redos,  redon 
(bas-lat.  redossius)  qui  signifie  un  cheval  malade  et 
vicieux.  On  trouve  aussi  dans  Du  Gange  :  «  Rado.  Polj- 
ptychus  S.  Remigii  Remensis  :  Donat  annis  singulis  in 
pastione  de  spelta  mod.  1  pull.  2  ova  15.  lign.  carr.  1 
ad  scuriam  reficiendam  Radon.  5  ad  fœnum  vehendum 
quartam  partem  de  carr.  »  —  Si  rados  signifie  cheval  de 
peu  de  valeur,  l'auteur  aurait  voulu  seulement  montrer 
la  puissance  de  l'amour,  en  disant  qu'elle  peut  changer 
un  vieillard  en  mauvais  cheval,  quand  nature  le  semont. 

P.  20,  V.  518.  —  Ce  Chaton  qui,  au  dire  de  Henri 
d'Andeli, 

. . .  bons  clers  fu  et  sages  hom, 

et  que,  dans  sa  Bataille  des  VII  Ars^  il  appelle  Cha- 
tonez  (Catonnet),  est,  croit-on,  le  rhéteur  Dionysius 
Caton,  contemporain  des  Antonins,  dont  la  vie  est 
d'ailleurs  complètement  ignorée.  L'ouvrage  qu'on  lui 
attribue  est  un  recueil  de  sentences  morales,  écrit  en 
distiques  et  divisé  en  quatre  livres  ;  il  est  accompagné, 
dans  les  mss.  et  dans  les  éditions  imprimées,  de  quelques 
brèves  sentences  en  prose ,  qui,  si  elles  n'appartiennent 
pas  au  même  auteur,  paraissent  cependant  être  de  la 
même  époque.  Cette  œuvre,  qui  a  été  en  grande  faveur 
pendant  tout  le  moyen  âge,  était  attribuée  alors  soit  à 
Caton  le  Censeur,  soit  à  Caton  d'Utique.  Elle  a  été 
très  souvent  traduite  ou  imitée  ;  la  plus  ancienne  tra- 


86  NOTES   ET  ÉCLAIRCISSEMENTS 

duction  est  celle  que  fit,  avant  1145,  Everard,  moine 
de Kirkam.(V.  Hist.  litt.de  laFrance,  t.  XIII,  p.  68-70, 
et  t.  XVIII,  p.  826-830).  Je  ne  parlerai  pas  des  autres 
traductions  ou  imitations  qui  en  ont  été  faites;  elles 
ont  été  mentionnées  par  Leroux  de  Lincy  dans  son 
Livre  des  Proverbes  français.,  2^  édit.,  in-12,  1859, 
1. 1,  p.  xxi-xxvn.  Je  dirai  seulement  que,  parmi  les  tra- 
ducteurs, on  trouve  Jean  Le  Fèvre,  de  Ressons-sur- 
Matz,  qui,  dans  son  Matheolus,  s'est  souvenu  de  la 
légende  d'Aristote  (V.  Introduction,  p.  xlii)  et  qui 
traduisit  encore  VEcloga  Theoduli,  dont  Henri  d'An- 
deli  parle  sous  le  nom  de  Theaudelès  dans  la  Bataille 
des  VII  Ars,  v.  340. 


-t.<scN?yry3ooo— 


NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS  87 


BATAILLE  DES  VINS 


P.  23,  V.  3.  —  Ce  bon  roi  qui  ot  non  Phelippe  est 
pris  ordinairement  pour  Philippe-Auguste  (V.  Daunou, 
ffist.  un.  de  la  France,  t.  XVI,  p.  218  ;  E.  Littré,  Ibi- 
dem, t.  XXIII,  p.  227).  Legrand  d'Aussy,  dans  ses  Notes 
sur  la  Bataille  des  Vins  {Fabliaux,  t.  III,  p.  42),  va 
jusqu'à  préciser  l'époque  du  règne  de  Philippe-Auguste 
où  ce  fabliau  aurait  été  composé.  «Ce  conte,  dit-il,  a  été 
fait  sous  Philippe-Auguste,  avant  les  conquêtes  de  ce 
prince  sur  Jean-sans-Terre,  et  lorsque  les  rois  d'Angle- 
terre possédoient  la  Guyenne,  la  Saintonge,  l'Angou- 
mois,  le  Poitou,  etc.  Les  vins  de  ces  provinces  sont  ici 
réputés  étrangers;  le  poète  les  met  en  opposition  avec 
quelques-uns  de  ceux  des  provinces  soumises  immédia- 
tement au  roi.  Il  nomme  ceux-ci  françois  et  leur  fait 
soutenir  entre  eux  la  rivalité  qui  régnoit  entre  les  deux 
couronnes.  »  Il  est  à  remarquer  que  les  vins  français, 
et  par  là  le  trouvère  entend  uniquement  les  vins  de 
l'Ile-de-France,  et  encore  principalement  ceux  du  voi- 
sinage de  Paris,  sont  mis  en  opposition  non-seulement 
avec  les  vins  des  provinces  qui  appartenaient  à  l'Angle- 
terre avant  1204,  mais  encore  avec  ceux  de  la  Bour- 
gogne, de  la  Champagne,  de  la  Lorraine,  de  l'Alsace 

27 


88  NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS 

{Aussai,  que  Legrand  d'Aussy  interprète  à  tort  par 
Auxois) .  Rien  ne  témoigne  donc  ici  «  de  la  rivalité  qui 
régnoit  entre  les  deux  couronnes  »,  et  quand  même  le 
poème  aurait  été  écrit  pendant  le  règne  de  Philippe- 
Auguste,  on  n'aurait  aucune  raison  d'en  faire  remonter 
la  composition  à  une  date  antérieure  à  1204. 

D'autre  part,  M.  Antony  Méray  (la  Vie  au  temps  des 
Trouvères,  p.  35) pense  que,  dans  ce  fabliau,  il  s'agit  de 
Philippe  le  Hardi.  La  question  est  délicate  à  trancher. 
Quand  on  identifiait  notre  trouvère  avec  le  chanoine 
de  Rouen,  le  roi  désigné  dans  ce  conte  ne  pouvait  être 
que  Philippe-Auguste  ;  mais  je  crois  avoir  démontré  que 
cette  identification  ne  saurait  être  maintenue.  Si  l'au- 
teur du  fabliau  est  ce  Henricus  de  Andeliaco  que  cite 
le  Regestrum  Visitationum  d'Bude  Rigaud  sous  la 
date  de  -r^,  rien  n'empêche  d'admettre  qu'il  ait  vécu 
au  delà  de  1270  et  que  le  poète  ait  voulu  désigner  ici 
Philippe  le  Hardi.  Je  crois  cependant  qu'il  s'agit  plutôt 
de  Philippe- Auguste. 

P.  23,  V.  5.  —  Ce  vers,  Du  bon  vin  qui  estoit  du 
blanCy  et  les  vers  169-170,  Li  rois  du  blanc  bien  se 
paia,  Et  chascun  des  vins  essaia,  semblent  indiquer 
qu'il  ne  s'agit  dans  cette  pièce  que  des  vins  blancs. 
Cela  peut  surprendre,  parce  que  beaucoup  des  crûs 
cités  ne  nous  sont  connus  aujourd'hui  que  par  leurs 
vins  rouges,  le  Beaune  et  le  Saint-Emilion,par  exemple. 
Remarquons  toutefois  que  notre  poète  désigne  le  Beaune 
comme  un  vin  d'un  blanc  verdâtre  : 


NOTES  ET   ÉCLAIRCISSEMEhTTS  89 

. j .  vin  qui  n'est  mie  trop  jaune 
Plus  est  vers  que  corne  de  buef. . . . 

et  qoe  Jofroi  de  Waterford,  dans  le  chapitre  du  Segré 
des  Segrez,  que  j'ai  reproduit  dans  l'introduction,  parle 
du  vin  blanc  de  Saint-Emilion.  On  sera  moins  étonné 
si  l'on  se  rappelle  que  le  raisin  noir  peut  donner  du  vin 
blanc  ou  tirant  sur  le  blanc  ;  tout  le  secret  consiste  à 
ne  pas  laisser  la  pellicule,  qui  seule  est  colorée,  fer- 
menter avec  le  mcût.  C'est  un  procédé  de  fabrication. 
Il  se  peut  qu'on  l'ait  suivi  de  préférence  à  cette  époque 
du  moyen  âge.  Voici  ce  que  dit  Olivier  de  Serres  dans 
son  Troisième  Lieu  du  Théâtre  d'Agriculture  et  Mes- 
nage  des  champs,  1804,  in-4°,  t.  I,  p.  275  : 

<  n  n'est  de  nécessité  d'avoir  des  raisins  blancs  pour 
les  vins  blancs,  d'autant  que  les  noirs  satisfont  à  cela, 
rendans  le  moust  blanc,  la  couleur  des  raisins  ne  péné- 
trant plus  avant  que  la  pellicule,  sans  toucher  au  moust. 
Toutes-fois  la  blancheur  n'en  est  du  tout  si  naïfve,  que 
des  seuls  raisins  blancs  :  mesme  y  a  il  des  terroirs  et 
des  espèces  de  raisins  qui  ne  se  ployent  guières  bien  à 
cela.  Aucuns  vins  blancs  sont  aussi  clers  qu'eau  de 
fontaine,  autres  demeurent  tousjours  troubles,  et  en- 
cores  s'en  trouvent  de  couleur  de  laict  :  toutes  lesquelles 
diversités  sont  agréables,  pourveu  que  le  goust  res- 
ponde  au  désir,  selon  le  proverbe  :  vin  pour  saveur, 
drap  pour  couleur.  » 

P.  23,  V.  15  et  suivants.  —  J'ai  donné  dans  l'intro- 


90  NOTES   ET  ÉCLAIRCISSEMENTS 

duction  le  curieux  chapitre  du  Segré  des  Segrez,  dans 
lequel  Jofroi  de  Waterford  compare  et  juge  diflférents 
vins.  J'ai  cité  la  Besputoison  du  Vin  et  de  l'Iaue,  où 
sont  mentionnés  les  vins  de  Beaune,  de  Clamecy, 
d'Auxerre,  de  Nevers,  d'Anjou,  de  Saint-Jean  (d'An- 
gely),  de  la  Rochelle,  de  Gascogne,  de  Saint-Pourçain, 
et  le  vin  français,  qui  se  disputent  la  prééminence 
devant  un  tribunal  où  siègent,  sous  la  présidence  du 
dieu  d'amour,  le  vin  grec,  le  vin  de  Grenache,  le  vin 
de  Chypre,  le  vin  muscadet  et  le  vin  rinois.  Voici 
encore  deux  passages  où  l'on  trouve  une  nomenclature 
intéressante  à  rapprocher  de  celle  de  Henri  d'Andeli. 
Le  premier  est  tiré  du  Roman  de  Fauvel,  commencé 
sous  Philippe  le  Bel  par  François  de  Rues  et  terminé 
par  Chaillou  de  Pestain  ;  il  a  été  cité  par  M.  Paulin 
Paris  dans  le  1. 1  des  Manuscrits  français  de  la  Biblio- 
thèque du  roi,  p.  320-321  : 

Vins  i  ot  bons  et  precieus, 
A  boire  moult  delicieus, 
Citouandés,  rosés,  flores  ; 
Vins  de  Gascoingne  colorés, 
De  Montpellier  et  de  Rochele, 
Et  de  Garnache  et  de  Gastele  ; 
Vins  de  Beaune  et  de  saint  Pourçain, 
Que  riche  gent  tiennent  pour  sain, 
De  saint  Jangon  et  de  Navarre, 
Du  vinon  que  l'en  dit  Labarre, 
D'Espaigne,  d'Anjou,  d'Orlenois, 
D'Auceure  et  de  Laonnois, 


NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS  91 


Et  de  saint  Jehan,  de  Biauvoisin, 
Du  vin  François  d'iluec  voisin  ; 
Il  eut  piment  et  bons  clarés. 
Les  miex  vaillans,  les  miex  parés 
Ménjoient  le  plus  gloutement. . . . 

Le  second  passage  appartient  à  Eustache  Deschamps  ; 
il  a  été  publié  par  Crapelet  dans  l'introduction  précé- 
dant le  choix  qu'il  a  donné  en  1832  des  oeuvres  de  ce 
poète  : 

Or  lui  refault  de  plusieurs  vins  : 

Vin  de  saint  Jehan  et  vin  d'Espaigne, 

Vin  de  Ryn  et  vin  d'Alemaigne. 

Vin  d'Aucerre  et  vin  de  Bourgongne, 

Vin  de  Beaune  et  de  Gascongne, 

Vin  de  Chabloix,  vins  de  Givry, 

Vins  de  Vertus,  vins  d'Irancy, 

Vins  d'Orliens  et  de  Saint  Poursain  ; 

Avoir  tel  femme  n'est  pas  sain  ; 

Vin  d'Ay,  vins  de  La  Rochelle, 

Garnache  fault,  et  Ganachelle, 

Vin  grec  et  du  vin  muscade. 

Marvoisie  elle  a  demandé  ; 

Vergus  veult  avoir,  vin  goués. 

Ms.,  p.  vcxvj. 

P.  23,  V.  16.  —  Henri  d'Andeli  parle  ici  assez  dé- 
daigneusement de  la  cervoise,  et,  plus  loin,  il  la  fait 
excommunier  par  le  prêtre  anglais.  Il  était  sans  doute 
de  l'avis  de  son  contemporain  le  Normand  Henri 
d'Avranches,  qui  lui  a  lancé  cette  boutade  citée  par 


82  NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS 

G.  Camden  dans  sa  Britanniœ  descriptio  (in-4**,  1600, 
p.  495)  : 

Nescio  quod  stygiaemonstrum  confonne  paludi 
Cervisiam  plerique  vocant  :  nil  spissius  illa 
Dum  bibitur,  nil  clarius  est  dum  mingitur,  unde 
Constat,  quod  multas  fèces  in  ventre  relinquit. 

Un  autre  contemporain,  Jofroi  de  Waterford,  porte 
un  jugement  moins  absolu.  Dans  le  chapitre  LXV  de 
son  Segré  des  Segrez,  intitulé  de  diverses  manières  de 
beverages  (Bibl.  nat.,  fonds  fr.,  1822,  f.  114,  r°  2«col. 
à  f.  114,  v"  l""^  col.),  il  distingue  plusieurs  sortes  de 
boires  faits  de  froment,  d'orge  et  d'avoine,  condamne 
certaines  cervoises,  en  approuve  d'autres,  suivant  leur 
nature  ou  leur  mode  de  préparation. 

La  bière  a  eu  aussi  ses  partisans,  qui ,  de  leur  côté, 
n'ont  pas  ménagé  le  vin.  Le  médecin  Jean-Henri 
Meibom  s'est  déclaré  hautement  en  faveur  de  la  bière 
dans  son  savant  traité  De  cervisiis  potibusque  et 
ehriaminihus  extra  vinum  aliis  Commentarius 
(Helmstadt,  1678,  in-4°).  Après  avoir  cité  les  opinions 
contraires  de  Dioscoride,  de  Galien,  d'Aetius,  d'Ori- 
base,  de  Paulus  d'Egine,  de  Siméon  Seth,  d'Avicenne, 
il  s'écrie  :  «  Verum  hos  experientia  hodie  omnes  re- 
fellit,  quse  taie  quid  in  zytho  aut  cervisia  inveniri 
negat,  ut  ea  potius  constet  Germanos,  Angles,  Belgas, 
totiusque  septemtrionis  incolas  alios,  cervisiae  potores, 
saluberrimos  fere,  robustissimos  et  pulcherrimos  esse, 


NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS  93 

ac  bene  habitos,  et  in  annosam  senectutem  incolumes, 
nuUis  uspiam  gentibus  vino  utentibus  colore,  forma 
aut  valetudine  cessuros,  privatim  vero  fœminas  fœ- 
cundiores  aliis  reperiri.  »  Ch.  XXV,  15. 

Il  est  déjà  bien  beau  que  la  bière  donne  la  force  et  la 
beauté,  fasse  parvenir  à  l'extrême  vieillesse  et  rende 
les  femmes  plus  fécondes.  Hugo  Grotius  va  encore  plus 
loin,  s'il  est  possible,  et  fait  de  la  bière  le  breuvage  des 
Muses  (cité  par  Meibom,  ch.  XXVII,  24)  : 

Ipsae  te  sitiunt  novem  Sorores, 
Nec  Permesside  proluuntur  unda, 
Ex  quo  Graecia  Barbaro  sub  hoste  est. 

Enfin,  pour  finir  comme  j'ai  commencé,  par  un 
Normand,  Adrien  Turnèbe,  dans  son  De  vino  libellus 
(publié  à  la  suite  du  traité  de  Meibom),  oii  il  attribue 
au  vin  tous  les  maux  qui  affligent  l'humanité,  dit  : 
<  Vinum  et  staturae  juxta  et  valetudini  officit.  Illa 
autem  quae  sibi  septemtrionales  populi  ex  frugibus 
humore  maceratis  in  acorem  vitiata  conficiunt,  minus 
utrique  nocent.  Argumente  sunt  corpora  illis  in  locis 
salubriora  et  auctiora,  Nam  ex  habitu  corporum,  cer- 
tissima  ducuntur  hujus  rei ,  ut  opiner ,  argumenta  : 
quanquam  in  eo  potu  putredine  quaesita  acrimonia , 
quae  mentem  etiam  sauciat  nonnihil,  laedit  minus 
tamen,  quam  vinum.  » 

J'ai  donné  quelques  pièces  du  procès  :  à  chacun  de 
juger  suivant  ses  préférences.  Je  tiens  pour  ma  part 


\Mt  NOTES  ET  ECLAIRCISSEMENTS 

qu'il  serait  sage  d'appliquer  aux  boires  en  général  la 
maxime  philosophique  par  laquelle  Henri  d'Andeli 
termine  son  petit  poème  : 

Prenons  tel  vin  que  Diex  nous  done. 

P.  23,  V.  17-39.  —  J'ai  dit  dans  l'introduction  qu'il 
était  dilBcile  d'identifier  plusieurs  des  noms  de  lieux 
cités  par  Henri  d'Andeli,  parce  que  ces  noms  sont 
portés  par  des  localités  différentes.  Je  crois  cependant 
avoir  trouvé  un  critérium  qui  permet  d'arriver  le  plus 
souvent  à  une  identification  sinon  certaine,  du  moins 
très  acceptable.  Le  poète  me  paraît,  dans  la  longue 
nomenclature  qui  s'étend  du  v.  15  au  v.  39  et  qui 
comprend  quarante-cinq  noms,  énumérer  les  vins  par 
région,  c'est-à-dire  réunir  dans  un  même  vers  ou  dans 
deux  vers  qui  se  suivent,  les  vins  de  localités  relative- 
ment voisines,  appartenant  à  une  même  province  ou  à 
deux  provinces  limitrophes  ;  et  cet  ordre  apparaît 
encore  dans  la  plupart  des  autres  passages  oii  le  trou- 
vère associe  plusieurs  noms  de  lieux.  Du  reste,  quelques 
leçons  du  ms.  de  Berne,  différentes  de  celles  du  ms. 
fr.  837  de  la  Bibl.  nat.,  s'accordent  avec  le  système 
que  je  propose  et  que  j'essaierai  de  justifier  dans  les 
notes  qui  vont  suivre. 

P.  23,  V.  17.  —  Après  avoir  cité,  v.  15,  tout  d'abord 
le  vin  de  Chypre,  qui  doit  plus  tard  obtenir  le  premier 
rang,  et  qui  n'a  aucun  rapport,  ajoute  plaisamment  le 


NOTES  ET   ÉCLAIRCISSEMENTS  Ô5 

poète,  avec  la  bière  flamande  (cervoise  d'Ypre)^  Henri 
d'Andeli  réunit  dans  ce  vers  les  vins  de  la  Moselle  et 
de  l'Alsace  (Aussai),  c'est-à-dire  les  vins  tout  à  fait 
voisins  de  la  Moselle  et  du  Rhin. 

P.  23,  V.  18-19.  —  Dans  ces  deux  vers  sont  réunis 
les  vins  de  l'Aunis  et  de  la  Saintonge,  provinces  voi- 
sines qui  ont  formé  le  département  de  la  Charente- 
Inférieure.  La  Rochelle  était  la  capitale  de  l'Aunis  ; 
Saintes  et  Taillebourg  étaient  dans  la  Saintonge. 

P.  24,  V.  20-21.  —  Melans  (ms.  de  Berne,  Melen); 
Treneborc  (ms.  de  Berne,  Treveborc).  Legrand  d'Aussy 
voit  dans  Melans  un  Meulan  qui  se  trouve,  dit-il,  en 
Poitou  (Notes  sur  la  Bataille  des  Vins,  p.  48).  Il  ne 
connaît  pas  Treneborc  (Ibidem,  p.  48).  A  l'égard  de 
Palme  et  de  Plaisance,  il  s'exprime  ainsi  (Ibidem^ 
p.  48):  «  Je  ne  sais  où  placer  Palme.  Est-ce  celui  da 
Languedoc  ou  la  capitale  de  l'île  Majorque  ?  Le  Plai- 
sance du  fabliau  est-il  le  Placentia  d'Espagne,  le 
Plaisance  d'Italie,  du  Languedoc,  de  Guyenne,  du 
Rouergue  ou  du  Poitou?  Je  croirois  volontiers  que 
c'est  celui  de  Lombardie,  parce  que,  dans  une  ordon- 
nance de  Charles  V,  année  1369,  je  vois  les  vins  de 
cette  ville  assujettis  à  des  droits  particuliers.  > 

J'ai  fait  remarquer  plus  haut  que,  dans  sa  nomen- 
clature, le  poète  mentionne  les  vins  par  groupe  géo- 
graphique, et  je  crois  que  dans  ces  deux  vers  il  a  réuni 
les  noms  de  quatre  vins  italiens.  Melans  est  pour  moi 
Milan,  la  capitale  de  la  Lombardie;  il  m'est  impossible 

28 


96  NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS 

d'identifier  Trenneborc.  Je  trouve  bien  dans  le  Théâtre 
c?w>wowc?e  de Blaeu,  Bipartie,  1644,  une  carte  du Dwcaio, 
omro  Territorio  di  Milano,  qui  porte  un  village  de 
Trenno  à  l'ouest  et  à  peu  de  distance  de  Milan  ;  mais 
cela  ne  suffit  pas,  c'est  Trennoborgo  qu'il  faudrait 
trouver.  Quant  à  Plaisance,  point  de  difficulté.  A 
l'égard  de  Palme,  je  reproduirai  en  entier  un  passage 
du  livre  v,  p.  255-256,  de  l'ouvrage  d'Andréa  Baccio 
intitulé  :  De  naturali  vinorum  historia,  de  vinis 
Italiœ  et  de  conviviis  antiquorum  lihri  septem, 
Romse,  1596,  in-f°.  Voici  ce  que  dit  cet  auteur  sous  la 
rubrique  Palmesia  vina  in  Picenis  : 

«  Prsedicta  in  Picenis  generosa  vina  commémorât 
Plinius,  lib.  XIIII,  cap,  III,  ubi  scribit  :  Ex  reliquis  vinis 
a  supero  mari,  Prsetutiana  sunt,  et  Ancone  (1).  Ubi  de 
loco  (ut  ego  ex  ipso  Palmae  nomine  conjicio)  intelli- 
gendum  videtur  in  agro  Firmanum  castellum  ad  oram 
maritimam,  quod  ab  antique  (ni  fallor)  nomine  Turris 
de  Palma  cognominatur,  ab  uvse  scilicet  hujus  génère, 
oui  vetusta  sub  illo  jugo  esset  origo,  de  quo  haud  levis 
haec  alia  conjectura  sit,  non  aliud  extitisse,  mutatis 
alioqui  nominibus,  quam  quod  hodie  a  Picenis  Mara- 
num  appellatur,  a  Marano  non  procula  Palma  oppido, 
in  cujus  vinetis  frequens  propagatur  id  vitis  genus, 

(1)  Baccio  a  cité  incomplètement  le  passage  de  Pline.  En  voici 
le  texte  tel  que  le  donne  l'édition  Nisard  :  Ex  reliquis  autem  a 
supero  mari  Praetutia  atque  Ancone  nascentia,  et  quae  a  palma 
una  forte  enata  Palmensia  appellavere.  —  L.  XIV,  c.  VIII,  7. 


NOTES  ET   ÉCLAIRCISSEMENTS  (W 

jamque  ceteris  Piceni  vinetis  factum  est  pro  suavitate 
communissimum.  Nisi  quia  lapsa  temporum,  sicut  et 
ipsaram  frugum  quidam  est  proventus,  et  nominum 
varietas,  Palma  cum  jam  sit  parrus  vicus,.  a  vicino 
Marano  induit  nomen,  et  genus  Maranae  uvae,  quod 
succosum  et  gralum  gustui,  colore  albicans,  et  cum 
maturuerit  luteolo,  tenuissimo  cortice,  ac  dulce.  Hodie 
vero  cum  non  adeo  in  vinis  habeat  usum,  sed  in  esca- 
riis  omnem  obtineat  gratiam,  persuasos  velim  colonos, 
ut  copiose  magis  Maranas  vites  repastinent,  sicque 
Palmesium  tantae  gratise  vinum  instaurabunt.  » 

Est-il  téméraire  d'admettre  que  le  vin  de  Palme 
dont  parle  Henri  d'Andeli  était  originaire  de  cette  lo- 
calité, qu'on  trouve  encore  désignée  sous  le  nom  de 
Torre  di  Palma,  au  bord  du  rivage  de  l'Adriatique, 
entre  Ancône  et  Ascoli,  au  nord  de  la  rivière  Asone, 
dans  la  carte  intitulée  Marca  d'Ancona,  olim  Pice- 
num,  du  Théâtre  du  Monde  de  Biaeu ,  3^  partie , 
1634? 

P.  24,  V.  22.  —  L'Espagne  et  la  Provence  sont  asso- 
ciées naturellement  dans  ce  vers,  puisque  la  dernière, 
après  avoir  été  placée  longtemps  sous  la  suzeraineté 
des  empereurs  d'Allemagne,  était  passée  par  mariage 
dans  la  maison  des  comtes  de  Barcelone,  qui  la  possé- 
dèrent jusqu'en  1245. 

P.  24,  V.  23-24.  —  Dans  ces  deux  vers  sont  réunis 
les  noms  de  quatre  villes  du  Languedoc  :  Montpellier, 
ch.-l.  de  l'Hérault  ;  Narbonne,  ch.-l.  d'arr.  de  l'Aude  ; 


98  NOTES  ET   ÉCLAIRCISSEMENTS 

Bediers  =  Béziers,  ch.-l.  d'arr.  de  l'Hérault  ;  Carcas- 
sonne,  ch.-l.  de  l'Aude. 

Pline  l'Ancien,  dans  l'énumération  qu'il  fait  des  vins 
estimés  de  son  temps,  y  comprend  celui  de  Béziers  et 
s'exprime  ainsi  :  «  Baeterrarum  intra  Gallias  consistit 
auctoritas  (la  réputation  du  vin  de  Béziers  ne  s'étend 
pas  au  delà  des  Gaules).  »  Hist.  nat.,  1.  XIV, c.  VIII,  8. 

P.  24,  V.  25.  —  Nous  restons  dans  le  midi  avec  ces 
deux  vins  de  la  Guyeùne  :  Mossac  =  Moissac,  ch.-l. 
d'arr.  de  Tarn-et-Garonne  ;  S.  Melyon  =  Saint-Emi- 
lion,  Gironde,  arr.  de  Libourne. 

Saint  Melion  est  la  forme  usitée  au  moyen  âge.  Voir 
dans  l'introduction  le  chapitre  du  Segrédes  Segrez.  En 
voici  un  autre  exemple  : 

Cilz  vous  est  mieudres  que  d'Irvois 
Ni  que  vins. de  Saint  Melion. 

[Des  .iij.  Dames  de  Paris,  v.  122-123.  —  MM.  A.  de 
Montaiglon  et  G.  Raynaud,  Fabliaux,  t.  III,  p.  149). 

On  trouve  Saint  Millyon  dans  le  Débat  des  Héraulx 
d'armes  de  France  et  d'Angleterre,  Débat  français, 
§  61,  p.  24.  Paris,  1877. 

P.  24,  V.  26-27.  —  Encore  quatre  vins  de  même 
région  :  Orchise  =:  Ôrchaize,  Loir-et-Cher,  arr.  de 
Blois,  canton  d'Herbault;  Orléans,  ch.-l.  du  Loiret; 
Jargueil=r  Jargeau,  Loiret,  ch.-l.  de  canton  de  l'arr. 
d'Orléans;  Saint-Yon ,  Seine-et-Oise ,  arr.  de   Ram- 


NOTES   ET   ÉCLAIRCISSEMENTS  99 

bouillet,  canton  de  Dourdan,  au  sud  du  département, 
dans  le  voisinage  du  Loiret. 

Le  vin  d'Orléans  est  un  des  plus  fréquemment  cités 
au  moyen  âge.  Voir  les  témoignages  réunis  par  Le- 
grand  d'Aussy  dans  son  Histoire  de  la  vie  privée  des 
François,  t.  III,  p.  2  à  20,  passim. 

P,  24,  V.  28.  —  Ici  deux  vins  de  l'Ile-de-France 
tout  à  fait  voisins.  Meulent=  Meulan,  Seine-et-Oise, 
ch.-l.  de  canton,  arr.  de  Versailles  ;  Argenteuil  (Seine- 
et-Oise),  ch.-l.  de  canton,  arr.  de  Versailles. 

P.  24,  V.  29-31.  —  Soissons,  Aisne,  ch.-l.  d'arr.  ; 
Auviler  =  Hautvillers,  Marne,  arr.  de  Reims,  canton 
d'Ay ; Epernay,  Marne,  ch.-l.  d'arr.;  Sezanne,  Marne, 
ch.-l.  de  canton  de  l'arr.  d'Epernay  ;  Samois  (ms.  837, 
.  vij  .  mois),  Seine-et-Marne,  arr.  de  Fontainebleau. 

L'arrondissement  de  Soissons  est  voisin  de  ceux  de 
Reims  et  d'Epernay.  Aujourd'hui  les  vins  blancs  que 
produisent  les  coteaux  de  CufiSes  et  de  Crouy  au  nord 
de  Soissons  sont  en  médiocre  estime. 

n  y  a  dans  le  Loiret,  arr.  d'Orléans,  un  Semoy  que 
Legrand  d'Aussy,  dans  ses  Notes  sur  la  Bataille  des 
Fm5,  p.  47,  a  cru  pouvoir  identifier  avec  la  localité  indi- 
quée dans  le  fabliau.  La  leçon  mal  orthographiée  du 
ms.  837  s'accorde  mieux  avec  le  Semoy  du  Loiret; 
mais  celle  du  ms.  de  Berne  me  semble  préférable  pour 
trois  raisons  :  1"  Samois  est  plus  voisin  que  Semoy  des 
autres  lieux  cités  dans  ces  deux  vers  ;  2"  la  forme  an- 
cienne et  la  forme  moderne  du  nom  sont  identiques  ; 


100  NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS 

3°  le  vin  de  Samois  jouissait  d'une  certaine  notoriété, 
comme  le  prouvent  les  passages  suivants  extraits  du 
Compte  général  des  revenus  tant  ordinaires  qu'extra- 
ordinaires du  Roy  pendant  Vannée  1202,  publié  par 
Tàv\ji&&Q\diSinB%onNouvel  examen  de  l'usage  général  des 
fiefs  en  France  pendant  le  XP,  le  XIP,  le  XIIP  et  le 
XIV^  siècle,\121,  in-4»,t.  II.  On  lit,  en  effet,  p.  cxlii, 
sous  la  rubrique  Moretum  et  Samesium  (Moret  et 
Samois  formaient  une  prévôté  sous  Philippe-Auguste)  : 
«  De  xxxvui  modiis  vini  Samesii,  quatuor  sestariis 
minus  xviii  1.  »,  et  plus  loin,  p.  cl,  sous  la  rubrique 
Prœpositi  Moreti  et  Samesii  :  «  De  xxxiii  modiis  et 
XV  sestar'  et  dim'  vini  ad  modium  Samesii  xxiiii  1.  et 

VI  s.  et  dim' De  pressoragio  Samesii  xii  1.  et  dim'.» 

P.  24,  V.  32.  —  Dans  le  Combat  de  trente  Bretons 
contre  trente  Anglais,  2"  édit.,  in-4o,  1836,  p.  26,  c'est 
avec  le  vin  d'Anjou  que  les  chevaliers  bretons  se  dé- 
saltèrent : 

Et  toux  par  ordenance  firent  petticion 

Daller  toux  querre  a  boire  sans  nulle  arrestezon        * 

Chascun  en  sa  boutaille  vin  d'Anjou  y  fu  bon. 

Le  Gastinois  est-il  l'ancien  pays  du  Gâtin  ais  partagé 
entre  l'Ile-de-France  et  l'Orléanais,  ou  bien  la  Gâtine, 
partie  du  Poitou  voisine  de  l'Anjou?  La  Gâtine  est 
appelée  Gastinois  dans  la  carte  du  Poictou,  sive  Pic- 
taviœ  descriptio,  de  l'Atlas  de  Mercator,  1619,  et  dans 
la  carte  portant  pour  titre  Pictaviœ  Ducatus  descrip' 


NOTES   ET   ÉCLAIRCISSEMENTS  101 

iio,  vulgo  le  pais  de  PoictoUy  du  Théâtre  du  Monde  de 
Blaeu,  2*  partie,  1644.  J'ajoute  que  d'ailleurs  les  trou- 
vères modifient  quelquefois  les  syllabes  finales  pour  la 
rime.  Le  fabliau  Du  Chevalier  quifist  sa  famé  confesse 
(A.  de  Montaiglon,-  Fabliaux,  t.  I,  p.  179),  dont  la 
scène  est  placée  En  Beesin,  moult  près  de  Vire,  se 
termine  par  ces  deux  vers  : 

Granz  risées  et  granz  gabois 
En  feirent  en  Bescinois. 

Il  se  peut  que  l'Anjou. et  la  Gâtine  du  Poitou  aient 
été  rapprochés  dans  le  vers  de  Henri  d'Andeli. 

P.  24,  V.  33.  —  Ysoudun  =  Issoudun,  Indre,  ch.-l. 
d'arr.  ;  Chastel  Raoul  =  Châteauroux,  ch.-l.  de  l'Indre. 

P.  24,  V.  34. —  Trie  la  Bardoul  (ms.de  Berne,  Trie  le 
Bardol)=:Trilbardou,  Seine-et-Marne,  arr.  deMeaux, 
canton  de  Claye.  On  lit  Trillebardou  dans  la  carte  de 
V Tsle-de-France,  Parisiensis  agri  descriptio,  auctore 
F.  Gruilloterio  Biturigi,  de  TAtlas  de  Mercator,  1619, 
et  dans  la  carte  du  Gouvernement  de  l'Isle-de-France, 
par  Damions  de  Templeux,  escuyer,  sieur  du  Frestoy, 
du  Théâtre  du  Monde  de  Blaeu,  2^  partie,  1644.  Il  ne 
s'agit  donc  pas  ici ,  comme  l'a  prétendu  Legrand 
d'Aussy  {Notes,  etc.,  p.  47),  du  Trie  de  Guyenne  (ou 
plutôt  de  Gascogne). 

Dans  la  charte  de  commune  accordée  en  1197  aux 
habitants  de  Meaux  par  le  comte  de  Champagne  et  de 
Brie,  on  lit  (art.  26)  :  «  In  hac  libertate  hujus  commu- 


102  NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS 

nise  apposai  Trii-Lorhardun,  et  Charmentre,  salvo 
jure  Domini  Simonis,  et  Chamberi,  et  Cungi  et  Nan- 
thoil,  et  omnes  alios  homines  de  potestate  Meldis,  in 
quibus  tailliam  et  Justitiam  habui.  »  —  Brussel,  Nou- 
vel examen  de  l'usage  général  des  Fiefs  en  France 
pendant  le  XI%  le  XIP,  le  XIIP  et  le  XIV^  siècle, 
1727,  in-40, 1. 1,  p.  185-186. 

Trie  la  Bardoul  que  l'auteur  cite  entre  Ysoudun  et 
Cbastel  Raoul  d'une  part,  Nevers  et  Sancerre  de 
l'autre,  contredit  un  peu  mon  système  ;  mais  il  faut 
bien  accorder  quelque  chose  aux  nécessités  de  la  rime. 
Le  nom  n'est  d'ailleurs  associé  à  aucun  autre  dans  ce 
vers. 

P.  24,  V.  35-37.  — Six  localités  voisines  sont  réunies 
dans  ces  trois  vers.  Sancerre,  ch.-l.  d'arr.  du  Cher, 
n'est  qu'à  deux  kilomètres  de  la  Loire,  qui  le  sépare  du 
département  de  la  Nièvre,  dont  le  ch.-l.  est  Nevers.  — 
Auxerre  et  Vezelay,  ch.-l.  de  canton  de  l'arr.  d'Avallon, 
sont  dans  l'Yonne,  au  nord  de  la  Nièvre.  — Tonnerre, 
ch.-l.  d'arr.  de  l'Yonne,  est  sur  l'Armançon  ;  Flavigny, 
dans  la  Côte-d'Or,  sur  les  coteaux  qui  dominent  cette 
rivière.  On  trouve  d'autres  Flavigny  dans  l'Aisne,  le 
Cher,  la  Marne,  la  Meurthe,  etc.  ;  mais  le  vin  de  Fla- 
vigny  venant  à  la  suite  des  vins  de  Vezelay,  d'Auxerre 
et  de  Tonnerre  qui  se  trouvent  dans  l'Yonne ,  il  est 
très  probable  qu'il  s'agit  ici  du  Flavigny  de  la  Côte- 
d'Or,  qui  d'ailleurs  est  encore  renommé  pour  ses  vins. 

Le  Tornière  du  ms.  837  est  Toneire  dans  le  ms.  de 


NOTKS  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS  103 

Berne.  Cette  dernière  forme  ressemble  plus  à  la  forme 
moderne  ;  mais  celle  du  ms.  837  est  excellente  ;  elle 
répond  à  la  forme  latine  du  mot  dont  le  Dictionnaire 
topographique  de  l'Yonne  donne  les  variantes  qui 
suivent  :  Tornodoronse  castrum,  Tornotrinse  castrum, 
Tornodorum,  Tornedrisus,  Tornetrinse  castrum,  Tor- 
nedurum. 

Vezelay  est  écrit  Verdelay  dans  le  ms.  837,  Verselay 
dans  le  ms.  de  Berne.  Ces  deux  formes  correspondent 
aux  formes  latines  Verdiliacus  et  Verziliacus.  LV  de 
Verselay  et  IV  de  Tornierre  ont  disparu  dans  les  formes 
modernes.  Le  Dict.  top.  de  l'Yonne  donne  ces  formes 
latines  :  Vidiliacus,  Viziliacense  monasterium,  Verzi- 
liacum,  Verselayum,  Vizeliacum.  Il  ne  mentionne  pas 
Verdiliacus  non  plus  que  Vercelliacum  qu'on  trouve 
dans  une  traduction  du  xni^  siècle  de  la  légende  latine 
de  Girart  de  Roussillon,  où  il  est  rendu  par  Verzelai 
(Romania,  n°  26,  avril  1878,  p.  190-191). 

Le  vin  d'Auxerre  est  un  de  ceux  dont  il  est  le  plus 
fréquemment  question  au  moyen  âge  ;  il  était  en  haute 
estime  et  c'est  lui  que  les  taverniers  faisaient  le  plus 
souvent  crier  pour  attirer  les  chalands  : 

Ci  a  bon  vin  frès  et  novel, 
C'a  d'Auçoire,  c'a  de  Soissons, 
Pain  et  char,  et  vin  et  poissons 

(Cortebarbe,  Les  trois  avugles  de  Compiengne.  — 

A.  de  Montaiglon,  Fabliaux,  t.  I,  p.  72). 

29 


104    -  NOTES   ET   ÉCLAIRCISSEMENTS 

Chaiens,  fait  bon  disner,  chaiens  ; 
Chi  a  caut  pain  et  caus  herens, 
Et  vin  d'Aucheurre  a  plain  tonnel. 

(Jean  Bodel,  C'est  li  Jus  de  Èaint  Nieholai.  — 
L.-J.-N.  Monmerqué  et  Francisque  Michel,  Théâtre 
français  au  moyen  âge,  p.  166). 

C'est  au  vin  d'Auxerre  que  s'applique,  dans  la  même 
pièce,  ce  joli  couplet  du  crieur  Raoulès  : 

Le  vin  aforé  de  nouvel, 
A  plain  lot  et  a  plain  tonnel, 
Sage,  bevant,  et  plain  et  gros, 
Rampant  comme  escuireus  en  bos, 
Sans  nul  mors  de  pourri  ne  d'aigre  ; 
Seur  lie  court  et  sec  et  maigre, 
Cler  con  larme  de  pecheour, 
Groupant  seur  langue  a  lecheour  : 
Autre  gent  n'en  doivent  gouster. 

{Ihid.,  p.  180.) 

Le  passage  suivant  du  Couronnement  de  Renart 
témoigne  encore  du  cas  qu'on  faisait  de  ce  vin  (Méon, 
Renart,  t.  IV),  v.  1541-1544  : 

Cil  n'est  de  fin  or  ne  d'argent, 
De  riches  pieres  ne  de  dras, 
De  viandes,  de  morciaus  cras, 
De  vins  d'Auchoirre  ne  de  Biaune . 

n  serait  facile  de  multiplier  les  citations.  Voir  parti- 


NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS  105 

culièrement  la  Lesputoison  du  Vin  et  de  l'Iaue  (Jubi- 
nal,  Fabliaux,  1. 1,  p.  293-311). 

P.  24,  V.  38.  —  Saint-Pourçain,  Allier,  ch.-l.  de 
canton,  arr.  de  Gannat.  —  Le  vin  de  Saint-Pourçain  est 
fréquemment  mentionné  par  les  écrivains  du  moyen 
âge.  «  Un  de  nos  poètes  du  xin"  siècle,  dit  Legrand 
d'Aussy  sans  le  désigner  autrement,  parlant  d'un 
homme  qui  étoit  devenu  fort  riche,  dit  de  lui  pour  nous 
donner  une  idée  de  son  luxe,  qu'il  ne  buvoit  plus  que 
du  vin  de  Saint-Pourçain  {Hist.  de  la  vie  privée  des 
François,  t.  III,  p.  5,  note). 

Le  miracle  intitulé  :  L'evesque  a  qui  Nostre  Dame 
s'apparut  (Miracles  de  Nostre  Dame,  t.  II,  1877), 
contient,  vers  288-293,  le  passage  suivant  : 

SECOND   CLERC 

Et  OU  en  pensez  vous  aler 
De  ci  endroit? 

PREMIER  CLERC 

Chiez  Baudet  de  l'image  droit. 
Pour  boire  de  ce  Saint  Poursain, 
Qui  me  fait  souvent  le  cuer  sain 
Et  en  bon  point. 

L'autre  nom  que  cite  le  vers  38  est  Savingni  dans  le 
ms.  837,  Soveni  dans  le  ms.  de  Berne.  Il  y  a  en  France 
un  grand  nombre  de  villages  et  de  hameaux  qui  portent 
le  nom  de  Savigny;  celui  auquel  le  vers  de  notre 


106  NOTES  ET   ÉCLAIRCISSEMENTS 

fabliau  s'appliquerait  le  mieux,  est  le  Savigny  de  la 
Côte-d'Or,  arr.  de  Beaune,  situé  à  cinq  kilomètres  au 
nord  de  cette  ville  et  qui  produit  d'excellents  vins.  — 
Voir  les  témoignages  extraits  de  Salins  et  de  l'abbé 
Gaudelot  par  Legrand  d'Aussy  dans  son  Hist.  de  la 
vie  privée  des  François,  t.  III,  p.  41  et  note. 

La  leçon  du  ms.  de  Berne  pourrait  toutefois  être 
préférée.  Au  nord  de  Saint-Pourçain,  se  trouve,  égale- 
ment dans  l'Allier,  à  seize  kil.  environ  au  sud-ouest 
de  Moulins,  un  chef-lieu  de  canton  du  nom  de  Souvigny , 
où  a  existé  autrefois  une  célèbre  abbaye  de  Bénédictins 
et  oii  se  trouve  encore  une  église  que  l'on  regarde 
comme  un  spécimen  remarquable  de  l'art  gothique. 

Je  trouve  les  vins  de  Saint-Pourçain  et  de  Souvigny 
cités  ensemble  dans  le  passage  suivant  extrait  des 
Impositions  faites  à  Paris  du  consentement  de  la  ville 
et  pour  un  an  seulement  par  le  roy  Philippe  de  Valois 
(Félibien,  Hist.  delà  ville  de  Paris,  in-f°,  1725,  preuves 
et  pièces  justificatives,  t.  III,  p.  425)  :  «  Item,  la  queue 
de  vin  de  S.  Porcian  et  de  Souvergny  payera  ii  s.  et 
l'achepteur  pour  revendre  autant.  »  II  est  vraisem- 
blable que  la  leçon  du  ms.  de  Berne  est  la  bonne  et  que 
le  poète  a  réuni  dans  ce  vers  les  noms  de  deux  crus  du 
Bourbonnais. 

P.  24,  V,  39.  —  Chablis,  Yonne,  ch.-l.  de  canton, 
arr.  d'Auxerre;  Beaune,  Côte-d'Or,  eh.-l.  d'arr.  —  La 
Besputoison  du  Vin  et  de  l'Iaue  (Jubinal,  Nouveau 
Recueil,  1. 1,  p.  296-297)  contient  un  éloge  pompeux  du 


NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS  107 

vin  de  Beaune,  qui  est  représenté  comme  le  vin  favori 
du  pape  : 

le  pappe  Tama  tant 

Que  beneison  li  donna 

Et  s'amour  li  abandonna. 

Legrand  d'Aussy  [Hist.  de  la  Vie  privée  des  Fran- 
çois, t.  III,  p.  6-7)  rappelle  que  cette  prédilection  était 
partagée  par  les  cardinaux.  «Pétrarque,  dit-il,  écrivant 
en  1366  à  Urbain  V,  pour  l'engager  à  revenir  dans 
Rome,  et  réfutant  les  diverses  raisons  qui  retenoient 
au-delà  des  monts  les  cardinaux,  dit  :  Je  leur  ai  en- 
tendu alléguer  quelquefois  qu'il  n'y  avait  point  de  vin 
de  Beaune  en  Italie.  » 

Selon  notre  poète,  Beaune  est  un  vin 

. . .  qui  n'est  mie  trop  jaune, 
Plus  est  vers  que  corne  de  buef. 

D'après  l'auteur  de  la  Lesputoison,  Beaune 
n'est  trop  rouge  ne  trop  tainte  (pâle). 

Olivier  de  Serres,  dans  son  Troisième  lieu  du.  Théâtre 
d'Agriculture  et  Mesnage  des  champs {in-4°,  1804,  t.I, 
p.  209),  vante  «  les  excellens  vins  blancs  d'Orléans... 
d'Anjou,  de  Beaune. . .  d'Aunix.  » 

Au  XVII®  et  au  xviii®  siècle,  un  débat  s'éleva  entre  les 
médecins  de  Paris  et  ceux  de  Reims  sur  les  qualités 
du  vin  de  Beaune    et  des  vins  de  Champagne.   Les 


108  NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS 

poètes  français  et  latins  se  mirent  de  la  partie.  Un 
professeur  au  collège  d'Harcourt,  Grenan,  fit  une  ode 
saphique  en  l'honneur  des  crûs  de  Bourgogne.  Les 
vins  de  Champagne  ne  restèrent  pas  en  arriére  ;  ils 
eurent  leur  ode  alcaïque  composée  par  Coffin,  pro- 
fesseur au  collège  de  Beauvais.  Le  Recueil  de  poésies 
latines  et  françaises  sur  les  vins  de  Champagne  et  de 
Bourgogne,  publié  en  1712  par  l'imprimeur  Thiboust, 
contient  les  pièces  auxquelles  ce  débat  a  donné  lieu. 

P.  25,  V.  49-62.  —  Icile prestre englois escommunie 
et  chasse  à  grands  coups  de  bâton  les  vins  de  Beauvais, 
de  Châlons  et  d'Etampes  que  le  poète  appelle  plaisam- 
ment Bant  Mauvais,  Dant  Petart  et  Mesire  Rogoel 
ou  Rogel  (ms.  de  Berne).  Le  sobriquet  de  Bant  Petart 
appliqué  au  vin  de  Châlons  se  comprend  aisément  ;  le 
poète  l'explique  d'ailleurs  par  ces  mots  :  qui  le  ventre 
enfle. . .  Quant  à  celui  de  Rogoel,  je  le  crois  dérivé  de 
rogue  au  sens  de  âpre,  rude  ;  un  passage  des  rues  de 
Paris,  p.  356,  cité  par  Roquefort  {Glossaire  de  la 
langue  romane),  fournit  à  l'appui  l'exemple  suivant  : 

Mon  chemin  ne  fu  pas  trop  rogue, 
En  la  rue  Nicolas  Arode 
Alai,  et  puis  en  Mauconseil. 

Les  Beauvais  sont  nombreux  en  France,  et,  dés  lors, 
l'identification  est  difiîcile.  Legrand  d'Aussy  (iVb^es  sur 
la  Bataille  des  Vins,  Fahliauoo,  t.  III,  p.  40)  ne  cite 
que  celui  du  Quercy  et  celui  de  la  Saintonge,  et  ajoute  : 


NOTES   ET  ÉCLAIRCISSEMENTS  109 

«  C'est  sans  doute  de  l'un  des  deux  qu'il  s'agit,  la 
capitale  du  Beauvoisis  ne  produisant  pas  de  vin.  » 
Legrand  d'Aussy  oublie  que,  au  moyen  âge,  on  récol- 
tait des  vins  bien  au  delà  de  la  limite  actuelle  de  leur 
production  ;  la  Normandie,  la  Picardie,  l'Artois,  les 
provinces  belges,  l'Angleterre  même  en  produisaient. 
On  a  cessé  de  cultiver  la  vigne  dans  ces  régions,  quand 
la  facilité  des  communications  a  permis  d'y  introduire 
à  peu  de  frais  les  vins  du  centre  et  du  midi  de  la  France. 
D'ailleurs,  Legrand  d'Aussy,  à  l'endroit  du  t.  II  de  son 
Hist.  de  la  vie  privée  des  François,  p.  397-399,  où  il 
parle  du  fabliau  de  Henri  d'Andeli,  dit  qu'il  résulte 
d'un  compte  des  revenus  de  Philippe-Auguste  pour 
l'année  1200,  rapporté  par  Brussel,  que  ce  roi  «  possé- 
doit  des  vignes  à  Bourges,  à  Soissons,  à  Compiègne,  à 
Laon,  à  Beauvais. ...  »  Il  paraît  bien  s'agir  ici  de  la 
capitale  du  Beauvaisis.  Rien  n'empêche  donc  d'admettre 
que  notre  poète  a  eu  cette  ville  en  vue,  d'autant  plus 
que  le  vin  de  Beauvais  est  jugé  de  mauvaise  qualité,  ce 
qui  n'a  rien  que  de  naturel  en  raison  de  la  latitude. 

Quel  est  le  Chaalons  qui  produisait  Dant  Petart? 
Etait-ce  Châlons-sur-Marne  ou  Chalon-sur-Saône,  ou 
une  autre  localité,  car  on  trouve  encore  un  Châlons- 
sur-Vesle  dans  la  Marne,  un  autre  dans  la  Mayenne, 
sans  parler  du  Châlons  de  la  Drôme  et  du  Châlon  de 
l'Isère  que  j'exclus  tous  les  deux,  notre  poète  ne  citant 
aucun  autre  vin  de  cette  région?  La  question  ne  me 
paraît  pas  pouvoir  être  résolue. 


110  NOTES   ET   ÉCLAIRCISSEMENTS 

Quant  au  vin  d'Etampes,  Henri  d'Andeli  n'est  pas 
seul  à  le  mépriser.  On  lit  les  vers  suivants  dans  la 
violente  satire  contre  les  femmes  qui  est  intitulée  Le 
Dit  Chastie-Musart  (v.  77-81)  : 

L'amors  ne  la  haïne  ne  prise  pas  .  j  .  pois, 
Et  se  ge  l'ai  prisiée,  c'a  esté  sor  mon  pois. 
Sens  de  feme  et  bontez  poise  bien  au  droit  pois 
A  la  valor  des  vins  du  vignou  d'Estampois. 

Se  li  vins  valent  pou,  sens  de  feme  valt  mains;... 

(Jubinal,  Œuvres  de  Ruteheuf,  Bibl.  elzév.,  t.  II, 
p.  385,  additions). 

P.  25,  V.  63-65.  —  Le  texte  est  corrompu  dans  les 

deux  mss.  : 

Bibl.  nat.,  ms.  837  : 

Les  .ij.  vins  et  de  Biauvoisins 
Et  dans  Clermons  li  tiers  voisins, 
Ces  .iij.  vins  n'en  chaça  il  pas 

Ms.  de  Berne  : 

Moe  liure  ii  Biauvoisins 

Et  dant  Clermons  lor  cher  voisins 

Ces  .ij.  vins  n'en  cacha  il  pas... 

Je  ne  puis  deviner  ce  que  cache  la  leçon  du  ms.  de 
Berne.   Quant  à  celle  du  ms.   837,   que  j'ai  laissée 


NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS  111 

subsister  dans  le  texte,  je  hasarde  ici  la  correction 
suivante  : 

Les  .ij.  vinet  de  Biauvoisins. . . 

vinet  au  sens  de  petit  vin.  Je  trouve  dans  Littré 
vinette,  vinelle,  avec  la  signification  de  petit  vin,  pi- 
quette. Le  comte  Jaubert,  dans  son  Glossaire  du  centre 
de  la  France,  donne  vinaut  avec  l'explication  sui- 
vante :  vin,  petit  vin  d'un  cru  modeste  :  «  Voilà  du 
bon  vinaut,  un  bon  petit  vinaut.  »  Roquefort,  dans 
son  Glossaire  de  la  Langue  romane,  donne  aussi 
vinot,  qu'il  traduit  par  petit  vin,  vin  très  faible.  Je  n'ai 
pas  trouvé  d'exemple  de  vinet.  Avec  cette  correction, 
le  passage  s'expliquerait  facilement  :  Le  prêtre  anglais 
ne  chassa  ni  les  deux  petits  vins  de  Beauvoisins  ni  leur 
voisin  dans  Clermont,  qui  était  le  troisième.  11  resterait 
toujours  à  trouver  ce  qu'étaient  ces  deux  petits  vins  de 
Beauvoisins. 

Legrand  d'Aussy  (Notes,  etc.,  p. 40)  dit,  à  propos  de 
ce  passage  :  «  Beauvoisins  est  en  Bourgogne  ;  Clermont 
est  la  capitale  de  l'Auvergne  ;  l'Agénois  et  le  Lan- 
guedoc en  ont  aussi  chacun  un.  »  11  aurait  pu  ajouter 
qu'il  y  a  aussi  Clermont-en-Argonne  et  Clermont-en- 
Beauvaisis,  et  qu'on  trouve  encore  des  Beauvoisins  dans 
la  Drôme,  le  Gard  et  le  Jura.  Rappelons  que,  dans  le 
passage  du  Fauvel  cité  plus  haut  (note  du  v.  15),  le 
vin  français  est  dit  voisin  du  vin  de  Biauvoisin  : 

30 


112  NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS 

Et  de  saint  JehaQi  de  Biauvoisia, 
Du  vin  François  d'iluec  voisin  ; 

Le  Biauvoisin  est  donc  ici  le  Beauvaisis.  On  lit  aussi 
dans  l'Atlas  de  Mercator,  en  tête  de  la  description  de 
cette  région  :  Le  pays  de  Beawoais  ou  Beauvoisin.  Si, 
dans  notre  vers,  le  Biauvoisins  est  le  pays  de  Beauvais, 
Clermont  son  voisin  est  Clermont-en-Beauvaisis.  Quant 
à  la  contradiction  apparente  avec  les  vers  51-52,  où 
nous  voyons  le  mauvais  vin  de  Beauvais  excommunié, 
on  pourrait  dire  que  le  Beauvaisis  produisait  sans  doute 
deux  autres  vins  de  quelque  qualité  dont  nous  ne  savons 
pas  autrement  les  noms. 

P.  25,  V.  69  et  73.  —  L'auteur  nous  montre  ici  les  vins 
du  Mans  et  de  Tours,  sujets  à  tourner  en  été,  s'enfuyant 
effrayés  par  la  sévérité  du  prêtre  anglais,  aussi  bien 
que  ceux  d'Argences,  de  Chambeli  et  de  R^nes.  Il 
n'y  a  pas  de  difficulté  pour  le  Mans  et  Tours.  L'erreur 
de  Legrand  d'Aussy  plaçant  Argences  en  Languedoc 
a  été  depuis  longtemps  relevée.  Il  s'agit  d'Argences  qui 
est  situé  dans  le  Calvados  entre  Lisieux  et  Caen,  dans 
la  vallée  de  la  Muance.  On  y  trouve  encore  quelques 
vignobles.  Voir  les  auteurs  qui  ont  traité  de  la  culture 
de  la  vigne  en  Normandie  et  particulièrement  M.  L. 
Delisle  :  Etude  sur  la  condition  de  la  classe  agricole 
et  l'état  de  l'agriculture  en  Normandie  au  moyen 
âge,  1851,  p.  439-440.  Le  savant  auteur  rappelle  que 
les  vignobles  d'Argences  furent  donnés  à  l'abbaye  de 


NOTES   ET  ÉCLAIRCISSEMENTS  113 

Fécamp  par  le  duc  Richard  II,  et  reproduit  à  cette 
occasion  la  curieuse  légende  qu'on  trouve  dans  Guil- 
laume de  Malmesbury. 

On  trouve  un  Chambilly  dans  la  Saône-et-Loire,  un 
Chambly  dans  le  Jura,  un  autre  dans  l'Oise,  arr.  de 
Senlis.  C^est  probablement  de  ce  dernier  qu'il  s'agit. 
Au  lieu  de  Chamheli,  le  ms.  de  Berne  donne  Chan- 
bure. 

A  l'égard  de  Renés,  Legrand  d'Aussy  (op.  cit.,  p.  40) 
dit  :  «  Il  y  a  deux  Rennes  à  vignobles,  l'un  dans  le 
Maine,  l'autre  dans  le  Languedoc.  »  Mais  la  capitale 
de  la  Bretagne  avait  aussi  des  vignobles  au  moyen 
âge.  Rien  n'empêche  d'admettre  que  ce  mauvais  vin 
soit  celui  du  Rennes  de  Bretagne. 

P.  26,  V.  81.  —  Pierre  frite  =  Pierrefltte,  Seine,  arr. 
de  Saint-Denis.  Le  passage  suivant  de  Gautier  de  Coinsy 
atteste  que  ce  vin  était  autrefois  estimé  : 

Mais  tex  fait  molt  le  babuin. 

Le  pappelart  et  Typocrite, 

Qui  dou  bon  vin  de  Pierre  frite 

Boit  plus  grans  trais  et  churelure. 

Que  tex  fait  grant  chiere  et  grant  hure.  V.  1438-1442. 

{Ci  commence  de  sainte  Leocade.  —  Méon,  Fa^ 
hliaux,  t.  I). 

P.  26,  V.  85-86.  —  Marli,  Duoeil  et  Monmorenci, 
que  Pierrefitte  appelle  ici  en  témoignage,  sont,  comme 
lui  et  comme  Argenteuil  (v.  77),  des  vins  de  l'Ile-de- 


114  NOTES   ET    ÉCLAIRCISSEMENTS 

France.  Il  y  a  deux  Marly  :  Marly-le-Roi,  célèbre  par 
le  château  qu'y  fit  élever  Louis  XIV,  dans  la  Seine-et- 
Oise,  entre  Saint-Germain  et  Versailles ,  et  Marly-la- 
Ville,  au  nord-est  du  même  département.  Quant  à 
Dueil  et  Montmorency,  ils  sont  aussi  dans  la  Seine-et- 
Oise,  tout  près  de  la  limite  sud  de  ce  département,  à 
peu  de  distance  de  Saint-Denis. 

P.  26,  V.87. —  La  leçon  de  Berne  est  identique,  sauf 
qu'on  lit  sac  au  lieu  de  sanc,  Va  n'étant  pas  surmonté 
du  signe  abréviatif  de  Vn;  c'est  sans  doute  une  omis- 
sion du  copiste.  La  Curne  de  Sainte-Palaye  {Glossaire) 
donne  cette  explication  :  «  Remarquons  cotte  expres- 
sion où  le  mot  bée  est  employé  comme  exclamation  ou 
espèce  de  jurement  : 

Lors  dist  bée,  sanc  de  Meulant,  etc.  » 

S'il  en  est  ainsi,  je  crois  qu'ilfaut  supprimer  la  virgule 
qu'il  a  placée  entre  bée  et  sanc  et  lire  he'e  sanc  De'  ou 
bë  le  sanc  JDei'qui  signifierait  par  le  sang  de  Dieu.  Bée 
ou  hé  pourrait  bien  être  une  forme  francisée  de  l'anglais 
by ;  le  ms.  de  Berne  donne  plus  loin  :  Bi  saint  Tho- 
mas; il  est  vrai  que  là,  c'est  le  prêtre  anglais  qui  parle. 
Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est  que  ce  vers  indique  un 
changement  d'interlocuteur,  comme  le  prouve  aussi  le 
vocatif  Argenteuil  qui  commence  le  vers  suivant;  le 
vin  de  Meulan  répond  à  son  tour  à  Argenteuil,  comme 
vient  de  le  faire  le  vin  de  Pierrefitte.  Ce  qu'il  y  a  d'é- 
trange, c'est  de  voir  le  sujet  séparé  de  son  verbe  par 


NOTES   ET  ÉCLAIRCISSEMENTS  115 

cette  exclamation.  J'ai  cru  toutefois  devoir  introduire 
cette  correction  dans  le  texte. 

P.  26,  V.  91-92.  —  Voici  les  leçons  des  deux  mss.  : 
Ms.  837,  Bibl.  nat.  : 

Qui  fez  d'Auçuerre,  de  Soissons, 
Le  vin  de  Laucei  de  Tauçons. 

Ms.  de  Berne  : 

Que  fait  dant  Croe  de  Soissons 
Le  vin  de  Laon  de  Tausons. 

La  leçon  du  ms.  de  Berne  me  semble  préférable  ;  je 
crois  que  dant  Croe  est  le  vin  de  Crouy,  village  à  vi- 
gnobles situé  tout  près  et  au  nord  de  Soissons.  Ce  nom 
n'a  pu  venir  à  l'idée  du  copiste  ;  il  l'a  trouvé  dans  le 
texte  qu'il  avait  sous  les  yeux  ;  le  copiste  du  ms.  837 
a  mal  lu  ou  n'a  pas  compris  ;  il  a  remplacé  ces  deux 
mots  par  d'Auçuerre.  Ce  passage  signifie-t-il  :  Nous 
nous  plaignons  que  tu  assimiles  dant  Croe  de  Soissons 
aux  vins  de  Laon  (ou  de  Laucei)  et  de  Tausons  qui  sont 
meilleurs  que  le  vin  de  Vermandois  et  méritent  bien 
de  figurer  sur  la  table  (dois)  ?  Je  n'ai  rien  trouvé  sur 
Tausons.  Quant  à  Vermandois,  voir  la  note  du  v.  149. 

P.  26,  V.  95.  —  UHistoire  littéraire  de  la  France, 
t.  XXIII,  p.  227,  dit  à  propos  des  vins  français  :  €  Dans 
l'état  actuel  des  choses,  il  est  toujours  singulier  de  voir 
les  vins  d'Argenteuil ,   d'Aubervilliers,  de  Montmo- 


116  NOTES   ET   ÉCLAIRCISSEMENTS 

rency,  comptés  parmi  les  bons  crus.  »  Je  ne  crois  pas 
que  le  vin  d'Aubervilliers  soit  cité  dans  ce  fabliau. 
Auviler  (v.  29),  nommé  entre  Soissons  et  Epernay,  est 
le  Hautvillers  situé  dans  la  Marne,  arr.  de  Reims, 
canton  d'Ay.  C'est  le  même  qui  est  désigné  au  v.  95. 
Le  ms.  de  Berne  donne  cette  leçon  : 

Espernais  dist  et  Auviler  : 
Argentuel,  tu  wes  aviller. . . . 

et  le  ms.  fr.  837,  Bibl.  nat.,  cette  autre  : 

Espernai  dist  a  Aviler  : 
Argentueil,  trop  veus  aviler. . . . 

a  du  premier  vers  au  sens  de  avec.  Epernay  repousse 
les  prétentions  d'Argenteuil  en  son  nom  et  en  celui 
d'Hautvillers. 

P.  26,  V.  99.  —  Le  vin  de  Chaalons  dont  il  s'agit  ici 
ne  peut  être  le  même  que  le  dant  Petart  de  Chaalons 
excommunié  (v.  53)  par  le  prêtre  anglais.  Rains 
(Reims)  et  Chaalons  (probablement  Châlons-sur- 
Marne)  sont  ici  deux  bons  vins,  puisque  Epernay  et 
Hautvillers,  voulant  donner  une  haute  idée  de  leur 
valeur,  disent  qu'ils  les  passent. 

P.  27,  V.  115-122.  —  Ce  qu'affirme  notre  poète  du 
commerce  étendu  des  vins  de  La  Rochelle  est  de  la  plus 
exacte  vérité  ;  il  serait  facile  de  citer  une  foule  de 
textes  à  l'appui.  Legrand  d'Aussy  semble  en  douter. 


NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS  117 

«  Est-il  possible,  dit-il (iVo^es,  etc.,  p.  41),  que  La  Ro- 
chelle et  son  petit  canton  pussent  fournir  nos  provinces 
septentrionales  et  une  partie  des  royaumes  du  nord  ?  » 
On  comprenait  sans  doute  alors  sous  le  nom  de  vins  de 
La  Rochelle  les  vins  de  l'Aunis  et  de  l'Angoumois,  qui 
étaient  expédiés  de  ce  port,  comme  nous  comprenons 
sous  le  nom  générique  de  vins  de  Bordeaux  tous  les 
produits  des  crûs  de  la  région  bordelaise.  —  Le  vin 
de  La  Rochelle  était  très  estimé  ;  une  foule  de  té- 
moignages l'attestent,  et  le  poète  pouvait  lui  faire  dire  ; 
Je  sut  des  vins  li  sebelins.  Une  remarque  à  propos  de 
ce  vers  ;  il  signifie  :  Je  suis  le  plus  précieux  des  vins. 
La  martre  zibeline,  surtout  la  noire,  était,  au  moyen 
âge,  la  plus  recherchée  et  la  plus  chère  des  fourrures. 
Dans  la  langue  du  blason,  on  la  désignait  par  le  nom 
de  sable  et  elle  était  marquée  par  la  couleur  noire.  On 
l'appelle  encore  sable  en  anglais. 

P.  27,  V.  123-136.  —  Dans  ce  passage,  nous  voyons 
les  vins  de  la  Guyenne,  de  la  Saintonge  et  du  Poitou, 
prendre  part  à  la  lutte  :  Saint-Jean-d'Angely,  Saintes 
(ch.-l.  d'arr.  de  la  Charente-Inférieure),  Angoulême, 
Bordeaux,  Poitiers.  On  est  étonné  de  voir  le  Bordelais 
tenir  si  peu  de  place  dans  l'œuvre  de  notre  trouvère. 

P.  27,  V.  124.  —  J'ai  déjà  signalé  dans  l'introduction 
l'erreur  singulière  de  Legrand  d'Aussy,  qui  prend  le 
nom  de  notre  trouvère  pour  celui  d'un  crû  et  qui  lui 
applique  cette  note  :  «  Cet  Andeli  est  celui  du  Quercy 
ou  celui  de  Saintonge.  »  (Op.  cit.^  p.  42.) 


118  NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS 

P.  28,  V.  133-134.  —  On  lit  dans  le  Dict.  de  La  Curne, 
V.  costoyer  :  «  Ce  mot,  dans  le  passage  suivant,  paroît 
difficile  à  expliquer  : 

Le  bon  vin  blanc  de  Poitiers 


Tant  est  fort  que  par  son  orgueil 
Se  fau  costoier  au  soleil .  » 


L'éditeur  du  Dict.  ajoute  en  note  :  «  Un  adage  du 
XVI®  siècle  dit  encore  (Leroux  de  Lincy,  I,  383)  :  Le  vin 
est  si  frais  à  Poitiers  qu'il  esteindroit  le  feu  d'enfer.  Il 
vous  force  donc  de  vous  accoter  au  soleil.  » 

Mais  aucun  des  deux  mss.  ne  donne  la  leçon  se  fau; 
on  lit  dans  le  ms.  837  se  fait,  et  dans  celui  de  Berne 
se  fait  il  toster  (au  sens  de  chauffer,  griller).  L'expli- 
cation ne  peut  donc  être  admise. 

A  costoier,  on  trouve  dans  le  même  Dictionnaire  : 
«  Cultiver,  Ce  mot  est  employé  figurément  dans  ces 
vers,  où  l'on  dit  en  parlant  d'une  femme  galante  : 

Ja  n'est  (ne  sera)  bien  sa  terre  oostoié 

Tant  com  el  n'ait  c'un  buef  (bœuf)  à  sa  karue .  » 

(Kievre  de  Rains,  Poës.  mss.  av.  1300,  t.  III, 
p.  1167). 

En  s'autorisant  de  cet  exemple,  on  peut,  je  crois, 
interpréter  ainsi  les  deux  vers  de  Henri  d'Andeli  :  Il 
est  si  fort,  parce  qu'il  se  fait,  ce  vin  orgueilleux,  culti- 
ver au  soleil. 


NOTES   ET   ÉCLAIRCISSEMENTS  119 

Remarquons  encore  le  rapport  qui  existe  entre 
l'adage  cité  par  Leroux  de  Lincy  et  le  v.  132  : 

Par  la  froidure  de  sa  roche. 

P.  28,  V.  137-139.  —  Nos  deux  mss.  diffèrent  encore 
sur  deux  de  ces  noms  : 

Ms.  837,  Bibl.  nat.  : 

Channi,  Montrichart,  Laçoy 
Chastel  Raoul  et  Betesi 
Monmorillon  et  Ysoudun. . . . 

Ms.  de  Berne  : 

Chauveni,  Montrichart,  Lacoy 
Chastel  Raol  et  Besançoi 
Montmorillon  et  Ysodun. . . . 

Chauveni  et  Besançoi  du  ms.  de  Berne  me  paraissent 
préférables  ;  ils  se  trouvent  dans  la  même  région  que 
les  autres  lieux  cités.  Chauveni  =  Chauvigny,  Vienne, 
ch.-l.  de  cant.,  arr.  de  Montmorillon  ;  Besançoi  =  Bu- 
zançais,  Indre,  ch.-l.  de  cant.,  arr.  de  Châteauroux. 

Montmorillon  et  Chauvigny  sont  dans  la  Vienne  ; 
Châteauroux ,  Issoudun  et  Buzançais  dans  l'Indre  ; 
Montrichard  est  un  ch.-l.  de  cant.  du  Loir-et-Cher , 
arr.  de  Blois,  et  il  est  probable  que  Laçoy  est  Lassay 
qui  se  trouve  dans  le  même  département,  arr.  de  Ro- 
morantin.  Il  y  a  aussi  dans  la  Mayenne  un  Lassay, 
ch.-l.  de  canton. 

31 


120  NOTES   ET  ÉCLAIRCISSEMENTS 

Déplus,  la  leçon  Channi,  n'ayant  que  deux  syllabes, 
oblige  à  en  donner  trois  à  Laçoy  qui  ne  peut  d'ailleurs 
rimer  avec  Betesi  qu'à  cette  condition.  Cela  ne  paraît 
pas  possible,  et  pour  cette  raison  encore  la  leçon  du 
ms.  de  Berne  me  semble  meilleure. 

Quant  à  Channi  et  à  Betesi,  ils  répondraient  sans 
doute  :  le  premier  à  Chagny,  ch.-l.  de  cant.  de  Saône- 
et-Loire,  le  second  à  Bethisy-Saint-Martin  ou  à  Be- 
thisy-Saint-Pierre,  bourgs  du  département  de  l'Oise, 
arr.  de  Senlis,  cant.  de  Crespy. 

Le  Chastel  Raol,  qui  adonné  son  nom  à  Châteauroux, 
existe  encore  ;  il  a  été  bâti  au  x"  siècle  par  Raoul  de 
Déols. 

P.  28,  V.  143.  —  Dans  sa  notice  sur  Issoudun  {Hist. 
des  villes  de  France.,  Paris,  1845,  t.  IV,  p.  206-210), 
M.  Chenu  de  Pierry  a  interprété  ce  passage  d'une  façon 
qui  n'est  pas  conforme  à  la  pensée  de  l'auteur.  «  Les 
vins  de  ce  territoire,  dit-il  (p.  209),  n'ont  plus  la  répu- 
tation dont  ils  jouissaient  encore  au  moyen  âge.  Un 
auteur  au  xii'^  siècle  mettant  en  scène  les  vins  du  Bor- 
delais, de  la  Saintonge,  de  l'Angoumois  et  du  Poitou, 
leur  faisait  disputer  tour  à  tour  le  privilège  de  fournir 
la  table  de  Philippe-Auguste;  mais  Issoudun,  Châ- 
teauroux et  Sancerre  les  arrêtant,  soutenaient  l'hon- 
neur des  vins  français.  (Leurs  adversaires  sortaient 
du  duché  de  Guyenne,  appartenant  à  l'Angleterre.) 
«  Si  vous  avez  plus  de  force  que  nous,  disaient-ils, 
nous  avons  en  récompense  une  finesse  et  une  sève  qui 


NOTES   ET   ÉCLAIRCISSEMENTS  121 

VOUS  manquent,  et  jamais  on  n'entend  ni  les  yeux  ni  la 
tête  nous  faire  de  reproches.  »  Cette  dernière  assertion 
est  contredite  par  Guillaume  le  Breton  ;  il  affirme  que 
le  vin  d'Issoudun  enivre  ceux  qui,  «  dédaignant  associer 
Thétis  àBacçhus»,  en  boivent  témérairement.  —  Loin 
de  soutenir  l'honneur  des  vins  français,  (je  rappelle 
que,  sous  cette  dénomination,  Henri  d'Andeli  comprend 
exclusivement  les  vins  de  l'Ile-de-France),  Issoudun  et 
Châteauroux  (Sancerre  n'est  pas  nommé  dans  ce  pas- 
sage) s'efforcent  d'abattre  leur  jactance,  et  c'est  à  eux 
précisément  que  les  vins  français  répondent  : 

Se  vous  estes  plus  fort  de  nous, 
Nous  sommes  sade,  savourous, 
Si  ne  fesons  nule  tempeste 
A  cuer,  n'a  corz,  n'a  oeil,  n'a  teste. 

Henri  d'Andeli  et  Guillaume  le  Breton ,  loin  de  se 
contredire,  sont  donc  parfaitement  d'accord  sur  la  force 
du  vin  d'Issoudun. 

P.  28,  V.  149.  —  Voici  les  leçons  des  deux  mss.  : 

Ms.  837,  Bib.  nat.  : 

Mes  Vermandois,  S.  Brice,  Auçuerre. . . 
Ms.  de  Berne  : 

Mais  Vermentun,  S.  Brice,  Auçuere. . . . 

Vermentun  est  manifestement  ici  la  bonne  leçon. 
Saint-Bris  et  Vermenton  sont  deux  villages  voisins 


122  NOTES   ET  ÉCLAIRCISSEMENTS 

d'Auxerre  ;  Saint-Bris  au  sud-ouest  d'Auxerre,  sur  les 
coteaux  qui  dominent  la  rive  droite  de  l'Yonne  ;  Ver- 
menton  un  peu  plus  au  sud-ouest,  sur  la  Cure,  peu 
avant  son  confluent  avec  l'Yonne.  Ces  trois  vins,  qui 
ont  pour  qualité  commune  de  faire  gésir  les  genz  au 
fuerre,  c'est-à-dire  de  les  coucher  sur  la  paille,  appar- 
tiennent à  la  même  région.  Les  vins  de  l'Auxerrois 
sont  toujours  représentés  par  les  trouvères  comme 
forts  et  capiteux. 

Nous  trouvons,  v.  93,  dans  les  deux  mss.,  le  nom  de 
Vermandois,  qui  ne  peut  être  une  erreur  de  copiste,  puis- 
qu'il rime  avec  dois.  Faut-il  y  voir  une  autre  forme  du 
mot  Vermentun?  J'incline  à  le  croire,  parce  que  le  ms. 
837  l'écrit  encore  ainsi  là  oii  il  s'agit  bien  évidemment 
du  moderne  Vermenton,  et  parce  qu'il  ne  saurait  être 
question  du  pays  du  Vermandois  (Picardie)  qui,'  par  sa 
position,  ne  pouvait  fournir  de  bons  vins  ;  or  le  fabliau, 
parlant  de  deux  vins  bien  dignes  de  prendre  place  au 
dois,  c'est-à-dire  à  la  table,  dit  qu'ils  passent  Ver- 
mandois, c'est-à-dire  un  bon  vin,  car  ce  ne  serait  pas 
faire  leur  éloge  que  de  les  dire  supérieurs  à  un  vin 
médiocre. 

«  Il  y  a,  dit  Legrand  d'Aussy  {op.  cit.,  p.  48),  un  Saint- 
Brice  en  Limousin,  un  autre  en  Anjou,  deux  en  Cham- 
pagne, deux  dans  l'Agénois.  »  Ces  divers  Saint-Brice 
n'ont  rien  à  faire  ici. 

P.  29,  V.  167-168.  —  Legrand  d'Aussy  {Fabliaux, 
t.  III,  p.  37)  a  fait  à  cet  endroit  un  singulier  contre-sens  : 


NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS  123 

«  C'était  une  jolie  quintaine  que  celle  de  ces  champions 
disposés  au  combat. ...  et  je  gage  même  qu'aucun 
d'eux  n'eût  demandé  la  quarantaine.  »  Henri  d'An- 
deli  se  borne  à  dire  plaisamment  que  se  livrer  à  un 
pareil  exercice  (celui  de  boire  de  bon  vin),  c'est  se 
préserver  de  la  fièvre  quarte. 

P.  29,  V.  173-17G.  —  Encore  un  passage  sur  lequel 
diffèrent  les  deux  mss. 


Ms.  837  : 


Et  a  chascùn  donoit .  j  .  baut. 
Et  puis  si  disoit  :  «  Ysebaut, 
Bien  S.  Thomas  qui  fu  martin, 
Goditouet,  ci  a  bon  vin.  » 

Ms.  de  Berne  : 

A  cascuns  vin  donoit  .  j  .  bout, 
Et  puis  si  disoit  :  «  Ise  goût, 
Bi  saint  Thomas  qui  fu  martin, 
Giditoet,  ci  a  bon  vin.  » 

La  leçon  du  ms.  de  Berne  me  semble  encore  ici  préfé- 
rable ;  les  mots  anglais  y  sont  moins  altérés.  Ise  goût 
se  comprend  aisément;  ces  mots  sont  peu  éloignés  de 
la  forme  moderne  it  is  good;  bi=  hy,  qui  signifie  par. 
Quant  à  Goditouet  du  ms.  837,  qui  me  paraît  meilleur 
que  le  Giditoet  du  ms.  de  Berne,  je  ne  puis  ni  l'ana- 
lyser ni  l'interpréter  ;  la  première  partie  du  mot  repré- 
sente God^  Dieu,  et  alors  il  y  aurait  là  un  juron,  ou 


124  NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS 

goodj  bon,  mais  que  veut  dire  le  reste  ?  Le  premier  de 
ces  quatre  vers  me  paraît  signifier  que  le  prêtre  anglais 
livrait  un  assaut  à  chacun  des  vins;  bouter  veut  dire  en 
roman  pousser,  et  l'anglais  a  conservé  encore  le  subs- 
tantif bout  dans  le  sens  de  coup. 

Le  mot  français  martin  signifie  ici  martyr  ;  la  termi- 
naison a  été  modifiée  pour  la  rime  ;  c'est  une  licence 
que  se  permettent  parfois  les  trouvères  et  dont  on 
trouve  maints  exemples  : 

Il  vaut  grant  monnoie  ; 
Nous  le  garderon. 
Qui  li  a  apris  a  parler  laton  (latin). 

{Du  Prestre  qui  fu  mis  au  lardier.  —  A.  de  Mon- 
taiglon  et  G.  Raynaud,  Fabliaux,  t.  II,  p.  27-28). 

Et  maintenant  la  dame  envoie 

Son  ami  a  grant  aleûre,  ' 

Puis  saut  et  délie  la  mure  (mule). 

{Des  Tresces.  —  Ibid.,  t.  IV,  p.  71). 

Qui  bien  vuelt  a  une  partie 

De  mon  cors,  et  a  autre  mal 

Est  ce  amor  entière  ?  Nenal  (Nenil). 

(La  Vie  de  saint  Alexi,  v.  194-196.  —  Romania, 
n°  30,  avril  1879,  p.  171). 


NOTES  ET   ÉCLAIRCISSEMENTS  125 

P.  29,  V.  178,  —  Entre  la  leçon  du  ms.  de  Berne  : 

Hersoi  drinçoi  fu  son  clerçon, 
et  celle  du  ms.  837  : 

Guersoi  dunque  fu  son  clerçon, 

il  semble  qu'il  n'y  ait  pas  à  hésiter.  Drinçoi  représente 
le  verbe  anglais  to  drink.  S'il  arrive  qu'un  copiste  rem- 
place par  un  mot  français  un  terme  anglais  qu'il  ne 
comprend  pas,  il  est  inadmissible  qu'il  substitue  un  mot 
anglais  à  un  mot  français.  Evidemment  drinçoi  était 
dans  le  texte  de  l'auteur.  L'expression  Hersoi  (ou 
Guersoi)  drinçoi  répond  à  une  locution  bien  connue 
dont  on  a  des  exemples  en  latin  et  en  français.  On 
trouve  dans  le  Regestrum  Visitationum  d'Eude  Ri- 
gaud  :  «  Item,  presbyter  de  Ribuef  fréquentât  tabernas 

eipotat  ad  garsoil,  p.  29  ; inquiratur  àepotato- 

ribus  ad  warseil,  p.  137;    item,   injunximus 

presbytère  Sancti  Sulpitii  quod  tabernas  evitaret,  et 

non  biberet  ad  garseil,  p.  329  ; Rogerus,  cano- 

nicus,  erat  vinolentus  et  fréquenter  immoderate  pota- 
bat ;  ipsi  vero  inhibuimus  ne  ampliuspo^«re^  ad  garsel- 
luniy  p.  458.»  Le  sens  est  bien  clair:  boire  avec  excès. 
On  lit  dans  Du  Gange  :  «  Garsallum,  Gall.  Garsoil, 
Guttur,  ut  opiner.  Potare  ad  Garsallum  vel  ad  Gar- 
soil, est  immoderatius  seu  usquead  satietatem  bibere.  » 
Du  Gange  cite  ensuite  deux  exemples  tirés  du  Reges- 
trum Visitationum  et  renvoie  au  mot  Gargocil,  où  il 


l!^  NOTES   ET  ÉCLAIRCISSEMENTS 

dit  :  «  Grargocil  1.  guttur,  Gall.  Gosier.  Bibere  ad 
Gargocil,  in  Statutis  Cisterc.  apud  Marten.  tom.  IV, 
Anecd.  col.  1316,  est  immoderatius  bibere.  »  Jubinal 
[Œuvres  de  Ruteheuf^  Bibl.  elzév.,  1. 1,  p.  110)  donne 
une  autre  étymologie  :  «  A  guersoi,  à  ivrognerie,  par 
gourmandise.  —  Ce  mot,  qui  est  composé  de  guère  et 
de  soif,  me  semble  une  raillerie  philologique  pour 
désigner  l'action  de  boire  beaucoup.  » 
Rutebeuf  a  dit  dans  la  Complainte  d'Outre-Mer  : 

en  la  sainte  croiz  cria 

Aus  Juys  qu'il  moroit  de  soi  : 

Ce  n'ert  pas  por  boivre  a  gitersoi, 

Ainz  avoit  soi  de  nous  reembre.  V.  62-65. 

{Œu/vres  de  Rutebeuf,  Bibl.  elzév.,  t.  I,  p.  1,10). 

Jubinal  a  publié  à  la  suite  des  œuvres  de  ce  poète 
(t.  III,  additions,  p.  347-352)  le  Dit  de  Guersay,  dû  à  un 
rimeur  inconnu. 

Je  citerai  encore  deux  exemples  de  ce  mot  :  dans  le 
premier,  il  sert  d'invitation  à  boire  ;  dans  le  second,  il 
a  le  sens  d'ivrognerie  : 

Mes  tien  le  hanap,  si  di,  hâve, 
Conpaingnon,  je  te  di  guersai. 

[Renart,  3168-69). 

A  none,  si  comme  il  soleit, 
Menjout  ;  mes  son  mengier  n'ert  pas 
Farsi  de  chufles  ne  de  gas, 


NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS  127 

De  bordes  ne  de  lecheries, 
De  guerseiz  ne  de  gloutonnies. 

{La  Vie  de  saint  Alexi,  v.  42-46.  — Romania,  no30, 
avril  1879,  p,  170). 

P.  29,  V.  182.  —  Le  prêtre  anglais  jette  la  chandeille 
(cierge)  à  terre  en  excommuniant  la  cervoise;  c'est  ce 
que  faisait  toujours  celui  qui  prononçait  la  formule 
d'excommunication. 

«(  De  Jhesu  Grist,  fet  il,  soient  il  tut  maldit!  » 
Dune  ad  geté  aval,  quant  oût  cel  mot  dit, 
De  sur  le  pavement  la  chandeille  en  défit;... 

(Saint  Thomas,  édition  Hippeau,  v.  4876-78). 

Dans  Renart  le  Novel,  l'archiprêtre  Timer  (l'âne), 
accompagné  de  deux  de  ses  fils  portant  clohe,  candeille 
et  benoitier,  excommunie  Renart  : 

Et  quant  fist  le  candeille  esteindre, 

Si  dist  pour  plus  Renart  destraindre. 

Pour  cou  qu'iert  en  mauvais  estât. 

Amen,  amen,  finit,  fiât.  V.  6095-98. 

[Renart,  édition  Méon,  t.  IV,  p.  376). 

P.  30,  V.  187  et  suiv. —  Ainsi  ce  sont  deux  vins  étran- 
gers qui  obtiennent  la  prééminence  :  Chypre  et  Aquilat. 
Ce  dernier  nom  représente-t-il  Aquilée,  port  des  Etats 
autrichiens  situé  au  fond  de  l'Adriatique  sur  l'empla- 
cement de  l'antique  Aquilée,  qui  du  temps  des  Romains 

32 


128  NOTKS  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS 

fut  très  florissante,  ou  Aquila,  ville  des  Abruzzes,  dans 
la  vallée  de  l'Aterino  ?  —  Il  est  fâcheux  que  Henri  d'An- 
deli  ne  nous  ait  pas  donné  les  noms  des  vins  dont 
Philippe  fit  «  douze  pers  en  France.  » 

P.  30,  V. 201-202.  —  M.  P.  Meyer  {Troisième  rapport 
sur  une  mission  littéraire  en  Angleterre  et  en  Ecosse, 
Archives  des  Missions  scientifiques  et  littéraires, 
2*  série,  t.  V,  p.  175)  cite  ces  vers  du  ms.  Digby  53 
(Bibl.  Bodleïenne),  f .  8  : 

Ki  meuz  ne  pot  a  sa  veille  se  dort. 

Pars  sit  anus  thorl  cum  posse  caret  meliorl. 

Çum  (Z.  cui)  non  posse  datur  melius  vetule  sociatur. 

Qui  meliora  nequid  vetule  fert  basia  que  quit. 

Leroux  de  Lincy,  cité  également  par  M.  P.  Meyer, 
donne  {Livre  des  proverbes  français,  etc.,  2^  édit., 
in-12,  1859,  t.  II,  p.  396)  ce  vers  tiré  du  ms.  de  la 
Bibl.  nat.,  Colbert,  n^  7618^3  : 

Qui  mieux  ne  peut  faire  o  sa  veille  se  dort. 

Dans  le  dit  du  Plaît  Renart  de  Dammartin  contre 
Vairon  son  roncin  (Jubinal,  Nouveau  Recueil,  etc., 
t.  II,  p.  26),  on  retrouve  le  même  proverbe  : 

Je  ne  puis.  Tu  m'as  dit  que  doneor  sont  mort  : 
Je  sui  cil  qui  par  force  a  sa  vielle  se  dort. 

Ce  proverbe  est  parvenu  jusqu'à  nous  sous  cette 
forme  :  Faute  de  mieux,  on  couche  avec  sa  femme. 


NOTKS   ET  ÉCLAIRCISSEMENTS  129 

P.  30,  V.  203-204.  —  Ces  deux  vers  signifient  :  Que 
notre  vin  soit  de  qualité  moyenne  on  d'un  goût  plus 
relevé,  buvons-le  tel  que  Dieu  nous  le  donne.  Ces  trois 
mots  :  moien,  per  oupersone,  me  semblent  répondre 
pour  les  vins  à  la  distinction  établie  dans  la  nation  : 
tiers-état,  noblesse,  clergé.  Les  pairs  étaient  au  pre- 
mier rang  dans  la  noblesse  féodale  ;  le  mot  pair  est 
d'ailleurs  pris  souvent  dans  le  sens  de  baron,  c'est-à- 
dire  noble  (voir  les  exemples  dans  Du  Cange)  ;  le  per- 
sonat  était  un  degré  de  la  hiérarchie  ecclésiastique.  Du 
Cange  :  «  Persona,  qui  dignitatem  habet  cum  praeroga- 
tiva  in  choro  et  capitule...  » 


NOTES   ET   ECLAIRCISSEMENTS 


LE  DIT  DU  CHANCELIER  PHILIPPE 


P.  32,  V.  36-37.  —  «  Saint  Etienne,  dont  la  fête  tombe 
le  26  décembre.  »  Le  v.  37  rappelle  l'épître  farcie  de 
saint  Etienne  qui  a  été  répandue  au  xii'^  et  au  xiii®  siècle  : 

Conter  vous  veul  la  passion 
De  saint  Esteve  le  baron 
Comment  et  par  quel  mesprison 
Le  lapidèrent  li  félon. 

(Jahrbuch  f.  rom.  LU.  IV,  342).  —  Note  de  M.  P. 
Meyer. 

P.  38,  V.  190.  —  V.  sur  cette  bizarre  étymologie  un 
article  de  M.  A.  Darmesteter  dans  la  Romania,  t.  I, 
p.  360-362.  Après  avoir  cité  les  passages  de  divers 
auteurs  qui,  du  vu*  au  xi**  siècle,  ont  reproduit  cette 
étymologie,  M.  A.  Darmesteter  établit  que  la  respon- 
sabilité en  revient  à  saint  Jérôme  {De  Nominibus 
Hebrœorum), 

Examinons  l'explication  symbolique  dont  Henri 
d'Andeli  se  fait  l'interprète  à  propos  de  cette  étymo- 
logie. La  glose  étrange  qu'il  leproduit  nous  permettra 
de  déterminer  le  sens  exact  d'un  mot  que  La  Curne  de 
Sainte-Palaye  paraît  avoir  mal  expliqué.   Dans  une 


NOTES  ET   ÉCLAIRCISSEMENTS  131 

lampe,  dit  Henri  d'Andeli,  il  y  a  cinq  choses  :  le 
vaisseau  de  verre,  l'huile,  le  plonjon,  lejon  et  le  feu. 
Le  vaisseau  de  verre,  c'est  le  inonde  fragile  comme 
lui,  et  qui  n'est  qu'un  passage  (trespas)  ;  l'huile  repré- 
sente les  délices  et  la  douceur  du  monde  ;  le  plonjon, 
c'est  le  corps  qui  est  plongé  dans  ces  délices  ;  le  jon 
qui  est  boute'  dans  le  jtlonjon,  c'est  le  cœur  qui  est 
placé  dans  le  corps  ;  lijons  art  et  si  gite  flanme;  enfin 
le  feu,  c'est  l'âme  ou  l'esprit. 

On  lit  dans  le  Dict.  de  La  Curne  :  Jonc  :  anneau 
pour  retenir  la  mèche  d'une  lampe;  «  mergulus,  le 
ferret  de  la  lampe,  en  quoy  est  la  mèche  ou  le^o^,  ou 
petit pluvion.  »  (D.  C,  t.  IV,  372  '=.) 

Du  Cange,  auquel  La  Curne  renvoie,  dit  au  mot 
Mergulus  : 

Mergulus.  Johann,  de  Janua  :  Mergulus,  est  dimi- 
nutivum  de  mergus,  et  est  œquivocum  ad  ferrum 
quod  mergitur  in  lampade,  et  ad  tenendum  papy- 
rum,  et  ad  avem  mergum.  Unde  Gloss.  Lat.-Gall. 
Sangerm.  :  Mergulus,  le  ferret  de  la  lampe,  en  quoy 
est  la  mèche  ou  le  jon,  ou  petit  pluvion. 

La  Curne  n'a  pas  bien  compris  l'explication  du  glos- 
saire latin-français  de  Saint-Germain.  Jon  n'y  est  pas 
donné  comme  synonyme  de  ferret  de  la  lampe,  mais 
comme  synonyme  de  mèche.  Il  faut  lire  ainsi  :  le  ferret 
de  la  lampe,  —  en  quoy  est  la  mèche,  ou  lejon,  —  ou 
petit  pluvion.  Le  jon  n'est  donc  pas  l'anneau  ou  le 


132  NOTES   ET   KCLAIRCISSKMENTS 

ferret,  c'est  la  mèche,  et,  s'il  y  avait  quelque  doute,  le 
vers  de  Henri  d'Andeli  suffirait  à  le  lever  : 


Li  jons  art  et  si  gite  flanme. 


L'anneau  ou  le  ferret,  c'est  le  plonjon,  mergulus... 
quod  mergitur  in  lampade.  Le  mot  pluvion  de  la  ci- 
tation de  Du  Gange  doit  être  ou  une  erreur  du  copiste 
ou  une  faute  de  lecture;  il  est  facile  de  confondre 
u  etn;  on  aura  sans  doute  écrit  ou  lu  pluuion  au  lieu 
(\e plunion.  Remarquons  que  petit  plonjon  est  la  tra- 
duction exacte  du  diminutif  mergulus. 

Une  dernière  remarque.  Il  est  singulier  de  trouver 
à  la  rime  des  vers  219  et  220  :  enfer,  enfer  ;  les  trou- 
vères se  gardent  de  rimer  avec  les  mêmes  mots,  au 
moins  dans  le  môme  sens.  Je  crois  que  l'explication 
donnée  plus  haut  du  mot  plonjon  —  ferrum  quod 
mergitur  in  lampade  —  conduit  à  corriger  ainsi  le 
vers  220  : 

Li  cors  c'est  li  plonjons  de  fer . 

On  peut  rapprocher  de  l'interprétation  symbolique 
que  nous  lisons  dans  Henri  d'Andeli  ce  curieux  passage 
dans  lequel  le  monde  est  comparé  à  un  œuf.  Il  est  tiré 
d'une  pièce  intitulée  :  Ici  com,ence  la  petite  philosophie. 
M.  P.  Meyer  l'a  publiée  dans  son  article  sur  les  Ma- 
nuscrits français  de  Cambridge.  —  St  John's  Collège 


NOTES   ET   ÉCLAIRCISSEMENTS  133 

(Romania,  n°  31,  juillet  1879,  p.  305-342).  —  Le  pas- 
sage que  j'extrais  se  trouve  p.  338-339  : 

Li  mond  est  rond(e)  cum  une  pelote, 

Nient  estable  mes  tutdis  mote. 

Une  ne  fu  ne  ja  n'ert  estable 

Mes  tutdis  est  moble  et  remuable  ; 

Par  elemenz  est  destinctez 

Cum  par  un  oef  veer  porrez  : 

L'escale  l'aubun  defors  enclost, 

L'aubun  le  mouel  dedenz  reclost, 

Le  mouel  enclôt  une  gote 

Ke  de  gresse  est  formée  tote  ; 

L'escale  est  ausi  cum  le  ciel, 

L'eir  cum  l'aubun  sor  le  mouel, 

Le  mouel  enclôt  la  crasse  gote 

Et  l'eir  purceint  la  terre  tote. 

Savoir  poet  ki  sens  ad  parfond 

Ke  le  ciel  enclôt  tuit  le  mond.  v.  85-100. 

P.  40,  V.  240-242.  —  «  On  appelle  oo,  à  cause  de 
leur  début  (0  sapientia ...  —  0  Adonaî'. . .  —  0  radix 
Jesse...  —  0  clavis  David...  —  0  oriens...  —  0 
rex  gentium, ..  —  0  Emmanuel. . .),  les  grandes  an- 
tiennes qui  se  chantent  pendant  les  dimanches  qui 
précèdent  Noël,  à  partir  du  17  décembre,  avant  et 
après  le  Magnificat.  »  (Note  de  M.  P.  Meyer.) 

P.  40,  V.  256.—  «  Un  texte  à  ajouter,  dit  M.  P. 
Meyer,  à  ceux  que  feu  Du  Méril  a  réunis  dans  son 
mémoire  sur  l'usage  des  tablettes  en  cire,  Etudes  sur 


134  NOTES  ET   ÉCLAIRCISSEMENTS 

quelques  points  d'archéologie  et  d'histoire  littéraire 
(1862),  p.  109-111.» 

Cet  usage  a  été  conservé  à  Rouen.  Dans  un  mémoire 
touchant  l'usage  d'écrire  sur  des  tablettes  de  cire  {Mé- 
moires de  littérature  tirés  des  registres  de  l'Académie 
des  Inscriptions  et  Belles- Lettres,  1753,  p.  278),  l'abbé 
Lebeuf  dit  :  «  La  même  chose  est  attestée  pour  la  fin 
du  même  siècle  (xviie)  à  l'égard  de  la  cathédrale  de 
Rouen,  par  le  sieur  le  Brun  des  Marettes,  auteur  du 
Voyage  liturgique,  composé  alors,  mais  imprimé  seule- 
ment en  1718,  à  la  réserve  qu'on  n'écrivoit  le  nom  des 
officiers  qu'avec  un  simple  poinçon.  Je  ne  suis  pas 
certain  que  cet  usage  subsiste  encore  à  Ç,ouen  ;  mais  il 
étoit  en  vigueur  l'an  1722,  auquel  je  vis  les  officiers  de 
la  semaine  courante,  in  tahulis,  sur  de  la  cire,  ainsi 
que  je  l'avois  lu  dans  le  Voyage  liturgique.  » 

Aujourd'hui  encore,  aux  halles  de  Rouen  (Vieux- 
Marché),  les  adjudications  du  poisson  vendu  à  la  criée 
sont  inscrites  sur  de  longues  tablettes  dont  les  deux 
côtés  sont  enduits  de  cire  noire.  C'est  peut-être  le  seul 
exemple  en  France  de  la  conservation  de  cet  antique 
usage. 


NOTES   ET  ÉCLAIRCISSEMENTS  135 


BATAILLE  DES  VII  ARTS 


P.  43,  V.  7-8. —  Il  est  souvent  bien  difScile  de 
retrouver  le  sens  exact  des  sobriquets.  Le  mot  autO" 
riaus,  diminutif  de  mépris  du  mot  auteur,  se  comprend 
aisément  (Cf.  logieieniaus^  v.  274,  avocatiaus,  368), 
mais  glomeriaus  (ms.  19152,  gomereax)  est  moins 
clair.  Jubinal  l'explique  ainsi  :  «  Gomer  veut  dire  une 
chose  de  peu  de  valeur,  peut-être  une  petite  monnaie. 
Le  terme  de  clercs  glomeriaus  voudrait  donc  dire  :  clercs 
dont  on  fait  peu  de  cas.  »  Ce  sens  est  bien  évident  ; 
mais  il  s'agit  toujours  de  trouver  quelle  est  réellement 
cette  chose  de  peu  de  valeur.  Si  l'on  adopte  la  leçon 
glomeriaus^  on  ne  peut  la  tirer  de  gomer,  mais  elle  a 
peut-être  un  rapport  avec  le  mot  Glomerum,  pour 
lequel  Du  Cange  donne  cette  glose  d'Ugutio  :  Pallium 
pastorale.  Le  gomereax  du  ms.  19152  viendrait  bien 
de  gomer,  qui  lui-même  me  paraît  tiré  du  latin 
gomarus.  Je  trouve  encore  dans  Du  Cange  :  «  Gomarus, 
Piscis^  in  Glossar.  Lat.-Gall.  ex  Cod.  reg.  7679.  » 
Du  Cange  ajoute  que  ce  glossaire  a  oublié  le  mot  fran- 
çais, «  omittitur  vox  Gallica  »,  et  se  demande  si  ce 
mot  ne  serait  pas  homard,  «  an  pro  Homarus,  Astacus. 
Gall.  Homard  ?»  Il  renvoie  à  Gambarus,  qu'il  glose 

33 


136  NOTES   ET   ÉCLAIRCISSEMENTS 

ainsi  :  «  Cancer,  ostacus,  vox  Italica  Gambaro,  nostris 
Ecrevisse.  Ex  lat.  Gammarus  ».  Le  mot  gomer  se 
trouve  dans  ce  passage  du  Roman  de  la  Rose  : 

D'amer  povre  hom  ne  li  chaille, 
Qu'il  n'est  riens  que  povres  bons  vaille  ; 
Se  c'iert  Ovide  ou  Omers, 
Ne  les  prise  pas  deux  gomers. 

Ce  qui  voudrait  dire  :  Je  n'en  fais  pas  le  cas  de 
deux  écrevisses. 

P.  43,  V.  16.  —  Quiquelique  est  encore  une  de  ces 
appellations  dérisoires  dont  le  sens  échappe.  On  trouve 
dans  le  Roman  du  Renart  (édit.  Méon,  t.  III,  v.  21205- 
21206)  : 

Sez  tu  riens  de  dialectique  ? 

Oïl,  tote  quique  liquique. 

Je  ne  cite  que  pour  mémoire  l'explication  de  ce  mot 
donnée  par  'Roq\iefort(Glossaire de  la  langue  romane, 
t.  II)  :  «  Quiquelikike,  le  cri  du  coq,  pour  désigner 
quelque  personnage  impertinent.  »  Il  est  difficile  de 
voir  ce  qu'une  pareille  interprétation  peut  avoir  de 
commun  avec  la  logique. 

P.  44,  V.  25.  —  Ce  nom  à'Omers  ne  désigne  pas  ici 
l'illustre  auteur  de  l'Iliade  et  de  l'Odyssée  ;  l'étude  de 
la  langue  grecque  était  une  exception  très  rare  à  cette 
époque.  L'auteur  veut  parler  de  l'abrégé  de  l'Iliade, 
Iliados  epitome,   en   1075  vers  hexamètres,  composé 


NOTES  ET   ÉCLAIRCISSEMENTS  137 

avant  le  iv®  siècle  de  notre  ère  ;  il  nous  a  été  conservé 
par  beaucoup  de  mss.,  dont  quelques-uns  donnent  ce 
titre  :  Homerus  de  bello  Trojano  ou  De  Lestructione 
Trojœ.  D'autres  mss.  portent  ce  titre  :  Homeri 
Iliadum  opus  per  Pindarum  Thehanum  e  Grœco  in 
Latinum  traductum.  Ce  Pindare  ne  serait  pas  le  poète 
lyrique,  mais  un  autre  Pindare,  grammairien 
d'Alexandrie. 

Quelques  mss.  l'attribuent  soit  à  Pandarus,  soit  à 
Pintatius  ou  Pintadius.  Pandarus  est  le  nom  d'un  chef 
qui  figure  parmi  les  défenseurs  de  Troie  ;  on  eut  au 
moyen  âge  la  singulière  idée  de  lui  attribuer  cet  ou- 
vrage, de  même  qu'on  rapportait  à  Dictys  de  Crète  et  à 
Darés  le  Phrygien,  ses  contemporains,  des  relations  du 
siège.  Quant  à  Pintadius,  il  ne  s'est  occupé  que  de  jeux 
d'esprit  et  de  difficultés  métriques,  tandis  que  le  style 
de  l'Epitome  est  simple  et  aisé. 

Le  mieux  qu'on  puisse  faire,  c'est  d'avouer  qu'on  ne 
connaît  pas  le  véritable  nom  de  l'auteur  de  cet  opus- 
cule, à  moins  qu'on  ne  veuille  l'attribuer  à  Rufus 
Festus  Avienus,  comme  l'a  fait  Wernsdorf  dans  son 
édition  des  Poetœ  latini  minores,  reproduite  par 
Lemaire  dans  sa  Bibliothèque  latine. 

P.  44,  V.  26.  —  Donat  et  Priscien  furent  les  deux 
grandes  autorités  grammaticales  du  moyen  âge,  et 
leurs  ouvrages  furent  étudiés  et  commentés  dans  les 
écoles  jusqu'au  xiii*  siècle,  époque  à  laquelle  parurent 
le  Grecismus  d'Evrard  de  Béthune  et  le  Doctrinale 


13S  NOTES   BT  ÉCLAIRCISSEMENTS 

puerorum  d'Alexandre  de  Villedieu  qui,  après  avoir 
partagé  leur  vogue,  finirent  par  les  remplacer  au  xiv^ 
siècle.  On  ne  se  servait  même  plus,  au  xii®  siècle,  de 
tous  les  ouvrages  de  Donat  et  de  Priscien.  «  On  n'em- 
ployait de  Donat,  dit  M.  Ch.  Thurot  {Hist.  des  doc- 
trines gramm.  au  moyen  âge^  Not.  et  Extr.  des  mss., 
t.  XXII,  2®  partie,  p.  94),  que  l'abrégé  rédigé  par  ques- 
tions et  par  réponses,  que  l'on  désignait  sous  le  nom 
de  Donatus  minor,  et  le  troisième  livre  de  son  Ars 
wfly'o?',  que  l'on  appelait  déjà  du  temps  de  Hugues  de 
Saint-Victor  Barbarismus.  Quand  les  grammairiens 
citent  Donat,  c'est  toujours  à  VArs  minor  qu'ils  font 
allusion.  Les  deux  premiers  livres  de  VArs  major 
étaient  tombés  en  désuétude.  Quant  à  Priscien,  on  n'en 
connaissait  plus  que  le  traité  De  Accentibus,  qui  lui 
était  attribué,  et  les  Institutiones  grammaticœ,  dont 
les  seize  premiers  livres  formaient  ce  qu'on  appelait 
Prisci  volumen  majus,  Priscianus  major  ou  volumen 
majus,  et  dont  les  deux  derniers  étaient  désignés  sous 
les  noms  de  Prisciani  volumen  minus,  Priscianus 
minor  ou  volumen  minus.  » 

P.  44,  V.  27-28.  —  Henri  d'Andeli  entend  par 
chevaliers  autoristres  les  auteurs  Homère,  Claudien, 
Perse,  et  par  ecuyers  menistres  (serviteurs),  les 
grammairiens  Donat  et  Priscien  qu'il  met  au  service 
des  poètes. 

P.  44,  V.  33-35.  —  Je  n'ai  pu  trouver  rien  de  con- 
cluant sur  €  ces  chevaliers  d'Orléans  »  qui  viennent 


NOTES   ET  ÉCLAIRCISSEMENTS  139 

défendre  la  cause  de  Grammaire.  Il  faut  sans  doute 
voir  en  eux  des  docteurs  ou  des  maîtres  contemporains 
de  Henri  d'Andeli,  ou  bien  des  auteurs  ayant  vécu 
antérieurement  et  dont  les  œuvres  figureraient  ici 
sous  le  nom  de  leurs  auteurs  dans  la  lutte  entre 
Grammaire  et  Logique.  Si  l'on  adoptait  cette  dernière 
hypothèse,  on  pourrait  voir  dans  «  Oede  »  Odon  qui, 
né  à  Orléans^  quelques  années  avant  la  dernière 
moitié  du  xi*  siècle,  enseigna  les  lettres  d'abord  à 
Toul,  puis  à  Tournay,  où  il  fut  abbé  de  Saint-Martin, 
devint  ensuite  évêque  de  Gambray,  et  mourut  le 
19  juin  1113.  «  Avant qu'Odon,  dit  V Histoire  littéraire 
de  la  France  (t.  IX,  p.  594),  quittât  la  ville  d'Orléans, 
lieu  de  sa  naissance,  et  par  conséquent  lorsqu'il  était 
encore  jeune,  il  avait  déjà  composé  un  poème  sur  la 
fameuse  guerre  de  Troie....  On  ne  trouve  plus  au  reste 
nulle  part  ce  poème  d'Odon,  qui  paraît  avoir  été  le 
premier  de  ses  écrits.  »  Il  est  possible  que  cette  œuvre, 
composée  à  Orléans,  et  dont  un  contemporain,  Godefroy 
scholastique  de  Reims,  vante  la  douceur  et  l'harmonie, 
ait  continué  d'être  en  vogue  dans  les  écoles  de  cette 
ville  au  xii®  et  au  xni®  siècle. 

Il  est  d'ailleurs  bien  difficile,  en  l'absence  de  toute 
autre  indication,  de  déterminer  à  qui  peut  se  rapporter 
un  nom  propre  que  tant  de  personnages  ont  porté.  Il 
en  est  de  même  du  nom  de  Garnier.  «  C'est  peut-être, 
dit  Jnhinal  (Œuvres  de  Rutebeuf,  Bibl.  elzév.,  t.  III, 
p.  328-329),  le  Garnier  qui  enseignait  au  xiii^  siècle  la 


140  NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS 

grammaire  à  Paris  avec  tant  de  succès,  et  dont  Pierre- 
le-Ohantre  vante  le  désintéressement  (V.  Hist.  litt. 
de  la  France,  t.  IX,  p.  144).  » 

Quant  à  Balsamon,  je  ne  connais  aucun  auteur  qui 
en  France  ait  porté  ce  nom. 

P.  44,  V.  36-38.  —  Il  faut  convenir  que  ce  Balsamon 
porte  sur  son  écu  de  bien  singuliers  emblèmes  :  sau- 
mon, dards,  poivre  chaud,  pain  ars  (rôti).  Ce  person- 
nage qui,  sans  doute,  comme  les  autres  tenants  des 
écoles  orléanaises,  était  un  auteur,  c'est-à-dire  un 
versificateur  latin,  avait  peut-être  mis  en  vers  quelques 
préceptes  de  cuisine. 

Le  poivre  chaut  et  le  pain  ars  figurent  en  effet  très 
souvent  dans  la  préparation  des  mets  au  moyen  âge. 
M.  Drouet  d'Arcq  a  publié  (  Bibl.  de  l'Ecole  des 
Chartes,  5®  série,  t.  I,  p.  209-227)  :  «  Un  petit  traité 
de  cuisine  écrit  en  français  au  commencement  du 
XIV®  siècle».  Le  poivre  chaud  y  est  souvent  mentionné, 
entre  autres  dans  le  passage  suivant  (p.  222)  :  «  Sau- 
mon frès,  au  poivre  chaut;  le  salé  à  la  moustarde,  en 
yver  et  en  esté.  »  Je  trouve  également  dans  le  Mena- 
gier  de  Paris,  t.  II,  p.  156  :  «  Sanglier  frais  soit  cuit 
en  eaue  et  mengié  au  poivre  chault....  » 

Le  poivre  chaut  paraît  avoir  été  une  sauce.  Je  trouve 
dans  le  petit  traité  de  cuisine  publié  par  M.  Drouet 
d'Arcq,  op.  cit.,  p.  219  :  «  Connins,  en  rost,  au  poivre 
chaut  ou  aigre....  »  Or,  le  Menagier  de  Paris,  t.  II, 
p.  232-233,  contient  dans  la  nomenclature  des  «  saulces 


NOTES  BT  ÉCLAIBC1SSBME>TS  141 

boalics  »  denx  sauces  sous  les  noms  de  poivre  jaunet 
OQ  aigret  et  de  poivre  noir.  Je  crois  que  cette  dernière 
est  le  poivre  chault  dont  il  parle,  p.  156,  et  dont  il  ne 
fait  pas  connaître  ailleurs  la  composition  ;  le  pain  ara 
est  d'ailleurs  un  des  ingrédients  qui  y  entrent.  — 
«  Poivre  noir.  Prenez  clou  de  giroffle  et  un  peu  de 
poivre,  gingembre,  et  broyez  très  bien  :  puis  broyez 
pain  ars  destrempé  en  meigre  eaue  de  char  ou  en  meigre 
eaue  de  choulx  qui  mieulx  vaut,  puis  soit  bouly  en  une 
paelle  de  fer  et  au  boulir  soit  mis  du  vinaigre  ;  puis 
mettez  en  un  pot  au  feu  pour  tenir  chault.  Item^  plu- 
sieurs y  mettent  de  lacanelle.  > 

Le  pain  «  ars  »,  puis  broyé  au  mortier,  entrait  dans 
la  préparation  d'une  foule  de  mets  ;  il  servait  à  lier  et 
à  donner  de  la  conlejxT.Ménagier  de  Paris,  t.  II  :  pain 
ars,  p.  172,  233;  pain  harlé  sur  le  gril,  p.  151,  162, 
165;  pain  brûlé,  p.  154,  160  ;  pain  sori  sur  le  gril, 
p.  166. 

Une  dernière  question  :  Faut-il  voir  dans  le  mot 
dars  une  expression  métaphorique  voulant  dire  que  le 
poivre  chaud  darde  le  palais,  le  pique  comme  un  dard, 
ou  bien  s'agit-il  du  dard  ou  vandoise,  poisson  appar- 
tenant comme  la  carpe  au  genre  cyprintés  ?  lÂttré  cite 
cet  exemple  du  xiv«  siècle  :  «  Que  nul  ne  prengne  dars 
durant  le  dit  temps.  »  Ordonnances  des  rois  de 
France,  t.  Vil,  p.  779.  Voilà  bien  des  conjectures,  mais 
on  les  excusera  en  raison  de  la  difficulté  du  pas- 
sage. 


142  NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS 

P.  44,  V.  39.  —  Telle  est  la  leçon  des  deux  mss.  Il 
y  aurait  là  une  bien  singulière  comparaison,  surtout 
sous  la  plume  d'un  ecclésiastique;  et  d'ailleurs,  pour- 
quoi cette  comparaison  ?  Elle  est  incompréhensible. 
J'ai  d'abord  examiné  deux  hypothèses  :  ou  bien  une 
confusion  possible  entre  les  lettres  f  et  l,  qui  se 
ressemblent  beaucoup  dans  certains  mss.,  aurait  amené 
le  copiste  du  ms.  qui  est  la  source  des  deux  nôtres,  à 
lire  coille  au  lieu  de  coiffe,  ou  bien  trouvant  le  mot 
coule,  employé  au  sens  de  capuchon  (du  bas-latin 
cullà),  il  aurait  vu  là  l'autre  signification  et  aurait 
donné  au  mot  la  forme  sous  laquelle  il  l'écrivait  d'or- 
dinaire. Il  y  a  bien  une  difficulté  à  cette  hypothèse  ;  le 
capuchon  paraît  n'avoir  été  porté  que  par  le  clergé 
régulier,  ici  il  s'agit  d'un  prêtre  (provoire).  Mais  voici 
qui  remet  tout  en  question.  Je  trouve  dans  le  Diction- 
naire de  Cotgrave  (édit.  de  1660)  :  «  Couillon  de 
2^restre,  Spindletree,  Prichwood,  Pricktymber.  »  Or, 
leSpindletree,  c'estle  i'^wsam(Evonymus),  appelé  aussi 
Bonnet  de  prêtre,  à  cause  de  la  forme  de  ses  graines 
qui  ressemblent  assez  bien  à  un  bonnet  carré,  ce  qui 
ramène  à  coiffe  de  provoire  que  j'avais  songé  à 
admettre.  Mais  le  mot  employé  par  Cotgrave  n'en 
subsiste  pas  moins  ;  il  faut  tenir  grand  compte  de  cette 
coïncidence  avec  le  terme  des  deux  mss.  ;  aussi  je  n'ai 
pas  cru  devoir  changer  cette  leçon  dont  le  sens  serait  : 
plus  noir  que  fusain. 

P.  44,  V,  40.  —  «  On  appelle  en  termes  de  marine 


NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS  143 

poissons  royaux,  les  dauphins,  esturgeons,  saumons 
et  truites,  lesquels  appartiennent  au  Roi  seul,  quand 
ils  sont  trouvés  échoués  sur  le  hord  de  la  mer,  à  la 
différence  des  baleines,  marsoins,  veaux  de  mer,  thons, 
souffleurs  et  autres  poissons  à  lard,  qui  sont  partagez 
comme  simples  épaves.  Pisces  regii.  Cela  est  réglé  par 
le  titre  7  du  livre  5  de  l'Ordonnance  de  la  Marine.  La 
coutume  de  Normandie  appelle  aussi  poissons  royaux 
généralement  tout  \e  poisson  qui  est  digne  de  la  table 
du  Roi,  comme  vives,  surmulets,  qui  sont  les  rougets, 
les  haubarts  qui  sont  brigues  ,  ou  loubines,  etc.  » 
Dict.  de  Trévoux. 

P.  45,  V.  47-48.—  Un  Raoul  de  Builly  (Rad'.  de 
Builly)  est  mentionné  comme  témoin  dans  une  charte 
(Rotuli  chartarum  in  Turri  Londinensi  asservati, 
ace.  Thoma  Duffus  Hardy,  t.  I,  209  a),  par  laquelle 
Galfr'.  de  Turre  devient  homme-lige  de  Jean  sans 
Terre  en  1215,  mais  je  ne  saurais  dire  si,  dans  ce  pas- 
sage du  poète,  il  s'agit  ou  non  de  ce  personnage. 

P.  45,  V.  49.  —  Je  crois  que  Henri  d'Andeli  désigne 
ici  par  Tornai  une  maison  que  les  évêques  de 
Tournay  possédaient  près  de  l'enceinte  de  Philippe- 
Auguste,  dans  la  rue  Bordet  ou  Bordelle  (maintenant 
rue  Descartes),  qui  aboutissait  à  la  porte  de  ce  nom  et 
passait  derrière  Sainte-Geneviève.  Un  évêque  de 
Tournay  y  établit,  en  1353,  le  coUège  de  Tournay 
contigu  au  collège  de  Boncourt  fondé  la  même  année. 
Ils  furent  tous  deux  réunis  plus  tard  au  collège  de 

34 


144  NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS 

Navarre  établi  en  1304  par  Jeanne  de  Navarre,  fille 
de  Philippe  le  Bel.  L'Ecole  polytechnique  occupe 
aujourd'hui  leur  place. 

On  comprend  que  notre  poète  fasse  assembler  l'armée 
de  Logique  près  des  remparts,  —  elle  va  sortir  de 
Paris,  —  et  sur  la  montagne  Sainte-Geneviève,  — 
c'est  là  que  Logique  avait  ses  écoles. 

P.  45,  V.  50.  —  Il  s'agit  sans  doute  ici  de  Pierre  de 
Courtenai,  chanoine  de  l'église  de  Paris,  fils  de  Pierre 
de  Courtenai,  qui  fut  empereur  de  Constantinople  et 
mourut  en  1218,  et  d'Yolande  de  Hainaut  ou  de 
Flandre.  Le  titre  de  dan  que  lui  donne  le  poète 
s'applique  évidemment  à  un  ecclésiastique.  Le  P. 
Anselme  dit  {Hist.  chr.  et  généal.,  t.  I,  p.  477)  : 
«  Pierre  de  Courtenay,  destiné  à  l'église,  est  qualifié 
clerc  dans  une  chartre  de  1210,  pour  l'abbaye  de 
Vezelay  »,  et  dans  le  Cartulaire  de  l'église  Notre-Dame 
de  Paris,  édité  par  M.  Guérard,  on  lit  (t.  I,  p.  464), 

1239 

janvier  -^^  :  «  Pro  hiis  autem  et  pro  omnibus  supra- 
dictis ,  ego  Petrus  de  Cortenaio ,  Parisiensis  cano- 
nicus....  » 

P.  45,  V.  51. —  Ce  vers,  «  Uns  logiciens  moult  très 
sages  »,  doit-il  être  rattaché  au  vers  précédent,  comme 
l'a  cru  Jubinal  qui  l'en  a  séparé  par  une  simple  vir- 
gule et  a  placé  un  point  après  le  mot  sages,  ou  au  vers 
suivant,  les  mots  uns  logiciens  ayant  l's  caractéris- 
tique du  cas-sujet.  J'ai  adopté  ce  dernier  parti,  bien 
que  je  n'ignore  pas  que  les  mots  se  rapportant  par 


NOTES   ET  ÉCLAIRCISSEMENTS  145 

apposition  à  un  cas  oblique  ont  parfois  Ys  qui  distingue 
le  sujet  singulier.  (Voir  M.  de  Lebinski  :  JDie  Declina- 
tion  der  substantiva  in  der  Oïl-Sprache,  1878,  in-8°). 

P.  45,  V.  52-54. —  Je  n'ai  rien  trouvé  sur  ce  Jehans 
li  pages,  pas  plus  que  sur  Nicole  aus  hautes  naches 
(fesses),  Robert  le  Nain  (v.  58)  et  Cheron  le  Viel 
(v.  60). 

A  l'égard  de  Poin  l'AsnCj  Jubinal  dit  :  «  Ne  serait- 
ce  point  le  dominicain  Jean  de  Paris,  docteur  et  pro- 
fesseur de  théologie,  qui  vivait  vers  1200,  et  qui  fut 
surnommé  Poin-l'Ane  (pungens  Asinum)  ?  »  Ces  mots 
cil  de  Gamaches  paraissent  exclure  l'hypothèse  de 
Jubinal  et  montrer  qu'il  y  avait  alors  plusieurs  Poin- 
l'Ane  faciles  à  confondre.  Ce  nom  n'était  pas  d'ailleurs 
à  cette  époque  si  rare  qu'on  pourrait  le  croire.  Plu- 
sieurs documents  nous  apprennent  qu'il  était  porté  par 
une  famille  de  Paris;  on  le  trouve  aussi  en  Normandie. 
A  la  page  81,  col.  2,  des  Magni  Rotuli  scaecarii  Nor- 
manniœ  sub  regibus  Angliœ,  publiés  par  la  Société 
des  Antiquaires  de  Normandie,  1846,  on  lit  en  effet  : 
Thomas  Pointlasne  2  sol.  pro  clamore  dimisso. 

P.  45,  V.  55-57. 

Cil  troussèrent  trive,  cadruve 
Sor.  j.  grant  char  en  une  cuve. 
Li  bedel  traioient  le  char. 

Le  ms.  19152  donne  la  leçon  suivante  que  Jubinal  a 
préférée  en  la  ponctuant  ainsi  : 


146  NOTES   ET  ÉCLAIRCISSEMENTS 

Cil  troi  savent  trive,  cadruve. 
Sor.  j.  grant  char  en  une  cuve, 
-  ■     Li  bedel  traioient  le  char. 

Le  premier  vers  offre,  il  est  vrai,  un  sens  très  appli- 
cable aux  trois  personnages  qui  viennent  d'être  nom- 
més, mais  les  deux  derniers  ne  peuvent  s'expliquer 
d'une  manière  satisfaisante.  Comment  comprendre  en 
effet  que  les  bedeaux  (appariteurs  de  l'Université) 
traînent  le  char  sur  un  grand  char  en  une  cuve  ?  Le 
sens  du  ms.  837  est  clair  :  «  Ceux-ci  chargèrent  le 
Trivium  et  le  Quadrivium  (V.  Introduction,  p.  lxxj) 
sur  un  char  dans  une  cuve  et  les  bedeaux  tiraient  le 
char.  »  Ce  sens  de  trousser  (charger  sur,  placer  dans) 
est  bien  connu;  on  le  trouve  déjà  plusieurs  fois  dans 
la  Chanson  de  Roland.  Aux  exemples  cités  par 
M.  Littré,  à  l'historique  du  mot  Trousser,  je  puis 
ajouter  les  suivants,  qui  s'accordent  parfaitement  avec 
le  passage  de  notre  trouvère.  Ils  sont  tirés  du  fabliau 
intitulé  :  Du Prestre  mis  au  lardier  {A.  de  Montaiglon 
et  G.  Raynaud  :  Fabliaux,  t.  Il,  p.  27). 

Sur  une  charete  me  faut  trousser  haut 
Ce  viez  lardier  là,  vendre  le  me  faut. 


On  fit  ens  en  l'eure 
Le  lardier  trousser. 


Ainsi,  les  sept  Arts  sont  traînés  sur  un  char  jusqu'au 
lieu  où  doit  se  livrer  la  bataille,  tandis  que  la  Loi  (le 


NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS  147 

droit  civil)  et  Décret  (le  droit  canon)  s'y  rendent  noble- 
ment à  cheval  : 

La  Loi  chevaucha  richement 
Et  Décret  orguilleusement 
Sor  trestoutes  les  autres  ars. 

Ceci  nous  montre  quelle  importance  l'étude  du  droit 
civil  et  surtout  celle  du  droit  canon,  la  première  renou- 
velée par  le  jurisconsulte  Irnerius,  la  seconde  instituée 
par  le  moine  Gratien,  à  Bologne,  dans  la  dernière 
moitié  du  xii^  siècle,  avaient  déjà  prise  dans  l'Univer- 
sité de  Paris.  —  Le  moine  Gratien  avait  publié  un 
recueil  de  Décrétales  qui  servirent  de  base  à  l'enseigne- 
ment du  droit  canon,  d'oii  le  nom  de  Décret  donné  à 
cette  science. 

P.  45,  V.  63. —  Montlhéry  (Mons  Letherici),  Seine-et- 
Oise,  arr.  de  Corbeil,  c.  d'Arpajon,  est  célèbre  par  le 
château-fort  qui  fut  rasé  par  Louis  le  Gros,  et  dont  il 
reste  une  tour  dont  Henri  d'Andeli  parle  plus  loin,  et 
par  la  bataille  qui  eut  lieu  le  16  novembre  1465  entre 
Louis  XI  et  les  seigneurs  qui  avaient  formé  contre  lui 
la  Ligue  du  Bien  public.  Linas,  qui  n'est  plus  qu'un 
petit  village,  un  peu  au  sud  de  Montlhéry,  était  un 
doyenné  au  xni®  siècle. 

P.  45,  V.  68. —  L'étude  du  droit  était  très  florissante 
en  Italie,  principalement  à  Bologne  et  à  Padoue,  et 
beaucoup  de  Lombards  venaient  à  Paris  trafiquer  de 
leur  éloquence.  Voilà  pourquoi  le  poète  en  fait  les  sui- 


148  NOTES  ET   ÉCLAIRCISSEMENTS 

vants  de  Rhétorique,  leur  donne  pour  armes  des  dards 
empennés  de  langues,  et  les  montre  habiles  à  enlever 
les  héritages 

Fax  les  lances  de  lor  langages. 

P.  46,  V.  75-76. —  Aux  Pères  de  l'Église  latine,  saint 
Augustin,  saint  Ambroise,  saint  Grégoire  le  Grand, 
pape,  saint  Jérôme,  le  poète  joint  le  moine  et  historien 
anglais  Bède  le  Vénérable  et  Isidore  de  Séville,  tous 
deux  en  grande  estime  au  moyen  âge  pour  leurs  traités 
de  théologie.  Le  parti  des  grammairiens  aurait  pu 
revendiquer  le  dernier  dont  les  Etymologies  ou  Ori- 
gines étaient  en  renom  dans  les  écoles  de  grammaire. 

P.  46,  V.  77-79.  —  Divinité  et  Haute-Science  dé- 
signent ici  la  Théologie  qui  primait  tous  les  autres 
arts.  Dans  les  Recherches  de  la  France,  1.  IX,  ch.  X, 
col.  906  de  l'édition  de  1723,  Etienne  Pasquler  dit  : 
«  Orestoient  nos  Docteurs  anciennement  appeliez  tan- 
tost  Docteurs  en  Théologie,  tantost  Maistres  en  divi- 
nité. Ainsi  le  trouverez-vous  en  Fi'oissard  Tome  pre- 
mier chapitre  211.  &  au  testament  fait  l'an  1304.  par 
Jeanne  Royne  de  Navarre  Comtesse  de  Champagne  & 
Brie  femme  dudit  Roy  Philippes  le  Bel.  »  —  Les  An- 
glais emploient  encore  aujourd'hui  Divinity  dans  le 
sens  de  théologie. 

P. 46,  V.  84. —  Ce  chancelier,  que  le  trouvère  appelle 
deux  vers  plus  loin  li  mieldres  clers  de  France,  est 
très  vraisemblablement  Philippe  de  Grève,  chancelier 


NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS  149 

de  l'église  de  Paris  de  1218  au  26  décembre  1236,  dont 
la  mort  a  inspiré  à  notre  poète  son  Dit  du  chancelier 
Philippe.  Au  vers  86,  le  mot  c'ert,  c'était,  semble  indi- 
quer que  le  chancelier  était  déjà  mort  quand  la 
Bataille  des  VII  Ars  fut  composée. 

P.  46,  V.  91.  —  La  qualification  d'amen  dut  être 
attribuée  d'abord  à  tous  ceux  qui  étudiaient  les  sept 
Arts,  c'est-à-dire  aussi  bien  aux  grammairiens  qu'aux 
logiciens.  Ce  vers  et  le  444^, 

Quar  arcien  et  discretistre, 

montrent  bien  que,  au  temps  de  Henri  d'Andeli,  ce 
titre  s'appliquait  spécialement  aux  maîtres  et  aux  étu- 
diants en  logique  (V.  La  Curne,  v.  Artien).  Arcien 
paraît  avoir  le  même  sens  dans  ce  passage  de  Rutebeuf 
{Le  Maistre  Guillaume  de  Saint-Amour,  v.  40-43)  : 

Hé  !  arcien, 
Decretistre,  fisicien 
Et  vous  la  gent  Justiaieo . . . 

(Jubinal,  Œuvres  complètes  de  Rutebeuf,  Bibl, 
elzév.,  1. 1,  p.  95.) 

P.  46,  v.  99.  —  La  «  Fisique  »  n'était  pas  alors  autre 
chose  que  la  médecine  et  l'on  donnait  le  nom  de  «  fisi- 
ciens  »  ou  de  €  mires  »  aux  médecins,  dont  la  profession 
ne  se  confondait  pas  avec  celle  des  chirurgiens. 

«  Phisique  est  une  science  par  le  quele  on  connoist 


150  NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS 

toutes  les  manières  du  cors  de  l'homme,  et  par  lequele 
on  garde  le  santé  du  cors  et  remue  les  maladies.  » 
Alebrant,  Bibl.  nat.,  f.  fr.  7929,  f»  2.  —  Cf.  l'anglais 
Physician,  médecin. 

P.  47,  V.  101.  —  On  trouve  au  xm«  siècle  deux  méde- 
cins portant  ce  nom  :  Robert  de  Douay,  chanoine  de 
Senlis,  médecin  de  Louis  IX,  ou,  selon  G.  Naudé,  de 
la  reine  Marguerite,  et  Robert,  chanoine  de  Champeaux 
en  Brie,  médecin  d'Etienne,  évoque  de  Paris,  cité  par 
le  Cartulaire  de  Notre-Dame  de  Paris  (édit.  Guérard, 
t.  I,  p.  212)  comme  témoin  d'un  hommage  fait  par 
Jean  de  Gehenni  (Jagny)  à  cet  évêque,  le  21  mars  1279, 
avant  le  dimanche  des  Rameaux. 

P.  47,  V.  102.  —  Il  y  avait,  à  Paris,  dans  la  cité,  une 
rue  de  Glatigny,  qui  paraît  avoir  été  assez  mal  famée. 

P.  47,  V.  103.  —  Dans  la  liste  qu'il  donne  des  médecins 
du  roi,  V.  Archiater,  Du  Gange  cite  :  «  Petrus  Lombar- 
dus,  Canonicus  Carnotensis,  Archiater  Ludovic!  VII, 
anno  1138,  obituar.  Carnot.  >,  et  V Histoire  littéraire 
de  la  France,  t.  IX,  p. 193- 194,  dit  :  €  On  nous  donne 
aussi  pour  premier  Médecin  du  Roi  Louis-le-Jeune, 
un  Pierre  Lombard  Chanoine  de  l'église  de  Chartres, 
oii  il  est,  dit-on,  enterré,  et  ainsi  fort  différent  de 
l'Evêque  de  Paris  du  même  nom.  » 

D'un  autre  côté,  M.  de  Lépinois  {Hist.  de  Chartres, 
1854,  t.  I,  p.  158),  cite  un  «  M*  Pierre  Lombard,  cha- 
noine et  médecin  du  Roi  »,  et  il  ajoute  en  note  :  «  Ce 
Pierre  Lombard,  clerc,  puis  chanoine  sous-diacre,  fa- 


XOTGS  ET  ECLAIRCISSEMENTS  151 

milier  da  chanoine  Landalphe  de  Colompnia,  en  1299, 
n'a  rien  de  commun  avec  Pierre  Lombard,  le  maître 

des  sentences,  qui  fut  évêque  de  Paris  en  1159 

(Voir  Nécrol.  de  Notre-Dame,  —  37,  aa  19  des  kal. 
de  féTrier  et  les  registres  capitulaires  anno  1299.)  > 

n  est  assez  singulier  de  trouver  deux  Pierre  Lom- 
bard au  xn^  et  au  xni^  siècle,  tous  deux  chanoines  de 
Chartres,  tous  deux  médecins  du  roL 

P.  47,  V.  105.  —  L'absence  de  toute  autre  désignation 
rend  bien  difficile  de  déterminer  quel  est  le  médecin  dé- 
signé par  un,  nom  si  commun  au  mojen  âge  que  celui 
de  Giraut.  La  Bibl.  publique  de  Rouen  possède  un  oo- 
vrage  sur  la  médecine  de  Géraud  de  Bourges,  intitulé  : 
Summa  magUtri  Geraldi  (ms.  -—y  du  un*  siècle). 
Fabricius  lui  a  consacré  les  lignes  suivantes  dans  sa 
Bibliotheca  latina  mediœ  et  in/imœ  cetatis,  t.  111, 
lib.  Vn,  p.  39  :  «  Geraldus  Bituricensis,  Medicus,  cajos 
Gommentarium  ms.  super  Yiatieum  Constantin!  memo- 
rat  Sanderus  in  Bibl.  Belgica  ms.  p.  194.  Constantinus 
Afer,  auctor  Viatici,  scripsit  circa  annnm  1090.  »  — 
Est-ce  le  Gîrant  dont  parle  Henri  d'Andeli  ? 

P.47,v.  106.  —  Le  nom  de  Henri  de  Venables  s'ap- 
plique évidemment  à  un  Normand.  Venables  est  iu 
village  du  département  de  l'Eure,  situé  à  peu  de  dis- 
tance de  GaUlon  et  des  Ândeljs.  Je  trouve  dans  le 
Regestrum  Visitationum  d'Eude  Rigaud  le  nom  d'un 
Henri,  médecin  de  l'archevêque,  assistant  comme 
ténioin  à  plusieurs   actes  :  p.  156,  magistro  Henrico 

3^ 


152  NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS 

Batille,  pMsico  nostro  ;  p.  161,  magistri  Henricus  li 
Bègues  et  Johannes  Gibosus,  phisici  ;  p.  170,  magistro 
Henrico,  phisico  ;  p.  173,  magister  Henricus,  dictus 
Blesus,  phisicus.  Li  Bègues  est  la  traduction  de  Blesus  ; 
Babille  signifie  probablement  ici  qui  balbutie  et  dési- 
gnerait le  même  personnage.  —  Si  l'on  considère  que 
Venables  est  voisin  de  Gaillon  et  des  Andelys,  où  les 
archevêques  de  Rouen  avaient  des  domaines,  on  pour- 
rait peut-être  supposer  sans  trop  de  témérité  que  ce 
Henri,  médecin  attaché  à  la  personne  d'Eude  Rigaud, 
est  le  mestre  Henri  de  Venables  dont  parle  notre  trou- 
vère ;  la  supposition  devient  encore  plus  probable  si 
l'on  admet  (voyez  l'introduction)  que  Henri  d'Andeli 
était  lui-même  clerc  d'Eude  Rigaud. 

P.  47,  V.  108.  —  Quel  est  ce  médecin  ou  ce  chirurgien 
que  Henri  d'Andeli  désigne  ici  sous  le  nom  de  Petit- 
Pont  ?  Le  Petit-Pont  unissait  comme  aujourd'hui  la 
Cité  à  la  rive  gauche  de  la  Seine  ;  il  était  bordé  de 
maisons  occupées  par  des  écoles,  et  les  maîtres  qui  y 
enseignaient  tiraient  de  lui  leur  surnom  ;  en  l'absence 
de  toute  autre  désignation,  il  est  difficile  de  savoir  du- 
quel il  s'agit.  Parmi  ceux  qui  ont  porté  ce  nom,  je 
citerai  :  Adam  du  Petit-Pont,  célèbre  grammairien, 
qui  fut  chanoine  de  Paris,  puis  évêque  d'Asaph  en  An- 
gleterre (Jean  de  Salisbury  l'eut  pour  maître)  ;  Jean 
du  Petit-Pont,  que  Gilles  de  Paris,  son  contemporain, 
qualifie  de  puits  de  science  : 


NOTES  BT  ÉCLAIRCISSEMENTS  15^ 

Vasis  inexhausti  parvo  de  ponte  Johannem  ; 

Gilebertus  de  Parvo-Ponte,  chanoine  de  Saint-Etienne 
de  Gressibus  (des  Grès),  mentionné,  en  juillet  1265,  par 
le  Cartulaire  de  Notre-Dame  de  Paris  (édit.  Guerard, 
t.  II,  p.  435-436);  Guillelmus  de  Parvo-Ponte  (même 
ouvr.,  t.  I,  p.  432),  sous  la  date  de  1237;  Gautier  du 
Petit-Pont,  théologien,  chanoine  de  Rouen,  mentionné 
dans  le  Cart.  de  Louviers,  édité  par  M.  Bonnin,  p.  180, 
5  mars  1221.  Y  a-t-il  un  rapport  entre  ce  dernier  et 
le  Gautier  dont  parle  le  poète  aux  vers  402-405  ? 

L'Englois  qui  lut  sor  Petit  Pont 
Qui  por  pauvreté  se  repont. 

Godefroy  deBreteuil  ou  de  Saint-Victor,  chanoine  et 
sous-prieur  de  l'abbaye  de  Saint-Victor  près  de 
Lisieux,  a  donné  dans  le  Fons  Philosophiœ,  poème 
latin  du  xn®  siècle,  édité  par  M.  Charma  en  1868,  une 
curieuse  description  (str.  70-72)  de  ce  pont,  tel  qu'il 
existait  de  son  temps. 

P.  47,  V.  115.  —  Deux  textes  à  rapprocher  de  ce  pas- 
sage. Dans  le  Miracle  de  saint  Guillaume  du  désert 
{Miracles  de  Nostre-Dame,  t.  II,  p.  45),  Notre-Dame 
envoie  ses  anges  au  secours  de  Guillaume,  que  les 
démons  ont  meurtri  de  coups,  et  leur  adresse  ces  mots  : 

Mi  ange,  mettez  tous  a  voie 
Et  cestes  boites  isnelment, 


154  NOTES   ET  ÉCLAIRCISSEMENTS 

Qui  sont  de  très  doulx  oingnement, 
Prenez,  Agnès,  et  vous  Cristine,... 

Le  poème  de  la  Table  ronde,  édité  par  M.  G.  Hippeau 
sous  le  titre  de  Messire  Gauvain  ou  la  Vengeance 
de  Raguidel,  contient  une  curieuse  énumération  des 
métiers  exercés  dans  la  ville  que  domine  le  château  de 
Gautdestroit;  on  y  trouve  ce  vers  : 

Cius  vent  boites  a  ongement. 

P.  48,  V.  130-132.  —  Les  sciences  occultes,  au  nombre 
desquelles  est  la  Nigromanee  (Nécromancie),  étaient 
étudiées  à  Tolède  et  à  Naples.  U Histoire  littéraire  de 
la  France,  t.  XVIII,  p.  95,  cite  ce  passage  d'un  sermon 
dans  lequel  Hélinand,  moine  de  Froidmont,  mort  après 
1229,  oppose  la  science  des  saints  à  la  vanité  des  con- 
naissances humaines  :  «  Ecce  quserunt  clerici  Parisiis 
artes  libérales,  Aurelianis  auctores,  Bononiae  codices, 
Salerni  pyxides,  Toleti  dœmones,  et  nusquam  mores...» 

P.  49,  V.  174-177.  — Pour  les  instruments  de  musique 
dont  parle  ici  le  poète,  V.  Viollet-le-Duc  :  Dictionnaire 
du  mobilier,  Clochettes,  t.  II,  p.  253-254.  —  Gigue, 
t.  II,  p.  273-274.  —  Viéle,  t.  II,  p.  319  et  suiv.  —  Psal- 
térion,  t.  II,  p.  301-305.  —  Flûte,  t.  II,  p.  267-272. 
V.  aussi  E.  de  Coussemaker  :  Essai  sur  les  instruments 
de  musique  au  moyen  âge  dans  les  Annales  archéolo- 
giques de  Bidron,  t.  III,  1845,  et  A.  Vidal  :  Les  instrur- 
ments  à  archet,  Vielle  à  archet,  t.  I,  ch.  IV. 


NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS  155 

-  P.  49,  V.  180-183.  —  Le  diatesalon  est  la  quarte, 
ri  ôià  rea-aâpbiv  (7V[x(fOdvioc;  le  diapante,  la  quinte,  ri  àià 
Tiévre  avix(fcùvix  ;   le  diapason ,   l'octave ,  ri  §tù  Tracwv 

Trehle  vient  du  mot  latin  triplum  que  M.  de  Cousse- 
maker  (l'Art  harmonique  aux  XIP  et  XIIP  siècles, 
1845,  in-4°,  p.  47)  explique  ainsi  :  «  Le  mot  triplum 
avait  une  double  signification  :  on  désignait  ainsi  la 
troisième  partie  d'une  composition  harmonique  qui 
s'ajoutait  aux  deux  parties  préexistantes.  On  appelait 
aussi  triplum,  d'une  manière  générale,  une  composi- 
tion à  trois  parties.  Ce  mot  avait  alors  la  même  signi- 
fication que  le  mot  trio  dans  la  musique  moderne.  » 

Je  n'ai  trouvé  nulle  part  le  mot  quarreilre  employé 
au  sens  de  quadruple;  mais  la  suite  des  idées  amène 
bien  à  lui  donner  la  même  signification.  M.  de  Cousse- 
maker  dit  encore  (p.  49)  :  «  Le  mot  quadruplum 
a  une  double  signification.  Il  'désignait  à  la  fois  une 
composition  harmonique  à  quatre  parties,  et  la  qua- 
trième partie.  » 

Le  mot  gerbes  m'est  inintelligible.  11  est  à  remarquer 
qu'il  ne  rime  avec  trehles  que  par  assonance.  Le  texte 
est  sans  doute  altéré.  Le  ms.  19152  a  la  leçon  suivante  : 

Sont  hurtez  de  diverses  janbes 
Par  quarreûres  et  par  trangles 

qui  est  également  incorrecte.  TVaw^Zes  équivaut-il  à 
trebles'i  S'il  en  était  ainsi,  on  pourrait  covvi^eT  janh es 


156  NOTES   ETT  ÉCLAIRCISSEMENTS 

enjangles,  mot  par  lequel  le  poète  qualifierait  dédai- 
gneusement les  chansons  des  musiciens. 

P.  50,  V.  202.  —  Il  s'agit  dans  ce  vers  du  Qrecismus 
d'Evrard  de  Béthune,  composé,  d'après  M.  Daunou,  en 
1212,  et  du  Doctrinale  puerorum  d'Alexandre  de 
Villedieu,  qui,  d'après  trois  vers  du  ms.  d'Helmstadt, 
est  de  l'année  1209.  Henri  d'Andeli  en  fait  les  deux 
neveux  de  Priscien,  parce  que  ces  deux  ouvrages,  qui 
ne  sont  pas  autre  chose  que  des  grammaires  latines  en 
vers,  sont  empruntés  pour  le  fond  aux  traités  de  Pris- 
cien, qui,  avec  ceux  de  Donat,  servirent  presque  exclu- 
sivement à  l'enseignement  de  la  grammaire,  pendant 
le  moyen  âge,  jusqu'au  moment  où  Evrard  et  Alexandre 
composèrent  leurs  manuels.  «  Dès  le  xiii^  siècle,  dit 
M.  Ch.  Thurot,  le  Grécisme  et  le  Doctrinal  étaient 
préférés  à  l'ouvrage  de  Priscien,  et  cela  pour  plusieurs 
raisons.  D'abord  les  vers  techniques,  jusque-là  rare- 
ment employés,  étaient  devenus  d'un  usage  général 
dans  l'enseignement.  On  ne  croyait  pas  pouvoir  s'en 
passer,  et,  depuis  le  xiii"  siècle,  il  n'est  guère  d'ouvrage 
didactique,  même  en  prose,  où  les  règles  jugées  les  plus 
essentielles  ne  soient  rédigées  en  vers.  »  Henri  de 
Gand,  mort  en  1295,  atteste  en  ces  termes  la  vogue 
dont  jouissait  cet  ouvrage  :  «  Alexander  Dolensis 
scripsit  metricè  librum  quem  Doctrinale  vocant.  Cujus 
libri  in  scholis  grammaticorum  magnus  usus  est  in 
temporibus  hodiernis.  »  {De  scrip.  eccL,  c.  59.)  V.pour 
le  Grécisme  :  Hist.  litt.  de  la  France,  t.  XVI,  p.  188  et 


NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS  157 

t.  XVII,  p.  128,  et  M.  Ch.  Thurot  :  Not.  et  Extr.  des 
mss.,  t.  XXII,  2'  partie,  p.  101;  pour  le  Doctrinal  : 
Not.  et  Extr.  des  mss.,  t.  V,  p.  512,  art.  de  Le- 
grand  d'Aussy  ;  Hist.  litt.  de  la  France,  t.  XVIII, 
p.  202-209,  art.  d'Amaury-Duval  ;  M.  Ch.  Thurot,  op. 
cit.,  p.  28-36,  et  Du  Boulay  :  Hist.  Univ.  Paris.,  t.  III, 
p.  65  et  674. 

P.  50,  V.  207.  —  Ce  passage  nous  montre  que,  dans 
les  écoles  du  moyen  âge,  on  étudiait  les  poètes  chré- 
tiens du  IV®  et  du  V®  siècle,  concurremment  avec  les 
poètes  païens  de  l'antiquité  classique  (V.  Vlntrodttc- 
tion,  p.  xcii).  Ces  derniers  sont  trop  connus  pour  qu'il 
soit  nécessaire  d'en  parler.  Il  en  est  de  même  de  Pru- 
dence, dont  Villemain  apprécie  la  valeur  comme  poète 
lyrique  dans  ses  Essais  sur  le  génie  de  Pindare  et  sur 
la  poe'sie  lyrique,  ch.  XIX,  p.  434-440,  in-8°,  1859. 

Le  principal  ouvrage  de  Sedulius,  poète  chrétien  du 
v"^  siècle,  est  le  Paschale  carmen,  poème  en  vers  hexa- 
mètres sur  les  miracles  de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Tes- 
tament, qu'il  mit  lui-même  en  prose,  sous  le  titre  de 
Paschale  opus,  à  la  prière  du  prêtre  Macedonius. 

Saint  Prosper  d'Aquitaine  (v®  siècle)  a  composé, 
entre  autres  ouvrages,  le  Carmen  de  ingratis  ou  Le 
lihero  arbitrio  contra  ingratos  aut  Pelagianos.  Les 
ingrats  sont  ici  ceux  qui  ne  pensent  pas  que  la  grâce 
divine  soit  nécessaire  à  l'homme.  Le  poème  de  saint 
Prosper  a  été  traduit  en  vers  français  par  Lemaistre 
de  Sacy.  (Paris,  1646,  in-4'>.) 


158  NOTES   ET   ÉCLAIRCISSEMENTS 

Arator  (vi*  siècle)  a  mis  en  vers  hexamètres  les  Actes 
des  Apôtres  :  Aratoris  suhdiaconi  historiœ  apostolicœ 
libri  duo.  C'est  à  lui  qu'Ennodius,  évêque  de  Pavie, 
adressa  ce  calembour  à  l'occasion  de  son  anniversaire  : 

Jure  colis  proprium  natalem,  pulcher  Arator, 
Qui  si  non  colères,  numquid  Arator  eris  î 

P.  51,  V.  210.  —  Legrand  d'Aussy  et  Jubinal  voient 
dans  Propre  le  poète  latin  Properce,  contemporain 
d'Auguste  ;  mais  les  lois  de  la  dérivation,  aujourd'hui 
bien  établies,  ne  permettent  pas  d'admettre  cette  assi- 
milation. On  sait  que,  dans  tous  les  mots  d'origine 
populaire,  l'accent  reste  en  français  sur  la  syllabe 
accentuée  en  latin  et  que  cette  syllabe  est  toujours 
conservée.  (V.  M.  A.  Brachet,  Gramm.  hist.  de  la 
langue  française,  \Q^  édition,  p.  72).  Or,  dans  Pro- 
pertius,  la  syllabe  per  est  accentuée,  et  dans  Propre, 
c'est  la  syllabe  pro  qui  porte  l'accent.  Propertius  ne 
pouvait  devenir  et  n'est  devenu  en  effet  que  Properce. 
Quant  à  Propre,  c'est  le  nom  bien  régulièrement  dérivé 
de  saint  Prosper,  évêque  d'Aquitaine  et  poète  latin  du 
V*  siècle.  Et  cette  assimilation  est  confirmée  par  plu- 
sieurs listes  de  poètes  anciens  auxquels  les  grammai- 
riens du  moyen  âge  empruntent  leurs  exemples,  et  dans 
lesquelles  on  trouve  toujours  saint  Prosper  et  jamais 
Properce.  —  V.  ces  listes  dans  l'ouvrage  de  M.  Ch. 
Thurot  sur  les  Doctrines  grammaticales  au  moyen 


NOTES  ET  ECLAIRCISSEMENTS  159 

âge  (Not.  et  Extr.  des  mss.,  t.  XXII,  2«  partie,  p.  424, 
425,  509,  518). 

P.  51,  V.  216.  —  L'auteur  personnifie  ici  différents 
ouvrages  d'Aristote.  Elenche  est  le  Ilepi  o-o^ktthcmv 
EXéyx^v;  les  deux  Logiques  sont  les  'AvaXvrixà 
TTOûTepa  en  deux  livres,  et  les  AvaXuTtxà  xiaxzooc  aussi 
en  deux  livres;  le  Periarmaines  est  le  Ilepî  "Sj^^rçjeiaq 
ou  de  l'Interprétation  ;  les  Topiques  sont  les  ToTrtJtâ 
en  six  livres.  Ces  cinq  ouvrages,  joints  aux  Prédica- 
ments  TKaTïjyopiai) ,  que  nous  verrons  figurer  au 
V.  230,  forment  l'ensemble  qu'on  appelle  l'Organon  ou 
la  Logique  d'Aristote. 

Le  Livre  de  Nature  est  le  Ouo-txYi  'Axpdao-tç  en  huit 
livres  ;  l'Éthique  désigne  les  'Hôixà  Nixo|ùia;(eîa  en  dix 
livres ,  peut-être   aussi  les  'Hôixà  [LtyôCka.  et   Hôixà 

P.  51,  V.  220.  —  Boëce,  le  commentateur  d'Aristote, 
vient  ici  tout  naturellement  au  secours  du  philosophe 
grec.  Si  Macrobe  figure  dans  l'armée  de  Logique,  il  le 
doit  sans  doute  à  son  célèbre  commentaire  sur  le  Songe 
de  Scipion.  Son  traité  De  differentiis  et  societatibus 
grœci  latinique  verbi  aurait  pu  le  faire  placer  parmi 
les  partisans  de  Grammaire. 

P.  51,  V.  222.  —  Ce  philosophe,  qui  changea  son  nom 
phénicien  de  Malk  ou  Melech  (Roi)  pour  le  nom  grec 
de  Porphyre,  naquit  en  238  et  mourut  au  commence- 
ment du  IV*  siècle.  Il  devint  le  chef  de  l'école  d'Ale- 
xandrie après  la  mort  de  son  maître  Plotin.  Les  nom- 

36 


160  NOTES   ET   ÉCLAIRCISSEMENTS 

breux  ouvrages  philosophiques  et  littéraires  qu'il  avait 
composés  ne  nous  sont  pas  tous  parvenus.  Son  Isagoge 
(Eto-aycoyvî),  ou  Introduction  aux  Catégories  d'Aristote, 
était  étudié  dans  les  écoles  du  moyen  âge,  qui  ne  le 
connaissaient  que  par  le  double  commentaire  de  Boëce 
sur  la  traduction  de  Victorinus  {In  Porphyrium  a 
Victorino  translatum  dialogi  duo),  et  sur  celle  qu'il 
avait  faite  lui-même  (Commentarium  in  Porphyrium 
a  se  translatum  lihri  quinque).  C'est  d'un  passage  de 
Porphyre  que  sortit  la  grande  querelle  des  Univer- 
saux. 

P.  51,  V.  230.  —  Ce  n'est  pas  sans  raison  que  l'auteur 
joint  Sex  Principes  à  Predicamenz {CsXé^ovieB  d'Aris- 
tote). Dans  l'ouvrage  qu'il  a  miiixilé  Sex  Principiorum 
liber,  Gilbert  de  la  Porrée,  né  à  Poitiers  vers  1070,  et 
mort  évêque  de  cette  ville  en  1154,  s'est  proposé  de 
compléter  l'œuvre  d'Aristote,  qui,  après  avoir  traité  à 
fond  des  quatre  premières  catégories,  n'avait  présenté 
sur  les  suivantes  que  des  considérations  sommaires.  Ce 
sont  ces  six  dernières  catégories  que  Gilbert  de  la 
Porrée  soumet  à  un  examen  approfondi  et  qu'il  appelle 
Sex  Principia.  «  Ce  complément,  dit  M.  B.  Hauréau 
{Hist.  de  la  phil.  scol.,  1"  partie,  p.  453),  fut  adopté 
dans  toutes  les  écoles  jusqu'au  xvi®  siècle.  De  même 
que  le  traité  de  Porphyre,  il  fut  joint  aux  Catégories. 
Pour  entrer  dans  le  monument  péripatéticien,  on  pas- 
sait par  V Isagoge;  on  en  sortait  par  le  Livre  des  six 
principes.  *  Le  statut  de  1254,  par  lequel  les  maîtres 


NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS  ICI 

és  arts  réglèrent  l'ordre  des  études  dans  l'Université 
de  Paris,  met  en  effet  le  Sex  Principia  au  nombre  des 
ouvrages  qui  doivent  être  lus.  (V.  ce  statut  dans  Du 
Boulay,  Hist.  Univ.  Paris.,  t.  III,  p.  280-281.) 

P.  51,  V.  232.  —  Voir  sur  dant  Barharime  la  note 
du  V.  26. 

P.  52,  V.  239.  —  Cette  imputation  dirigée  contre  les 
Poitevins  se  trouve  ailleurs  que  dans  notre  poète. 
Jubinal,  dans  une  note  de  la  Bataille  des  VII  Ars 
[Œuvres  de  Ruteheuf,  Bibl.,  elzév.,  t.  III,  additions 
p.  327),  cite  un  curieux  passage  tiré  du  ch.  VII  àeV  His- 
toire occidentale  de  Jacques  de  Vitry,  qui  fut,  dit-il, 
légat  du  saint-siège  sous  Grégoire  IX,  en  1228,  et  car- 
dinal, où  il  fait  connaître  les  dénominations  qu'on 
appliquait  alors  aux  différents  peuples.  On  y  lit  : 
Pictavos  proditores  et  fortv/nœ  amicos.  Plus  tard, 
à  l'occasion  de  la  coalition  de  Hugues  de  Lusignan , 
comte  de  la  Marche,  et  des  seigneurs  poitevins  avec 
Henri  III,  roi  d'Angleterre,  contre  saint  Louis,  Ma- 
thieu Paris  appelle  les  seigneurs  révoltés  faux  et 
traîtres  Poitevins. 

P.  52,  V.  258. 

Gramaire  lor  fiert  .  j  .  desciple 
Parmi  le  corps  d'un  participle 
Qui  le  fist  a  la  terre  estendre, 
Puis  li  dist  :  «  Or  alez  aprendre.  » 

Tel  est  le  texte  du  ms.  837.  Toutefois,  dans  le  pre- 


162  NOTES   ET   ECLAIRCISSEMENTS 

mier  vers,  le  chiffre  que  j'interprète  par  le  chiffre  .  j  . 
est  mal  fait  ;  on  pourrait  y  voir  la  lettre  a,  mais  il 
semble  plutôt  que  c'est  le  chiffre  .  j  .  dont  le  premier 
point  est  imparfaitement  formé  et  dont  le  second  paraît 
avoir  été  gratté.  D'ailleurs,  si  on  y  voyait  la  préposi- 
tion a,  le  verbe  fiert  serait  sans  complément  direct,  et 
l'expression  a  desciple,  qu'on  devrait  traduire  alors  par 
avec  une  discipline.,  ne  pourrait  être  admise  ;  l6»latin 
disciplina  ayant  l'accent  sur  la  pénultième  n'a  pu  don- 
ner au  roman  la  forme  desciple  que  l'on  ne  trouve 
nulle  part  avec  cette  signification.  Dans  l'ancienne 
langue,  desciple,  deciple  ou  disciple  vient  régulière- 
ment de  discipulus  et  signifie  toujours  disciple.  Du 
reste,  ce  texte  s'explique  aisément  :  «  Grammaire 
frappe  un  de  leurs  disciples  avec  un  participe  qui 
rétendit  à  terre;  elle  lui  dit  alors:  Retournez  à  l'école.  » 
Le  ms.  19152  donne  la  leçon  suivante  : 

Gramaire  les  fiert  et  deciple 
Parmi  le  cors  d'un  participle 
Qu'el  les  fîst  à  la  terre  estandre, 
Puis  lor  dist  :   «  N'i  alez  aprendre.  » 

Le  mot  deciple  serait  ici  la  3«  p.  du  sing.  du  pr.  de 
l'ind.  d'un  verbe  decipler  qu'on  ne  peut,  contre  les 
lois  de  l'accentuation,  dériver  du  verbe  latin  discipli- 
nari.  On  n'en  a  d'ailleurs,  que  je  sache,  aucun 
exemple. 


NOTES   ET   ÉCLA.IRCISSEMENTS  163 

P.  52,  V.  264-265.  —  Le  nom  de  Socrate,  qui  revient 
à  chaque  instant  dans  les  exemples  formés  par  les 
logiciens  et  par  les  grammairiens,  fut  souvent  abrégé 
en  celui  de  Sortes,  gén.  Sortis.  Le  nom  Sortes  est 
même  réduit  au  monosyllabe  Sor  dans  un  grand  nombre 
de  gloses  citées  par  M.  Thurot  {Doctrines  grammat. 
au  moyen  âge,  Not.  et  Ext.  des  mss. ,  t.  XXII,  2®  partie, 
passim)  :  «  Sor  esthomo,  Sor  est  albus,  Sor  currit  bene, 
Sor  et  Plato  disputant.  » 

Dans  le  poème  JDe  Gestis  Ludovici  VIII^  v.  95-97 
{les  Historiens  des  Gaules  et  de  la  France,  t.  XVII, 
p.  314),  Nicolas  de  Bray  dit,  au  sujet  de  l'entrée  de  ce 
roi  à  Paris  : 

Tuac  labor  et  studium  Logicorum  lisque  quiescit. 
Cessât  Aristoteles,  nec  Plato  problemata  ponit, 
Nec  currit  Sortes  plausu  damnante  laborem. 

Sortes  n'a  été  compris  ni  par  Du  Boulay  (Hist. 
Univ.  Paris.,  t.  III,  p.  110)  qui  cite  ces  vers,  ni  par 
les  éditeurs  du  XVII®  vol.  des  Historiens  des  Gaules  et 
de  la  France,  qui  l'ont  imprimé  sans  capitale,  ni  parle 
traducteur  du  poème  de  Nicolas  de  Bray,  qui  rend  ainsi 
ce  passage  :  «  Alors  aussi  sont  suspendus  et  les  procès 
et  les  travaux  et  les  études  des  logiciens  ;  Aristote  ne 
parle  plus,  Platon  ne  présente  plus  de  problèmes,  ne 
cherche  plus  d'énigmes  à  résoudre.  .  »  {Collection  des 
Mémoires  relatifs  à  l'histoire  de  France^  par  Guizot, 
t.  XI,  p.  392-393.)  Voici  comment  il  faut  l'entendre  : 


164  NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS 

Alors  aussi  sont  suspendus  et  les  travaux  et  les  études 
et  les  querelles  des  logiciens  ;  Aristote  se  tait,  Platon 
ne  présente  plus  de  problèmes,  le  nom  de  Sortes  (So- 
crate)  ne  court  plus  de  bouche  en  bouche. 

P.  53,  V.  282.  —  Voici  comment  j'entends  ce  passage 
que  Jubinal  a  autrement  ponctué  :  Parealmaine  (per- 
sonnification du  Ilept  'EpfjcYjvetaçd' Aristote),  tweArchi- 
traine  (le  poème  latin  Archithrenius),  .  j  .  des  barons 
de  Normendie  (Jean  de  Hautville,  son  auteur,  est 
normand),  et,  après  lui,  TohieÇia.  Tbèmc^e  de  Mathieu  de 
Vendôme),  puis  il  écrase  d'un  grand  coup  de  mail  le 
Gesta  ducis  Macedum  (V Alexandréide  de  Gautier  de 
Châtillon)  et  la  Bible  versefîëe  (YAurora  de  Pierre 
Riga).  Ce  sont  là  les  quatre  adversaires  que  Pareal- 
maine tue  en  .  j  .  randon,  c'est-à-dire  d'un  même 
élan.  Henri  d'Andeli  appelle  ^rcAiYrfljme  son  seigneur, 
peut-être  parce  qu'il  se  considère  plaisamment  comme 
son  vassal,  étant  normand  ainsi  que  lui. 

P.  53,  V.  283-284.  —  Architraine  est  le  poème  latin 
Archithrenius,  dont  l'auteur  est  le  normand  Jean  de 
HautviUe.  Celui-ci  suppose  que  son  héros  parcourt  le 
monde,  où  il  rencontre  à  chaque  pas  les  désordres  cau- 
sés par  les  passions  et  par  les  vices  ;  son  âme  est  péné- 
trée de  douleur  et  ses  yeux  sont  noyés  de  larmes  ;  d'où 
son  nom  A' Archithrenius,  qu'on  peut  traduire  littéra- 
lement par  archi  -  pleureur.  (V.  Hist.  litt.  de  la 
France,  t.  XIV,  p.  569-579,  article  de  Ginguené.)  Ce 
poème  a  été  dédié  à  Gautier  de  Coutances,  surnommé 


NOTES   ET   ÉCLAIRCISSEMENTS  165 

le  Magnifique,  qui,  après  avoir  été  évêque  de  Lincoln, 
occupa  le  siège  archiépiscopal  de  Rouen,  de  1184  à 
1207. 

P.  53,  V.  285.  —  Tobie,  ou  la  Tobiade,  comme  l'ap- 
pellent les  mss.  et  plusieurs  éditions,  est  un  poème 
latin  comprenant  plus  de  2,200  vers  élégiaques  et  con- 
tenant l'histoire  des  deux  Tobie,  père  et  fils,  et  de 
leurs  femmes.  Il  a  pour  auteur  Mathieu  de  Vendôme. 
(V.  Hist.  litt.  de  la  France,  t.  XV,  p.  420-421.) 

P.  53,  V.  287.  —  Et  Gesta  ducisMacedum 

Ce  vers  nous  est  donné  par  le  ms.  837  sous  cette 
forme  : 

Etgeta  dvd*  Macidttm 

et  par  le  ms.  19152  sous  cette  autre  : 

Et  geta  envers  Marcidon. 

Les  copistes  ne  me  paraissent  pas  avoir  reproduit  le 
texte  véritable  de  Henri  d'Andeli.  Celui  du  ms.  837  a 
remplacé  le  mot  latin  gesta  par  le  passé  défini  du 
verbe  français  jeter  ;  celui  du  ms.  19152,  comprenant 
moins  encore,  a  fait  du  génitif  latin  Macedum  un  per- 
sonnage appelé  Marcidon  queParealmaine^efa  envers, 
c'est-à-dire  renversa. 

Or,  il  s'agit  évidemment  ici  de  r-4 /ea^anc^ré'ïrfe,  que 
Gautier  de  Lille  ou  de  Châtillon  composa  à  la  louange 
d'Alexandre  le  Grand  et  qui  commence  par  ce  vers  : 

Gesta  duois  Maeedinn  totum  digesta  per  orbem..... 


166  NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS 

Ce  qui  me  porte  à  restituer,  comme  je  l'ai  fait,  le 
vers  de  Henri  d'Andeli,  c'est  qu'on  paraît  avoir  eu 
pour  habitude  à  cette  époque  de  désigner  YAlexan- 
drëide  par  les  trois  mots  du  début.  C'est  ainsi  que 
Guillaume  le  Breton  dit,  en  dédiant  sa  Philippide 
(v.  9-10)  à  Louis,  fils  aîné  de  Philippe-Auguste  {Hist. 
des  Gaules  et  de  la  France,  t.  XVII,  p.  118)  : 

Gesta  ducis  Macedum  celebri  describere  versu 
Si  licuit,  Gualtere,  tibi 

Alain  de  Lille,  auteur  de  VAnti-Clazodien,  qui 
attaque  vivement  Gautier  et  lui  applique  même  le 
nom  de  Maevius  par  lequel  Virgile  désigne  un  mauvais 
poète  envieux  de  sa  gloire,  s'exprime  ainsi  : 

Msevius  in  cœlos  audens  os  ponere  mutum, 
Gesta  ducis  Macedum  tenebrosi  carminis  auctor 
Pingere  dum  tentât,  in  primo  limine  fessus 
Hseret,  et  ignaram  queritur  torpescere  musam. 

(L.  1,  ch.  V.) 

11  ne  faudrait  pas  apprécier  ce  poème  et  le  talent  de 
son  auteur  sur  la  foi  d'Alain  de  Lille.  h'Alexandreide 
est  en  effet  de  beaucoup  supérieure,  au  double  point 
de  vue  de  la  composition  et  de  la  versification,  aux 
nombreux  poèmes  latins  de  la  même  époque,  dont 
quelques-uns  cependant  sont  remarquables.  Legrand 
d'Aussy  (Not.  et  Extr.  des  mss.^  i  V,  p.  104)  etDaunou 
{Ilist.  lut,  de  la  France,  t.  XVI,  p.  183)  l'ont  très 


NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS  167 

favorablement  jugée.  Elle  a  joui  d'ailleurs  d'une  grande 
vogue  pendant  tout  le  moyen  âge  ;  on  ne  tarda  pas  à 
l'étudier  dans  les  écoles,  oii  l'on  négligeait  même  pour 
elle  la  lecture  des  poètes  anciens.  Henri  de  Gand,  qui 
écrivait  dans  la  dernière  moitié  du  xiu®  siècle,  dit  en 
effet,  en  parlant  de  Gautier  de  Châtillon  :  «  Scripsit 
gesta  Alexandri  Magni  eleganti  métro.  Qui  liber  in 
scholis  grammaticorum  tantse  dignitatis  est  hodie,  ut 
prae  ipso  veterum  poetarum  lectio  negligatur.  »  Du 
Boulay  {Hist.  Univ.  Paris. ^  t.  II,  p.  740-741)  place  en 
1180  la  composition  de  cet  ouvrage. 

P.  53,  V.  288-289.  —  La  Bible  verseflée  est  le  poème 
latin  Aurora,  composé  sur  des  extraits  de  la  Bible  par 
le  chanoine  de  Reims,  Pierre  Riga,  dont  Albéric  des 
Trois-Fontaines  place  la  mort  en  l'année  1209.  Cette 
œuvre,  qui  comprend  plus  de  15,000  vers  élégia- 
ques ,  a  été  fort  admirée  des  contemporains  ;  Guil- 
laume le  Breton  et  Evrard  de  Béthune  lui  ont  prodigué 
leurs  éloges.  UAurora^  comme  d'autres  poèmes  latins 
de  la  même  époque,  V Alexandreide,  VAnti-Claudien, 
VArchitrenius,  etc.,  était  étudiée  dans  les  écoles,  ainsi 
que  l'attestent  les  citations  que  les  grammairiens  en 
font  fréquemment  et  la  multiplicité  des  copies  qui  nous 
en  sont  parvenues.  Laissée  imparfaite  par  son  auteur, 
elle  fut  corrigée  et  complétée  par  un  certain  Gilles 
qu'on  croit  être  Gilles  de  Paris,  Fauteur  du  CaroUnus. 
(V.  Hist.  litt.  de  la  France,  t.  XVI,  p.  187,  et  t.  XVII, 

p.  26  et  suiv.) 

37 


168  '  NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS 

P.  53,  V.  290-291.  —  La  grammaire  comprenait 
l'étude  des  noms  patronymiques  ;  les  logiciens  étudiaient 
les  huit  livres  des  Topiques  d'Aristote  ou  traité  de 
dialectique  que  traduisit  Boëce,  les  Topiques  de 
Cicéron  et  les  quatre  livres  du  De  differentiis  Topicis 
de  Boëce.  C'est  la  réunion  de  ces  différents  ouvrages 
qui  forme  sans  doute,  dans  la  pensée  du  poète,  la 
mesnie  Topiques. 

P.  55,  V.  320.  —  Primat,  qui,  avec  le  poète  latin 
Ovide,  commande  l'arrière-ban  de  l'armée  de  Gram- 
maire, est  un  versificateur  latin  qui  vécut  au  xii®  siècle. 
Richard  de  Poitiers  rapporte  que  son  véritable  nom 
était  Hugues  et  qu'il  fut  appelé  le  Primat  par  ses  con  - 
disciples.  Sa  facilité  à  composer  des  vers  et  ses  plai- 
santeries l'ont  rendu  légendaire.  Thomas  de  Capoue  le 
cite  (V.  M.  Thurot,  Not.  et  Extr.  des  mss.,  t.  XXII, 
II,  p.  418,  n.  2)  comme  offrant  les  meilleurs  modèles  des 
vers  latins  rythmiques.  Son  nom  était  encore  célèbre 
au  XIV®  siècle,  puisque  Boccace,  qui  en  fait  le  héros 
d'une  anecdote  {Décaméron,  V^  Journée,  vu**  Nouvelle), 
le  qualifie  de  très  habile  grammairien  et  d'un  des  plus 
grands  poètes  de  son  siècle  (Primasse  fu  un  gran  va- 
lente  uomo  in  grammatica,  e  fu  oltre  ad  ogn'altro 
grande  e  presto  versificatore) .  Les  chroniqueurs  Richard 
de  Poitiers,  Françesco  Pippino ,  frère  Salimbene  de 
Parme  et  une  compilation  manuscrite  de  la  Biblio- 
thèque de  Tours,  ont  donné  sur  ce  singulier  person- 
nage de  curieux  détails,  que  M.  L.  Delisle  a  réunis  et 


NOTES   ET  ÉCLAIRCISSEMENTS  169 

contrôlés  dans  les  trois  notices  suivantes,  d'oii  cette 
note  est  tirée  :  Les  Écoles  d'Orléans  au  XIP  et  au 
XIIP  siècle,  dans  V Annuaire-Bulletin  de  la  Société 
de  l'Histoire  de  France^  1869,  p.  139  et  suiv.  —  Notes 
su/r  quelques  mss.  de  la  Bibl.  de  Tours  dans  la  Bibl. 
de  VÈcole  des  Chartes,  6^  série,  t.  IV,  1868,  p.  596  et 
suiv.  —  Le  poète  Primat,  dans  le  même  recueil, 
t.  XXXI,  1870,  p.  302-311. 

P.  55,  V.  323.  —  Le  mot  de  gonfanon  ou  gonfalon 
s'appliquait  soit  à  une  grande  bannière  dont  le  bas 
était  découpé  en  plusieurs  pièces  pendantes  nommées 
fanons,  soit  à  une  bande  d'étoflfe  plus  longue  que  large 
attachée  à  la  hampe  de  la  lance,  au-dessous  du  fer,  avec 
lequel  elle  pénétrait  souvent  dans  les  blessures. 

L'escut  li  freint  e  l'osberc  li  derumpt, 
El  cors  li  met  les  pans  de  rgunfanon. 

{La  Chanson  de  Roland,  édit.  L.  Gautier,  v.  1532- 
1533). 

Ce  gonfanon  était  de  forme  rectangulaire  et  terminé 
ordinairement  par  trois  pointes  ou  pans.  —  V.  Viollet- 
le-Duc,  Lict.  du  Mobilier,  t.  V,  p.  478,  et  L.  Gautier, 
La  Chanson  de  Roland,  éclaircissement  m,  p,  376- 
378,  de  l'édit.  in-8°,  1875.  —  Le  gonfanon  du  v.  323,  où 
sont  embrievez  10,000  vers,  est  ici  une  grande  ban- 
nière. 


170  NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS 

P.  E>5,  V.  326.  —  Marciacop  pourrait  bien  être  une 
erreur  de  copiste  pour  Marciacap,  et  l'on  y  verrait 
l'abréviation  du  nom  de  Martianus  Capella,  l'auteur 
du  Le  nuptiis  Philologiœ  et  Mercurii,  l'inventeur  de 
la  célèbre  classification  des  sept  Arts,  tant  estimé  et 
cité  au  moyen  âge  et  qu'on  serait  étonné  de  ne  pas  voir 
figurer  parmi  les  combattants  dans  le  poème  de  Henri 
d'Andeli.  Il  y  aurait  là  une  de  ces  abréviations  dont  les 
écoliers  n'ont  pas  perdu  la  tradition. 

P.  55,  V.  327. —  li' Anti-Claudien e^i Vin^oèmeldiXui 
d'Alain  de  Lille,  surnommé  le  Docteur  universel,  que 
D.  Bv\dl{Hist.  litt.  de  laFrance,  t.  XVI,  p.  396-425)fait 
naître  à  Lille  peu  d'années  avant  1128  et  dont  il  place 
la  mort  en  l'an  1202.  Daunou  {Hist.  litt.  de  la  France, 
t.  XVI,  p.  183-184),  qui  a  jugé  cet  ouvrage  moins  favo- 
rablement que  D.  Brial,  explique  ainsi  le  titre  :  «  Clau- 
dien  a  montré  tous  les  vices  s'emparant  de  Rufin  et 
concourant  à  le  pervertir,  Alain  rassemble  toutes  les 
vertus  autour  d'un  homme  qu'elles  veulent  perfec- 
tionner et  qui  deviendra  par  là  un  Anti-Rufin.  » 

P.  55, ,  V.  328. —  Legrand  d'Aussy  et,  après  lui,  Ju- 
binal,  ont  pensé  que  notre  trouvère  désignait  sous  le 
nom  de  Bernardins  li  Sauvages  l'auteur  du  traité  de 
morale  en  vers  français  intitulé  Doctrinal  le  Sauvage^ 
que  le  dernier  a  publié  dans  son  Nouveau  recueil^  etc. 
(t.  II,  p.  151-161)  ;  ce  serait,  selon  Legrand  d'Aussy,  le 
seul  poète  roman  que  l'on  étudiât  alors  dans  les  écoles. 
Je  crois,  pour  ma  part,  que  ce  Bernardins  li  Sauvages 


NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS  171 

est  un  poète  latin  comme  tous  ceux  que  cite  Henri 
d'Andeli,  et  que  ce  nom  n'est  pas  autre  chose  que  la 
traduction  de  celui  de  Bernardus  Sylvestris  qu'on  iden- 
tifie d'ordinaire  avec  Bernard  de  Chartres  ;  ce  qu'ajoute 
le  poète  : 

Qui  connoissoit  toz  les  langages 
Des  esciences  et  des  ars, 

convient  d'ailleurs  parfaitement  à  ce  célèbre  docteur. 
Voici  ce  que  M.  V.  Le  Clerc  dit  du  Doctrinal  Sauvage 
ou  le  Sauvage  {Hist.  litt.  de  la  France,  t.  XXIII, 
p.  240)  :  <  Cette  dénomination  peut  avoir  pour  origine, 
soit,  comme  on  l'a  supposé,  le  nom  même  de  l'auteur, 
Sauvage  d'Arras,  qui  a  fait  des  chansons  et  le  dit  sur 
dame  Guile  ou  dame  Tromperie,  soit  d'un  texte  latin 
dont  ce  Doctrinal  ne  serait  le  plus  souvent  que  la  tra- 
duction ,  et  qu'il  faudrait  faire  remonter  jusqu'au 
xn^  siècle,  jusqu'à  Bernard  Silvestris,  qui,  outre  un 
Liber  dictaminum,  compté  autrefois  parmi  les  mss.  de 
l'abbaye  de  Benedictbeuren,  avait  laissé  divers  recueils 
de  conseils  pour  bien  vivre,  et  que  sa  réputation  de 
poète  latin  avait  pu  faire  regarder  comme  ayant  pris 
part  à  la  composition,  dans  cette  langue,  de  quelques 
poésies  morales.  Il  est  certain  que  le  texte  français  du 
Doctrinal,  dans  un  des  plus  anciens  mss.,  porte  en 
titre  :  «  Ci  commence  Doctrinal  de  latin  en  roumanz.  > 
M.  P.  Meyer  a  donné,  dans  sa  Notice  sur  un  ms. 
bourguignon  (Musée  britannique,  addit.  15606),  la 


172  NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS 

nomenclature  de  tous  les  mss.  connus  qui  contiennent 
le  Doctrinal  français.  (V.  Romania,  n"  21,  janvier 
1877,  p.  20-24.) 

P.  55,  V.  334.  —  Il  est  singulier  de  retrouver  Stace 
dans  l'arrière-ban  amené  d'Orléans  par  Primat  et 
Ovide,  après  l'avoir  vu  (v.  207)  dans  les  troupes  qui 
engagent  d'abord  le  combat  : 

Virgile,  Lucan  et  Estace. 

Henri  d'Andeli  est  très  précis  et  il  n'a  pas  dû  oublier 
qu'il  avait  déjà  parlé  de  ce  poète.  Je  croirais  plutôt  qu'à 
cette  époque  on  distinguait  à  tort  deux  Stace  ;  le  soin 
que  prend  le  poète  en  ce  passage  d'ajouter  à  son  nom 
celui  de  l'Achilléide  semble  indiquer  l'intention  de  le 
différencier  de  l'autre,  qui  serait  pour  lui  l'auteur  de  la 
Thébaïde.  Cette  distinction,  si  toutefois  on  l'a  faite, 
viendrait  d'une  confusion  établie  entre  l'auteur  de  la 
Thébaïde  et  de  l'Achilléide,  Publius  Papinius  Statius, 
né  à  Naples,  et  un  certain  Statius  Surculus  ou  Ursulus, 
né  à  Toulouse,  qui  enseigna  la  rhétorique  en  Gaule  et 
dont  l'existence  est  attestée  par  saint  Jérôme  dans  son 
appendice  à  la  Chronique  d'Eusèbe  :  «  Statius  Surculus 
Tholosanus  in  Gallia  celeberrime  Rhetoricam  docet, 
Olymp.  200,  ann.  59.  Imp.  Nerone  »,  et  par  une  chro- 
nique manuscrite  du  couvent  de  St- Victor  :  «  Roma- 
norum  vi  regnavit  Nero,  etc.  Statius  Ursulus  Tholo- 
sensis  celeberrime  in  Gallia  Rhetoricam  docet.  »  Il  est 
probable  que  le  poète  attribue  à  l'un  la  Thébaïde,  à 


NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS  173 

l'autre  FAchilléide.  Frédéric  Lindenbrog  (Tiliobroga), 
qui  vécut  de  1573  à  1647,  confond  encore  ces  deux 
personnages  ;  il  appelle  le  poète  latin  Papinius  Sur- 
culus  Statius  et  le  fait  naître  à  Toulouse.  (V.  l'édit.  de 
Stace  donnée  par  Emeri  de  La  Croix  (Cruceius),  Paris, 
1618,  in-40.) 

P.  55,  V.  336.  —  Que  faut-il  voir  dans  ces  hez  que 
Stace  menoit par  devant  soi?  —  Je  trouve  le  passage 
suivant  dans  la  Chronique  normande  de  Pierre  Co- 
chon, publiée  par  M.  Ch.  de  Beaurepaire  pour  la 
Société  de  l'Histoire  de  Normandie  (p.  70)  :  «  Et  fu 
toute  la  belle  quesnée  du  bosc  de  Bihorel  jouxte  Rouen 
toute  abatue  pour  faire  des  hez  à  faire  les  pallis  entour 
la  chité  de  Rouen.  »  Les  hez  sont  évidemment  des 
pieux  à  palissade,  et  le  passage  suivant  de  la  même 
Chronique  (p.  301)  le  prouve  bien.  «  Et  avoient  les 
dits  Anglois  pieux  de  haie  agus  fiquiés  entour  eux  ;  et 
ne  les  povoient  les  dits  Franchois  grever  ne  courre 
sur  eulx  pour  les  dits  pieux  et  n'eussent  esté  iceulx 
pieux,  les  dits  Anglois  eussent  eu  assés  à  souffrir.  » 
Ainsi  on  se  défendait  en  rase  campagne  des  attaques 
de  l'ennemi  en  se  retranchant  par  une  enceinte  de 
pieux.  11  se  peut  que  notre  poète  nous  montre  Stace 
qui  avoit  fort  pis  (poitrine)  et  fort  dos,  chargé  du 
transport  de  pieux  destinés  à  faire  une  palissade,  et 
que  ce  soit  par  mi  ces  piez  (v.  350)  que  les  assaillants 
sont  sur  le  point  de  prendre  Logique,  Astrenomie  et 
Rectorique. 


174  NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS 

P.  55,  V.  338.  —  Avienus  (Rufus  Festus)  est  un 
poète  latin  de  la  fin  du  iv^  siècle  après  J.-C. 

Pamphilus  est  l'auteur  d'une  élégie  amoureuse  qui 
commence  par  ce  distique  (Bibl.  nationale,  ms.  8430, 
f.  62,  ro)  : 

Vulneror  et  clausum  porto  sub  pectore  telum, 
Crescit  et  assidue  pena  dolorque  mihi. 

Cette  pièce  eut  quelque  vogue  au  moyen  âge  ;  les 
trouvères  se  sont  souvenus  plusieurs  fois  de  Pam- 
philus. (V.  Hist.  litt.  de  la  France,  t.  XXIII,  p.  236, 
et  Jubinal ,  note  sur  ce  vers  de  la  Bataille  des  Vil 
Ars,  à  la  suite  des  Œuvres  de  Rutebeuf^  Bibl.  eJzév., 
t.  m,  additions,  p.  343.) 

P.  55,  V.  339.  —  Au  v^  siècle,  un  prêtre  de  Cœlésy- 
rie,  Theodulus,  que  Gennadius  son  contemporain  fait 
mourir  vers  490  dans  un  âge  très  avancé,  a  composé 
sous  le  titre  à'Eglogue  une  pièce  curieuse  en  vers 
léonins  qui  repose  sur  cette  donnée  :  Un  berger  athé- 
nien, Pseustis  (le  Mensonge),  et  une  vierge  du  sang  de 
David,  Alithia  (la  Vérité),  se  rencontrent  au  bord  d'un 
ruisseau.  Pseustis  provoque  au  combat  Alithia,  qui 
accepte  et  qui  lui  propose  de  prendre  Fronesis  (la 
Sagesse)  pour  juge.  Celle-ci  consent  à  remplir  le  rôle 
d'arbitre  et  la  lutte  s'engage.  Dans  des  couplets  de 
quatre  vers  chantés  tour  à  tour  par  les  deux  adver- 
saires, Pseustis  célèbre  les  fables  merveilleuses  du 
paganisme  et  Alithia  lui  oppose  les  faits  non  moins 


NOTES   ET  ÉCLAIRCISSEMENTS  17^ 

merveilleux  attestés  par  les  livres  saints.  A  la  fin, 
Pseustis  se  déclare  vaincu  et  Fronesis  prie  AUthiade 
se  laisser  toucher  et  de  cesser  le  combat. 

Les  deux  mss.  qui  nous  ont  conservé  la  Bataille  des 
VII  Ars  appellent  Sextis  et  Malicia  les  deux  person- 
nages que  VEgloga  Theoduli  nomme  Pseustis  et 
Alithia.  On  sait  que  le  p  initial  placé  devant  les 
consonnes  s,  t,  n,  tombe  dans  les  mots  français  dérivés 
du  latin  (V.  M.  A.  Brachet,  Gramm.  hist.  de  la  langue 
française^  16^  édit. ,  p.  129  et  136)  ;  notre  vieille  langue 
disait  saume,  salterion  pour  'psaume,  psalterion ;  le  p 
a  été  rétabli  plus  tard  par  les  savants  sous  l'influence 
du  latin.  Supprimé  également  dans  tisane  (ptisane), 
neume  (pneume),  il  n'a  point  reparu.  De  plus,  M.  G. 
Paris  {la  Vie  de  saint  Alexis,  p.  278)  a  établi  que  la 
notation  x  équivaut  à  us;  Sextis  représente  donc  bien 
Pseustis.  Quand  à  Malicia  au  lieu  d'Alicia  (Alithia)^ 
c'est  une  erreur  évidente  du  copiste  qui  n'a  point  com- 
pris le  nom  d'^  licia  et  l'a  remplacé  par  celui  de  Malicia, 
mieux  connu  de  lui,  sans  remarquer  que  le  triomphe 
de  la  méchanceté  sur  le  mensonge  ne  pouvait  avoir 
aucun  sens.  Je  n'ai  donc  pas  hésité  à  remplacer  dans 
le  texte  Malicia  par  A  licia. 

L'ouvrage  de  Theodulus  était  lu  et  commenté  dans  les 
écoles;  les  grammairiens  lui  empruntent  parfois  des 
exemples.  Il  a  été  traduit  en  vers  français  de  dix  syl- 
labes par  Jean  Le  Fèvre  de  Ressens,  vers  le  commen- 
cement du  XV®  siècle  ;  cette  traduction  se  trouve  dans 


176  NOTES  BT  ÉCLAIRCISSEMENTS 

le  ms.  fr.  592  (anc.  7068),  f.  112  r»  à  123  v»,  de  la 
Bibl.  nat.  ;  elle  y  est  précédée  (f.  111  v**)  d'une  curieuse 
miniature  qui  représente  les  trois  personnages  de  l'é- 
glogue.  Le  Fèvre  tra.àmt  Alithia  ^2iV  Alicyee  etAHcye. 

P.  56,  V.  359.  —  Ce  vers  me  paraît  signifier  :  Qu'elle 
a  mis  sa  robe  en  lambeaux.  Il  est  vrai  que,  d'après  les 
lois  de  la  dérivation,  pannus  ne  peut  donner  que  pan, 
et  non  pain;  mais  les  trouvères  modifient  parfois  les 
mots  en  faveur  de  la  rime.  Voir  les  exemples  cités  dans 
la  note  sur  le  vers  175  de  la  Bataille  des  Vins. 

P.  56,  V.  366.  —  Les  Authentiques,  le  Code  et  le 
Digeste  sont  trois  recueils  de  lois  et  de  décisions  réunies 
par  le  jurisconsulte  Tribonien  sous  l'empereur  Justi- 
nien,  et  qui,  à  partir  du  xii^  siècle,  servirent  de  base 
à  renseignement  du  droit,  d'abord  en  Italie,  puis  en 
France. 

P.  57,  v.  388. 

Cases,  figures,  formoisons. . . 
Jubinal  a  imprimé  : 

C  à  ses  figures,  formoisons. . . 

ce  qui  rend  la  phrase  inintelligible.  —  Le  mot  latin 
casus  (cas,  désinence)  était  traduit  au  moyen  âge  par 
le  substantif  féminin  case.  On  en  trouve  plusieurs 
exemples  dans  des  passages  extraits  par  M.  Thurot  du 
ms.  578  de  la  Bibl.  Mazarine,  qui  renferme  des  traités 
élémentaires  de  grammaire  par  questions  et  par  ré- 


NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS  177 

ponses,  dont  quelques-uns  en  français,  et  du  ms.  S.  Q-. 
1460^  de  la  Bitl.  nat.  contenant,  f.  8  v»,  un  traité  élé- 
mentaire des  parties  du  discours  en  français  (V.  M. 
Thurot, Not.  etExtr.  des  mss.,  t. XXII,  2®partie,  p.  51, 
168,  170,  182  et  197).  Le  dictionnaire  de  M.  Littré  ne 
renferme  pas  d'exemples  de  case  à  l'historique  du  mot 
cas. 

Henri  d'Andeli  entend  par  le  mot  formoisons  (forma- 
tiones)  les  formations  des  prétérits  et  des  supins,  qui 
sont  une  des  difficultés  de  la  langue  latine.  On  trouve 
dans  deux  mss.  de  la  première  moitié  du  xiii®  siècle  un 
poème  latin  sur  la  formation  des  prétérits  et  des  supins, 
que  M.  Thurot  attrihue  à  Pierre  Riga  et  qu'Alexandre 
de  Villedieu  a  reproduit  presqu'en  entier  avec  quelques 
modifications  dans  son  Doctrinal.  Ce  poème  se  termine 
ainsi  dans  l'un  des  mss.  (S.  V.  798,  f.  153  v°)  :  «  Expli- 
ciunt  versus  de  formationibus  preteritorum  et  supino- 
rum.  »  (V.  M.  Thurot,  ibid.,^.  26.) 

P.  57,  V.  402.  —  V.  sur  ce  Gautier  la  note  du  v.  108. 

P.  58,  V.  406-407.  —  Henri  d'Andeli  s'est  ici  souvenu 
de  Martianus  Capella  qui  dit  en  parlant  de  la  gram- 
maire [De  nuptiis  Philologiœ  et  Mercurii,  lib.  III,  de 
Arte  grammatieà)  :  «  Admoverat  igitur  Latoides  de 
priori  loco  Mercurialium  ministrarum  aetate  quidem 
longaevam,  sed  comitate  blandissimam ,  quae  se  in 
Memphide  ortam ,  rege  adhuc  Osire ,  memorabat, 
denique  obtectam  latibulis  ab  ipso  repertam,  educa- 
tamque  Cyllenio.  » 


178  NOTES   ET  ECLAIRCISSEMENTS 

P.  59,  V.  440-441.  —  En  nous  montrant  Versefieres 
(versificator),  personnification  de  la  poésie  latine, 
réfugié  entre  Orléans  et  Blois,  l'auteur  paraît  avoir 
songé  aux  luttes  poétiques  que  soutenaient  entre  eux 
les  écoliers  de  ces  deux  villes  et  qui  nous  prouvent  que 
le  culte  de  la  muse  romaine  était  en  honneur  chez  eux. 
Voir,  à  cet  égard,  une  curieuse  anecdote  que  M.  L. 
Delisle  a  traduite  d'un  ms.  de  la  Bibliothèque  de  Tours 
et  dans  laquelle  Primat,  dont  il  est  question  plus  haut, 
joue  le  principal  rôle.  —  Annuaire-Bulletin  de  la 
Société  de  l'Histoire  de  France,  1869,  les  Ecoles 
d'Orléans  au  XII^  et  au  XIIP  siècle,  p.  147.  —Biblio- 
thèque de  l'Ecole  des  Chartes,  6e  série,  t.  IV,  Notes 
sur  quelques  mss.  de  la  Bibliothèque  de  Tours. 

P.  59,  V.  445.  —  Le  ms.  19152  écrit  giste,  le  ms.  837 
gistre,  avec  la  lettre  épenthétique  r,  modification  dont 
on  a  de  nombreux  exemples  ;  ainsi  les  trouvères  font 
très  souvent  rimer  celestre  pour  céleste  avec  estre. 
Toutefois,  au  lieu  de  lor  gistre^  on  pourrait  peut-être 
lire  Vorgistre,  et  voir  dans  ce  mot  Vorganistrum^  ins- 
trument qui,  modifié,  devint  plus  tard  la  chifonie  et 
dont  s'accompagnaient  les  ménestrels.  Il  est  vrai  que 
Versefieres  est  la  personnification  de  la  poésie  latine; 
mais  on  faisait  à  cette  époque  des  vers  latins  ryth- 
miques (V.  la  note  du  v.  320  sur  Primat)  qui  se  chan- 
taient peut-être  accompagnés  d'un  instrument. 


(2:5^  ^&S)F  >Câ  3f  î^gjip  =ei«^£L3 


GLOSSAIRE 

I.  Le  Lai  d'Aristote.  —  II.  La  Bataille  des  Vins.  —  III.  Le  Dit  du 
chancelier  Philippe.  —  IV.  La  Bataille  des  .  VII .  Arts. 


A  m,  208,  IV,  390,  il  y  a;  n'a  que 
III,  8,  il  n'y  a  que;  il  n'a 
I,  196,  il  n'y  a;  ait  I  435,  il 
y  ait. 

A  II,  96,  IV,  393,  avec. 

A  I,  386,  de. 

A  m,  172,  pour. 

Abé  [en]  I,  264,  au  guet,  en  em- 
buscade. 

Abeli  I,  216,  plut,  fut  agréable. 

AcHiLEiDOS  IV,  334,  l'Achilléide 
de  Stace. 

Achoison  I,  227,  motif,  cause. 

Acroche  II,  131,  saisit. 

Acointe  [aura]  I,  260,  aura  con- 
nue. 

Acola  1, 269,  embrassa. 

Acorde  IV,  3,  s'accorde. 

Acost  [a  son]  IV,  167,  à  son  côté. 

Acuel  III,  56,  accueille. 

Adès  II,  202,  tout  adès  I,  15,  lou- 
jours. 

Adrecie  IV,  266,  dirigée. 

Aert,  I  94,  392,  saisit. 


Afere  I,  14,  natu/re,  caractère;  I, 

84,  517,  sujet;  I,  429,  chose. 
Afetié  I,  37,  disposé. 
Afoler  [s*],  devenir  fou;  s'afole,  I, 

117,  m'afol  I,  206. 
Agrecimb  IV,   202,    le  Grécismus 

d'Evrard  de  Béthune.  V.  notes, 

p.  156. 
Aide  rV,  321,  aide,  secours. 
Aier,  aider;  Diex  aïe  I,  399,  que 

Dieu  m'aide;  l'ait  Deus  III, 

264,  que  Dieu  l'aide. 
Aim  I,  272,  362,  aime. 
Ainçois  que  I,  427  etc.  avant  que. 
Ainz  1, 3,  57, 74,  etc.,  au  contraire, 

plutôt,  mais. 
Aïr  IV,  191,  impétuosité,  fougue. 
Alaschierent  IV,  269,  lâchèrent. 
Alemanz  n,  109,  IV,  446. 
Alemele  IV,  360,  lame. 
Alicu  IV,  343.   V.  notes,  p.  174. 
Alixandre  I,  61,  etc.,  III,  77. 
Als  III,  200,  elles. 
Ambboise  IV,  75,  St  Ambroise. 
Amender  1, 120,  se  corriger;  amende 

I,  294,  embellit. 
Amenuise  I,  527,  amoindrit. 


180 


GLOSSAIRE 


Ameor  II,  7,  amere  I,  550,  favori, 
amant. 

Amont  III,  226,  en  haut, 

Amonter  I,  64,  élever. 

Amort  [s']  III,  6,  s'attache,  s'ap- 
plique. 

Amusez  I,  bll,  joué,  trompé. 

An  III,  96,  au. 

Ançois  III,  66,  plutôt. 

Anjou  II,  32.  V.  notes,  p.  100. 

Anmis,  III,  224,  ami. 

Anoie  I,  366,1:.  impers.,  il  ennuie, 
il  contrarie. 

Anqui  I,  314,  aujourd'hui. 

ANTICLA.UDIEN  IV,  327,  poême  d'A- 
lain de  Lille.  V.  notes,  p.  170. 

Anui  I,  22,  319,  offense;  I,  525, 
ennui,  peine. 

Anuit  [cui  qu'il]  III,  34,  quelque 
peine  qu'on  en  éprouve. 

Aperte  I,  500,  ouverte. 

Apertement  I,  499,  ouvertement . 

Apostoile  II,  187,  pape. 

Apresure  I,  541,  habitude,  cou- 
tume. V.  Dict.  de  La  Curne. 

Aquilat  II,  190.  V.  noies,  p.  127. 

Aramie  I,  251,  engagée. 

Arator  IV,  211.  V.  notes,  p.  158. 

ArcienlV,  91, 444,  originairement, 
maître  es  arts,  étudiant  es 
arts  ;  plus  tard,  le  sens  a  été 
réduit  comme  ici  à  maître  de 
logique,  étudiant  en  logique. 

Architraine  IV,  283,  l'Archithre- 
nius  de  Jean  de  Hautville. 
V.  notes,  p.  164. 

Ardre,   brûler;   ind.  pr.  art  III» 


227,  233,  235,  ardez  I,  489;  p. 
passé,  ara  IV,  38. 

Arengier  [si  II,  198,  se  mettre  en 
rang,  en  ordre  (autour  de  la 
table). 

Arestut  [s']  III,  63,  s'arrêta;  ar- 
reste  I,  161,  s'arrête,  reste. 

Abgenches  II,  73.  V.  notes,  p.  112. 

Argentubil  II,  28,  etc.  V.  notes, 
p.  99. 

Arismetique  IV,  146,  164,  un  des 
sept  Arts. 

Aristote  I,  139,  etc.,  IV,  196,  etc. 

Armes  III,  127,  âmes. 

Arrestance  I,  30,  arrêt,  pause. 

Aserir,  être  soir;  aseri  IV,  306. 

Assavorè  IV,  381,  connu,  goûté. 

Assentir  [s']  III,  43,  donner  son 
assentiment  ;  m'asent,  I,  210, 
je  me  soumets. 

Astrenomie  IV,  142,  etc.,  un  des 
sept  Arts. 

Ataines  I,  315,  Athènes. 

Atant  ou  a  tant  I,  276,  alors. 

Ator  I,  266,  471,  dispositions,  ma- 
nœuvres. Estre  de  mal  ator, 
IV,  412,  être  en  mauvaise  si- 
tuation. 

Atorner,  tourner;  atornoit  I,  158; 
s'atornerent  II,  70. 

Atrere  I,  369,  attirer;  atret  I,  373. 

AuçuERRE  II,  36,  etc.  V.  notes,  p. 
102-105. 

Augustin  IV,  75,  saint  Augustin. 

Aumaire  IV,  30,  235,  armoire,  bi- 
bliothèque. 

AuNi,  II,  18.  V.  notes,  p.  95. 


GLOSSAIRE 


181 


Aunoi  I,  306,  aune. 

Aus  IV,  245,  aux;  I,  63,  H,  79, 
eux. 

AussAi  U,  17,  114,  Ausois  II,  102, 
Alsace.  V.  notes,  p.  94-^. 

AuTBNTiQUE  IV,  366.  V.  notes, 
p.  176. 

Auctors  IV,  243,  etc.,  autoriaus  IV, 
7,  auctoriaus  IV,  275,  autorel 
IV,  438,  autoristre,  IV,  27,  au- 
teurs. Le  poète  entend  exclu- 
sivement par  là  les  poètes 
latins.  Autorez  IV,  416^  semble 
signifier  citations  d'auteurs. 

Autrier  P']  II,  2,  l'autre  jour. 

AuviLER  II,  29,  95.  V.  notes,  p.  99 
et  115. 

Aval,  III,  225,  en  bas  ;  aval  le  ver- 
gier  I,  462,  le  long  du  verger^ 

Avaler  III,  232,  descendre  ;  avalle 
III,  233,  descend. 

Avers  I,  66,  68,  avare. 

Aviler  II,  96,  rabaisser. 

Avint  n,  2,  arriva. 

Aviver  II,  152,  rendre  vif. 

AviONÈs  IV,  338.    V.  notes,  p.  174. 

Avocatiaus  IV,  368,  diminutif  de 
mépris,  méchants  avocats.  Cf. 
autoriaus,  logicieniaux. 

Avoi!  I,  337,  400,  404,  hélas!  holà! 

Ax,  I,  210,  eux. 

B 

Baconnez  FV,  119,  lardés,  percés, 
sens  métaphorique  tiré  de 
bacon,  comme  larder  de  lard, 
larder  de  coups  d'épée. 


Baïen  II,  68,  brun,  noirâtre;  un 
pois  baïen,  au  sens  de  peu  de 
chose. 

Balsamon  IV,  35. 

Barbarme  rv,232,  le  Barbarismus 
de  Donat.  V.  notes,  p.  137-138. 

Basme  H,  162,  batmie. 

Batiaus  IV,  369,  bâtons  d'escamo- 
teur. 

Bede  IV,  76.  V.  notes,  p.  148. 

Bedel  ÏV,hT,  bedeaux,  appariteurs 
de  l'Université. 

Bediers  II,  24,  Béziers.  V.  notes, 
p.  98. 

Bée  II,  87.  V.  notes,  p.  114. 

Beffes  IV,  253,  tromperies,  men- 
songes. 

Bel  et  gent  I,  503,  bien  et  genti- 
ment. 

Bêlement  1, 141,  374,  doucement. 

Bernardins  li  sauvages  IV,  328. 
V.  notes,  p.  1^0. 

Berser,  lancer  vm  trait,  bersé  IV, 
189. 

Besançoi  II,  138,  Buzançais.  V. 
notes,  p.  119. 

Bi  II,  175,  mot  anglais  signifiant 
par. 

BiAUNB  n,  39.  V.  notes,  p.  106-107. 

Biauvais  II,  52.  V.  notes,  p.  108- 
109. 

BiADvoisiNS  II,  63.  V.  notes,  p.  110- 
112. 

Bible  versefbèb  IV,  288,  VAurora 
de  Pierre  Riga.  V.  notes,  p. 
167. 

Bliaut  1, 283,  301,  392,  vêtement. 


182 


GLOSSAIRE 


Blois  IV,  441. 

Bobançois  II,  141,  jactance. 

Boens  IH,   166,  167,  boins  IH,  150, 

etc.,  bon. 
BoiCES  IV,  220,  Boëce.   V.  notes, 

p.  159. 
Boivre  IV,  83,  boire. 
Bouche  de  lampe,  III,  192.  V.  notes, 

p.  130-133. 
BoEDiAus  II,  127.  V.  notes,  p.  117. 
Bors,  III,  259,  bourgs. 
Bout  II,  173.  V.  notes,  p.  123-124. 
Boutez  III,  221,  mis,  placé. 
Bouton  IV,  18,  au  sens  de  peu  de 

chose. 
Braies  I,  95,  pièges. 
Bretons  II,  117,  IV,  446. 
Buef  II,  41,  bœuf. 

G 

C  pour  qu';  c'en,  qu'on;  c'une, 
qu'iine,  passim. 

Cadedve  IV,  55,  quadriviiim. 

Cacha  II,  60,  chassa. 

Caniveçons,  IV,  252,  diminutif  de 
canivet,  petit  couteau,  canif. 

Cases  IV,  388,  cas,  désinences.  V. 
notes,  p.  176. 

Ce  1, 152,  etc.,  cela.—  Ce\  III,  4,  ce. 
—  Celé  I,  2/7, celle-ci;  cale  IV, 
120,  cette;  celés  IV,  186,  celles- 
ci.  —  Celi  I,  215,  celle. 

Cerne  IV,  137,  cercle,  d'où  cerner. 

Cervoise  II,  16,  179,  bière.  V.  notes, 
p.  91-94. 

Cest  I,  522  etc.,  ce.  —  Cestui  I,  72, 
celui-ci. 


Chaalons  n,  53,  99.  V.  notes,  p. 

109  et  116. 
Chablies  II,  39.  V.  notes,  p.  106. 
Chainja  III,  162,  changea. 
Chambeli  n,  73.  V.  notes,  p.  112. 
Champaignb  I,  113. 
Chanceuee   in,  15,  17,  23,  etc.; 

IV,  84,  le  chancelier  Philippe. 
Chandeillen,  182,chandoileIII,235, 

cierge. 
Chanu  1, 244,  chenuz  1, 338,  blanc. 
Chaples  IV,  131,  combats,  mêlées. 
Chaplerent  IV,  212,  frappèrent. 
Chardonal  II,  189,  cardinal. 
Chastel  Raodl  II,  33,  138  ;  Châ- 

teauroux.  V.  notes,  p.  101. 
Chastoier,  réprimander;  chastoie 

1, 175. 
Chaton  I,  518,  522,  Chatonbz  IV, 

337,  Gaton.  V.  notes,  p.  85-86. 
Chatonant  [a]  I,  452,    à  quatre 

pattes.  En  Normandie,  on  dit 

encore  à  caXons,  au  même  sens. 

V.  Duméril,  Dict.  du  patois 

normand. 
Chaudiaus    IV,    367,    breuvages 

chauds. 
Chauveni  II,  137.  V.  notes,  p.  119. 
Cheoir  IV,  421,  etc.,  tomber;  ind. 

prés,  chieent  IV,  432,  tombent  ; 

subj.prés.  chiece  JIl,  60  ;  fut . 

charront  IV,  431  ;  p.  déf.  cheï 

1,395  ;  p. passé  cheû  III,  102. 
Cheeon  le  viel  IV,  60. 
Chief  I,  199,  tête.  —  Venir  a  chief  I, 

505,  IV,  392,  venir  à  bout. 
Chosent  1, 138,  blâment. 


GLOSSAIRE 


183 


Ci  I,  327,  453,  III,  71,  ici.—  Ci  a  II, 
176,  il  y  a. 

ca  I,  327,  m,  182,  etc.,  ce,  ces.  — 
Cil  I,  79, 120,  etc.,  celui,  celui- 
ci.  —  Cil  I,  148,  II,  94,  III, 
103,  etc.,  ceux,  ceux-ci,  —  Cis 
I,  579,  cist  III,  206,  ces. 

Cirurgie  IV,  111,  chirurgie. — Ci- 
rurgien  IV,  100,  chirurgien. 

Clamer  1, 149,  appeler  ;  claime  IV, 
7,  claiment  IV,  15,  clamoit  II, 
7  ;  claim  part  I,  275,  réclame, 
demande  part. 

Claudiens  IV,  25,  94. 

Clerc  m,  21,  25,  etc.,  clers  III, 
30,  etc.,  clerc,  membre  du 
clergé. —  Clers  I,  520,  savant. 

Clerçonll,  178,  petit  clerc. 

Clergie  I,  156  etc.,  instruction, 
science. 

Clergiez  III,  88,  clergé. 

Clermons  II,  64.  V.  notes,  p.  110- 
112. 

Clers  III,  196,  203,  cler,  I,  195, 
clere  I,  385,  clair,  e. 

Çoile  I,  382,  cèle,  cache. 

Coille  IV,  39.  V.  notes,  p.  142. 

Cointe  1, 259,  IV,  458,  adroit,  habile. 
Cf.  l'anglais  quaint. 

Cointement  I,  371,  habilement. 

COLOINGNOIS  II,  111. 

Com,  con,  comme,  conme,  come, 
passim,  comme. 

Commanz  I,  135,  etc.,  commande- 
ment, ordre. 

Compas  II,  66,  de  bon  compas,  de 
bonne  qualité. 


Compas  IV,  171,  contour,  étendue. 
Cf.  l'anglais  compass. 

Comperer,  payer;  du  sens  de  payer 
cher,  on  est  passé  à  celui  de 
ressentir  de  la  peine:  Sa  mort 
trop  durement  comper  III,  106, 
j'éprouve  une  très  vive  dou- 
leur de  sa  mort. 

Conduit  III,  141,  direction,  con- 
duite. 

Conduit  III,  142,  condut  HI,  176, 
sorte  de  motet. 

Confors  IV,  47,  appui,  soutien. 

Conforta  IV,  394,  réconforta. 

Conroi  II,  43,  troupe  en  ordre.  — 
Prendre  conroi  1, 105,  prendre 
soin. 

Conseil  [mettre  a]  1, 141,  faire  des 
représentations  à  quelqu'un. 

Consire  [se]  1, 222,  se  prive,  s'abs- 
tient. 

Contençon  III,  60,  débat,  dispute. 

Conterresse  IV,  162,  sobriquet 
d'Arithmétique  :  celle  qui 
compte. 

Contrait  II,  166,  contre  fait,  perclus. 

Contralier,  contredire  ;  contralie 
IV,  415. 

Contralietez  IV,  97,  contradiction. 

Cops  IV,  419,  cotips. 

Corgies  IV,  353,  courroies,  fouet. 

Cors,  cou/rse;  le  cors  IV,  ^S2,  à  la 
course. 

Cort  I,  45,  IV,  409,  court  (verbe). 

Cort  I,  46,  II,  105,  cour. 

Costoier  II,  134,  cultiver. 

Cotele  IV,  359,  361,  robe. 


IM 


GLOSSAIRE 


Coulombiaus  IV,  139,  dim.  de  cou- 
lomb, pigeon. 

Coupe  I,  540,  faute. 

Coutel  IV,  360,  couteau. 

Cremor  IV,  310,  crainte. 

Cresse  IV,  42,  graisse. 

Crient  I,  422,  craint. 

CROB[dant]  11,91.  V.  notes,  p.  115. 

Crueus  I,  28,  33,  cruel. 

Cuer  1, 128,  etc.,  cœur. 

Cui  in,  34,  cas  oblique  du  pr.  qui. 

Guider,  croire  ;  cuit  I,  148,  164, 
cuide  I,  341,  cuidoit  I,  393,  Gui- 
diez 1, 292,  Guidèrent  111,38. 

Cunchient  IV,  126,  se  moquent  de. 

Cure  1,100,  II,  72,  etc.,  soin,  souci. 

Cypeb  n,  15,  187.  V.  notes,  p.  94 
et  127. 


Dan  IV,  50,  dans  IV,  191,  etc.,dant 
IV,  208,  etc.,  dom  (dominus). 

Danbmarche  II,  119. 

Dars  IV,  37.  V.  notes,  p.  141. 

De,  supprimé  entre  deux  substan- 
tifs I,  219,  etc.,  entre  un  adv. 
et  un  subst.  I,  62,  IV,  248. 

De,  que  dans  les  comparaisons  I, 
198,  II,  79,  145. 

Debonairetez  in,  83,  bonnes  ac- 
tions. 

Décret  IV,  66,  droit  canon.  V. 
notes,  p.  147. 

Déduit  [se]  I,  463,  s'amuse. 

Deferme  III,  245,  ouvre. 

Defface  I,  52,  défigure,  gâte.  Cf. 
l'anglais  to  defiface. 


Deffaire,  ôter,  détruire;  deflfet  I, 
496, 527,  defléroit  1, 135,  défis  I, 
235. 
Defifensables  IV,  254,  défendable. 
Defoiz  I,  479,  533,  défense. 
Défouler  IV,  199,  fouler,  écraser. 
Déguerpir,  abandonner;  déguer- 
pirent IV,  439,  déguerpis  1, 142. 
Deitè  IV,  140,  divinité. 
Del  III,  157,  158,  262,  IV,  120,  du. 
Délite  [se]  III,  218,  se  délecte. 
Demaine  [se]  I,  159,  se  comporte.— 

Demaine  IV,  414,  exerce. 
Démente  [se]  I,  355,  se  tourmenter, 
démente  I,  214.  On  dit  encore 
en  Basse-Normandie  se  dè- 
menter,  dans  le  sens  de  s'occu- 
per de,  se  donner  la  peine  de. 
Demorée  1, 130, 219,  séjour,retard. 
Demorer  I,  31,  s'arrêter,  demorez 

1,88. 
Démontre  in,  202,  montre,  désigne. 
Déporter  1, 173,  se  départir. 
Déporter  [se]  s'amuser  :  se  déporte 
I,  298,  457,  se  déportant  I,  417. 
Desaprendre,  employé  activement, 
ôter  la  science  ou  la  sagesse, 
desaprent  I,  344. 
Deschainte  I,  300,  sans  ceinture. 
Desconfite,  défaite;  tu  jues  à  la 
desconfite  II,  82,  tu  joues  à  te 
faire  battre. 
Desconseillie  I,  218,  découragée, 

abattue. 
Desdut  [se]  ni,  218,  se  réjouit. 
Déserte  111,  67,  mérite. 
Deservi  I,  296,  III,  54,  263,  mérité. 


GLOSSAIRE 


185 


Desi  au  jor  que  IV,  431,  jusqu'au 
jour  où. 

Deseur  I,  566,  etc.,  desor  I,  444, 
desus  I,  433,  sur. 

Deslot  I,  140,  blâme,  déconseille. 

Despire,  mépriser;  despis  II,  89, 
despisent  1, 12,  despisoieut  lY, 
278. 

Despit  I,  237,  IV,  16,  mépris. 

Desploïee  I,  42,  exposée,  racontée. 

Despointer  I,  256,  priver,  dépouil- 
ler. 

Despuis  I,  411,  569,  depuis;  l's  se 
prononce  encore  en  Basse- 
Normandie. 

Desroi  I,  109,  220,  trouble,  dé- 
sordre; mener  son  desroi  II, 
153,  faire  tapage. 

Dessavorer  1, 553,  déraisonner. 

Destempré  1, 168,  déréglé,  égaré. 

Destraindre  1, 548,  serrer,  presser, 
destraint  1, 204. 

Détenue  I,  400,  retenue. 

Deuls  IV,  2,  deuil,  malheur. 

Deûst  I,  291,  dût. 

Devers  IV,  49,  vers. 

Devices  m,  215,  richesses. 

Devis  [par]  I,  212,  suivant  une 
règle. 

Devise  [a]  IV,  34,  à  souhait. 

Deviser  III,  71,  raconter. 

Dez  III,  162,  dé  à  jouer  ;  Cel  jornos 
chaLnja  molt  li  dez,  ce  jour-là 
la  chance  tourna  contre  nous. 

Dialectique  IV,  305,  Dialetique  IV, 
225,  Dyaletiqoe  IV,  15,  la 
Dialectique,  un  des  sept  Arts. 


Diapante  IV,  181,  quinte.  V.  notes, 
p.  155. 

Diapason  IV,  181,  octave.  V.  notes, 
p.  155. 

Diatesalon  IV,  180,  quarte.  V. notes, 
p.  155. 

DiEUS  III,  51,  58  ;  Diex  I,  273,  326, 
399,  II,  45,  204;  Deus  HI,  109, 
262,  264;  Deo  IH,  213,  235, 
253  ;  Dieu  I,  424,  474,  II,  98, 
m,  62,  89. 

Digeste  IV,  366.  V.  notes,  p.  176. 

Dis  m,  152,  jour,  dans  l'expression 
toz  dis,  toujotirs. 

Discretistre  IV,  444,  maître  et  étu- 
diant en  décret  (droit  canon). 

Distrent  IV,  77,  305,  dirent. 

Dit  I,  51,  517,  562,  111,  261  ;  dis  HI, 
144,  poésie  morale. 

Divers  I,  429,  étrange. 

Divinité  IV,  77,  théologie.  Cf.  l'an- 
glais Divinity. 

DocTEiNAL  IV,  202,  ouvrage  d'A- 
lexandre  de  Villedieu.  V. notes, 
p.  156. 

Doie  m,  8,  doigts. 

Doie  in,  7,  doive. 

Doinst  1, 273,  don/ne  (subjonctif). 

Dois  n,  94,  table. 

Dolent  n,  88,  affligé. 

DoNABT  Vf, 2&,\2>J,Donat.V.  notes, 
p.  137-138. 

Dormir  Fse]  II,  202,  dormir.  A 
l'origine,  ce  verbe  est  ordi- 
nairement réfléchi  ;  ex.  ; 
Quant  le  roy  Ricart  eut  oy  les 
novellez,   si   dist    qu'il   avoit 


186 


GLOSSAIRE 


esveillié  le  chat  qui  se  dor- 
moit.  (Chron.  normande  de 
P.  Cochon,  édit.  Ch.  de  Beau- 
repaire,  p.  17). 

Dou  III,  69,  etc.,  du. 

Douter,  craindre;  doute  I,  422, 
doutoit  I,  286,  doutai  I,  237. 

Drecie  IV,  22,  dressée. 

Droit,  e,  I,  57, 111,  156,  etc.,  juste, 
vrai. 

Droiz  I,  107  etc.,  droit,  justice; 
droiz  queure  I,  350,  que  le 
droit  ait  son  cours  (jus  cur- 
rat)  ;  par  droit  1, 151,  ^Injus- 
tement. 

Duel  in,  11,  duez  III,  14, 107,  deuil, 
chagrin. 

Dui  II,  93,  IV,  231,  deux. 

Duis  III,  19,  fontaine,  cou/rs  d'eau. 

DuoEiL  II,  86.  V.  notes,  p.  113-114. 

Durement  I,  170,  etc.,  beaucoup, 
fort.  —  On  dit  encore  :  tra- 
vailler dur. 

Dusque  IV,  179,  452,  jusque. 

E 

Efforça  1, 536,  contraignit,  fit  vio- 
lence. 

Effroi  1,440,  trouble,  égarement. 

Egite  I,  85  ;  Egypte  IV,  407. 

Ego  mki  vel  mis  IV,  296,  person- 
nage fictif. 

El  I,  353,  autre  chose. 

El,  ele,  passim,  elle. 

El  m,  116,  223,  etc.,  dans  le. 

Bl-KNCBS  IV,  216.  V.  notes,  p.  159. 


Emblez  III,  165,  dérobé. 

Embrievez  IV,  323,  écrits. 

Empaintes  II,  128,  attaques. 

Empanez  IV,  70,  empenée  I,  371, 
empenné,  e. 

Emprès  IV,  451,  après;  emprès  ce 
IV,  285,  après  cela. 

Emprendre ,  entreprendre  ;  fut. 
emprendrai  I,  49  ;  p.  déf.  em- 
pris  I,  49  ;  part.  p.  empris,  e 
I,  39, 506. 

Enamorée  I,  129,  éprise. 

Encerchier  IV,  141,  chercher. 

Encressent  IV,  355,  engraissent. 

En  ele  pas  III,  205,  à  l'instant. 

Enferté  III,  102,  affaiblissement. 

Enflorè  I,  288,  fletiri. 

Enfretes  II,  83,  rompues. 

Enfrume  [faire  l'J  I,  8,  faire  la 
moue. 

Engins  I,  240,  esprit,  ruse. 

Engleteeee  II,  116,  181. 

Englois  IV,  404. 

Engolesme  II,  127.V.7iotes,p.in. 

Enheritez  III,  84  :  Dont  ses  cuers 
ert  enheritez,  dont  son  cœur 
recevra  la  récompense  à  la- 
quelle il  a  droit  comme  à  un 
héritage. 

En  mi  IV,  23,  etc.,  au  milieu  de. 

Enquerre  I,  89,  demander. 

Enseler  I,  450,  seller. 

Entamer  II,  531,  faire  impression 
sur;  se  lessa  entamer  en 
amor,  il  laissa  l'amour  faire 
impression  sur  lui.  L'anglais 
to  tame,  autrefois  to  entame, 


GLOSSAIRE 


187 


apprivoiser,  dompter,  a  peut- 
être  la  même  origine. 

Entant  m,  29,  attaché. 

Entor  in,  33,  environ. 

Entre  II,  107.  Ce  mot,  suivi  de  deux 
substantifs  ou  de  deux  pro- 
noms unis  par  la  conjonction 
et,  signifie  tant  l'un  que 
l'autre,  conjointement.  Ex.  : 
Âtant  se  mettent  el  sentier 
Entre  Renart  et  Ysengrin.  — 
Renart,  v.  24568-69. 

Entremetre  I,  !fô,  s'occuper  de,  se 
mêler  de  ;  entremise  I,  445. 

Envers,  e  IV,  206,  422,  renversé,  e. 

Enz  el  I,  203,  283,  dans  le. 

Erent  H,  68,  IV,  308,  étaient. 

Ert  I,  96, 180,  etc.,  était. 

Ert  I,  59,  321,  m,  84,  sera. 

Es  m,  67,  243,  dans  les. 

Esbahir  IV,  190,  ouvrir  la  bouche. 

Esbanoie  [s']  I,  365,  se  récrée. 

Eschar  IV,  58,  dérision,  offense. 

Escharsement  1, 230,  rarement. 

Eschivast  IV,  78,  évitât. 

Esciences  IV,  330,  sciences;  par 
m'escience  m,  20. 

Escloperent  IV,  203,  estropièrent. 

Escorçantl,  301,  relevant. 

Escorgie  1, 257,  courroie,  fouet. 

Escos  II,  118,  Ecossais. 

Escremie  I,  fô2,  escrime,  habileté 
dans  la  défense  ;  savoir  moult 
d'escremie,  être  habile  à  se 
défendre.  Ex.  :  Car  il  sot  trop 
de  l'escremie,  Renart,  v.  7466  ; 
S'or  ne  set  Renart  d'escremie, 


Ibid.,  V.  14517  ;    Car  asez  set 
de  l'escremie,  Ibid.,  v.  24152. 
Escusement  I,  23,  excuse. 
Esjoïr  1, 312,  s'esjoîr  1, 6,  seréjouir; 

s'esjoï  1,267. 
Esmais  1, 190,  émoi,  trouble. 
Esmiée  IV,  289,  réduite  en  miettes, 

écrasée. 
Esmurent  [s*]  IV,  29,  31,  se  mirent 

en  mouvement. 
ESPAINGNE  II,  22. 

Espancier  IV,  243,  crever  la  panse. 
Espandre  I,  80,  répandre. 
Espèce  I,  59,  épice. 
Esperis  III,  229,  esprit. 
EsPERNAi  II,  30, 104.  V.  notes,  p.99. 
Esraument  I,  9,  aussitôt. 
Essaiant  I,  557,  essuyant,  éprou- 
vant. 
Essaucie  IV,  267,  acclamée. 
ESTACB  IV,  209,  EsTACEZ  IV,  334, 

Staee.  V.  notes,  p.  172. 
Estai  [rendre]  I,  492,  tenir  ferme. 
Estampes  II,  55.  V.  notes,  p.  108- 

110. 
Estanche  [s']  I,  29,  s'arrête,  cesse. 
EsTEiNES    [sains]  m ,  155 ,  saint 

Etienne,  premier  martyr. 
Esterlins  lî,  122,  sterlings,  mon- 
naie. 
Estrange  1, 144, 169,  étrangère. 
Estre  I,  191,  contre. 
Estris  I,  421,  lutte,  querelle. 
Estriver  II,  151,  lutter;  estrivel, 

202,  estrivoient  II,  159. 
Estuet  I,  499,  m,  197, 232,  il  faut  ; 
estât  m,  64,  il  fallut. 


188 


GLOSSAIRE 


Estui,  tout  objet  ou  lieu  où  l'on 
peut  renfermer  quelque  chose; 
mis  en  estui  1, 71.  Ce  mot  est 
employé  au  sens  de  prison 
dans  ce  passage  :  Privéement 
le  mette  en  chartre  et  en  estui. 
—  St  Thomas  fédit.  HippeauJ, 
V.  1784. 

Estuidel,  342,^fM(ie. 

Btique  IV,  218.  V.  notes,  p.  159. 

Eûst  1, 292,  eût.  —  Eiissent  II,  156, 
IV,  125,  eussent,  avaient  eu. 

Examplere  1,57,  exemple,  modèle. 

Ex  II,  125,  yeux. 

F 

Faille  [sanz   nule]  IV,  145,  sans 

manque. 
Faindre  [se]  I,  549,  se  dérober  à,  se 

dispenser. 
Fallée  IV,  426  {ms.  19152,  fal- 

laces  ),   faux   raisonnement, 

sophisme. 
Fane  IV,  194,  fange. 
Faillir,  manquer;  faut  I,  240,  III, 

176,   faUloit    m,    96,  faudra 

1,247. 
Félonie  I,  27,  perfidie,  traîtrise. 
Félons  I,  33,  felonesse  I,  20,  per- 
fide, traître. 
Fere  I,  13,  etc.,  faire;  au  fere  I, 

358,  en  faisant;  ind.  pr.  fez  II, 

91  ;  pas.déf.  feîstes  1,478  ;  subj. 

feït  (fecisset)  III,  85  ;  pass.  déf. 

et  part,  fet,  passim. 


Ferir  IV,  188,  frapper;  ind.pr.  fiert 

IV,  258,  358  ;  fièrent  IV,  353  ; 
part,  pr.,  ferant  II,  59  ;  part, 
passé,  feruz  I,  259. 

Ferremenz  IV,  116,  outils  de  fer, 
instruments  chirurgicaux. 

Fers  IV,  213,  ferme. 

Fez  I,  568,  faits,  actions. 

Fez  I,  569,  poids. 

Fiance  II,  194,  IV,  85,  confiance, 
foi. 

Fiens  IV,  42,  fumier. 

Fil  m,  89,  fils. 

Fin,  e  I,  96, 136,  etc.,  parfait,  ac- 
compli, excellent.  Cf.  l'anglais 
fine. 

Finer,  finir;  fine  I,  543,  finai  I,  343, 
finée  IV,  173. 

FiSiQUE  IV,  99,  219.  V.  notes,  p.l59. 

Flablel  HI,  255,  fabliau. 

Flambns  II,  117. 

Flandres  II,  181. 

Flavingni  II,  37.   V.  notes,  p.  102. 

Flebes  III,  196,  faible. 

Fleuteles  IV,  177,  flûtes. 

Folir,  faire  chose  folle  ;  foli  I,  427. 

Fontenele  I,  384,  diminutif  de  fon- 
taine. 

Forment  I,  507,  fortement. 

Formoisons  IV,  388,  formations 
(des  supins  et  des  prétérits). 

V.  notes,  p.  177. 

Fors  IV,  92,  hormis;  fors  quel,  101, 
Forsenez  1, 476,  hors  de  sens. 
Forviez  IV,  139,  hors  de  la  voie. 


France  I,  113,  II,  193,  IV,  i 


GLOSSAIRE 


189 


Frans  I,    83,    noble,   généreuse; 

firanchel,  114,  entière. 
Fuer  I,  16,  ni,  85,  valeur,  prix. 
Fuerre  H,  150,  paille. 
Fust  IV,  254,  255,  serait. 

G 

Gaaing  IV,  109,  gain. 
Gaaingnierent  IV,  229,  gagnèrent. 
Gabé  1, 263,  joué,  trompé. 
GâXiEN  IV,  99,  médecin  grec. 
Galois  n,  117,  habitants  du  pays 

de  Galles. 
Gamaches  IV,  53.  V.  notes,  p.  145. 
Gabniers  rv,  35.  V.  notes,  p.  139. 
Gars  IV,  331,  simple  soldat  ou 
valet  d'armée  ;  IV,  392,  jetme 
garçon  ;  IV,  460,  apprenti. 
Gastinois  n,  32.  V.  notes,  p.  100- 

101. 
Gautiebs  IV,  402.  V.  notes,  p.  153. 
Ge  I,  32,  etc.,  je. 
Generaus  ni,  98  ;  En  .vij.  ars  estoit 
generaus  ;  il  était  versé  géné- 
ralement dans  la  connaissance 
des  sept  arts. 
Gent  1, 11,  etc.,  gens,  peuple. 
Gent  I,  426,  gentil,  gracieux. 
Gent  I,  503,  gentiment. 
Gerbes  IV,  182  {«). 
Gésir  n,  150,  être  couché. 
Gesta  ducis  Macbdum  rv,  2S7.  V. 

notes,  p.  165. 
Gigues  IV,  176.  La  gigue  était  un 
instrument    de    musique     à 
cordes  et  à  archet. 


GioMETRiB  rv,  168,  un  des  sept 
Arts. 

GiBAOT  rV,  105.  V.  notes,  p.  151. 

GiEOME  IV,  76,  saint  Jérôme. 

Giteni,227,je«e. 

Gistre  IV,  445,  gxte. 

Glaiolai  1, 306,  glayeul. 

Glatiki  rv,  102.  V.  notes,  p.  150. 

Glomeriaus  IV,  8.  V.  notes,  p.  135- 
136. 

Glose  I,  522,  commentaire. 

Glouz  n,  80,  épithète  injurieuse 
fréquemment  usitée,  et  signi- 
fiant suivant  le  cas,  scélérat, 
débauché,  misérable. 

Goditouet  H,  176.  V.  notes,  p.  123. 

Gomer  IV,  10,  gosier.  V.  Duméril, 
Dict.  du  patois  normand. 

Gonfanon  IV,  323,  b<tnnière. 

Gote  m,  209,  goutte  ;  gonte  I,  164, 
au  sens  de  peu  de  chose. 

Goûte  crampe  II,  56,  goutte  (ma- 
ladie). 

Goûté  I,  283.  —  Du  Gange  :  «  Gut- 
tatus,  Guttis  diversi  coloris 
inspersus.  »  Ailleurs,  au  mot 
Gntta,  cet  exemple  :  Une  cha- 
suble, tunique  et  dalmatiqne  de 
camocaz  noir,  goutté  de  goûtes 
blanches,  pour  TofSce  des 
morts. 
Gramaibb  rv,  20,  etc.,  Gramatiqce 

rv,  373,  un  des  sept  Arts. 
Graindres  ni,  82,  plus  grand. 
Gravele  I,  385,  gravier,  pierre. 
Grèce  I,  60,  85. 
Greffe  FV,  252,  poinçonpour  écrire 


190 


GLOSSAIRE 


siir  des  tablettes^  du  l.  gra- 
phium. 

Grieve  I,  280,  gêne,  incommode. 

Geigoiee  IV,  75,  saint  Grégoire. 

GuENELONS  I,  34,  traîtres,  dérivé 
du  traître  Ganelon  de  la  chan- 
son de  Roland. 

Guerredon  III,  51,  récompense. 

Guersoi  drinçoi  II,  178.  V.  notes, 
p.  125. 

Guis  [quens]  I,  388,  comte  Gui. 

H 

Haute  Science  IV,  79,  nom  donné 
à  la  Divinité  ou  Théologie. 

Hennor  I,  78,  honneur. 

Heneis  [d'Andeli]  I,  543,  Henei 
d'Andeli  II,  124,  Haneis  d'An- 
deli m,  261,  Heneis  d'Andeli 
rv,456. 

Henei  deVenablesIV,  106.  V. notes, 
p.  151. 

Herbergier  l,  352,  loger;  herber- 
giez  m,  87,  herbergies  IV,  352. 

Herre  II,  115  ;  gent  herre,  peuple 
allemand,  herr  signifie  en 
cette  langue  seigneur,  maître. 

Het  I,  69,  hait. 

Hez  IV,  336.  V.  notes,  p.  173. 

Hochier  IV,  244,  secouer. 

Hontage  I,  335,  honte. 

Hores  IH,  146,  heures. 

HUBEET  IV,  102. 

Hui  IV,  162,  aujourd'hui. 

Hurter,  heurter;  hurtaissent  U, 
167,  hurtées  IV,  182. 


I    Y 


I  I,  37,  etc.,  y. 

Icel  m,  23,  ce.—  Icele  IV,  240, 
cette.  —  I,  ces  II,  83,  ces.  — 
Icil  m,  251,  ce.  —  Ici!  II,  93, 
ces. 

Ici  endroit  I,  31,  ici  même.  On  dit 
encore  en  Basse-Normandie, 
par  là  en  drait,  par  là,  dans 
cette  direction. 

lert  I,  88,  III,  77,  était. 

lex  II,  136,  IV,  125,  215,  yeux. 

Il,  passim,  il,  ils. 

Iluec  I,  130,  IV,  430  ;  ilueques  IV, 
428,  là. 

Yndb  I,  87. 

Ynde  I,  283,  hleu,  violet. 

Ypoceas  IV,  99,    Hippocrate. 

Tpee  II,  16.  V.  notes,  p.  95. 

Ire  I,  62,  561,  IV,  46,  colère. 

Ieois  II,  118,  Irlandais. 

Ise  goût  H,  174.  V.  notes,  p.  123. 

YsiDoiEB  IV,  76.  V.  notes,  p.  148. 

Isnel  IV,  347,  rapide  ;  isnel  le  pas 
IV,  187,  isnel  lou  pas  III,  168, 
d'tm  pas  rapide. 

Issi  I,  167,  IV,  332,  issis  IH,  248, 
ainsi,  si. 

Issi  IV,  30,  sortit. 

Issolubles  IV,  425,  arguments  in- 
solubles. 

YsouDUN  n,  33,  139.  V.  notes, 
p.  101  et  120. 


GLOSSAIRE 


191 


Ja,  part,  explét.  I,  50j  etc.,  déjà, 

désormais. 
Ja  soit  ce  que  IV,  â26,  bien  que. 
Jangles   IV,  391,  jenglois   II,   72, 

bavardage. 
Jargueil  n,  27.  V.  notes,  p.  98. 
Jehans  de  St  Mûrisse  IV,  33. 
Jehans  li  pages  IV,  52. 
Jelin,201,jele. 
Jhesu   Criz    in,    13;    Jhbsu  Crit 

in,  130. 
Joious  III,  12,  joyeux. 
Jon  m,  198,  221,  227,  mèche.  V. 

notes,  p.  130-133. 
Jovent  I,  489,  jeune  homme. 
Jugleres  III,  45,  chanteur. 
JoiF  m,  37. 
Juste  [dant]  IV,  894,  personnage 

fictif. 
Jdvenal  IV,  208. 

K 

Katbrinb  [sainte]  III,  169. 

L 

Lacoy  n,  137.  V.  notes,  p.  119. 
Laidengier,  insulter;  laideugiè  I, 

509. 
Laidi  1, 263,  insulté. 
Laon  II,  92. 

Lasse  IV,  47,  malheureuse. 
Leaus  1, 316,  loyale. 
Leautè  1, 559,  loyauté. 
Lechierre  II,  164,  gourmand. 
Ledengier  I,  242.  V.  Laidengier. 


Leesce  IV,  301,  joie. 

Legerez  IV,  417{ms.i9i5S,liere2), 
légers,  fins,  gentils,  proba- 
blement du  moyen  latin  le- 
viarius  ;  l'ancien  français 
avait  le  subst.  legerie.  Cf.  le 
provençal  leugier,  l'ital.  leg- 
giere,  leggiadro.  Y.  Cachet. 

L'en  IV,  156,  etc.,  l'on. 

Lerme  II,  78,  larme. 

Lès  III,  28,  laisse. 

Leu  IV,  137,  loup. 

Leu  I,  59,  lieu. 

Leù  I,  495,  lu. 

Lez  I,  384,  IV,  63,  près. 

Liberau  III,  86,  97,  libéral. 

Li,  passim,  le,  les.  —  Li,  lui,  pas- 
sim,  lui,  à  lui,  elle,  à  elle. 

Lie  I,  461,  joyeuse. 

Liement  1, 437,  joyeusement. 

Liepart  IV,  345,  léopard. 

Lige  IV,  234,  vassal. 

Livre  de  nature  IV,  218.  V.  notes, 
p.  159. 

Loer,  louer;  lo  III,  239,  loue; 
loent  I,  10,  louent. 

Logicieniaus  IV,  274,  diminutif  de 
logiciens. 

Logique  IV,  6,  etc.,  un  des  sept 
Arts. 

Logiques  [les  deux]  IV,  216.  V. 
notes,  p.  159. 

Loi  [la]  IV,  65,  le  droit  civil. 

Ijoi  [a]  de  I,  482,  à  la  manière  de. 

Loiaument  1, 576,  loyalement. 

Loiaus  I,  550,  loyal. 

Loire  IV,  40. 

40 


m 


GLOSSAIRE 


LoMBAET  IV,  68, 224, 448.  V.  notes, 

p.  147. 
Lor,  passim,  leur. 
LouIII,  17,  36,  etc.,  ?e. 
Lou  m,  231,  lieu. 
LucAN  IV,  209,  Lucain. 
Luite  I,  126,  lutle. 
Lut  m,  120,  tant  com  li  lut,  tant 

qu'il  lui  fut  permis  (licuit). 

M 

Macrobe  IV,  220.  V.  notes,  p.  159. 

Maçues  IV,  249,  masses,  massues. 

Mail  IV,  289,  maillet. 

Main  I,  254,  matin. 

Mains,  moins  —  Est  mise  au  mains 
IV,  20,  est  rabaissée.  —  Del 
mains  IV,  120,  du  moins.  — 
Mener  (ou  B  Mètre)  du  plus  au 
mains  IV,  433,  faire  déchoir, 
rabaisser. 

Maintenoit  IV,  236,  soutenait. 

Manoir  I,  101,  rester;  maint  1, 15, 
115,  III,  253. 

Mairer,  dominer,  maîtriser;  maire 
I,  250,  403. 

Maisnie  I,  423,  maison,  famille. 

Maissele  I,  386,  mâchoire,  joue. 

Major  I,  87,  plus  grand. 

Malement  III,  233,  mal,  doulou- 
reusement. 

Maies  IV,  383,  difficiles. 

Mandres  III,  78,  mendres  III,  82, 
mendre  I,  186,  plus  petit, 
moindre. 

Mans  [Lb]  U,  69. 


Mas  III,  230,  mais, 

Mar  I,  142,  253,  à  la  maie  heure. 

Marciacop  IV,  326.  V.  notes,  p.  170. 

Maeie  III,  89,  137,  149,  la  vierge 
Marie. 

MaehII,  85.  V.  notes,  p.  113-114. 

Martien  IV,  326. 

Martin  II,  175,  (à  la  rime)  martyr. 

Matere  I,  40,  matière,  sujet. 

Maus  I,  232,  mal. 

Mautalenz  1, 420,  mécontentement. 

Mauvais  [dant]  II,  51.  V.  notes, 
p.  108. 

Meax  III,  127,  mieux. 

Mehaing  IV,  110,  blessure. 

Mehaignierent  IV,  228,  blessèrent. 

Meïs  III,  112,  mis. 

Melans  II,  20.  V.  notes,  p.  95. 

Melite  III,  217,  douceur. 

Meniere  III,  70,  73,  manière. 

Menistre  IV,  28,  ministre. 

Merci  III,  262,  264,  miséricorde. 

Merir  I,  575,  récompenser. 

Merveil  [me]  I,  19,  \je]  m'étonne. 

Mes  I,  138,  etc.,  mais. 

Mes  I,  202,  208,  232,  337,  mon. 

Mesaesma  I,  529,  blâma. 

Meschief  I,  200, 504,  IV,  393,  mésa- 
venture. 

Meschine  I,  169,  jeune  fille,  mes- 
chinete  I,  361. 

Mesdit  I,  22,  27,  médisance. 

Mesel  II,  166,  lépreux. 

Mesestance  IV,  133,  mauvaise 
situation. 

Meslèe  I,  415,  brouillée. 

Mesnie  IV,  291.  V.  Maisnie. 


GLOSSAIRE 


m 


Mesprendre  1, 190,  errer,  se  trom- 
per ;  mesprentlll,  6,  mespris 
1,234. 

Mespresure  I,  540,  erreur,  faute. 

Messages  II,  12,  messagers. 

Mestrie  IV,  169,  art  ;  IV,  341,  maî- 
trise. 

Medlent  n,  28,  87.  V.  Notes,  p.  99. 

Mex  m,  183,  mieux. 

Mie  1, 2,  97,  etc.,  pas,  point. 

Mieldres  IV,  86,  meilleur. 

Mielz  I,  83,  mieucc. 

Mis  I,  37,  adonnés. 

Mistrent  IV,  61,  mirent. 

Molt  I,  131,  etc.,  moult  I,  40,  etc., 
beaucoup. 

MonmorencyII, Sô.V.  no^es^p.llS. 

Mont  I,  449,  monde. 

Monter,  valoir;  monte  I,  238. 

Mont  Leheri  lbz  Linoies  IV,  63, 
etc.  V.  notes,  p.  147. 

Montmorillon  n,  139.  V.  notes, 
p.  119. 

Montpellier  U,  23.  F.  notes,  p. 97. 

Montrichaet  n,  137.  V.  notes, 
p.  119. 

Morir  III,  132,  m,ourir  ;  morist  lU, 
65,  mourut. 

Mors  III,  73,  mœurs. 

MossAC  II,  25.  V.  notes,  p.  98. 

Moselb  n,  108,  Moussele  II,  17, 
114.  V.  notes,  p.  94-95. 

Mote  IV,  213,  motte,  le  tumulus 
qui  porte  un  château-fort. 

Moustrer,  montrer  ;  moastre  I, 
544,  moustra  I,  62. 

Muce  I,  77,  cache.  Mucher  est  en- 


core en  usage  dans  toute  la 

Normandie, 
Muedres  III,  136,  meilleur. 
Muel  II,  166,  muet. 
Muet  [se]  I,  119,  s'écarte. 
Musage  I,  174,  sottise. 
Musars  1,  467,  sot. 
Musique  IV,  174,  un  des  sept  Arts- 

N 

Naches  IV,  54,  fesses.  Encore  usité 

au  sens  restreint  de  fesse  de 

bœuf. 
Naples  IV,  130. 
Nativité   III,  9,  250,   la  fête  de 

Noël. 
Ne  I,  31,  etc.,  ni  ;  ne...   ne  I,  162, 

ni...  ni. 
Ne  I,  263,  II,  156,  et  ;  ne...  ne  I, 

261,11, 196,ou...  ou,  soit...  soit, 
Nel  I,  120,  etc.,  ne  le. 
Nenil  I,  213,  etc.,  nullement. 
Ne  por  quant  I,  234,  néanmoins. 
Nerbonb  II,  23.  V.  notes,  p.  97-98. 
Nés  IV,  279,  292,  ne  les. 
Nevbrs  II,  35.  V.  notes,  p.  102. 
Niant  III,  115,  néant. 
Nices  IV,  71,  simples.  Sots. 
NiCHOLAis  [sains]  ni,  166. 
Nicole  aus  hautes  naches  IV,  54. 
Nigremancb  IV,   132,  Nigromance 

IV,  219.  V.  notes,  p.  154. 
Noient  IV,  434,  néant. 
Noncie  I,  46,  annoncée,  racontée, 
NORMANS  II,  117. 
NOEMKNDIB  IV,  284. 


194 


OLOSSAmE 


Norois  II,  119,  Norwêgiens. 

Nubles  IV,  424,  obscurci. 

Nus  m,  1,  etc.,  nuz  III,  183,  nul. 

0 

O  IV,  214,  avec. 

Oceïst  II,  76,  eût  tué. 

Oedb  IV,  35.  y.  notes,  p.  139. 

Oef  II,  42,  œuf. 

Oeil  II,  148,  ϔl. 

Oevre  III,  245,  ouvre. 

Oevre  I,  45,  51,  œuvre. 

Oïr  I,  311,  II,  1,  entendre;  en  l'oïr 
1,5,  en  entendant  ;  ot  III,  41, 
entend;  oezIII, 71,  entendez  ; 
oent  I,  9,  17,  entendent  ;  im- 
per, oiez  III,  22,  entendez  ;  oï 
1, 146,  III,  208,  entendis  ;  oï  I, 
185,  268,  IV,  45,  entendit  ;  oïe 
I,  41,  entendue. 

Oingnements  IV,  115,  onguents. 

Oise  II,  180. 

Omees  IV,  9,  25,  211.  V.  notes, 
p.  136. 

Onques  I,  72,  etc.,  jamais. 

Or  I,  38,  etc.,  ore  I,  188,  etc., 
maintenant. 

Okace  IV,  208. 

Orchise  II,  26.  V.  notes,  p.  98. 

Ore  III,  27,  heure. 

Oré  I,  287,  temps. 

Orliens  II,  27,  etc.,  IV,  1,  etc. 
V.  notes,  p.  98-99. 

Ortogeafie  IV,  270. 

Os  IV,  24,  170,  est  IV,  166, 184, 303, 
armée. 


Os  LAMPADis    III,    190.    V.  notes, 

p.  130. 
Osai  III,  134,  osa. 
Ot  I,  72,  81,  etc.,  eut,  avait. 
Otroi  [m']  I,    308,  m'abandonne  ; 

otroie  III,  58,  accorde. 
Ou  III,  22,  au. 
Oure  III,  5,  heure. 
Out  II,  194,  eut. 
Outrage  I,  336,  excès. 
Ovide  IV,  320,  324. 
Ovrer  I,  47,  travailler  ;  ovroit  III, 

80. 


Paier,    satisfaire,    sens  primitif 

dérivé  du  l.  pacare  ;   paiez   I, 

174,  paia  II,  169. 
Pain  IV,  359.  V.  noles,ip.  1/6. 
Palefroi  I,  441,  cheval. 
Palme  II,  21.  V.  notes,  p.  96-97. 
Pance  IV,  117,  panse,  estomac. 
Panfilès  IV,  338.  V.  notes,  p.  174. 
Paor  I,  190,  II,  71,  pet^. 
Par  III,  86,  particule  qui  renforce 

l'expression. 
Par  ;  de  par  li  IV,  457,  de  sa  part 

(de  parte). 
Parant  I,  519,  manifeste. 
Pardurable  III,  57,  perdurables  III, 

124,  éternel. 
Pabealma^es    IV,   282.    Pereal- 

MAiNES  IV,  217.  V.  notes,  p. 164. 
Parfondece  IV,  268,  profondeur. 
Parfurnir  I,  514,  accomplir. 
Paris  III,  10,  IV,  1,  17,  etc. 


GLOSSAIRE 


195 


Parolent  I,  IM,  parlent. 

Pars  d'oroisons  IV,    384,  parties 

du  discours  ;  pars  IV,  461. 
Partir  I,  410,  se  séparer  ;  se  part 

I,  276  ;  partie  1, 126,  partagée. 
Pateenomiques  IV,    290,  293,   les 

noms  patronymiques. 
Penèe  I,  372,  tourmentée. 
Peors  IV,  247,  pires. 
Pers  n,  193,  195,  par  II,   203.    V. 

notes,  p.  129. 
Per  ni,  105,  égal. 
Perceverez  I,  253,  verrez. 
Perse  IV,  26,  94,  207. 
Persone,  II,  203.  V.  notes,  p.  129. 
Pès  III,  125,  IV,  373,  paix. 
Pesme  IV,  240,  très  mauvaise. 
Petabt  [dant]  de  Chaalons  II,  53. 

V.  notes,  p.  108. 
Petit  I,  32,  154,    432,  de   petit  IV, 

227,  403,  peu;  d'un   petit   IV, 

87,  peu  s'en  faut  que. 
Petit  Pont  IV,  108,  404.  V.  notes, 

p.  152-153. 
Phelippe  n,  3,  le  roi  Philippe. 
Pheuppe  III,  17,  239,  chancelier 

de  l'église  de  Paris. 
Philippus  m,  190,  237. 
Pieees  [S.]  m,  123. 
PiEEEE  FEiTE  H,  81.  V.  notes,  p. 113. 

PlEBEB    LI    LOMBAES    IV,     103.      V. 

notes,  p.  150-151. 

PlEEEON  DE  COETENAI    IV,    50.     Y. 

notes,  p.  144. 
Piez  III,  350,  pieux,  palissades. 

V.  notes,  p.  173. 
Pipe  n,  4.  Ce  mot  désigne  toute 


espèce  de  tuyau;  je  crois  qu'il 
signifie  ici  gosier  et  œsophage, 
tuyau  qui  mène  à  l'sstomac. 
Les  Anglais  appellent  encore 
aujourd'hui  wind-pipe,  tuyau 
au  vent,  la  trachée-artère. 

Pipe  m,  18,  narcisse.  «  Dans  la 
Bourgogne  et  le  Gâtinais,  on 
donne  le  nom  de  pipes  aux 
narcisses,  et,  en  général,  aux 
fleurs  printanières,  prove- 
nant d'oignons.  »  Dict.  de 
Litlré,  V.  pipe^  9. 

Pis  IV,  335,  poitrine. 

Plaidier  1,100,  badiner,  plaisanter, 
s'amuser  (Du  Cange). 

Platon  IV,  17,  188,  191. 

Plentez  IV,  116,  ahondaru:e.  Cf. 
l'anglais  plenty. 

Plesence  II,  21.  y.  notes,  p.  95-96. 

Plere  I,  b8,  plaire;  plest  I,  223, 
plaît  ;  plot  I,  216,  plut. 

Plonjon  IV,  197,  214,  220,  222.  V. 
notes,  p.  130-133. 

Poi  IV,  380,  peu. 

Poindre,  piquer,  frapper;  point  I, 
122,  123,  ni,  24,  IV,  60,  poin- 
gnoit  IV,  59.  Du  sens  de  piquer 
l'éperon,  on  est  passé  à  celui 
de  s'élancer  :  i  a  point  IV,  207, 
s'est  élancé  ;  poinstrent  après 
IV,  235,  232,  s'élancèrent  à  la 
suite;  poinstrent  sor  IV,  241, 
fondirent  s^^r. 

Point  [en  tel]  I,  159,  477,  480,  III, 
70,  en  tel  état,  —  En  icel  point 
in,  23,  en  ce  moment.  —  Cela 


196 


GLOSSAIRE 


qui  si  l'a  mis  a  point  I,  124, 
celé  qui  l'a  mis  en  cet  état. 

Pointl'asne  IV,  53. F.  nofes,p.l45. 

PoLS  [S.]  III,  123. 

Pooir  I,  83,  etc.,  subst.  pouvoir. 

Pooir,  pouvoir;  puis  I,  331,  [Je] 
pMîs/puet  1,34,  etc.,  peMî;poez 
I,  487,  etc.,  pouvez  ;  pueent  I, 
13,  peuvent  ;  pooit  III,  95, 
pouvait  ;  pot  III,  120,  IV,  265, 
put;  porent  IV,  292,  purent  ; 
puist  I,  58,  IV,  123,  puisse; 
peiist  IV,  397,  pût  ;  porroient 
I,  35,  pourraient. 

Poise  I,  19,  pèse,  chagrine. 

Poisons  IV,  128,  potions,  breu- 
vages. 

Poisons  IV,  40,  poissons. 

Poissant  I,  103,  puissant. 

PoiTiEES  II,  129.  V.  notes,  Tp.  117. 

Poitou  IV,  239.  V.  notes,  p.  161. 

Poivre  chaut  IV,  38.  V.  notes,  p. 
140-141. 

Por  I,  19,21,  etc.,  pour.—  Por  tant 
que  I,  71,  d'autant  que.  —  Por 
quant  1, 125,  cependant.  —  Por 
ce  que  IV,  239,  parce  que. 

PoBFiEB  IV,  222.  V.  notes,  p.  159. 

Porverrai  I,  266,  pou/rvoirai. 

Pou  IV,  281,  peu.  —  Par  un  pou 
que  IV,  348,  349,  peu  s'en  fal- 
lait que. 

Preciens  IV,  26,  etc.,  Priscien. 
V.  notes,  p.  137-138. 

Predicamenz  IV,  230,  les  Catégo- 
ries d'Aristote.V.  notes,Tp.l60. 

Premerains  III,  155,  premier. 


Premiers  H,  15,  d'abord. 
Peeterea    IV,    294,    personnage 

fictif. 
Preudomme  I,    345,   etc.,  prodon 

m,  34,  prodomin,  132,  homme 

sage,  prudent. 
Preus  IV,  124,  201,    prez   II,   126, 

bon,  brave,  fort. 
Preus  IV,  403,  profit. 
Primat  d'Orliens  IV,  320.  V.  notes, 

p.  168-169. 
Primes  II,  77,  d'abord. 
Privé  III,  25,  particulier,  intime. 
Proier  1, 172,  prier  ;  proie  III,  168. 
Propre  IV,    210,  saint  Prosper. 

V.  notes,  p.  158. 
Proptee  ea   IV,  295,   personnage 

fictif. 
Provence  II,  22.  V.  notes,  p,  97. 
Pro voire  IV,  ^,  prêtre. 
Provos  1, 402,  prévôt. 
Prudence  IV,  210.  V.  notes,  p.  157. 
Pure  I,  281,  simple  ;   en  pure  sa 

chemise,  en  simple  chemise; 

locution    fréquente  ,    on  ■  la 

trouve  dans  Joinville,  Frois- 

sart,  etc. 

Q 

Quanque  I,  128,  etc.,  tout  ce  que. 

Quantes  I,  147,  combien. 

Quar  I,  4,  45,  etc.,  car  ;  I,  326, 
donc  ;  quar  venist  ore,  puisse 
donc  maintenant  venir. 

Quarquassonne  IV,  24.  V.  notes, 
p.  97. 


GLOSSAIRE 


197 


Quarreûres  IV,  183.  V.  notes,  p.l55. 

Quarriaus  IV,  117,  246,  traits, 
flèches. 

Quartaine  H,  168,  fièvre  quarte. 

Quasser,  frapper,  briser  ;  la  mort 
quassa  III,  16,  frappa  ;  quas- 
ses  IV,  356,  faibles  ;  quassez 
n,  136,  affaiblis. 

Quel,  110,  etc.,  car;  I,  287,  etc., 
attendu  que;  I,  183,  etc.,  de 
sorte  que,  si  bien  que  ;  I,  466, 
comme  ;  III,  22,  ce  que. 

Quens  I,  388,  comte. 

Querre  II,  13,  chercher  ;  quier  I, 
48,  [Je]  cherche. 

Qui  rv,  4,  quoi. 

Quintaine  H,  \&7 ajoute. 

Quiquelique  IV,  16.  V.  notes,  p.l36. 

QoDE  IV,  366.  V.  notes,  p.  176. 

Qoil,  91,  coi,  tranquille. 

Qui  1, 19,  90,  92,  quoi  (quid). 

R 

Rabée  IV,  427,  rage,  du  l.  rabies. 

Rados  I,  447.  V.  notes,  p.  85. 

Rains  n,  99.  F.  notes,  p.  116. 

Rainssel  I,  356,  petit  rameau,  di- 
m.inut.  de  rains  (ramus). 

Ramembre  I,  194,  remet  en  mé- 
moire. 

Rancuner,  en  vouloir  à  quelqu'un  ; 
rancune  I,  152.  Palsgrave  : 
«  J  ranker  by  vrathe  or  îinger. 
Je  rancune,  prim.  conj.  Never 
ranker  in  thy  herte  agaynst 
him  :  ne  rancune  jamais  en 
ton  ctcer  contre  luy.  » 


Randon  IV,  322,  impétuosité  ;  en 
.j.  randon  IV,  286,  d'un  même 
élan.  Sept  pez  a  fet  en  un 
randon.  Renart,  v.  28014. 

Raoul  de  Builli  IV,  48.  V.  notes, 
p.  143. 

Raoul  de  la  Chaeité  IV,  107. 

Rapaiez  I,  425,  satisfaites  (verbe). 

Rapesiez  I,  419,  apaisé. 

Rasseûrer  I,  558,  rendre  le  calme. 

Ravoie  1, 194,  rem^t  dans  la  voie, 
rappelle. 

Re,  préfixe  indiquant  une  action 
contraire  ;  redutlll,  14,  dut  au 
contraire,  referi  IV,  192,  re- 
frappa, c'est-à-dire  donna 
coup  pour  -coup,  ou  simple- 
ment explétif:  redient  IV,  14  ; 
r'ont  IV,  94,  etc. 

Recet  IV,  399,  retraite. 

Rechine  I,  76,  fait  la  grimace,  re- 
fuse. 

Recoppe  I,  76,  recoupe,  retranche. 

Rectoriqub  IV,  69,  etc.,  un  des 
sept  Arts. 

Recuilli  I,  80,  recueilli. 

Reemz  III,  117,  rachète. 

Remanoir,  rester;  remaint  III, 
105  ,  remaigne  I,  351,  reste  en 
arrière  :  Ne  ja  por  moi  droiz 
ne  remaigne,  que  le  droit  ne 
manque  pas  pour  moi  de  se 
produire. 

Renés  II,  73.  V.  notes,  p.  112- 
113. 

Renovele  III,  107,  se  renouvelle. 

Repairer  1, 84,  revenir. 


198 


GLOSSAIRE 


Repols  III,  124,  repos.  L  a  été  ame- 
née par  la  rime  St  Pois. 

Repondre,  cacher;  se  repont  IV, 
405,  repont  I,  77. 

Reprendre  III,  133,  accuser. 

Resqueurre  I,  349,  délivrer  ;  res- 
cous  I,  503,  tiré. 

Retaconnez  IV,  118,  rapiécés,  ré- 
parés. 

Retraçon  1, 196,  trait. 

Retrere  I,  1,  raconter;  retraite  I, 
43,  racontée. 

Retrere  (se)  I,  2,  s'abstenir,  se  re- 
fuser. 

Revendrai  I,  38,  reviendrai. 

Revient  I,  561,  se  change. 

Rez  el  IV,  189,  au  ras  du. 

Riens  I,  78,  etc.,  chose. 

Robert  IV,  101,  chirurgien.  V. 
notes,  p.  150. 

Robert  le  Nain  IV,  58. 

RocELE  (la)  II,  18,  113.  V.  notes, 
p.  95  et  116-117. 

RoGEL  d'Etampes  II,  55.  V.  notes, 
p.  108. 

Roiame  I,  143,  royaume. 

Roingne  II,  57,  gale. 

Roncin  II,  450,  cheval. 

Rotes  III,  47,  rompues. 

Route  IV,  332,  trotipe. 

Rouver  I,  172,  prier,  demander; 
rueve  I,  153,  demande. 


Sachier  IV,  117,  tirer. 
Sade  II,  146,  savoureux. 


SamoisII,  31.  V.  notes,  p.  99-100. 
Saillie  en  piez   l,   217,    levée  tout 

debout;  saut  en  piez  II,    102, 

se  lève. 
S.  Brice  II,  149.    V.  notes,  p.  121- 

122. 
S.  Melyon  n,  25.  V.  notes,  p.  98. 
S.  PoRCHAiN  II,  38.  F.  notes,  p.l05. 
S.  YoN  II,  26.  V.  notes,  p.  98-99. 
Saintes  II,  19,  127.  V.  notes,  p.  95. 
Salterions  IV,  177,  psaltérions. 
Salver  III,  154,   sauver;   saut  I, 

239,  saitve. 
Sancerre  II,  35.  V.  notes,  p.  102. 
Sapience  I,  571,  sagesse. 
Sauz  IV,  247,  saule. 
Savingni  II,  38.  V.  notes,  p.  105- 

106. 
Savoir  ;  sai  I,  331,  sait  ;  set  I,  368, 

sait;  sevent  m,  188,  IV,    11, 

savent;  sot  IV,  131,  392,  sut; 

saura  I,  252  ;    sorent  III,   38, 

IV,  298,  surent  ;  seust  III,  174, 

sau/rait. 
Savorous  II,  146,  savoureux. 
Se  I,  89,  si. 
Sebelins  II,  121,   martre  zibeline, 

au  sens  de  supérieur  à  tous, 

cette  fourrure  étant  la  plus 

recherchée  et  la  plus  chère.  V. 

notes,  p.  117. 
Sedule  IV,  210.  V.  notes,  p.  157. 
Sel  I,  253,  454,  si  le. 
Semont  I,  448,  invite,  excite. 
Seneque  IV,  327. 
Sente  III,  2,  chemin. 
Seoir  II,  94,  être  assis  ;  siet  I,  322, 


GLOSSAIRE 


199 


386,  est  assis;  se  seoit  IV,  113, 
était  assise  ;  sist  IV,  146,  s'as- 
sit. 

Série  I,  304,  pure. 

Sermona  III,  182,  fit  des  sermons 
sur.  Le  Chancelier  fut  célèbre 
par  ses  prédications. 

Ses  I,  139,  153,  etc.,  son. 

Seut  1, 187,  a  coutume. 

Sex  Principes  IV,  230.  V.  notes, 
p.  160. 

Sbxtis  IV,  342.  V.  notes,  p.  174. 

Sezane  n,  31.  V.  notes,  p.  99. 

Si  1, 91,  95,  etc.,  si,  tellement, plus 
souvent  explétif. 

Siècle  I,  579,  III,  28,  etc.,  monde. 

Sire  1,  61,  102,  etc.,  seigneur. 

SivoientIV,  346,  suivaient. 

Soef  III,  243,  doucem,ent. 

Sofisme  IV,  192,  421,  argument. 

Sofistre  IV,  278,  logiciens. 

Sogist  I,  204,  subjugue. 

Soi  II,  10,  sois  II,  101,  soif. 

SoissoNS  11,29,91.  r.  notes,  p.  99 
et  115. 

Solaz  1, 162,  divertissement. 

Soloir,  avoir  coutume;  seut  I, 
187,  soloit  IV,  455,  soloient 
m,  91,  a,  avait,  avaient 
coutume. 

Soluces  IV,  426,  solutions. 

Somme  I,  111,  ce  est  la  somme,  en 
somme. 

Sor  I,  21,  72,  etc.,  seur  II,  44,  sur. 

Sormonté  III,  39,  surpassé. 

Sortes  IV,  264,  Socrate.  V.  notes, 
p.  163, 


Souhaidier  [a]  1, 99,  à  souhait.  Ex. 
[Manteau]  Bien  séant  a  lor  gré 
si  corne  a  souhaidier.  Berte, 
cxxix. 

Sougite  I,  86,  soumise. 

Souspris  I,  430,  surpris. 

Soustenir  I,  69,  entretenir,  con- 
server. 

Souvenir  I,  325,  sentiment,  idée» 
sens  étymologique  du  l.  sub- 
venire  ;  souvenir  est  le  verbe 
employé  substantivement. 

Sovint  (impers.)  I,  358,  li  sovint, 
[i7]  lui  vint  à  l'esprit. 

SueflTre  I,  560,  etc.,  souffre. 

Suen  III,  K,  sien. 

Sus  [la]  III,  67,  là  haut. 

T 

Tablel  III,  256,  tablette. 

Tailleborc  II,  19.  V.  notes,  p.  ^. 

Talenz  I,  431,  désir. 

Tans  [par]  I,  241,  bientôt. 

Tant  1,  68,  autant. 

Tantost  1, 146,  autrefois. 

Tausons  II,  92.  V.  notes,  p.   115. 

Tencer,  disputer;  tence  IV,  6, 
tençantlV,  81. 

Tence  (subst.)  IV,  80,  dispute. 

Tenir  I,  191  ;  tient  a  IV,  87, 
tient  pour,  regarde  comme  ; 
tieg  I,  203 ,  tieng  I,  364  \Je] 
tiens;  tiengne  fsubj.)l,  334, 
tienne;  tendront  IV,  452, 
tiendront  ;  tindrent  IV,  44, 
tinrent;    tenisse ,    IV,    124, 

41 


200 


GLOSSAIRE 


tiendrais  ;  tenist  I,  473,  tien- 
drait. 

Terence  IV,  211. 

Tes  m,  45,  ton. 

Tessi  IV,  324,  tissa. 

Tere  IV,  S're,  taire  ;  se  test  I,  224, 
se  tait. 

Thbaudelès  IV,  339.  V.  notes, 
p.  174. 

ToBiE  IV,  285,  la  Tobiade  de  Ma- 
thieu de  Vendôme.  V.  notes, 
p.  165. 

Toile  [chanson  de]  I,  381,  chanson 
d'aventure. 

ToUir,  enlever;  toit  I,  53,  tôt  I, 
389,  taut  I,  497,  enlève  ;  tolent 
IV,  73,  enlèvent. 

Toissu  IV,  341,  tissé. 

Topiques  IV,  217,  291.  V.  notes, 
p.  159. 

Torna  [s'en]  I,  215,  s'en  alla. 

ToRNAi  IV,  49.  V.  notes,  p.  143. 

Tornaissent  IV,  109,  tournassent. 

ToRNiEKRE  II,  3"^.  V.  notes,  p.  102- 
103. 

Tors  II,  69.  V.  notes,  p.  112. 

Toz,  tos,  totes,  passim,  tout, 
tous,  toutes.  —  Del  tôt  en  tôt 
III,  139,  del  tôt  III,  141,  del 
tôt  en  outre  III,  201,  dou  tout 
III,  49,  entièrement. 

TouLETE  IV,  130.  V.  notes,  p.  154. 

Trai  I,  518,  tire;  traï  III,  225; 
traiant  I,  556  ;  traiez  I,  424  ; 
traioient  IV,  57. 

Tramble  IV,  S47,  tremble,  peu- 
plier. 


Transir  III,  64,  passer,  au  sens 
de  mourir,  du  l.  transire. 

Travaux  I,  575,  peines. 

Traveillie  [s'est]  I,  372,  s'est  don- 
né de  la  peine. 

Trebles  IV,  183,  triples,  terme  de 
musique. 

Treneborc  II,  20.  V.  notes,  p.  95. 

Trepié  IV,  204  ;  De  son  cheval 
firent  trepié,  ils  ecloppèrent 
son  cheval  et  en  firent  u/n 
trépied,  en  le  réduisant  à 
trois  jambes. 

Trere  I,  370,  tirer;  tret  I,  568. 

Trespas  III,  206,  passage. 

Trestout  I,  471,  etc.,  trestoz  II, 
110,  tout,  tous.  —  Trestuit  II, 
43,  etc.,  tous. 

Trestout  IV,  190, 195,  entièrement. 

Trestrent  [se]  IV,  303,  se  retirè- 
rent. 

Tret  [tout  a]  1,374,  tout  doucement. 

Triche  IV,  104,  trompe. 

Trie  la.  Bardoul  II,  34.  V.  notes, 
p.  101-102. 

Trive  IV,  55,  le  Trivium. 

Trives  II,  83,    trêves. 

Trop  I,  168,  etc.,   beaucoup,  très. 

Troussèrent  IV,  55,    chargèrent. 

Trover  I,  171,  trouver;  truis  I, 
332,  [je']  trouve  ;  trueve  1, 154, 
[il]  trouve. 

Trovor  I,  54,  trouvère. 

Tuit  III,  2,  4,  tous. 

Tupinel  IV,  346,  diminutif  de 
turpin,  espèce  inférieure  de 
soldats. 


GLOSSAIRK 


201 


U 

UeU  n,  78,  œil. 

Uevre  I,  243,  œuvre. 

UUe  m,  197  ;  ule  III,  208, 211, 212, 

huile. 
Userier  IV,  161,  usurier. 
Uz  III,  184,  usage. 


Vail  n,  84,  vaux. 

Vairrins  ni,  195,  de  verre. 

Vait  IV,  364,  450,  va. 

Valoir  ;  que  vaut  ce  ?  I,  474,  que 
signifie  cela? 

Veoir  I,  215,  etc.,  voir;  veez  I, 
164,  voyez  ;  veist  H,  75,  etc., 
eût  vu  (vidisset)  ;  veïssent  IV, 
110,  eusserit  vu;  verroiz  I, 
255,  verrez;  veû  I,  471,494, 
vu. 

Veoirs  1, 333,  verbe  employé  subs- 
tantivement: uns  seuls  veoirs, 
tm  seul  coup  d'œil. 

Venir  ;  vendra  m,  153,  viendra; 
vendront  IV,  451,  453,  vien- 
dront ;  venist  1, 73,  vint  ;  vin- 
drent  11,43,  IV,  222,  vinrent; 
viegne  I,  352,  vien/ne. 

Verdelai  n,  36.  V.  notes,  p.  102. 

Verge  IH,  149,  virge  III,  140, 
170,  vierge. 


Vergoingne  II,  58,   honte. 

Veemendois  n,  93.  V.  notes,  p. 
122. 

Vermentdn  II,  149.  V.  notes, 
p.  121-122. 

Vers  1,  381,  strophe,  tirade. 

Vers  (por)  IV,  14,  pour  vrai. 

Vers  I,  203,  248,  contre. 

Versepiebes  IV,  440,  personnifi- 
cation de  la  poésie  latine. 

Vessiaz  HI,  195,  vessas  III,  203, 
vaisseau,  vase. 

Vet  m,  151,  aille. 

Viande  in,  126,  129,  nourriture. 

Viele  m,  121,  IV,  176,  vielle 
(violon). 

Vieh  I,  212,  veut. 

Vif  I,  245,  vis. 

Vilenastre  IV,  111,  dérivé  de  vi- 
lain, avec  la  terminaison 
péjorative  astre. 

Vilenie  I,  28,  etc.,  vilenie  I,    197, 


Vis  I,  195,  289,  visage. 

Virgile  IV,  209. 

Voie,  route  ;  se  mistrent  a  la  voie 
IV,  61,  se  mirent  en  route. 

Voir  I,  486,  de  voir  II,  90,  m,  94, 
vraiment. 

Voire  m,  203,  verre. 

Voirs  I,  528,  m,  11,  vrai. 

Vois  m,  36,  vais. 

Voist  I,  56,  etc.,  aille. 

Voloir,  vouloir;  vueil  I,  172,  etc. , 
vuel  m,  35,  veux;  velt  I,  121, 
etc.,  veut;  vueiUent  I,  18, 
vuelent  I,  201,  veulent  ;  velle 


202 


GLOSSAIRE 


III,  154,  veuille  ;  volt  IV,  199, 
voulut;  vousist  II,  164,  vom- 
drait  ;  verrai  I,  30,  voudrai  ; 
verra  III,  260,  voudra;  vor- 
roient  I,  149,  voudraient; 
voudrent  IV,  312,  voulurent. 
Voz  I,  170  (suj.  maso,  sing.);  vo 


I,   27,  143   (rég.  fém.  sing.), 
votre. 
Vuile  III,  210,  huile. 


Y  Voyez  I. 


s«e4)(^©e^e^e''S<2^e»'3e>^e/3e<:>e>*êH^3e?^<^ 


TABLE  DES  RIMES 

I.  Le  Lai  d'Aristote.  —  II.  La  Bataille  des  Vins.  —  III.  Le  Dit  du 
chancelier  Philippe.  —  IV.  La  Bataille  des  .VII .  Arts. 


RIMES  MASCULINES 


A  I  81,  247,  506,  528,  536,  578  ;  II 
185;  m  15,25,  49, 121,  173,181, 
207,  251,  265  ;  IV  164, 178,  294, 
394. 

Ai  I  39,  49  ;  IV,  49. 

Ain  I  253,  362  (aim)  ;  IV  358. 

Aing  IV  109. 

Ains  II  99, 155  ;  III  155  ;  IV  19, 120, 
244,  324,  370,  432. 

Aint  I  115. 

AisI  189;  II  51. 

Ait  III 125. 

Al  1 197,  492  ;  IV  202,  268. 

Ane  II  5  ;  IV  194. 

Ans  III  225. 

Ant  1 11,  55, 103, 135,  347, 379,  416, 
518;  IV  184,364,446. 

Anz  I  564  ;  II  109  ;  IV  410. 

Ar  IV  57. 

Ars  IV  37,  67, 103,  330,  460. 

Art  I  275  ;  IV  344. 

As  II  65  ;  III  113  (az),  167,  2(K;  IV 
186. 

At  I  396  ;  II  189, 

Aus  I  231,  574  ;  III  97. 


Aut  I  239,  301. 

É  I  167,  213,  263,  283,  287,  546  ;  III 
9,  39,  45,  101,  249,  253  (ei)  ;  IV 
77, 107, 140,  316,  ^,  428. 

Eax  III  127. 

EfIII243. 

El  III  21,  255  ;  IV  346. 

Ent  I  23,  67,  177,  209,  229,  269,  309, 
436, 484,  498,  502  ;  II  87,  111  ; 
III 29  (ant),  55  ;  IV  65, 122, 126, 
158,354. 

Enz  IV  115. 

Er  I  47,  63,  149,  171,  255,  313,  450, 
454,  458,  530,  K2,  558  ;  II  29, 
95,  151  ;  III 71,  K»,  219,231;  IV 
198,  396. 

Ers  IV  9, 13,  422. 

Ert  I  392  ;  IV  101. 

Es  IV  338. 

Est  I  223  ;  III  27  (es). 

Et  I  373,  526. 

Eu  IV  136. 

Eu  1494. 


204 


TABLE  DES   RIMES 


Eus  IV  1  (euls),  124  (iex),  200,  214 
(iex),  402. 

Eut  I  187. 

Ez  I  412,  476,  510,  568  ;  II  135  ;  III 
13,  83,  161,  221,  259  ;  IV  23,  69, 
97,  118,  238,  256,  336,  416. 

Ex  II  125. 

1 1 145,  215,  235,  267, 327,  426,  576  ; 

II  37,  85,  123  ;   III  31,  53, 261, 

263  ;  IV  306,  456. 
la  II  169. 
lant  I  556. 

laus  II 103  ;  IV  7, 274,  368. 
laz  III  195. 
Id  III  241. 
lé  I  37,508  }  III  137,  157, 1T7;  IV 

204. 
lefi  199,504;  IV  392. 
len  I  77  ;  II  67  ;  III  175,237  ;  IV  99, 

196,  326. 
lens  m  95;  IV  25,  41,95. 
lent  I  367,  467. 
1er  I  99,  241,  317,  432  ;  II 183,  197  ; 

IV  II  (nier),  83, 242. 
lers  1 179,  438  ;  II  129  ;  IV  156. 
leus  III  109. 

lez  I  418, 424  ;  III  87  ;  IV  138. 
Il  IV  154. 

In  I  544  ;  II  175  ;  III  145, 257  (ins). 
InsII63, 121. 
Ion  III  111. 
Yon  II  25. 
Ions  IV  276. 
Ir  I  5,  69, 191,  311,  323,  514;  III  35, 

43,  131  ;  IV  190. 


Is  I  95,  107,  141,  211,  233,  345,  388 
(uis),  420,  430, 534  ;  III 115,  151, 
159  (iz),  189,223,229,247;  IV 
43,  296,  386. 

Ist  I  203  ;  II  75  ;  III  65. 

It  III  I?9  ;  IV  280. 

Iz  IV  378. 

O  III 239. 

Oi  I  91,  109,  219,  303,  306-308,  404, 

440  ;  II  9,  43,  137  (oy),  153. 
Oint  1 123,  480  ;  III  23. 
Oir  I  486  ;  II  195  ;  IV  312. 
Oirs  mil. 
Ois  I  478  (oiz),  534;  II  31,  71,93, 

101,  117,  141  ;  IV  440. 
Oit  I  31, 155  ;  II 171, 199  ;  III 81, 135, 

143, 185;  IV  298. 
Oiz  I  532. 
011205,442. 
Ois  III 123. 
Om  I  520  (um). 
On  I  195, 227  ;  II 177  ;  III  51,59, 197  ; 

IV  17,  35,  59, 180, 188,  286  (um), 

322,  376. 
Ons  I  33,572;  II  53,89,  91  ;  IV  128, 

384,  388. 
Ont  I  448  ;  IV  404,  430, 452. 
Or  I  53,  73,  87,  175,  265,  470  ;  II  7  ; 

IV  310,  412,418. 
Orc  II  19. 
Ors  I  357;  III  165,  213  ;  IV  47,  228, 

272,  292,  408. 
Ort  I  45  ;  II  59,  105,  201  ;  III  5. 
Os  I  446  ;  IV  334. 
Ost  IV  166, 


TABLE   DES   RIMES 


205 


OtI  139;  m  41. 

Oui  II  33. 

Ous  I  271,  488  (ouz);  H  145. 

Outil  173  (1). 

Outre  III 201. 

Oz  II  79  (ouz). 

U  I  494  ;  IV  342. 
Ua  III 147. 

(1)  Ms.  837,  aut. 


UefII41(oeO. 

Ueil  I  273  ;  II  27,77, 133  (eil). 

Uer  I  15  ;  III  85. 

Uet  I  119. 

Ui  I  21,  71,  105,  319,  524. 

UisI331,  410;  III  93. 

UitI462;  III  33,  141. 

Un  II 139. 

Ust  I  291. 

Ut  III  63,  119,  163. 

Uz  1 337  ;  III  183. 


RIMES  FEMININES 


AbleIIl,97. 

Ables  IV  105,  254. 

Ace  I  51,  93  ;  IV  170,  208. 

Aches  IV  53. 

Age  1 173,  335  ;  III  3,  99. 

Ages  II  11  ;  IV  51,  73,  328. 

Aies  IV  63  (oies). 

Aigne  I  fôl  (iegne). 

Aigres  I  339. 

Aille  IV  144. 

Aindre  I  548. 

Aine  I  159,  464  ;  II  167  ;  IV  282. 

Aines  I  315  ;  IV  314,  450. 

Ainte  I  299. 

AintesII127;III179. 

Aire  I  83,  249,  402  ;  IV  29, 234,  454. 

V.  ère. 
Aissent  II  61,  157  (naissent). 
Aite  I  43. 

Aie  I  243  ;  III  233  (aile). 
Aies  IV  382. 
Amble  I  538  ;  IV  81,  246. 
Ambre  II  161. 


Ame  I  143,  406;  III  227  (anme). 

Ampes  II  55. 

Anble  I  207. 

Ance  (anche)  I  29  113  ;  II  47, 193 

(iance);  IV  85,  132,  362,  442. 
Ances  IV  117. 
Ande  III  211  (ampe). 
André  I  79, 127. 
Andres  III  77. 
Ange  I  169. 
Angles  IV  390. 
Ante  IV  152. 
Aples  IV  130. 
Arche  II  119. 
Asse  I  390. 

Asses  IV  356  (nasses). 
Astre  IV  111. 
Auche  I  474  (aut  ce). 
Aune  II  39  (iaune). 

Ece  I  59,  490. 

Ée  I  129,  371,  414  ;  III  139  ;  IV  134, 
400,  406,  426. 


206 


TABLE  DES  RIMES 


Effes  IV  252. 

Eille  I  131,  394  (ele). 

Eize  IV  148. 

Ele  I  121,  383-87,434;  II  17,  107, 

113  ;  III  107  ;  IV  360. 
Eles  IV  176  (ieles). 
Elle  III  153. 
Ence  I  570  ;  II 21  ;  III  19  ;  IV  5,79, 

210. 
Ende  I  293. 
Endre  I  3,185,343,562;  III  133;  IV 

260. 
Enes  II  73  (esnes). 
Ente  I  355  ;  III  1. 
Entes  IV  434. 
Erbe  I  452  ;  IV  262. 
Erbes  IV  182  (ebles). 
Ère  I  1,  13,  57,  369,  428,  516;   IV 

374.  V.  aire. 
Ère  I  65,  550  ;  IV  240. 
Erent  II  69  ;  III  37  ;  IV  308. 
Erme  III  245. 
Erre  (uerre)  I  89;  II  13,  35,  115, 

181  ;  IV  172,  236. 
Erse  IV  93, 206. 
Erte  I  500  ;  III  67. 
Esce  IV  300. 
Esse  IV  162. 

Este  I  161,  482  ;  II  147  ;  IV  366. 
Estre  I  101,  165,  261;  II 163. 
Etes  I  359,  361  (ete);  II  83  ;  IV  174. 
Etre  I  25. 
Eurel  181,277,496. 

Ices  III  215  ;  IV  71. 

Ide  IV,  320. 

le  I  27,  41  (wis.  19152,  ièe),  97,  217, 


225,  251,  257,  304,  398,  460  ;  III 
75,  89, 171,  187,  199  ;  IV  21,  89, 
142,  168,  266,  270,  284,  340,  414. 

lecle  III  69  (iere). 

lée  IV  288. 

1ère  m  73;  IV  150,  302. 

lerent  IV  228. 

les  IV  352. 

levé  I  279. 

Igné  II  45. 

Ile  III  79. 

Ime  IV  232. 

Imes  IV  420. 

Ince  I  75  (ine). 

Ine  1542;  III  169. 

Ipes  IV  230. 

Iple  IV  258. 

Ippe  II  3  (ipe)  ;  III  17  (ipe). 

Ypre  II  15. 

Ique  IV  15,  218,  224,  304,  ^0,  372. 

Iques  IV  216,  290. 

Ire  I  17,  61,  221,  353,  472,  560  ;  III 
191  ;  IV  45. 

Irent  IV  438  (uirent). 

Ise  I  281,  444  ;  IV  33  (isse). 

Isme  IV  192  (ime). 

Istre  IV  27,  444. 

Ite  I  85,  II  81  ;  III  217. 

Ive  I  201. 

Ivres  I  321  (yvres). 

Obe  IV  220. 
Oche  I  183;  II  131. 
Oent  I  9. 

Oie  I  193,  365  ;  III  7, 57, 61  ;  IV  61. 

Oient  I  35;  II 143,  159  ;  III 91,  103  ; 

IV  226,  2Ô0,  278,  318,  348,  44». 


TABLE   DES   RIMES 


207 


OUeI381;ni87;m235. 

Oine  II 165. 

Oingne  II  57. 

Ointe  I  259. 

Oire  III 117  (ore),  203  ;  IV  39, 75. 

Oise  1 19  ;  II  179. 

Oive  I  377. 

Oivent  I  554. 

Ole  1 117,  II 49  ;  IV  87, 398. 

Oies  IV  248. 

Ombre  IV  146. 

Omme  1 111. 

Onde  I  295. 

Ondre  IV  264. 

One  I  512  ;  II  23  (onne),  203. 

Onne  I  245. 

Onques  I  147, 329. 

Onte  I  157,  237  ;  IV  160. 

Ontes  II 191. 

Ore  I  325. 

Orde  IV  3. 

Ordes  IV  113. 

Orte  I  297,  456. 

Ose  1 289,  375, 522  ;  III 193. 


Osent  1 137. 

Oste  I  333. 

Ote  III  209  ;  IV  212. 

Otes  III  *7. 

Oudre  IV  436. 

Oute  1 133  (ote),  163, 422  (oto)  ;  IV 

332. 
Outes  I  566. 
Outre  III 201. 


UWes  IV  424. 

UeI400. 

Uerre  II,  149. 

Ueurre   I    349   (ueure). 

Uevel  153. 

Uide  I  341. 

Uire  IV  ^8. 

Uite  I  125. 

Urne  I  7. 

Une  I  151. 

Ure  I  285,  408,  540  ;  IV  91. 

Urent  IV  31. 

Uve  IV  55. 


Le  ms.  19152  présente  encore  les   rimes   suivantes  :  uevre  I  47  ; 
anbes,  angles  IV  182;  aces  IV  426.  V.  Variantes. 

Le  ms.  1104  (nouv.  acq.  fr.)  :  ours,  oua  I  271  ;  ie,  in,  oine  (oigne) 
fin  du  Lai  d'Aristote.  V.  Variantes. 


42 


TABLE 


Introduction ^ ^yn 

Li  Lais  d'Aristote 1 

La  Bataille  des  Vins 23 

Le  Dit  du  chancelier  Philippe 31 

La  Bataille  DES  .vu.  Ars 43 

Variantes 61 

Notes  et  éclaircissements 81 

Glossaire 178 

Table  des  rimes 203 


2^'l 


?-!( 


ADDITIONS 


Introduction,  p.  xxxix.—  Dans  son  Dictionnaire  iconogra- 
phique de  Vantiquité  chrétienne  et  du  moyen  âge,  1843,  in-S", 
L.-J.  Guenebault  a  mentionné,  t.  I,  p.  91,  col.  2,  à  l'article 
Aristote,  la  sculpture  en  bois  des  stalles  de  Rouen,  la  sculp- 
ture en  ivoire  figurée  par  Montfaucon,  les  bas-reliefs  de  Saint- 
Jean  de  Lyon  et  du  château  de  Gaillon;  il  n'a  rien  dit  du 
chapiteau  de  Saint-Pierre  de  Caen,  ni  du  bas-relief  du  portail 
de  la  Calende  de  la  cathédrale  de  Rouen. 

P.  xLi-xLiii. —  J'ai  connu  les  détails  suivants  troj^tard  pour 
en  faire  usage  dans  l'introduction.  Dans  son  intéressante  étude 
sur  Virgile  Venchanteur  (Mélanges  archéologiques  et  litté- 
raires, 1850,  in-80),  M.  Ed.  Du  Méril  parle,  p.  474,  de  la  légende 
d'Aristote  et  cite  ce  passage  où  Jean  de  Meung  (Codicile, 
st.  441)  dit  en  parlant  de  la  luxure  : 

Virgile  et  Aristote  en  furent  ja  si  ivre. 

Que  petit  leur  valurent  leur  engin  et  leur  livre. 

M.  Ed.  Du  Méril  ajoute  en  note  :  «  Il  (le  Lai  d'Aristote)  ne 
tarda  pas  à  jouir  en  Europe  d'une  grande  popxilarité  :  on  le 
racontait  même  en  chaire  comme  une  autorité,  ainsi  que  le  prouve 
le  Promptuarium  exemplorv/m,  lettr.  M,  tit.  Des  femmes, 
ex.  67.  Nous  citerons  parmi  les  poètes  qui  y  ont  fait  allusion, 
Gower,  Confessio  Amantis,  1.  VIII,  fol.  189  ;  Hawes,  The 
pastime  of  pleasure,  ch.  XXIX,  p.  137,  éd.  de  1845;  Hans 
Sachs,  Comedi,  t.  III,  P.  II,  fol.  64,  éd.  de  1561  ;  Durante  da 
Gualdo,  Leandra,  1.  VI,  loi.  39,  éd.  de  1508.  Lange  n'a  pas 
manqué  de  recueillir  cette  histoire  dans  son  Democritus  ridens, 
p.  605,  éd.  de  1689,  etc..  » 

Le  Recueil  des  poésies  françaises  des  XV^  et  XV I^  siècles, 
publié  par  MM.  A.  de  Montaiglon  et  J.  de  Rothschild  (Bibl. 
elzév.)  renferme  plusieurs  allusions  à  la  légende  d'Aristote.  Dans 
la  pièce  intitulée  La  grant  malice  des  femm,es,  t.  V,  p.  301- 
318,  l'auteur  accuse  les  femmes  d'avoir  déçu  tous  les  grans  du 
monde  et  parmi  eux  Aristote,  p.  313.  Le  même  recueil  contient, 
t.  X,  p.  225-268,  La  vraye  discm,t  Advocate  des  Dam^s,  pièce 
attribuée  à  Jean  Marot  ;  on  y  lit  les  trois  vers  suivants,  p.  243  : 

-*  .  Là  çà,  gentilles  mignonnes, 

Il  vous  fault  planter  vos  boumes 
Encontre  AristoteUès. 


ADDITIONS 

Enfin,  dans  le  Monologue  fort  joyeulx,  etc.,  t.  XI,  p.  176- 
191,  l'auteur  énumère  les  maux  que  les  femmes  firent  aux  per- 
sonnages les  plus  célèbres,  à  commencer  par  Adam,  et  ne 
manque  pas  d'ajouter,  p.  184  : 

Virgilius  en  fut  infâme 
Et  Aristote  chevauché. 

A  cet  endroit,  les  éditeurs  du  recueil  ajoutent  en  note  :  «  Grin- 
gore  y  fait  également  allusion  (à  la  légende  d' Aristote)  dans  les 
Menus  propos  de  Mère  Sotte,  mais  c'est  par  dame  Raison  qu'il 
fait  chevaucher  Aristote. 

P.  XLiv.  —  A  propos  de  la  légende  d' Aristote,  V Histoire  lit- 
téraire de  la  France,  t.  XXIII,  p.  76,  renvoie  aux  Latin 
stories,  p.  74,  et  Legrand  d'Aussy,  Fabliaucc,  t.  1,  p.  280,  à  la 
Bibliothèque  instructive  (  t  amusante,  t.  II,  p.  15  ;  je  n'ai  pu 
consulter  ces  deux  ouvrages. 

P.  L. —  J'ai  dit  à  tort  qu'une  seule  imitation  a  été  faite  en 
notre  temps  du  Lai  d'' Aristote.  A  l'Exposition  universelle  de 
1855,  figurait  un  tableau  de  M.  Henri  Lehmann,  représentant  le 
grave  philosophe  chevauché  par  la  jeune  Indienne.  Ce  tableau 
faisait  alors  partie  de  la  galerie  de  lord  Seymour. 

P.  XGiv.  —  Un  tirage  à  part  à  cent  exemplaires  de  cette 
seconde  édition  a  été  fait  dans  le  format  in-8o,  sous  ce  titre  : 
La  querelle  des  anciens  et  des  modernes  au  XIII^  siècle  ou 
la  Bataille  des  VII  Arts,  par  Henri  d'Andeli,  trouvère  du 
temps  de  saint  Louis,  Paris,  chez  Frédéric  Henry,  m.dccc.lxxv. 
Jubinal  lui  a  donné  pour  préface  la  note  à  peine  modifiée  qui 
appartient  au  v.  51  de  la  pièce  de  Rutebeuf,  intitulée  :  De 
Maistre  Guillaume  de  Saint-Amour  {Œuvres  de  Rutebeuf, 
édit.  elzév.,  t.  I,  p.  87-89). 

P.  37,  V.  173-175.  —  A  propos  du  v.  258,  M.  P.  Meyer  dit  : 
«  Il  y  a  per  en  toutes  lettres;  partout  ailleurs,  par,  ou  le  plus 
souvent,  p  barré.  »  Si,  dans  le  v.  174,  il  y  a  p  barré,  ne  pourrait-on 
pas  l'interpréter  per  et  noa  par  :  Nus  n'en  seûst  dire  per 
(égal),  c'est-à-dire  parler  également  bien. 

P.  54,  V,  296. —  Le  nom  du  personnage  allégorique  que  le 
poète  appelle  le  bon  Ego  mei  vel  m,is,  reproduit  les  premiers 
mots  de  la  formule  que  les  grammaires  du  moyen  âge  donnaient 
pour  la  déclinaison  du  pronom  de  la  l^e  personne  :  Ego  mei 
vel  mis  mihi  m,e  a  m,e. 


:z/^ 


ERRATA 


^13 


Pages 

Lignes 

AiA  lieu  de  : 

Lisez  : 

XXXIV 

12 

qu'on  y 

qu'on  n'y 

XLVII 

28 

1871 

1781 

LXV 

23 

Du  BouUay 

Du  Boulay 

LXXIV 

26 

Vers 

833-836 

853-856 

26 

87 

Meulent, 

Meulent  : 

29 

164 

Lignes 

vousistestre, 

vousistestre, 

84 

9 

que  au . 

que,  au 

125 

20 

garsellum 

garsallum 

150 

16 

Eï^y3|u.ta 

¥jvd-np.ioc. 

162 

17 

leçon 

leçon 

21^ 


çAchevé  dHmprimer 
A  ROUEN 

LE   QUINZE   DÉCEMBRE   MIL   HUIT   CENT   QUATRE-VINGT 

Par  Espérance  Cagniard. 


r-\ 


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UNIVERSITY  OF  TORONTO  LIBRARY 


PQ  Henri  d»Andeli,  13th  cent. 

I4B5  Oeuvres 

H28A14